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Jamais un jour tranquille à la maternité de l'hôpital de Bunj

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Jamais un jour tranquille à la maternité de l'hôpital de Bunj

Seul centre chirurgical opérationnel de l'État du Haut-Nil au Soudan du Sud, cet hôpital de 120 lits comprend désormais une unité de néonatologie.
25 Septembre 2018
Gisma Al Amin, une réfugiée soudanaise, est assise avec son nouveau-né à la maternité de l'hôpital de Bunj, dans le comté de Maban, au Soudan du Sud. « Je veux que mes enfants aient une éducation. Ce garçon ira à l'école pour être médecin. »

On n’a jamais le temps de s'ennuyer à la maternité de l'hôpital de Bunj, au Soudan du Sud. Quelques femmes arrivent à pied, mais la plupart sont déposées par ambulance ou transportées sur des civières faites de cordages.


Gisma Al Amin, une réfugiée soudanaise de 28 ans, est arrivée en ambulance après un parcours chaotique de 40 minutes depuis le camp de réfugiés où elle vit. Quelques heures plus tard, elle serrait contre elle un petit garçon, son quatrième enfant, après un troisième accouchement par césarienne. Elle l'a appelé Atar, du nom du médecin qui l'a mis au monde.

« J'avais entendu parler du Dr Atar à l'époque où je vivais encore dans le Nil Bleu », dit Gisma, évoquant l'État soudanais qu'elle a fui en 2013 quand son village a été attaqué par des groupes armés.

« Beaucoup de gens parlaient de lui là-bas. Tout le monde sait qu'il donne des soins de grande qualité. Si vous interrogez les gens dans le Nil Bleu, ils vous diront ‘c'est notre médecin’. »

Evan Atar Adaha (que l'on appelle par son deuxième prénom) est un médecin sud-soudanais qui a travaillé pendant 12 ans à Kurmuk, dans le Nil Bleu, où il était souvent l'unique chirurgien.

Lui aussi a fui les combats en 2011, comme des dizaines de milliers de Soudanais. Il est aujourd'hui chirurgien en chef et directeur des services médicaux de l'hôpital de Bunj, près de la frontière avec l'État du Nil Bleu.

« J'ai besoin de bien saisir les situations stressantes auxquelles les patientes sont confrontées. »

Seul centre chirurgical opérationnel de l'État du Haut-Nil, cet hôpital de 120 lits comprend aujourd'hui une section de néonatologie et une unité de lutte antituberculeuse de 20 lits. Ouvert 24 heures sur 24, il dessert une population de près de 200 000 personnes, dont 140 000 réfugiés.

Les dispensaires de santé établis dans les camps de réfugiés sont rattachés à l'hôpital de Bunj. Le HCR finance les services de l'hôpital via plusieurs partenaires locaux.

Les quatre médecins de l'équipe chirurgicale réalisent en moyenne 58 opérations par semaine. En 2017, les réfugiés représentaient plus de 70 % des cas chirurgicaux. L'hôpital n'a pas d'unité d'isolement, ni de service de soins intensifs.

Quand il fait chaud et qu'il y a trop de monde dans les services, les patients sont souvent amenés à l’extérieur par les membres de leur famille qui les installent à même le sol dans l'enceinte de l'hôpital où ils font la cuisine sur des feux ouverts, à l'ombre des palmiers et des margousiers, tout en repoussant les chèvres, les chiens errants et les petits cochons.

Le Dr Atar estime qu’il a aidé à la naissance de plus de 800 enfants depuis son arrivée à Maban. Dans cette région, il est fréquent que les femmes donnent à leur enfant le nom du médecin qui les a accouchées. Les infirmiers plaisantent souvent en disant qu'il y a une multitude de petits Atar qui grandissent dans le Haut-Nil et le Nil Bleu.

La maternité compte huit lits, mais peut accueillir jusqu'à 20 patientes qui sont renvoyés chez elles sous 24 heures si l'accouchement s'est bien passé. Durant une nuit particulièrement agitée, le Dr Atar a réalisé six césariennes.

« Vous êtes un être humain et vous devez donc planifier votre existence. »

Comme l'enfant de Gisma avait une infection cutanée, ils sont restés tous les deux à la maternité pendant quelques jours. Au cours de ses tournées quotidiennes, le Dr Atar venait voir Gisma pour lui parler de planification familiale et du risque de césariennes multiples, dont chacune présente un risque supplémentaire pour la vie de la mère et de l'enfant.

Avec beaucoup de diplomatie, il a suggéré que son mari vienne lui rendre visite pour discuter avec eux de l'importance d'une planification familiale.

« J'ai besoin de bien saisir les situations stressantes auxquelles les patientes sont confrontées », dit le Dr Atar. « Et quand elles vous racontent les secrets de leur existence, alors vous avez la possibilité de les conseiller ou de leur dire ce qu'il convient de faire. »

Il faut être diplomate, ajoute-t-il, et laisser le mari voir son avantage. « Je dis ceci aux hommes : ‘si vous pensez avoir assez d'enfants, votre femme devrait se faire ligaturer les trompes. Tous ces enfants doivent être scolarisés. Si vous en avez trop, comment pourrez-vous les envoyer à l'école ? Les poules font une vingtaine de poussins mais, au bout du compte, seulement cinq survivent. Vous êtes un être humain et vous devez donc planifier votre existence’. »

Gisma n'a pas besoin d'être convaincue. « Je veux que mes enfants aient une éducation », déclare-t-elle. « Ce petit ira à l'école pour devenir médecin. »