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Conférence de presse donnée le 9 octobre 1963 par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, et le Prince Sadruddin Aga Khan, Haut Commissaire adjoint

Discours et déclarations

Conférence de presse donnée le 9 octobre 1963 par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, et le Prince Sadruddin Aga Khan, Haut Commissaire adjoint

9 Octobre 1963
Différentes langues:

Déclaration du Haut Commissaire

Bonjour Messieurs,

Je tiens tout d'abord à vous remercier vivement d'être venus ici, et à vous exprimer ma gratitude pour l'intérêt que vous avez toujours témoigné pour l'oeuvre humanitaire du Haut Commissariat. Comme M. Shanley vient de vous le dire, le Comité exécutif du programme du Haut Commissaire, qui comprend vingt-cinq gouvernements qui s'intéressent à cette oeuvre, termine aujourd'hui ses débats. Dans une heure ou deux, je pense que ce comité adoptera le rapport définitif de toute sa session. Chaque réunion du Comité nous amène à nous demander « où nous en sommes » et « quelles sont les tâches que nous avons devant nous ». Il est significatif que, cette fois, les délibérations du Comité exécutif ont reflété une évolution importante dans les travaux auxquels se livre le Haut Commissariat.

Bien entendu, comme vous le savez, la tâche fondamentale du Haut Commissaire consiste en des activités de protection internationale, qui ont pour objet d'assurer que les réfugiés jouissent, dans le pays d'asile où ils vivent, de droits équivalents à ceux des ressortissants de ce pays. Cependant, le Comité s'occupe principalement d'activités entreprises dans le cadre de programmes destinés à stimuler la réalisation de solutions pratiques, c'est-à-dire l'aide matérielle aux réfugiés ; dans ce domaine, nous nous trouvons aujourd'hui en présence de deux grandes tâches.

L'une consiste à liquider le fond de misère accumulé par ce que nous appelons les « anciens » réfugiés européens, principalement ceux qui sont handicapés. Le malheureux sort des « anciens » réfugiés européens, victimes de la dernière guerre, préoccupe le Haut Commissariat depuis sa création en 1951. Le fait important est que nous avons maintenant atteint le point où nous sommes finalement à même d'espérer pouvoir financer les derniers projets d'assistance en faveur de ces réfugiés. A ce propos, je tiens à dire que nous sommes particulièrement heureux d'annoncer, cette fois, des contributions spéciales de différents gouvernements atteignant au total plus de quatre cent mille dollars. Le délégué des Pays-Bas nous a également dit qu'une action spéciale sera entreprise pour atteindre le public de son pays, en vue d'obtenir un appui supplémentaire pour cette tâche. J'espère, par conséquent, que nous aurons les moyens de mener cette grande oeuvre à bonne fin.

Je voudrais souligner également que les problèmes de réfugiés, tels que nous les envisageons, sont provisoires de part leur nature. L'objet de nos travaux est, en effet, d'aider les réfugiés à cesser de l'être. Ce qui n'est pas provisoire, ou ne semble pas l'être, c'est l'ordre de succession des problèmes de réfugiés, et nous estimons qu'il est d'une importance primordiale pour la confiance dont nous espérons bénéficier pour nos tâches futures, que nous puissions mener à bien l'entreprise dont je vous parle. Cela est nécessaire pour que nous puissions accroître notre confiance et nos forces en vue de faire face aux problèmes nouveaux qui se posent à nous.

Ce fond de misère affectant les réfugiés européens a constitué un très grand problème pour le Haut Commissariat. Nous espérons maintenant qui, dans le cadre de notre programme de 1963, cette tâche sera menée à bonne fin, dans la mesure où cela dépend du Haut Commissaire, grâce à un effort spécial de la communauté internationale. Il nous apparaît maintenant, en tenant compte de ce que a été annoncé au cours de cette session et grâce aux efforts particuliers actuellement en cours, que nous pourrons terminer ce travail, et au moins le financer pour le moment. Si nous pouvons ainsi réaliser entièrement nos plans (et cette mise en oeuvre peut s'étendre jusqu'en 1964 et 1965 dans quelques pays), notre organisation aura, depuis ses débuts, et grâce à ses programmes, établi 100.000 réfugiés qui n'étaient pas réinstallés et qui ne pouvaient trouver par eux-mêmes de solutions à leurs problèmes. Les fonds dépensés pour ces 100.000 réfugiés atteindront 100.000.000 de dollars, dont 45.000.000 offerts par la communauté internationale par l'entremise du Haut Commissariat, et 55.000.000 par les gouvernements des pays d'asile et les agences bénévoles, à titre de contributions d'appoint. On peut ainsi se rendre compte de l'importance de ce problème pendant tant d'années pour le Haut Commissariat.

Il est très important que nous ne cessions pas de nous intéresser à cette tâche avant qu'elle ne soit vraiment achevée : en effet, il est tout à fait évident que, dans une entreprise comme celle-ci, les réfugiés qui ont dû attendre des secours le plus longtemps sont ceux qui en ont, en fait, le plus besoin - il s'agit en particulier, je l'ai déjà dit, des réfugiés handicapés. Mais ici encore, on a élaboré certaines techniques qui nous permettent de donner à ces réfugiés, dans la mesure du possible, le moyen de vivre une existence plus normale.

Il était très intéressant, lorsque nous avons discuté le programme de 1964 (programme qui n'est plus maintenant destiné à tenir compte de ce qui était resté inachevé, mais dans le cadre duquel on s'occupera des problèmes courants et nouveaux de réfugiés en Europe et dans d'autres parties du monde, notamment en Afrique) de voir combien l'attention se porte toujours, parmi les gouvernements européens, sur le maintien en bon fonctionnement, d'un dispositif de solidarité internationale en faveur des nouveaux réfugiés européens.

Il y a encore des réfugiés en Europe, relevant du mandat du HCR, de huit à dix-mille reconnus régulièrement chaque année, et nous tenons beaucoup à nous assurer qu'ils aient l'occasion de se réinstaller dans des pays d'outre-mer s'ils le désirent. A ce propos, je voudrais vous signaler en passant que j'ai été au Canada vers la fin de l'an dernier, et, cet été, en Nouvelle-Zélande et en Australie, et que l'un de mes principaux objectifs au cours de ces voyages, était de faire comprendre aux Gouvernements de ces pays combien il était important qu'ils ne ferment pas leur porte aux réfugiés, afin d'encourager les pays de premier asile en Europe à faire preuve de générosité à l'égard de ceux qui souhaitent entrer chez eux. A mon avis, ce dispositif fonctionne d'une façon très satisfaisante. Les gens accueilles dans les pays de premier asile en Europe ont de bonnes chances de se rendre, sans trop de difficultés, dans les pays d'outre-mer.

Ainsi, la seconde tâche principale qui nous incombe est de nous occuper des situations courantes et nouvelles, en quelque lieu qu'elles se présentent. A ce sujet, nous attachons une grande importance aux problèmes urgents auxquels donnent lieu les nouveaux problèmes de réfugiés en Afrique. Le Haut Commissaire adjoint, le Prince Sadruddin Aga Khan, vient de faire un voyage dans dix pays d'Afrique, au sud du Sahara. Il a soumis un rapport verbal à notre Comité exécutif et a souligné la nécessité de poursuivre nos efforts dans l'intérêt humanitaire de notre oeuvre. Il vous dira tout à l'heure quelque chose à ce sujet.

Je voudrais ajouter ici, cependant, qu'en continuant cette oeuvre, nous nous rendons compte que ce que le Haut Commissariat peut accomplir ne constitue qu'une fraction de tous les efforts qu'il faut faire pour aider les réfugiés et leur donner une chance. Les principaux efforts sont accomplis par les pays de premier asile, par les gouvernements grâce à des arrangements bilatéraux, par les agences bénévoles comme la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, qui est pour nous un important partenaire en Afrique, par les autres organisations bénévoles, qu'elles soient catholiques, juives, musulmanes, protestantes ou non-confessionnelles. Ensemble, elles constituent une formidable entreprise et notre tâche principale est de nous assurer que chacun de ces partenaires joue son rôle et que, tous les rouages fonctionnant, ils pourront constituer un utile dispositif. Ce dont nous voulons nous assurer est que la machine marche et remplisse son objet efficacement, aussi longtemps qu'il y aura dans le monde des réfugiés qui auront besoin que l'oeuvre s'accomplisse.

J'ai tenu à vous dire cela dès l'abord, afin de vous indiquer l'objet véritable de notre organisation. Cet objet n'est pas notre programme, qui n'est qu'un moyen destiné à assurer que notre rôle soit efficace dans le cadre de notre action. En même temps, je tiens à saisir ici l'occasion de vous signaler que le rôle très important des agences bénévoles se trouvera mis en lumière demain, à la cérémonie de remise de la Médaille Nansen.

Cette Médaille a été décernée au Conseil international des Agences bénévoles par le comité de la Médaille Nansen, en témoignage de l'oeuvre importante que ces agences accomplissent dans le monde entier. Je tiens à vous signaler également que le Ministère des Affaires étrangères de Suisse, Monsieur Wahlen, assistera à cette cérémonie, qui aura lieu demain au Palais des Nations, et y prendra la parole. Voici tout ce que je voulais vous dire en fait de considérations générales. Permettez-moi maintenant de vous présenter le Prince Sadruddin Aga Khan, Haut Commissaire adjoint, qui vous dira quelques mots de son voyage en Afrique.

Déclaration du Haut Commissaire adjoint

Merci, Monsieur le Haut Commissaire.

Mesdames, Messieurs,

Comme j'ai eu l'occasion de le dire, il y a deux jours seulement au Comité exécutif de notre Office, je viens de terminer une très intéressante tournée dans les pays d'Afrique, où se posent pour nous des problèmes de réfugiés et dans d'autres pays qui, eux aussi, s'intéressent à notre travail sur le continent africain. J'ai été dans les pays suivants, dans l'ordre où je vous les énumère : tout d'abord le Tanganyika, puis l'Ouganda, ensuite le Burundi. De là, je suis allé au Rwanda pour une courte visite, dans la province du Kivu au Congo, puis à Léopoldville, capitale de ce pays. De là je me suis rendu en Afrique occidentale, où j'ai visité la Nigeria, le Dahomey, le Togo et le Ghana. Cela fait, en tout, dix pays.

J'ai pu me rendre compte, au cours de cette visite, que l'Afrique est bel et bien en mouvement et qu'avec les bouleversements formidables qui se produisent sur ce continent, les réfugiés sont malheureusement une espèce de sous-produit. Il en est ainsi, notamment, dans le cas du groupe due plus important dont nous nous occupons directement, les réfugiés du Rwanda dans les pays voisins, le Burundi, l'Ouganda, le Tanganyika et la province du Kivu, au Congo (Léopoldville): le problème est ici particulièrement délicat, parce que ces réfugiés n'ont probablement que des chances minimes de retourner dans leurs pays.

Tout cela est très différent de l'activité du genre « bons offices » que nous avons conduite, comme vous vous en souvenez, en faveur des réfugiés d'Algérie au Maroc et en Tunisie, où les réfugiés attendaient simplement qu'une solution politique ait été atteinte dans leur pays afin d'y retourner. Il s'agissait moins, dans ce cas, de les installer et de les amener à pourvoir à leurs propres besoins que, tout simplement, de leur assurer des secours sous forme de vivres, de vêtements, de médicaments et, si possible, des abris convenables, jusqu'à ce qu'ils puissent regagner leur pays. Ce retour, vous le savez, est maintenant chose faite, et nos programmes dans les régions affectées ont été minés à bien d'une façon très satisfaisante

Dans le cas des réfugiés du Rwanda, par suite des changements qui se sont produits chez eux sur le plan social et dans la structure économique de leur pays, il est improbable, si l'on tient compte en outre des problèmes démographiques en présence desquels se trouve le Rwanda, que les 130.000 réfugiés qui ont gagné les régions voisines quittent rentrer. C'est pourquoi la notion d'installation est particulièrement importante ; c'est d'ailleurs celle que le Haut Commissaire s'est efforcé d'appliquer. Nous aidons tout d'abord les gouvernements à essayer de résoudre le problème des réfugiés en présence duquel ils se trouvent sur leur propre territoire. Nous nous efforçons de rendre les réfugiés capables de subvenir à leurs propres besoins et, pour cela, il faut avant tout mettre des terres à leur disposition, leur donner des semences et des outils, afin qu'ils puissent aussi rapidement que possible, se suffire à eux-mêmes.

Je me suis rendu compte, lorsque j'étais là-bas, parlant aux gens et les voyant moi-même dans les régions d'établissement qui leur étaient allouées, qu'il n'est guère possible de faire une distinction entre les premières étapes de leur réinstallation, c'est-à-dire les secours initiaux, et les étapes suivantes, étapes de consolidation, qui conduisent à une réinstallation ferme dans une région déterminée. Il ne suffit pas simplement de donner à ces gens des vivres et des vêtements, de les maintenir en vie et de les protéger du froid. Il faut en même temps et dans le cadre du même processus, leur donner les moyens nécessaires de se rendre, le plus vite possible, indépendants de la charité internationale. C'est ce que nous avons essayé de faire, parce que nous avons toujours eu pour principe de ne jamais nous engager dans une situation quelconque sans savoir comment on trouvera la solution finale du problème. J'estime que nous sommes nettement sur la bonne voie, en ce sens que l'hospitalité consentie à ces réfugiés par leurs voisins africains est de telle nature qu'ils pourront s'intégrer complètement.

Mais il faudra du temps et j'estime qu'en temps qu'agent catalyseur des efforts de la communauté internationale, nous avons pu attirer l'attention des gouvernements, des agences et aussi des organisations locales, sur les besoins des populations, et mettre au point des plans d'installation qui rendront à la fin les réfugiés indépendants de l'aide extérieure.

Je me suis rendu dans différentes régions de la province du Kivu, par exemple, où le travail accompli par les réfugiés est tout à fait remarquable. Ils se sont installés parfois à 2.500 ou 3.000 mètres d'altitude dans des forêts vierges, abattant des arbres énormes, défrichant et faisant fructifier des terres que n'avaient jusqu'ici jamais été cultivées. Ce faisant, et grâce à l'aide que nous leur avons donnée avec notre associé, la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, ils ne se contentent pas de s'aider eux-mêmes, ils contribuent à la pénétration de régions qui étaient restées inexploitées jusqu'ici. Je crois que ceci montre bien que ce que nous avons fait ne sert pas seulement à aider les réfugiés, mais aide également les pays qui leur donné asile. On ne voit pas seulement, là-bas, les récoltes grandir, que permettront bientôt aux réfugiés de subsister par leurs propres moyens et sans avoir besoin de compter sur des rations de l'extérieur, mais on voit s'élever, grâce à notre aide, des écoles, des dispensaires, parfois des centres de développement communautaires et toutes sorts de projets différents. Ces gens dépasseront le stade d'une simple économie de subsistance, consistant à faire des semailles et des récoltes, à semer ce qui reste pour pouvoir continuer à se nourrir : au lieu de cela, une existence communautaire est en train de se développer en des sieur où, lentement mais sûrement, se forment des racines dans un nouveau pays. A mon avis, telle est la note dominante de toute notre oeuvre dans ces contrées où se présentent des situations nouvelles concernant les réfugiés.

Il m'a semblé particulièrement émouvant, lorsque j'ai pu parler avec beaucoup de dirigeants parmi les réfugiés et avec les réfugiés eux-mêmes, avec les gens les plus impies, de les entendre dire ce que signifiait le fait de savoir que les Nations Unies s'occupaient d'eux. Il y avait là pour eux une notion entièrement nouvelle. Ils n'avaient pas idée, ils n'avaient jamais imaginé que quelque part, à des milliers de kilomètres au-delà des mers, il y avait des gens pour s'intéresser vraiment à leur infortune et à leurs souffrances humaines et qu'une organisation était prête à leur apporter de la sympathie, de la compréhension et des secours, afin qu'ils puissent de nouveau se suffire à eux-mêmes. Il y a là, à mon avis, une bonne indication de ce que les efforts que nous accomplissons en tant que conscience de la communauté internationale signifient pour ces populations.

Malheureusement, les réfugiés du Rwanda n'étaient pas le seul groupe dont il me fallait m'occuper : en effet, nous avons d'autres problèmes au Congo avec les réfugiés d'Angola. Le problème est, certes, moins brûlant qu'il ne l'était lorsqu'il éclatait il y a quelques années. Mais, en somme, j'estime qu'il est essentiel que les agences bénévoles, aussi bien que notre représentant à Léopoldville, se préparent à faire face à une situation pouvant donner lieu à de futurs problèmes dans cette région. Beaucoup de gens se sont rassemblés le long de la frontière même de l'Angola qui, jusqu'ici, se sont montrés très et où nous serions disposés à les aider, comme nous avons aidé les réfugiés du Rwanda, jusqu'à ce qu'ils puissent retourner dans leur pays. Il y a là un problème que nous suivons de très près et je suis convaincu que, si nous pouvons persuader ces gens de profiter de ces nouvelles occasions de rétablissement plus loin à l'intérieur du Congo, ils pourront éventuellement être réinstallés semant plus loin à l'intérieur du Congo, ils pourront éventuellement être réinstallés et devenir aussi capables de se suffire à eux-mêmes tout comme les réfugiés du Rwanda dans les régions où ces derniers se trouvent placés.

Comme je vous l'ai eu l'occasion de me rendre dans différents pays d'Afrique occidentale. A mon avis, il était extrêmement intéressant de se rendre compte, dans ces pays, de la manière dont les gouvernements de cette partie de l'Afrique sont conscients de l'oeuvre que nous accomplissons et combien ils s'y intéressent. Ils comprennent combien il est important pour eux de pouvoir recevoir une aide, tantôt matérielle, tantôt juridique ou sous forme de conseils pratiques, en vue de résoudre les problèmes de réfugiés qui se posent dans leurs propres pays.

Le Haut Commissariat devient, je crois, vraiment universel comme l'a fait remarquer le Haut Commissaire, et ne se préoccupe plus seulement des problèmes traditionnels qu'il a été appelé à traiter en Europe par le passé; il devient de plus en plus actif dans les nouvelles situations de réfugiés où s'appliquent des techniques et des principes totalement différents, mais pour lesquels nous pouvons éveiller le genre d'intérêt qui nous a aidés à résoudre tant de problèmes en Europe. J'ai découvert, quand j'étais en Afrique occidentale, qui là aussi, se posaient des problèmes de réfugiés. Il y a, par exemple, dans des pays comme le Nigeria, des groupes isolés qui bénéficieront probablement de notre aide dans l'avenir. Ainsi, il m'a paru très intéressant de constater que les problèmes ne se trouvaient pas concentrés seulement dans les pays où nous réalisons des programmes mais qu'ils se posaient en d'autres lieux où s'étaient créées certaines situations de réfugiés. J'ai été particulièrement satisfait d'entendre les gouvernements donner un au moral et financier à notre oeuvre. Je suis convaincu, d'ailleurs, que, dans la mesure de ses moyens, le continent africain continuera à donner son appui au HCR, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies de cette année et flores de ses futures sessions. Cela sera d'ailleurs conforme à mon avis, à la décision unanimement adoptée à l'Assemblée générale de l'an dernier, prolongeant de cinq ans le mandat du Haut Commissaire. Le soutien moral qui nous a été donné alors se transformera, j'espère, en temps voulu, en soutien financier.

Il y a une chose que je voudrais ajouter avant de conclure : c'est en raison de problèmes desquels j'ai parlé brièvement ici, en particulier à cause de celui que continue de poser l'intégration et l'établissement des réfugiés du Rwanda, à cause également du problème des réfugiés d'Angola auquel j'ai fait allusion, parce qui d'autres problèmes se présentent sur lesquels les gouvernements ont attiré notre attention, à cause de situations nouvelles concernant les réfugiés venus au Tanganyika des pays voisins, sans compter certains mouvement de réfugiés au Soudan, que le Haut Commissaire a décidé de créer un bureau régional. Ce bureau sera établi à Bujumbura (anciennement appelé Usumbura), capitale du Burundi, qui est au centre des mouvements de populations dont j'ai parlé, et qui est le point de concentration de nos programmes. Ce bureau régional a maintenant été installé et je suis heureux de constater combien les gouvernements s'intéressent à ce nouvel organisme en Afrique. Comme vous le savez, nous avons déjà des bureaux en Afrique du Nord, mais c'est la première fois qu'une région située au sud du Sahara fait l'objet de mesures de ce genre sur place. Auparavant, nous n'avions là que des chargés de mission, traitant certains problèmes prévis, travaillant sur les lieux et faisant rapport à Genève. Le nouvel arrangement facilitera beaucoup notre travail. Le bureau régional permettra d'améliorer la coordination entre les gouvernements, les agences bénévoles et les autres membres de la famille des Nations Unies qui s'intéressent aussi à notre oeuvre. Il nous permettra en même temps de nous rendre dompte avec plus de clarté de ce qui se passe dans le vaste continent africain. Nos problèmes se trouveront grandement simplifiés car, auparavant, nous devions toujours envoyer d'ici nos représentants et nos chargés de mission. L'établissement de ce bureau était également l'un des objets de ma visite. A mon avis, l'installation de notre nouveau représentant, les contacts que j'ai établis avec les gouvernements, ainsi que l'occasion qui s'est offerte à moi de voir combien notre oeuvre avait progressé dans différents pays, m'ont donné une idée très vivante de ce que le haut Commissaire a réussi à accomplir en Afrique.

Je serai heureux que vous me posiez des questions. En même temps, je tiens à vous dire combien je vous suis reconnaissant de l'intérêt que vous apportez à notre travail ; il est, en effet, extrêmement important pour nous d'avoir le soutien des gouvernements aussi bien que celui de l'opinion publique, sans laquelle nous ne pouvons rien faire. La meilleure manière de s'assurer l'appui de cette dernière a toujours été, et sera toujours, d'éveiller l'intérêt des moyens d'information du public, qu'il s'agisse de la presse, de la télévision ou de la radio.

Merci.

QUESTIONS ET REPONSES

A la suite de leur exposé, vingt-six questions ont été posées au Haut Commissaire et au Haut Commissaire adjoint, dans l'espace de cinquante-cinq minutes.

L'intérêt des journalistes s'est concentré principalement sur les nouveaux problèmes de réfugiés en Afrique. La plupart des questions portaient sur la nature de ces situations (envergure et durée probable) et sur les mesures prises par le HCR pou y faire face. Il y a eu également une série de questions de caractère plus abstrait, concernant notamment les rapports entre le mandat du HCR, tel qu'il avait été prévu en 1951, lors de la création du Haut Commissariat, et les « bons offices », incorporés entre-temps dans une série de résolutions de l'Assemblée générale, et qui ont eu pour effet de permettre au Haut Commissariat, d'apporter une aide internationale à des gens qui n'eussent pas été qualifiés pour l'obtenir d'après les premiers critères établis. En décidant si une personne relève ou non du mandat, le Haut Commissariat doit décider si celui qui se dit réfugiés a, en fait, « une crainte bien fondée de la persécution pour des motifs de race, de religion, de nationalité, ou d'opinion politique », et ne peut ou ne désire pas regagner son pays d'origine.

C'est également cette définition que les Etats souverains appliquent pour déterminer si une personne est ou non un réfugiés aux termes de la Convention de 1951 relative au Statut des réfugiés. L'individu éligible aux termes de cette Convention, bénéficie, dans les Etats qui en sont parties, de certains droits précis, et notamment de l'assurance qu'il ne sera pas renvoyé dans le pays d'où il est venu. En d'autres termes, le mandat désigne ceux que le Haut Commissaire est à même de protéger. La Convention détermine à qui les parties contractantes à ladite Convention doivent accorder certains droits. La décision, aux termes de la Convention, relève du pays d'asile, le Haut Commissaire exerçant seulement une surveillance.

Aspect pratique des nouvelles situations de réfugiés en Afrique

Répondant à une question sur l'envergure et la durée probable du problèmes des réfugiés angolais au Congo (Léopoldville), le Haut Commissaire adjoint a parlé de 150.000 personnes, en soulignant que ce chiffre devait être considéré comme très approximatif.

« Vous devez tenir compte du fait », a-t-il ajouté, « que, dans ces régions Afrique où les frontières s'étendent sur des milliers de kilomètres et sont souvent mal définies, il y a un mouvement constant à travers les lignes de démarcation. Cela est d'autant plus vrai que les groupes ethniques vivant de part et d'autre de beaucoup de frontières africaines sont similaires, qu'ils ont toujours émigré suivant les saisons, suivant la qualité des pâturages pour le bétail d'un côté ou de l'autre, et qu'il n'existe en réalité aucun contrôle efficace. Il en est certainement ainsi sur la frontière de l'Angola. En conséquence, il est difficile de décider avant tout, combien de gens se trouvent en dehors du territoire de l'Angola et, en second lieu, si ces gens sont ou non des réfugiés. C'est pourquoi j'estime qu'il est tout à fait inutile, et qu'il est en outre extrêmement difficile, de procéder à un recensement ...

Quant à dire combien de temps se posera le problème, je crois malheureusement que c'est impossible, car cela dépend du moment où ces gens décident de regagner leur pays, si jamais ils décident d'y rentrer. Entre-temps, aussi longtemps qu'il le faudra, nous sommes extrêmement désireux qu'ils puissent s'installer et puissent subvenir à leurs propres besoins ».

Un autre journaliste a demandé au Haut Commissaire adjoint s'il pensait que le problème des réfugiés en Afrique s'étendrait au cours de ces prochaines années. Le Haut Commissaire adjoint a répondu :

« Cela dépend évidemment principalement d'un problème politique, et je ne peux pas préjuger quelle sera la situation politique du continent africain, mais j'ai l'impression qu'avec un point de vue réaliste, ni optimiste, ni pessimiste, mais simplement réaliste, on peut certainement dire, sur la base des événements récents et sur la base des événements qui se préparent tous les jours, que le problème des réfugiés sera avec nous encore pendant très longtemps sur ce continent ... »

Au sujet de la remarque faite par le Haut Commissaire adjoint sur l'appartenance de populations de part et d'autre d'une certaine frontière à une même tribu, un journaliste a demandé si, dans la mise en oeuvre de ses programmes, le HCR pouvait empêcher les abus pouvant résulter de l'impossibilité de distinguer entre les réfugiés et la population locale.

Le Haut Commissaire a exposé, dans sa réponse, la manière dont cette situation avait été réglée au Congo en ce qui concerne les réfugiés angolais. Les mesures de secoures prises par la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et l'opération des Nations Unies au Congo avec la participation du HCR, a-t-il déclaré, s'étaient portées, bien entendu, dès les débuts, sur les régions frontières où affluaient les réfugiés, mais il a souligné que cotte aide avait un caractère temporaire.

« Nous avons vu qu'après avoir donné une aide temporaire, nous ne pouvions pas poursuivre notre oeuvre sur place avec la Ligue, et qu'il fallait offrir à ceux qui ne pouvaient trouver une base de vie dans cette région la possibilité d'une solution un peu éloignée de la zone frontalière. Nous pensons que les personnes qui voudront se servir de cette possibilité seront précisément celles qui n'auront pas trouvé une nouvelle base de vie le long de la frontière, ou qui n'appartiennent pas à la population locale ».

M. Schnyder a souligné ensuite que cela n'empêchait évidemment pas les agences bénévoles travaillant sur le plan purement humanitaire, de continuer leur aide dans les régions frontières, les mesures prises par elles n'étant pas nécessairement limités aux réfugiés, comme celles que doit prendre le HCR.

« Or, je crois que par la conception de notre tâche nous avons pu concentrer notre effort d'une manière constructive sur une groupe de la population qui peut être vraiment considéré comme appartenant aux réfugiés ».

Le Haut Commissaire adjoint a jouté que le HCR intervient dans les problèmes de réfugiés en Afrique et ailleurs à la demande des pays demande des pays d'asile.

« C'est le gouvernement qui estime les besoins, qui estime les régions où se trouvent ces gens, et qui en somme garantit le fait que ce sont des réfugiés ».

Le journaliste n'a cependant pas voulu abandonner le terrain et a déclaré qu'il pourrait arriver qu'un gouvernement se trouvant en présence de graves difficultés pourrait tenter d'exploiter les activités du HCR afin de créer un système national de bienfaisance.

Le Haut Commissaire a fait remarquer que ses ressources étaient, avant tout, extrêmement limités et qu'elle étaient employées d'une façon pragmatique, sous la surveillance de son personnel, en étroite coopération avec les autorités des pays intéressés. Citant encore l'exemple des Angolais, le Haut commissaire a ajouté :

« Nous avons dit 'Ceux des réfugiés qui ne pourront pas s'établir dans les zones frontalières où ils se trouvent, pour ceux-là nous offrons l'établissement, en les éloignant de cette zone frontalière'. Et évidemment le risque que des gens qui ont toujours vécu dans la zone frontalière voudraient profiter de cette possibilité n'est pas très grand. Tandis que, pour ceux qui sont déracinés et qui arrivent dans la zone frontalière l'offre peut être attrayante ils se disent : 'Puisque je ne peux pas me faire une nouvelle vie là où je me trouve, parce que les conditions générales ne le permettent pas, il y a une possibilité pour moi de trouver une nouvelle base de vie un peu éloignée de cette zone frontalière'. Je ne crois pas qu'il y ait un risque d'abus dans cet exemple particulier.

D'autre part, ce que je voudrais aussi dire, c'est que toute notre oeuvre, comme le Haut Commissaire adjoint l'a déjà indiqué, est conçue, chaque fois que nous nous engageons dans un problème, en vue d'une solution du problème. Nous essayons d'éviter une action de secours qui s'éternise, parce que nous nous rendons bien compte, comme vous l'indiquez, que nous risquons autrement de créer une oeuvre qui ne se termine pas et qui risque de démoraliser plutôt les gens que de les aider. Notre but c'est d'aider les gens à s'aider eux-mêmes en concevant un programme rationnel et pratique où, avec le minimum de fonds, on arrive à donner aux réfugiés une chance de survivre ou de travailler pour leurs propres besoins, et après d'améliorer leurs conditions de vie. Une des choses essentielles que nous essayons d'obtenir par cette oeuvre c'est de faire en sorte que les réfugiés ne deviennent pas une charge insupportable pour le pays qui les reçoit et qu'au contraire ils aient une chance de participer au développement du pays ».

Un journaliste a demandé dans quelle proportions les Etats africains participaient, sur le plan financier, aux frais d'entretien du nouveau bureau régional Afrique.

Le Haut Commissaire adjoint a répondu que les frais du personnel du bureau, comprend un fonctionnaire et une secrétaire, étaient couverts par le budget administratif général du HCR et ne dépendaient sur ce point d'aucun gouvernement particulier. Quant aux contributions aux programmes du HCR, a-t-il ajouté, comprenant des projets pour l'Afrique et pour d'autre régions, le Ghana avait versé à leur intention 3.000 dollars par an depuis 1959, et qu'en 1963, la Nigeria avait versé 5.000 dollars et le Togo 1.000 dollars.

Financement des programmes courants du HCR

Se référant à la déclaration du Haut Commissaire, un journaliste a demandé quelle durée correspondra la somme de 45 millions de dollars qui avait été contribuée pour les programmes réguliers du HCR, c'est-à-dire pour les programmes en faveur des réfugiés d'après guerre depuis longtemps en Europe.

Le Haut Commissaire répond qu'il s'agit du montant qui aura été attribué depuis 1955, qui ne comprend cependant pas les fonds utilisés pour les programmes spéciaux, en faveur des réfugiés hongrois, par exemple, lors de la période d'urgence de 1956. Dans ce cas, le HCR a fait une allocation supplémentaire de 10.500.000 dollars. De même, les réfugiés d'Algérie au Maroc et en Tunisie ont bénéficié d'une somme de 2.700.000 dollars, transmise par le canal du HCR.

Un autre participant à la conférence de presse a demandé combien le HCR comptait dépenser au course des douze prochains mois.

« Dans notre programme de 1963 », a répondu M. Schnyder, « nous avons envisagé, pour ce que j'appelle les derniers projets d'assistance en Europe, c'est-à-dire pour la dernière réfugiés contribution que nous espérons obtenir de source privée, de fonds bénévoles, de gouvernements et autres donateurs - pour ce qui reste de misère parmi les « anciens » réfugiés d'après-guerre - une somme de 5.400.000 dollars. Simultanément, pour la première fois dans l'historie de notre organisation, et il y a là, je crois, une indication importante sur l'évolution de notre oeuvre, nous avons envisagée, dans le même programme pour 1963, 1.400.000 dollars pour couvrir les besoins courants des réfugiés et les nouveaux besoins en Europe et outre-mer. Ce fonds de 1.400.000 dollars a été envisagé comme une partie intégrante et régulière de notre oeuvre.

« Sur cette somme de 1.400.000 dollars, 700.000 ont été mis à part pour les problèmes courants et les problèmes nouveaux en Europe, et 700.00 affectés aux nouveaux problèmes de réfugiés hors d'Europe. Ce dernier montant n'était pas suffisant, mais nous avons reçu des contributions très substantielles de différents gouvernements et d'organisations spécialement intéressées, comme l'« Oxford Committee for Famine Relief ». Nous ne considérons pas notre contribution comme le montant requis pour accomplir la tâche prévue, mais comme représentant le moyen d'action minimum voulu pour assurer un système me coopération d'ensemble. Ainsi, pour toute les situations de réfugiés en Afrique dont nous avons parlé, des quantités considérables de vivres américains ont été mises à notre disposition. Ces approvisionnements, s'ajoutant à tous les autres efforts accomplis, constituent un important appoint en vue de satisfaire aux besoins des réfugiés.

« Dans le cadre de notre programme de 1964, le chiffre prévu est de 2.600.000 dollars ; nous pensons que quelque 700.000 dollars devront, là-dessus, être utilisés en Afrique ».

Dans quelle mesure, a-t-on demandé ensuite, le Haut Commissaire a-t-il pu faire face aux exigences financières prévues pour la réalisation de ces plans ? Voici sa réponse :

« Pour le programme de 1963, j'ai eu des vues plutôt ambitieuses - je voulais 6.800.000 dollars. Au 1er octobre, il y avait encore à combler une lacune de quelque deux millions. A présent, je crois qu'avec les contributions spéciales annoncées au cours de cette session, qui atteignent 400.000 dollars, avec d'autres efforts en cours et avec ce que nous espérions obtenir en fait d'autres revenus supplémentaires, je crois bien que nous finirons par arriver au chiffre prévu.

« Bien entendu, plus le versement de ces contributions se trouve retardé, plus la tâche risque d'être ralentie. Mais je crois que, pour la première fois, nous envisageons avec une certaine confiance la perspective de voir notre programme de 1963 couvert. Il nous faut encre atteindre le but, et nous continuerons à faire de grands efforts pour soutenir l'intérêt en faveur de notre oeuvre, afin d'arriver au niveau financier requis pour terminer ce que nous considérons comme des projets majeurs pour les anciens réfugiés d'Europe.

« En ce qui concerne 1964, il nous est difficile d'exprimer une opinion. En effet, nous venons seulement de faire adopter notre programme au Comité et nous aurons, avant la fin de l'année, une conférence au cours de laquelle les dons seront annoncés, lors de l'Assemblée générale, au cours de laquelle les gouvernements donneront le montant de leurs contributions aux programmes de 1964 ».

Quant aux besoins courants des réfugiés en Europe, le Haut Commissaire a confirmé ce qu'il avait déjà dit au sujet de leur nombre, qui s'accroît chaque année de huit à dix mille nouveaux réfugiés.

Un autre correspondant voulait savoir si les considérations financières constituaient les seules difficultés que devait surmonter le Haut Commissaire dans la réalisation de ses programmes. Le Haut Commissaire a répondu à cette question de la manière suivante :

« Chaque situation de réfugiés donne lieu à toute une série de problème. Ainsi, l'une des caractéristiques de notre travail est que nous n'avons aucun dispositif opérationnel. Par conséquent, dans toute situation où il faut travailler sur le plan pratique, il nous faut trouver un partenaire opérationnel. Nous avons déjà parlé de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge. Dans d'autres cas, nous avons recouse à toute une spire d'agences bénévoles qui, par tradition, s'intéressent à ce genre de travaux. nous essayons de trouver un associé qui soit déjà capable de faire oeuvre utile en coopération avec nous. Ensuite, Il nous faut négocier avec les gouvernements et leur faire entendre ce que nous pouvons et ce que nous ne pouvons pas faire. Il faut, en outre, établir le plan et l'appliquer. Bien entendu, le problème financier est l'un de ceux qui limitent nos possibilités d'action, mais il n'est pas le seul auquel nous devions faire face.

« Il y a une question très importante, comme je vous l'ai déjà dit : il s'agit pour nous de pouvoir faire comprendre aux différents pays que nous voulons les aider et non les embarrasser. Il est intéressant de noter qu'en Afrique, notre oeuvre a été appréciée dans les pays même d'où provenaient les réfugiés. Le Haut Commissaire adjoint vous a parlé de sa visite au Rwanda. L'un des objets de cette visité était de faire accepter l'idée que, si nous aidions les réfugiés du Rwanda à s'installer, ce n'était nullement en vue de créer un problème politique, mais afin d'éliminer une source possible de misère et, de ce fait, une source de friction. Nous trouvons, en somme, toutes sortes de problèmes dans notre travail. La question financière n'est que l'un de ceux que nous trouvons devant nous tous les jours ».

Le Haut Commissaire a ensuite été prié de dire quelques mots des problèmes qui se posent en Asie au sujet des réfugiés dont s'est occupé le HCR.

Après avoir rappelé que le HCR est à la disposition de tous les pays se trouvant en face de problèmes qui, « par leur caractère ou leur envergure, exigeaient un effort spécial de la part de la communauté international », il a choisi le problème particulièrement actuel des réfugiés chinois à Macao.

« Nous sommes en train d'étudier ce problème et nous verrons si nous pouvons trouver la possibilité, avec les autorités portugaises, d'améliorer et de résoudre certains problèmes extrêmement difficiles. A Macao il y a beaucoup de réfugiés handicapés, beaucoup de réfugiés aveugles et des réfugiés qui ont d'autres handicaps. Nous avons trouvé parmi les pays intéressés à ce problème un intérêt considérable pour ce problème, et si nous pouvons trouver une base de coopération en faveur de ces réfugiés, qui nous permette de rendre un service utile, nous allons certainement faire tout ce que nous pourrons. »

On a demandé ensuite au Haut Commissaire comment il envisageait la formation progressive d'une majorité afro-asiatique au sien de l'Assemblée générale.

M. Schnyder a réaffirmé que l'organisation qu'il dirige est prête à s'occuper de tous les problèmes de réfugiés sur un plan purement humanitaire et apolitique. Il a noté que l'Assemblée générale, dans sa composition actuelle, avait approuvé le renouvellement du mandat du HCR en 1962 sans qu'aucune voix ne s'y oppose. Il a également attiré l'attention sur la décision du Conseil économique et social en juillet 1963 de porter de vingt-cinq à trente le nombre des membres du Comté exécutif du programme du Haut Commissaire, « afin, précisément, de donner aux nouveaux pays s'intéressant à notre oeuvre, l'accession de participer aux débats d'un Comité qui dirige, en fait, nos activités ».

Rapports entre les critères du mandat et les « bons offices ».

C'est à ce moment qu'une spire de questions a été soulevée, pour savoir si le mandat originel est adéquat pour faire face aux nouvelles situations de réfugiés.

Le Haut Commissaire a relevé qu'à son avis, la résolution sur les « bons offices » « donnait au mandat assez d'élasticité et une marge assez grand pour travailler utilement en faveur des réfugiés à l'heure actuelle ». Il a ajouté qu'en outre, le facteur limitant l'efficacité du HCR ne serait sans doute pas contenu dans les directives qui gouvernent ses travaux, bien qu'elles se soient trouvées élargies et rendues plus flexibles grâce aux résolutions sur les « bons offices » mais plutôt l'appui sur lequel il pourrait compter de la part des gouvernements et autres sources.

Il a souligné que l'existence d'un instrument comme le HCR, « que aide à faire des problèmes de réfugiés une matière d'intérêt commun pour les gouvernements et à faire passer des principes humanitaires dans le domaine des réalités », est chose relativement nouvelle.

Au cours des quarante années qui se sont écoulées depuis la nomination du premier Haut Commissaire de la Société des Nations, l'intérêt des gouvernements pour les réfugiés avait subi d'importantes fluctuations, des organismes successifs ont été établis puis démantelés pour être remontés de nouveau, à mesure que continuaient à se succéder les problèmes de réfugiés. Des années d'enthousiasme relatif ont été souvent suivies de longues périodes l'apathie de la part des gouvernements. A propos de cette évaluation historique, où le HCR entre dans sa treizième année, le Haut Commissaire a déclaré :

« Nous sommes maintenant à même de prouver que ce genre de coopération internationale n'est pas seulement nécessaire du point de vue humanitaire, mais qu'à la longue, elle contribue en outre à renforcer les principes de la solidarité internationale. Jr suis convaincu que si nous faisons bien notre travail, cela ne servira pas seulement aux réfugiés et aux gouvernements des réfugiés mais également aux Nations Unies, en démontrant que ce genre de coopération peut être utile.

« J'ajouterais qu'à ce point de vue la tâche qui m'a été confiée est difficile mais non désespérée. Je préfère travailler sur le terrain tel qu'il se présente maintenant, plutôt que de jouir d'un mandat étendu et ne trouver personne pour me donner le soutien voulu afin d'accomplir ma tâche ».

Un correspondant a demandé quel pourcentage des nouveaux réfugiés d'Afrique et d'Asie dont s'occupe le HCR relevait de son premier mandat.

Le Haut Commissaire a répondu qu'en pratiquant les « bons offices » il n'était pas nécessaire de se référer à un mandat afin d'apporter une aide matérielle. Quand il s'agit de vivres, d'abris et de soins médicaux, ou de dons afin d'assurer l'installation des réfugiés, une décision se rapportant au mandat n'entre pas en ligne de compte. Mais s'il s'agit de protection, comme dans le cas où l'on se propose de renvoyer un réfugiés dans son pays d'origine contre sa volonté, le représentant du HCR aura le devoir d'envisager la situation de l'intéressé d'après les critères établis par le mandat et de prendre une décision en ce sens.

Les problèmes de réfugiés dont le HCR s'est occupé en Afrique ont porté presque exclusivement sur des situations exigeant une aide matérielle. Par exemple, le droit à un titre de voyage, que est l'un des avantages prévus pour les réfugiés reconnus comme tels aux termes de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés, est une question purement académique pour la grande masse des réfugiés en Afrique, bien que, s'il le fallait dans un cas particulier, une décision d'éligibilité puisse être prise.

« Tant qu'il s'agit seulement d'aider à soulager des besoins humanitaires pratiques, nous ne prenons pas de décisions aux termes du mandat », a ajouté le Haut Commissaire.

Le Haut Commissaire adjoint a déclaré qui, même si, au premier abord, le problème des réfugiés en Afrique était une question de secours matériels, un certain nombre d'Etats africains n'en avaient pas moins accédé à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés, qui définit les droits du réfugiés relevant du mandat et les mesures de protection qui peuvent lui être appliquées. Au course de sa mission, le Haut Commissaire adjoint a constaté que des pays comme le Burundi, le Dahomey, le Ghana et le Togo, appliquaient les normes de la Convention aux réfugiés bénéficiant de « bons offices » du HCR, sans que la question d'éligibilité soit déterminée.