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Au Niger, le district de Diffa accueille des Nigérians fuyant les violences

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Au Niger, le district de Diffa accueille des Nigérians fuyant les violences

Les violences au Nigéria forcent des milliers de personnes à fuir vers le Niger et le Cameroun. Une réfugiée exilée depuis neuf mois témoigne d'un accueil chaleureux.
24 Janvier 2014 Egalement disponible ici :
Des jeunes filles lors d'un cours de mathématiques dans une école de la région de Diffa au Niger, où plus de la moitié des élèves sont des Nigérians déracinés par les combats.

BOSSO, Niger, 24 janvier (HCR) - Entourée de ses possessions dans son abri de fortune, Mariama gonfle ses joues et imite le son d'une explosion lorsqu'elle raconte aux visiteurs la raison pour laquelle elle a fui sa maison au nord-est du Nigéria.

Une attaque armée l'a poussée à fuir son village de Baga il y a neuf mois. Elle se rappelle encore du traumatisme comme si c'était hier. Et les nouveaux arrivants continuent encore de le lui rappeler : environ 1 500 personnes ont rejoint la région de Diffa au sud du Niger ces derniers jours pour échapper aux dernières violences au Nigéria. Par ailleurs, 4 000 Nigérians ont fui vers le Cameroun.

Mariam, âgée de 47 ans, témoigne : « Des hommes de Boko Haram [un groupe d'insurgés] sont venus attaquer une base militaire. Notre village est situé non loin alors des militaires sont venus nous attaquer » au petit matin. « Il était environ six heures quand nous avons entendu des tirs. Des tirs ont visé notre maison et ont explosé comme une bombe », explique-t-elle aux visiteurs du HCR à Bosso, une ville frontalière de la région de Diffa, avec une petite-fille allongée sur ses genoux.

Elle explique que les explosions venaient de grenades, lancées à l'aveugle sur sa maison, créant un incendie qui a détruit le village tout entier. « Nous avons fui sans chaussures, sans rien, en transportant nos enfants comme on pouvait. »

La situation de sécurité dans au nord-est du Nigéria se détériore depuis mai 2013, lorsque les autorités ont décrété l'état d'urgence dans trois Etats - Adamaoua, Borno et Yobe - et ont lancé une opération militaire pour mettre fin à l'insurrection. Les attaques par des groupes rebelles sur les civils et les forces de sécurité s'étaient déjà accrues depuis 2012.

Selon un récent rapport publié par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 1 200 personnes, y compris des civils, des militaires et des insurgés, ont été tuées. Du fait des attaques, de nombreux Nigérians ont fait état d'une tendance à fuir préventivement ; après une attaque des insurgés, les civils fuient immédiatement par crainte de possibles représailles de la part de l'armée.

Lorsque son village était en flammes, Mariama a fui vers la brousse avec son mari et leurs 10 enfants, en buvant de l'eau dans des flaques.

Après trois jours, dit-elle, l'armée est revenue. Les militaires ont semé la panique et la peur parmi les personnes qui se cachaient. Les habitants ont fui dans toutes les directions ; Mariama et sa famille ont marché à pied jusqu'à Bosso.

Sahadatou, une amie de Mariama, demande aux visiteurs de témoigner également de ce qu'elle a vécu. Elle se trouvait aussi à Baga le jour de l'attaque. Assise parmi des vêtements, des couvertures et des seaux, elle raconte être sortie de sa cachette pour aider ses voisins blessés. « Beaucoup sont morts dans l'incendie. Les corps ont été brûlés au point que nous n'avons même pas pu identifier les victimes », dit-elle, en ajoutant : « Nous ne savons même pas combien de personnes sont mortes. » Elle a fui aussi vers le Niger.

Un recensement mené par les autorités du Niger en novembre dernier a révélé que plus de 37 000 personnes, y compris 8 000 Nigérians et près de 30 000 ressortissants du Niger - avaient fui vers la région de Diffa depuis mai dernier. Un petit nombre de ressortissants de pays tiers ont également trouvé refuge dans la région. En décembre, les autorités ont commencé à accorder le statut de réfugié temporaire aux Nigérians ayant rejoint le Niger depuis les trois Etats affectés par les combats.

Depuis le début de l'afflux, les membres des communautés locales ont accueilli des personnes déplacées dans leurs villages et chez eux, en rendant disponibles des terrains ou des chambres. Le maire de Bosso, Aboubacar Marah, donne l'exemple en accueillant chez lui près de 100 personnes, principalement des femmes et des enfants. « Je n'ai jamais vu ça », dit-il au sujet de l'afflux. « La frontière est à seulement 100 mètres de là et nous entendons des tirs la nuit de l'autre côté. »

Pour répondre à l'afflux, le HCR a déployé une équipe d'urgence spécialisée dans le domaine de la protection au mois de mai dernier. « Notre équipe a dû s'adapter rapidement à la nature cachée de la crise », explique Yvette Muhimpundu, employée du HCR en charge de la protection. « Nous sommes extrêmement heureux que la communauté ait accueilli des personnes déplacées dans leurs foyers. Alors nous nous concentrons à renforcer la résilience des réfugiés et aussi de la communauté d'accueil. »

Elle explique que le but de cette approche communautaire consiste à favoriser la coexistence pacifique. En veillant à répondre aux besoins en termes d'abris, de nourriture, de sécurité et de soins de santé pour les réfugiés et la population locale, les deux communautés bénéficieront également de l'appui du HCR.

En partenariat avec d'autres agences humanitaires, le HCR a distribué des articles de secours et va lancer un programme d'hébergement pour mieux accueillir les personnes déplacées. De plus, les autorités du Niger délivreront des cartes d'identité aux personnes déplacées cette année. Par ailleurs, le Programme alimentaire mondial distribuera des vivres aux familles les plus vulnérables parmi celles ayant fui le Nigéria.

Quant à Mariama et sa famille, l'accueil chaleureux et l'aide reçus ici ont contribué à rendre leur situation beaucoup plus supportable. Et, plus que tout, elle est reconnaissante d'avoir retrouvé une situation de paix. « Même si je ne suis pas vraiment chez moi, je peux dormir en paix et en sécurité. Il n'est pas question de rentrer au pays maintenant, c'est trop dangereux. »

Elle et sa famille font leur possible pour subvenir à leurs besoins. Elle vend des crêpes sur le marché, sa fille travaille en tant que couturière et son mari cultive une parcelle de terre fertile près du lac Tchad. Malgré sa nouvelle vie en tant que réfugiée, l'état physique et psychologique de Mariama s'est considérablement amélioré.

« Si vous m'aviez vue à mon arrivée, vous auriez eu pitié de moi », déclare-t-elle au HCR. « Mais maintenant, j'ai retrouvé des forces. Je ne suis désormais plus du tout à plaindre. »

Par Kathryn Mahoney à Bosso, Niger