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Des Sud-Soudanaises donnent à leurs nouveau-nés des noms rappelant la fuite en exil

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Des Sud-Soudanaises donnent à leurs nouveau-nés des noms rappelant la fuite en exil

Des milliers de bébés réfugiés sud-soudanais portent un nom qui leur rappellera pour toujours leur naissance durant la fuite en exil de leurs Mamans.
23 Janvier 2014 Egalement disponible ici :
Athieng sous une tente dôme au centre de transit de Dzaipi, avec son bébé Nyarang qui est née sous un arbre durant la fuite en exil de sa Maman depuis Bor vers l'Ouganda.

CENTRE DE TRANSIT DE DZAIPI, Ouganda, 23 janvier (HCR) - Sophia et Olivia sont peut-être des noms de filles très populaires dans les pays occidentaux en ce moment mais, au centre de transit de Dzaipi au nord de l'Ouganda, le prénom le plus attribué est actuellement Nyaring. En langage dinka, il signifie « fuite en exil », et résume la situation de la Maman lors de la venue au monde de son bébé.

La petite Nyaring Panchol, âgée de quatre semaines, est née sous un arbre alors que sa mère fuyait le conflit déchirant le Soudan du Sud. Elle fait partie des dizaines de bébés qui portent ce nom au camp de transit de Dzaipi.

La mère d'Athieng Agok, âgée de 19 ans, était aux derniers jours de sa grossesse lorsque des hommes armés ont commencé à tirer et à brûler des maisons dans sa ville située près de Bor, dans l'Etat de Jonglei, le 18 décembre, trois jours après que le pays se soit enfoncé dans la violence. Elle a couru dans la brousse et, lorsque les douleurs de l'accouchement ont commencé, elle s'est allongée à l'ombre d'un arbre.

Heureusement, elle était accompagnée de sa propre mère, Angelina Ayun, 35 ans, qui l'a aidée. Toute la journée, alors que les tirs se faisaient entendre autour d'elles, elles se sont cachées dans la brousse alors que les contractions d'Athieng s'accéléraient. « Il y avait une infirmière avec nous, mais elle a commencé à avoir peur et elle s'est enfuie. Alors, j'étais toute seule », raconte Angelina.

Finalement, à minuit, une petite Nyaring a vu le jour. La naissance a été très douloureuse au point qu'Athieng s'est évanouie. Mais, quand elle est revenue à elle, elle a dû rassembler toutes ses forces pour continuer son voyage loin des combats - d'abord dans un camion des Nations Unies vers Juba, la capitale, puis en voiture vers la frontière ougandaise.

« Je ne me sentais pas bien, j'avais de la toux et la diarrhée, mais je n'avais pas le temps d'attendre », se rappelle-t-elle. « Ils tuaient des gens. »

Ironie du sort, Athieng était née dans les mêmes circonstances. Lorsque sa Maman était enceinte d'elle, elle avait dû fuir au début des années 1990 quand le Soudan du Sud s'est battu durant une guerre civile longue de 22 ans ayant mené à son indépendance avec le Soudan. Angelina avait également donné naissance à sa petite fille dans la brousse, lors de sa fuite vers la région de l'Ouest Equateur au Soudan du Sud.

Le mois dernier, quand la famille a été éparpillée durant sa fuite éperdue des combats, le mari d'Athieng a couru dans une direction différente du reste de la famille. Une fois arrivée saine et sauve en Ouganda, elle a réussi à l'appeler pour lui annoncer qu'il avait eu une petite fille. Mais la connexion a rapidement coupé avant qu'elle n'ait eu le temps de savoir où il se trouvait.

Désormais, trois générations différentes de femmes vivent dans une petite tente dôme qui leur a été donnée par l'oncle d'Athieng. Le HCR procède au montage de davantage de tentes familiales encore et donne la priorité absolue aux enfants non accompagnés, aux personnes âgées, aux malades, aux handicapés et aux jeunes Mamans. Mais il n'y avait pas suffisamment d'abris pour tout le monde.

Alors que de nombreuses femmes accouchent chaque jour au dispensaire de Dzaipi, beaucoup d'autres - qui ne sont pas au courant de ce service - donnent naissance à leur bébé au centre de transit lui-même, souvent en plein air. Le HCR mène une campagne de communication par le biais de volontaires et d'affiche pour faire savoir que des services de santé gratuits sont assurés.

« Nous avons de gros problèmes avec le manque de personnel, à cause d'un grand nombre de réfugiés qui se font soigner au dispensaire », explique Khamis Khamis, employé du HCR dans le domaine de la santé au niveau régional. « Le pavillon de la maternité est aussi trop petit, avec seulement 10 lits pour toute l'installation. Il y a de nombreuses femmes enceintes au centre de transit. Nous travaillons avec nos partenaires dans le domaine de la santé pour tenter de combler ces insuffisances. »

Athieng et le bébé ont déjà été au dispensaire pour un contrôle post-natal et elles ont reçu un kit du Fonds des Nations Unies pour la population qui contient des articles comme du savon, des sous-vêtements et un voile pour les jeunes Mamans. Le HCR prévoit de transférer Athieng et sa petite famille aussi rapidement que possible vers l'installation de Nyumanzi qui est située à proximité. La famille recevra un carré de terrain et des outils pour construire une maison.

Pour le moment, cela leur prend du temps pour réaliser que l'épreuve est désormais du passé. « Nous faisons toujours le même cauchemar, nous sommes encore en train de courir. Nous ressentons que nous sommes toujours dans la brousse », raconte Angelina.

« Personne ne quitte son pays sans éprouver des craintes », ajoute-t-elle, après avoir fui une seconde fois sans rien pouvoir emporter avec elle. Mais elle n'imagine pas rentrer chez elle une seconde fois : « Je reste ici - la guerre va durer pour toujours. »

Par Lucy Beck au centre de transit de Dzaipi, Ouganda