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La lauréate de la distinction Nansen pour les réfugiés, Angélique Namaika : Portrait

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La lauréate de la distinction Nansen pour les réfugiés, Angélique Namaika : Portrait

Soeur Angélique a failli mourir d'une maladie quand elle était enfant. Elle a enduré des souffrances – maintenant elle aide les autres qui ont subi de terribles épreuves.
30 Septembre 2013 Egalement disponible ici :
La lauréate 2013 de la distinction Nansen pour les réfugiés, soeur Angélique Namaika, fait une courte pause dans sa tournée. Elle vient en aide aux femmes et aux jeunes filles à Dungu, dans la province Orientale en République démocratique du Congo.

GENÈVE, 30 septembre (HCR) - Ce soir à Genève, le HCR, de nombreux hauts représentants gouvernementaux et des responsables de l'ONU rendent hommage à une Congolaise humble et courageuse qui a passé des années à aider des femmes pour qu'elles guérissent des abus et de la souffrance dans une région instable de l'Afrique.

Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres remettra cette année la distinction Nansen pour les réfugiés à Angélique Namaika, une religieuse catholique âgée de 46 ans qui a aidé des centaines de femmes - ainsi que quelques jeunes garçons - dans la province Orientale au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).

La plupart des personnes qu'elle a aidées sont des femmes et des jeunes filles déracinées et maltraitées par des groupes armés, principalement l'Armée de résistance du Seigneur ou LRA, un violent groupe rebelle ougandais qui écume désormais le nord-est de la RDC depuis 2005.

De nombreuses femmes victimes de la LRA ont été battues, violées et forcées à devenir des esclaves sexuelles. Au cours de la dernière décennie, dans et autour de la ville de Dungu, dans la province Orientale, soeur Angélique a aidé quelque 2 000 d'entre elles à surmonter leur traumatisme, à lutter contre la stigmatisation liée au viol et à reconstruire leur vie après avoir suivi des formations professionnelles.

C'est pour ce travail qu'elle est aujourd'hui récompensée en recevant l'une des principales distinctions humanitaires au monde et qu'elle est célébrée à travers le monde, y compris par le pape François qui la recevra mercredi à Rome.

Soeur Angélique explique toutefois que le long voyage qui l'a amenée à Genève a failli se terminer durant son enfance au village de Kembisa dans la province Orientale. « J'étais malade quand j'étais enfant et j'ai beaucoup souffert. J'ai perdu beaucoup de poids et ma survie n'a tenu qu'à un fil », se souvient-elle.

Après avoir passé cette période difficile, elle a eu une enfance heureuse et s'est fait de bons amis, mais elle a aussi appris des leçons douloureuses sur la nature humaine. « Je n'aimais pas les conflits. J'ai toujours fui quand il y avait des batailles », souligne-t-elle.

En 1990, elle a commencé sa formation pour devenir religieuse de l'Eglise catholique romaine. « Ce n'était pas simple de choisir de devenir religieuse », explique-t-elle, en révélant qu'elle avait été motivée par une religieuse allemande, soeur Tone, qui venait dans son village pour soigner les malades.

« Elle avait à peine le temps de se reposer, de manger. C'est pourquoi je me suis dit que je ferais tout pour devenir comme elle et l'aider dans ce travail. . . Je ne savais même pas s'il y avait des religieuses noires. J'avais seulement vu une Soeur blanche et je me suis dit que je voulais devenir comme elle. »

Comme soeur Tone, quand Angélique est devenue religieuse, elle a décidé de consacrer sa vie à aider les plus vulnérables, et particulièrement les jeunes. Elle a rapidement commencé à utiliser un vélo pour se rendre auprès des personnes dans le besoin. Aujourd'hui, à Dungu, il est habituel de voir soeur Angélique à vélo et c'est un spectacle rassurant.

En 2003, après avoir étudié la spiritualité africaine à Kinshasa, la capitale congolaise, soeur Angélique a été envoyée par l'Eglise pour former des religieuses stagiaires à Dungu, un petit avant-poste poussiéreux à l'extrême nord-est de la province Orientale qui avait connu des jours meilleurs. Cette nouvelle responsabilité allait changer sa vie et celle de centaines d'habitants.

« J'ai vu un groupe de femmes qui se réunissaient, mais elles n'avaient personne pour les guider et les former. Ces femmes n'ont pas eu la chance d'aller à l'école, mais elles étaient prêtes à travailler et à se rendre utile envers la société. J'ai commencé à enseigner des cours de couture, de cuisine et d'alphabétisation », explique-t-elle. Elle ajoute qu'elle a également ouvert le Centre de réinsertion et de développement pour ce travail précieux, en embauchant des femmes et des hommes.

Au début, les femmes qu'elle aidait étaient des habitantes démunies, et notamment des orphelines, de jeunes mères et de jeunes filles forcées à des mariages précoces. Après l'arrivée de l'Armée de résistance du Seigneur dans la région en 2005 qui, à partir de 2008, a semé la terreur et provoqué des déplacements de population, elle a aidé un nouveau groupe de femmes victimes de violences.

«Je les identifiais quand elles sortaient de la brousse après avoir été enlevées par la LRA et je les orientais vers des structures leur apportant une aide d'urgence. Nous les avons ensuite engagées dans les activités du centre », dit-elle, ajoutant qu'elle a également commencé à rendre visite aux femmes dans les camps ou les villages abritant des déplacés.

« J'ai vu que les femmes déplacées avaient de nombreuses difficultés ; elles ont vécu des atrocités et elles souffrent d'importants traumatismes. Il était important de les aider. J'ai réalisé que leur apprendre à écrire et les former les aideraient à oublier le traumatisme, la LRA et ce qu'elles avaient enduré. C'est ce qui m'a poussé à aider ces femmes et à les aider à devenir indépendantes », dit-elle, ajoutant que l'autosuffisance était vitale pour elles.

La menace de la LRA a atteint un pic en 2009, lorsque le groupe est venu brièvement à Dungu, tirant des coups de feu. « J'ai dit que je ne pouvais pas rester. J'ai peur de la guerre, j'ai peur des armes à feu . . . C'est pourquoi j'ai également pris la fuite », dit soeur Angélique, notant qu'elle était à la messe du matin et que « les balles sifflaient autour de nous. » Elle est partie avec d'autres religieuses.

« Nous ne savions pas où aller. Nous avons suivi d'autres personnes qui fuyaient aussi. Nous nous sommes reposées un peu en chemin parce que nous étions tellement fatiguées, les enfants pleuraient, d'autres étaient à la recherche de leurs enfants. Nous sommes avons parcouru une distance de plus de 20 kilomètres depuis Dungu », dit-elle, avouant sa peur et sa faiblesse au cours de cette terrible épreuve.

Toutefois, ajoute-elle, « cette expérience m'a aidée pour m'engager au bénéfice de ces femmes. Lorsque vous êtes déplacé, vous devez demander pour tout. Parfois vous demandez, mais vous ne recevez pas d'aide. C'est la même chose pour ces femmes déplacées. » Avoir elle-même été déplacée lui a permis de s'identifier aux souffrances des femmes qu'elle aide et a renforcé sa détermination à continuer dans cette voie, pour montrer « aux femmes qu'elles ne sont pas seules. »

La distinction Nansen pour les réfugiés l'a encore renforcée dans cette décision. « Ce prix est une grande joie pour moi. Cela signifie que j'ai des gens pour m'aider », dit soeur Angélique, qui a rapidement vu comment la distinction pourrait lui être un avantage. « J'ai dit : 'Oui, maintenant je peux faire quelque chose.' Je suis très reconnaissante au HCR pour son aide. Je remercie également les femmes pour leur courage, leur persévérance. »

Cette femme extraordinaire est déterminée à rester une personne ordinaire. « Aujourd'hui, je suis reconnue. Je demande à Dieu de rester simple et de m'aider à ne pas être fière. J'ai accueilli ce prix avec le coeur. »

Par Céline Schmitt et Leo Dobbs à Genève