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Le cinquantième anniversaire de l'insurrection hongroise et de la crise des réfugiés

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Le cinquantième anniversaire de l'insurrection hongroise et de la crise des réfugiés

L'insurrection de 1956, et l'opération humanitaire hors du commun pour les réfugiés et la réinstallation qui suivirent, façonnèrent la manière dont les organisations humanitaires, l'UNHCR en tête, allaient répondre aux crises de réfugiés lors des décennies à venir.
23 Octobre 2006 Egalement disponible ici :
Quelques-uns des premiers arrivants au camp de Traiskirchen, près de Vienne. En trois mois, 200 000 Hongrois ont fui vers l'Autriche et la Yougoslavie.

GENEVE, 23 octobre (UNHCR) - Il y a cinquante ans aujourd'hui, le 23 octobre 1956, une manifestation étudiante à Budapest, la capitale de la Hongrie, a provoqué l'une des périodes les plus tendues de la Guerre froide, ainsi qu'une réponse remarquable à la crise des réfugiés qui a suivie, porteuse de bénéfices considérables pour les futures générations de réfugiés dans le monde entier.

Alors que la journée du 23 octobre avançait, des dizaines de milliers de personnes envahirent les rues et la manifestation initiale en soutien de la population récalcitrante de Pologne se transforma rapidement en une révolte généralisée contre le régime et ses maîtres du Kremlin qui, durant quelques jours grisants, semblait avoir réussi.

Cependant, les tanks soviétiques revinrent à Budapest le 4 novembre, et la révolution a été vite réprimée. La ville endura des jours de bombardements lourds et de combats de rue, et les gens commencèrent à fuir vers l'Autriche voisine.

Durant le week-end du 4 au 6 novembre, 10 000 Hongrois arrivèrent en Autriche. Des classes entières - voire des écoles - franchirent ainsi la frontière, alors placée sous une surveillance relâchée. Des étudiants, des enseignants, des docteurs, des athlètes renommés et des footballeurs, des architectes, des agriculteurs, tous prirent le chemin de l'Autriche.

Il s'agissait de la première crise majeure à être relayée par la télévision, les journaux et même les écrans de cinéma. Et les gens étaient choqués par ce qui se passait à Budapest et par le spectacle de ces silhouettes éreintées, avançant péniblement dans la neige vers la frontière.

Le 16 novembre, le nombre des réfugiés atteignit les 36 000 et 113 000, fin novembre. Lorsque les frontières furent finalement fermées, 200 000 personnes avaient fui (180 000 réfugiés hongrois avaient ainsi gagné l'Autriche et 20 000 la Yougoslavie).

Dans les jours qui suivirent le début de cet exode, une opération hors du commun vit le jour en Autriche, non seulement pour prendre en charge les réfugiés, mais également pour organiser leur sortie du pays, presque aussi vite qu'ils y arrivaient. Au total, 180 000 personnes quittèrent l'Autriche et la Yougoslavie pour être réinstallées dans quelque 37 pays. Ce qui fut accompli à l'époque par les Autrichiens, les agences humanitaires et les pays de réinstallation est vraiment remarquable et s'est rarement reproduit.

« A la fois les gouvernements et les populations s'étaient largement investis pour aider le peuple fuyant la Hongrie à cette période », a indiqué le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres le soir du cinquantième anniversaire de l'insurrection. « C'était le premier mouvement dans lequel les réfugiés étaient reconnus en masse. Nous avions réinstallé 100 000 personnes dans les dix premières semaines ce qui, je crois, est inimaginable aujourd'hui. »

A Vienne, un comité fut immédiatement établi. Il incluait le Ministre de l'intérieur autrichien Oskar Helmer et son équipe ainsi que l'UNHCR, le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes (CIME), la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge (LSCR) et plusieurs ONG locales et internationales.

La LSCR était en première ligne pour l'assistance et aidait le CIME pour l'enregistrement, la documentation et le transport des réfugiés hors d'Autriche.

L'UNHCR s'occupait des questions juridiques et relatives à la protection ainsi que de l'intégration des personnes restées en Autriche. Oskar Helmer souhaitait également que l'UNHCR occupe le rôle de coordinateur général - de chef de file en quelque sorte - un rôle qui fut ultérieurement entériné par l'Assemblée générale.

A première vue, l'UNHCR n'était pas dans la position la plus favorable pour s'occuper de pareille tâche. D'une part, l'agence avait été établie à titre temporaire, son mandat devant arriver à expiration en 1958. D'autre part, elle n'avait pas de Haut Commissaire. En juillet, le premier occupant du poste, Gerrit van Heuven Goedhart, était décédé d'une crise cardiaque et son remplaçant, Auguste Lindt, ne fut élu qu'en décembre. Par chance, le reste de l'équipe dirigeante avait tout à fait les capacités de relever le défi qui lui était imposé.

Après un début chaotique, l'opération de secours humanitaire et de réinstallation se déroula sans à-coups. Les trois agences chapeautant les secours et la plupart des ONG qui collaborèrent avec elles réalisèrent une performance hors normes.

En quelques jours après l'arrivée des premiers réfugiés, une opération hors du commun fut lancée pour réinstaller les Hongrois. Les mois suivants, ils ont été transférés par bus, par train, par bateau et par avion vers 37 nations différentes sur les cinq continents. Les Etats-Unis et le Canada ont accueilli chacun environ 40 000 personnes. Le Royaume-Uni en accepté 20 000, l'Allemagne et l'Australie quelque 15 000 chacun. Deux pays africains et 12 nations latino-américaines ont aussi accueilli des Hongrois.

Avec le recul, l'aspect peut-être le plus frappant était la souplesse et de pragmatisme dont ont fait preuve les principaux acteurs - spécialement les Etats. Il s'agissait toutefois de la première grande opération de secours concernant des réfugiés. Les règles n'étaient donc pas encore clairement établies. Par exemple, des incertitudes étaient apparues comme celle de savoir si les Hongrois étaient techniquement des réfugiés relevant de la convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés, et si l'UNHCR disposait du mandat nécessaire pour s'en occuper.

L'UNHCR, avec les Autrichiens, a décidé qu'il l'avait et les autres Etats firent de même, sans trop de discussions. L'article 6B du Statut de l'UNHCR semblait tout à fait correspondre à la situation. Mais, d'après la Convention de 1951, les réfugiés n'étaient-ils pas uniquement le produit d'événements antérieurs à 1951 ? Et chaque cas ne nécessitait-il pas un examen individuel ?

Le responsable des services juridiques de l'UNHCR, Paul Weis développa un argumentaire pour satisfaire au critère légal de date limite inclus dans la définition du réfugié établie par la Convention. Par ailleurs, le Statut de l'UNHCR servit de base pour décider qu'un groupe arrivant en masse, à l'instar des Hongrois, pouvait être reconnu comme réfugié prima facie' - une évolution a été capitale pour le droit international des réfugiés et sa mise en application ; elle a bénéficié à des dizaines de millions de réfugiés depuis.

L'insurrection de 1956 et ses conséquences façonnèrent également la manière dont les organisations humanitaires, l'UNHCR en tête, allaient répondre aux crises de réfugiés lors des décennies à venir. Cet épisode a laissé une empreinte indélébile sur le droit international des réfugiés et sur les politiques y afférentes.

« Je me souviens, j'étais un jeune garçon à cette époque, et c'était tellement impressionnant, tellement fort. La réaction de la communauté internationale était formidable », a ajouté António Guterres. « Après la deuxième Guerre mondiale, beaucoup ont cru que c'était la fin des crises de réfugiés. » Cependant, a-t-il continué, l'insurrection hongroise « a montré que de tels problèmes continueront à apparaître de temps à autre, et que la communauté internationale doit être préparée à gérer de façon généreuse et ouverte les problèmes de réfugiés. »

Nombre de Hongrois ont traversé les frontières avec l'aide de passeurs, et beaucoup sont arrivés sans papiers d'identité, mais cela n'a pas terni leur image ou entravé leur reconnaissance comme réfugié. En fait, peu de choses ont changé dans le monde des réfugiés, sauf peut-être que 50 ans plus tard le monde semble beaucoup moins enclin à faire preuve de la même hospitalité spontanée.

« La communauté internationale est devenue habituée à tant de crises internationales », a indiqué António Guterres. « Et malheureusement aujourd'hui, nous sommes témoins de situations dans lesquelles les souffrances sont bien pires que ce que nous avons vu à Budapest - et l'indifférence est elle aussi bien plus grande. »