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En sécurité, mais en souffrance après les horreurs vécues en Libye

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En sécurité, mais en souffrance après les horreurs vécues en Libye

À Agadez, Filippo Grandi, le chef du HCR, a exhorté la communauté internationale à soutenir le Niger.
21 Juin 2018
Des réfugiés qui ont échappé à la guerre dans la région soudanaise du Darfour pour subir ensuite toutes sortes d'abus en Libye sont désormais en sécurité dans un centre de réception à Agadez, au Niger.

AGADEZ, Niger – Leur existence se limite à attendre dans la chaleur. Nombre d'entre eux doivent dormir directement sur le sol. Mais au moins, ils sont maintenant en sécurité.

Ce sont des réfugiés, des demandeurs d'asile et des personnes relevant de la compétence du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Ils sont aujourd'hui en attente à Agadez, au Niger. La plupart sont soudanais et ils sont nombreux à relater d'épouvantables récits.

Pour certains comme Abu Bakr, le périple a commencé dans un camp de réfugiés tentaculaire du Darfour, au Soudan. En quête d'une vie meilleure, il s’est enfui vers le nord et la Libye où il a été fait prisonnier par des passeurs qui ont exigé de lui de l'argent qu'il n'avait pas.

« Ils m'ont battu. J'ai pensé qu'ils pourraient me tuer. J'ai vu des hommes se faire massacrer, » dit-il.

Puis, un Libyen s'est présenté au camp des passeurs et a acheté sa liberté. Abu Bakr a dû rembourser sa dette en travaillant pendant six mois dans son exploitation, dans des conditions de quasi-esclavagisme. Il s’est de nouveau enfui, vers le sud cette fois pour rejoindre le Niger et arriver à Agadez il y a trois mois.

« Ici, je suis en sécurité. Mais je voudrais tout de même travailler pour aider ma mère et mes frères au Darfour, » dit-il.

« Je voudrais tout de même travailler pour aider ma mère et mes frères au Darfour. »

Située dans le désert, Agadez a toujours été un carrefour de transit et d'échange entre le nord et le sud. Au cours des dernières années, les mouvements de population se sont surtout faits vers le nord et la Libye, organisés les trafiquants et les passeurs. Les affaires étaient lucratives. Toutefois, lorsque le Gouvernement nigérien y ont mis un terme, les flux de population ont diminué et les bénéfices avec.

Aujourd'hui, les flux de population s'orientent au sud, nourris par les Soudanais qui s'échappent de Libye et de plusieurs milliers de personnes expulsées d'Algérie. À la fin mai, on recensait 2076 personnes en provenance de la Libye qui avaient besoin d'une protection internationale.

La population locale est agitée, car l'aide publique supplémentaire promise par les autorités ne s'est pas encore matérialisée.

Plus de 1000 hommes, femmes et enfants vivent dans un centre d'hébergement surpeuplé. Certains des nourrissons sont nés en Libye, d'autres à Agadez. L'un d'entre eux est né il y a deux jours seulement. Douze pour cent des enfants sont non accompagnés.

Un nourrisson soudanais de deux jours endormi au centre de réception d'Agadez qui offre un abri et des services médicaux aux réfugiés et à d'autres personnes qui ont été forcées de fuir leur foyer.

« La situation est extrêmement complexe, » déclare le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, qui était en visite à Agadez dans le cadre d'un voyage visant à marquer la Journée mondiale du réfugié en Libye, au Niger et au Mali.

« Je demande instamment qu'une aide au développement soit apportée à la communauté locale. Que cela nous plaise ou non, la cessation de la traite d’êtres humains a eu pour conséquence que des milliers de familles ont perdu leur moyen de subsistance. Si la communauté internationale ne soutient pas le Niger, ces familles pourraient se retourner contre les étrangers bloqués ici. »

Bien que les Soudanais soient majoritaires parmi les nouveaux arrivants, d'autres nationalités sont également représentées : Maliens, Tchadiens, Camerounais et Congolais. Ils sont nombreux à avoir fui la violence et l'instabilité.

Des enfants réfugiés ont chanté pour Filippo Grandi, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, lors de sa visite au centre de réception d'Agadez, au Niger.

Bella a 28 ans. Secouée de tremblements, elle fait en pleurant le récit des horreurs qui ont détruit sa famille au Cameroun. Des hommes armés ont fait irruption chez elle, ont saisi son père et l'ont attaché à un arbre avant de l'abattre. Ils ont tranché le bras de sa sœur sous ses yeux.

Elle a réussi à prendre la fuite, mais a perdu contact avec son frère. Une semaine plus tard, quatre hommes se sont emparés d'elle et l'ont violée.

« Je suis traumatisée, » dit-elle, le visage ruisselant de larmes.

Ils sont nombreux comme elle à vivre aujourd'hui dans les centres d'hébergement, en sécurité mais en souffrance.

« Nous devons améliorer les abris, les soins médicaux et les équipements d'assainissement. »

Le chef du HCR, Filippo Grandi, a indiqué que des efforts ont été engagés pour atténuer ces souffrances.

« La situation est complexe et requiert un examen soigneux, très probablement au cas par cas, ce que les pouvoirs publics et le HCR commenceront à faire dès le mois prochain, » a-t-il déclaré. « Dans l'intervalle, et pour des raisons humanitaires, nous devons améliorer les abris, les soins médicaux et les équipements d’assainissement. Il y a des femmes enceintes qui ont besoin d'une attention urgente. Nous avons également identifié un site vers lequel ils pourront être déménagés et où nous pourrons leur apporter assistance de manière organisée et sans créer de problèmes pour les communautés locales. »

Quoi que l'avenir lui réserve, le passé de Bella reste présent et terrifiant, surtout la nuit.

« Je fais des cauchemars, » dit-elle. « Je vois mon père attaché à l'arbre. Je vois les hommes qui viennent s'emparer de moi. »