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Avenir incertain pour une victime congolaise de viols répétés

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Avenir incertain pour une victime congolaise de viols répétés

Mathilde s'est réfugiée au Rwanda en mai dernier pour échapper aux combats dans l'est de la RDC, où elle a été violée. Aujourd'hui abandonnée de son mari, elle se sent coupée du monde.
7 Décembre 2012 Egalement disponible ici :
Mathilde dans sa tente du camp de réfugiés de Kigémé, en compagnie de ses trois enfants.

Kigémé, 7 décembre (HCR) - Les statistiques sur les déplacements de population massifs dans l'est de la RDC font perdre de vue les souffrances individuelles, notamment celles de femmes qui, comme Mathilde, ont subi des viols répétés. Du 25 novembre au 10 décembre, à l'occasion des Seize journées pour l'élimination de la violence envers les femmes, le HCR entend mettre l'accent sur les atteintes aux droits fondamentaux des femmes déracinées, et notamment sur les exactions perpétrées contre elles en République démocratique du Congo (RDC).

Mathilde - ce nom est fictif pour des raisons de sécurité - vit actuellement avec ses trois enfants dans le camp de réfugiés de Kigémé, dans la Province du sud au Rwanda. Elle a été abandonnée de son mari après s'être réfugiée au Rwanda en mai dernier pour échapper aux combats opposant dans le Nord-Kivu (RDC) les troupes gouvernementales aux rebelles du mouvement M23.

Auparavant, elle avait été violée par des miliciens. Ce n'était pas la première fois que cette jeune femme de 24 ans subissait cette forme de violence dans sa province natale : le viol, qui est aussi une arme de guerre, y est en certains endroits un crime quotidien.

La santé de Mathilde en a été altérée au point qu'elle ne peut désormais plus avoir de relations sexuelles ce qui, selon elle, a mené son mari à la quitter. Dans cette région du monde, les femmes violées sont marquées d'un véritable stigmate. Dans le camp, Mathilde se sent d'autant plus coupée du monde qu'elle est entourée de gens d'une ethnie différente de la sienne.

Ne connaissant pas le kinyarwanda, la langue parlée dans cette région, elle est entièrement dépendante du HCR et d'autres organisations humanitaires pour survivre. Elle reçoit notamment de la nourriture, les soins médicaux indispensables et une aide psychologique.

Au moins, elle se trouve actuellement en sécurité au Rwanda. Cependant, le HCR continue de recevoir de la RDC d'affreux compte-rendus de violences sexuelles, en rapport avec les affrontements armés, comme l'affaire du viol de 72 femmes à Minova, dans le Sud-Kivu. Mathilde a raconté ses épreuves à Céline Schmitt, fonctionnaire du HCR en charge des relations avec les donateurs.

Mathilde raconte son histoire :

J'ai fui Bihambwe [Nord-Kivu] en mai 2012. Ma mère avait été tuée en 1993 à cause de son origine ethnique. À cette époque, je n'étais qu'une enfant et mon père, qui n'était pas de la même ethnie que ma mère, m'a envoyé chez un ami à Goma [capitale du Nord-Kivu] pour que j'aille à l'école.

Alors que j'étais en école primaire, je suis allée voir mon père pendant les vacances d'été. Un jour, alors que je marchais dans les champs avec deux amies, nous avons vu des hommes armés appartenant à l'un des groupes de rebelles. Ils ont attrapé des filles et se sont mis à les violer. J'ai essayé de m'enfuir, mais ils ont tiré et j'ai été touchée aux jambes, aux bras et au ventre. Je me suis alors écroulée, et deux hommes m'ont violée dans cet état.

J'ai été soignée à l'hôpital de Masisi, et, plus tard, je suis rentrée à Goma. Décidée à me marier, j'ai rencontré un homme, lui-même orphelin. Je l'ai épousé. Je ne lui avais pas dit que j'avais été violée. Mon premier enfant a aujourd'hui quatre ans, et les deux autres, deux ans et un an.

Furieux que j'aie épousé quelqu'un d'une autre ethnie, mes frères ont déclaré qu'ils le tueraient. Mon mari et moi nous sommes donc enfuis à Kaniro [région de Masisi, dans le Nord-Kivu], où nous avons fini par nous sentir en sécurité. Pourtant, l'un de mes frères, accompagné de copains miliciens Mai Mai, a fini par nous retrouver.

Ensemble, ils ont ligoté mon mari sur une chaise, l'ont bâillonné et j'ai alors été violée devant lui et mes enfants. Après quoi les attaquants ont ordonné à mon mari de repartir pour le Rwanda. J'ai été emmenée par les miliciens et violée par eux tous les jours durant une semaine. Finalement j'ai réussi à m'enfuir et à gagner Bihambo, où j'ai retrouvé mon mari et l'ai supplié de me pardonner d'avoir été violée. Ce qu'il a fait.

Juste après que les combats ont éclaté avec le M23 [à Masisi, en avril], nous nous sommes réfugiés au Rwanda. Au camp de transit de Nkamira, j'ai expliqué au personnel du HCR ce qui m'était arrivé. J'avais honte et aussi, je me sentais malade. Nous avons été transportés à Kigémé, j'avais de terribles douleurs au ventre.

Les docteurs m'ont dit que j'avais une infection. C'était très douloureux. J'ai pris des médicaments, mais je ne pouvais pas faire l'amour et mon mari m'a quittée. C'est la première fois que je viens au Rwanda et je ne connais pas le kinyarwanda : je n'arrive pas à m'en sortir, je suis incapable de travailler aux champs.

Je ne peux pas retourner en RDC avec les enfants. Si je le fais, ils seront tués… Mes enfants ne mangent pas la farine de maïs que nous recevons. Ma fille aînée, Patricia [deux ans], a des problèmes : elle a le ventre enflé et elle a quelque chose aux yeux… Et je n'ai pas assez d'habits pour eux.

Au camp, il y a des psychologues qui m'aident. Le HCR nous a distribué une tente, des nattes, des couvertures et des ustensiles de cuisine, mais ça ne suffit pas. Je sais que je n'ai pas grand-chose à espérer de l'avenir. Pour mes enfants, c'est différent - ils sont encore si jeunes.

Quand je me réveille le matin, je range la maison, j'habille les petits, je prépare le repas, je fais la lessive. Puis, la journée finie, j'ai beaucoup de mal à dormir à cause de mes problèmes. Je ne sais pas si mon mari reviendra.

S'il revient, je lui ferai bon accueil car c'est mon mari. Après notre venue ici, mon frère l'a appelé sur son téléphone cellulaire et a menacé de le tuer. C'est peut-être pour ça qu'il est parti.

Propos recueillis par Céline Schmitt au camp de Kigémé