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Bora - Un an après

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Bora - Un an après

D'origine congolaise, la famille Riziki a fui son pays en direction de l'Afrique du Sud, avant d'être réinstallée en France l'année dernière. Petit à petit, la vie reprend son cours pour Bora et ses deux enfants...
14 Mai 2018
Bora et ses deux enfants, des réfugiés congolais, s'installent en France
Bora et ses enfants, des réfugiés congolais, vivent dans le sud-est de Paris. Ils visitent le Sacré Coeur à Montmartre, l'un des endroits les plus touristiques de la capitale.

« Tu sais, le 21 mars, c’était notre anniversaire… Ça fait un an qu’on est en France ! » annonce fièrement Bora, en déposant sur la table basse de son appartement d’appétissantes assiettes de poulet épicé. La jeune femme de 25 ans porte un foulard qui retombe légèrement sur ses épaules.

« Maintenant, je me sens bien ici. Tout va bien, » confie-t-elle. Le salon de leur appartement de Boussy-Saint-Antoine, une commune située à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Paris, est désormais aménagé et décoré avec soin. « Une voisine très gentille nous a offert ce canapé. On est devenues amies. Elle aime beaucoup les enfants, elle leur a même donné des jouets, » dit Bora.

Petit à petit, elle commence à s’intégrer, et à développer un semblant de vie sociale. Lors d’un rendez-vous à l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), elle a rencontré un couple de Congolais également réfugiés. Les deux familles se sont rapprochées et ont passé les fêtes de fin d’année ensemble. 

« Pour le Nouvel An, on est allés chez eux à Saint-Denis avec les enfants. On a fait un bon repas, on a cuisiné un pap (plat traditionnel sud-africain). Depuis on se voit souvent. Environ une fois par semaine, d’ailleurs ils vont peut-être venir ici demain. Quand ils sont là, j’oublie mes problèmes, c’est un peu comme si c’était les vacances ! » explique Bora.

« Ce qui est bien en France, c’est la sécurité… »

Son regard s’échappe par la fenêtre.  « Ce qui est bien en France, c’est la sécurité… » dit-elle. « Ici, je n’ai pas peur des voleurs ou de me faire attaquer dans la rue. » Bora a connu la guerre au Congo, puis la violence du bidonville de Delft en Afrique du Sud où le père de ses enfants a été assassiné. La sécurité est un sentiment nouveau et salvateur pour cette jeune femme.

Pourtant, elle avoue à demi-mot : « Je vais bien, mais tu sais, des fois c’est dur… Mon frère me manque beaucoup. J’ai des amis maintenant heureusement, mais ce n’est quand même pas pareil… Et puis savoir qu’il est toujours là-bas, à Delft, je n’aime pas ça, » ajoute-t-elle.

Cependant, Bora ne se laisse pas submerger par la nostalgie et pense d’abord à ses enfants. Elle se réjouit du fait que, début février, sa fille Amina, atteinte de surdité, ait été acceptée dans une école spécialisée : l’établissement intégré Charles Gatinot à Montgeron. C’est une immense joie pour la fillette, ravie d’aller à l’école après ces longs mois d’isolement.

Amina, pourtant agitée à la maison, se révèle une élève sérieuse et motivée. Cet investissement lui permettra sans doute de rattraper son important retard : en effet, chaque pays possède sa propre langue des signes. A six ans, Amina doit donc repartir de zéro. Comme sa mère et son frère, elle va devoir apprendre une nouvelle langue pour pouvoir s’intégrer dans son pays d’accueil.

« Parfois, le dimanche, elle met ses chaussures et prend son cartable. Quand je lui montre qu’on reste à la maison, elle n’est pas contente ! »

« Cette petite adore l’école », s’étonne Bora. « Parfois, le dimanche, elle met ses chaussures et prend son cartable. Quand je lui montre qu’on reste à la maison, elle n’est pas contente ! » dit-elle.

Maintenant que ses deux enfants sont scolarisés, Bora a également pu commencer sa formation linguistique obligatoire. « Toute la famille va à l’école », s’amuse-t-elle. Elle suit, tous les matins, des cours de français en petits groupes de sept ou huit adultes. « Ils viennent de tous les pays. Il y a des femmes, des hommes, certains sont jeunes, d’autres vieux, » raconte-t-elle en français.

Consciencieuse, elle n’hésite pas à demander une traduction dès qu’elle bute sur un mot. « Le français ce n’est pas facile, mais j’aime bien apprendre de nouvelles langues. Je ne suis pas beaucoup allée à l’école, pourtant je parle swahili, lingala, anglais et maintenant un peu français ! »

Les jours fériés, lorsque le temps le permet, la petite famille se rend au parc de Boussy-Saint-Antoine. Sur le chemin, Ibrahim, huit ans, s’immisce dans la conversation : « Moi aussi je parle un petit peu français, mais je ne sais pas encore lire et écrire très vite », regrette-t-il. « Tu sais dans ma classe personne ne parle anglais », raconte-t-il, d’un air moitié surpris, moitié moqueur. « Avec mes copains et mes copines, on parle un peu en français et on joue beaucoup, et hier, on est allés à la piscine avec l’école ! », conclue-t-il, avant faire une démonstration acrobatique de ses progrès en natation.

« La famille qu’il me reste en Afrique me demande de leur envoyer de l’argent. Je leur ai dit que ce n’était pas si simple, mais ils ne me croient pas. »

Aussitôt franchies les grilles du parc, les enfants courent rejoindre leurs amis. Sans les quitter du regard, Bora s’assoit sur un banc au soleil et étend les jambes un bref instant. « J’ai enfin reçu le RSA (Revenu de solidarité active) en décembre. Ils étaient en retard et m’ont tout versé d’un coup, mais je ne sais pas combien je recevrai les mois suivants », explique-t-elle.

Si les choses se mettent en place tout doucement du point de vue administratif, l’aspect financier demeure un sujet d’inquiétude important. « La famille qu’il me reste en Afrique me demande de leur envoyer de l’argent. Je leur ai dit que ce n’était pas si simple, mais ils ne me croient pas, » indique Bora.

Malgré son jeune âge, elle a conscience qu’elle doit gérer son budget et économiser pour subvenir en priorité aux besoins de ses enfants. C’est pour ces raisons qu’elle est impatiente de trouver un emploi et de gagner en indépendance : « Je ne sais pas ce que je pourrais faire comme métier… Peut-être prendre soin des personnes âgées ? C’est quelque chose que j’aimerais bien faire, je crois, » confie-t-elle.