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Dix années à fuir : la vie des réfugiés rwandais reflète l'histoire tumultueuse de la région des Grands Lacs

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Dix années à fuir : la vie des réfugiés rwandais reflète l'histoire tumultueuse de la région des Grands Lacs

Le long voyage d'une famille rwandaise à travers le vaste Congo témoigne du génocide, des nombreuses guerres et autres tragédies qui ont frappé la région africaine des Grands Lacs ces dernières douze années. Enfin se dessine, au moins pour cette famille, un épilogue heureux.
26 Octobre 2006 Egalement disponible ici :
Hilarie Mukamurara, enseignante et ancienne réfugiée, reprend son travail dans sa classe au Rwanda. Pendant onze ans de fuites successives au sein de la RDC, elle a essayé de sauver sa famille.

DISTRICT DE MUHANGA, Rwanda, 26 octobre (UNHCR) - Après avoir fui pendant une décennie, victimes des spasmes des guerres qui ont secoué la région des Grands Lacs, Hilaire Mukamurara et son mari, Pierre Myiridandi, des réfugiés rwandais, ont finalement réussi à rentrer dans leur village l'année dernière - pour découvrir que leur trois parcelles de terre ont été vendues illégalement en leur absence.

Les litiges fonciers sont très courants pour les réfugiés qui rentrent chez eux partout dans le monde, mais celui-ci a pris une tournure particulièrement sérieuse. L'intrus a traîné Pierre, un agriculteur de 53 ans, devant un gacaca, un tribunal traditionnel rwandais, en l'accusant d'avoir participé au génocide rwandais en 1994. (Les gacaca, tribunaux basés sur la justice traditionnelle, ont été créés par le gouvernement pour combler le retard dans le traitement des cas et faire passer en jugement le grand nombre de suspects de génocide qui dépérissent depuis des années dans les prisons rwandaises.)

« Le nouveau propriétaire essaie de m'accuser de génocide pour m'empêcher de récupérer ma terre », explique Pierre. « Mais mes voisins savent que je suis innocent et je n'ai pas été reconnu coupable sur la base de ses fausses déclarations. » Il raconte qu'il a pu prouver qu'en 1994, il ne se trouvait même pas dans son village - mais dans une autre province, où il fréquentait une école secondaire pour adultes - « il était donc impossible que je participe aux événements qui se sont passés dans mon village à cette époque. »

Heureusement pour Pierre, ses voisins ont confirmé son histoire et il a été acquitté. Maintenant il concentre ses efforts pour reprendre sa terre à l'individu qui l'a accusé.

Ce fut un long et tortueux voyage, depuis ce jour de 1994 lorsque la famille de Pierre quitta le pays avec deux autres millions de Rwandais pour fuir le génocide. La frénésie meurtrière dura 100 jours et 800 000 Tutsis, faisant partie du groupe minoritaire, et Hutus modérés furent massacrés par leurs voisins.

« La guerre de 1994 au Rwanda nous a forcés à fuir vers la RDC en abandonnant tout ce que nous possédions », raconte Hilaire, en parlant de la République démocratique du Congo qui, à l'époque, s'appelait Zaïre et a accueilli 1,2 million de réfugiés rwandais.

Pendant deux ans, ils ont habité dans un camp de réfugiés géré par l'UNHCR dans la région du Sud-Kivu à l'est de la RDC, jusqu'à ce que les camps soient fermés pendant la guerre de 1996 durant laquelle le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila s'est emparé du pouvoir détenu jusqu'alors par le Président Mobutu Sésé Seko.

Les réfugiés se sont dispersés dans les forêts denses de l'est du Congo. En quête de sécurité et d'un moyen pour rentrer au Rwanda, la famille d'Hilarie et Pierre a voyagé pendant plus de huit ans d'un endroit à l'autre dans la brousse recouvrant cet immense pays africain.

« Nous étions bloqués dans la forêt, sans logement, et nous avons souffert de l'insécurité, du froid et de la faim », se rappelle Hilarie. « Nous construisions de petites huttes avec des feuilles de palmier pour nous protéger contre le froid et la pluie. Parfois nous réussissions à travailler en tant que fermiers pour la population congolaise. »

Pierre ajoute : « Pendant de nombreuses années, les groupes rebelles en RDC nous ont empêchés de rentrer en sécurité au Rwanda. » Ils ont aussi été coupés de l'actualité du reste du monde.

« Nous tombions par hasard sur des gens qui nous apportaient des nouvelles sur la situation de paix actuelle au Rwanda », a indiqué Pierre. « Dans la brousse (en RDC), nous ne recevions pas la radio alors les paysans étaient notre seule source d'information. »

Même après dix ans de fuite, leur saga, une reproduction à petite échelle de l'histoire congolaise, n'était pas terminée. En 2004, ils ont été kidnappés par des rebelles Maï-Maï, une émanation des « milices magiques » qui avaient combattu le gouvernement central de la RDC, enhardis par leur croyance selon laquelle l'eau bénite et les fétiches pourraient les protéger contre les balles.

Emprisonnés dans une maison par des Maï-Maï, la famille d'Hilarie et Pierre a finalement réussi à s'échapper, mais elle a perdu le plus jeune de ses cinq enfants, un garçon de 14 ans, dans sa fuite dramatique. Espérant que quelqu'un prendrait soin de leur enfant perdu, ils ont adopté la fille d'un ancien voisin qu'ils ont trouvée errant dans la forêt. Finalement, ils ont réussi à atteindre les camions des forces des Nations Unies pour le maintien de la paix (MONUC) qui les ont transportés vers un centre de rassemblement afin que l'UNHCR puisse ramener la famille au Rwanda.

Là ils ont tenté de rassembler les morceaux de leur ancienne vie. A côté de trois parcelles de terrain qui avaient été illégalement vendues par la soeur de Pierre, ils avaient une maison, qu'ils ont réclamée et reconstruite avec l'aide d'amis et de voisins.

Hilarie a retrouvé son emploi d'enseignante, mais cela n'a pas résolu tous leurs problèmes. « Mon salaire de 42 000 francs rwandais (environ 75 dollars) suffit à peine pour nourrir la famille et payer les frais de scolarité de mes enfants », explique Hilarie. « Notre vie changerait beaucoup si nous pouvions récupérer nos biens. »

Ils viennent juste de recevoir de bonnes nouvelles qui allègent un peu le fardeau de la peine et des difficultés endurées. « Nous avons eu récemment des nouvelles de quelqu'un qui aurait vu notre enfant en RDC », raconte Hilarie, « alors nous gardons espoir de le revoir. »

Par Beatriz Gonzalez au Rwanda