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Acceptation du Prix Nobel de la Paix à l'Université d'Oslo, par M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le 10 décembre 1981

Discours et déclarations

Acceptation du Prix Nobel de la Paix à l'Université d'Oslo, par M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le 10 décembre 1981

10 Décembre 1981
Différentes langues:

Votre Majesté,
Vos Altesses Royales,
Vos Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Sur la porte d'une école, il est écrit « il y a ici plus que vous ne pouvez voir ».

Aujourd'hui, alors que le HCR a le grand honneur de recevoir le Prix Nobel de la Paix, je me dois avant tout d'exprimer notre immense gratitude. Je tiens à adresser mes remerciements les plus vifs au Roi de Norvège et à la famille royale, qui nous ont fait l'honneur de leur présence, ainsi qu'au Comité Nobel, qui a désigné, pour cette distinction, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Je souhaiterais également remercier le Président, le Professeur Sanness, pour ses aimables paroles. Nous les garderons en mémoire comme un encouragement constant dans l'exécution de notre tâche. Enfin, je voudrais remercier cette assemblée d'éminentes personnalités qui nous ont honorées de leur présence.

Alors que j'exprime ainsi ma plus sincère gratitude, je voudrais rappeler à tous ici présents, que ce prix, dont nous nous réjouissons, est un hommage rendu à un grand nombre de personnes. Il y a ici plus que vous ne pouvez voir.

Le privilège m'a été donné d'être celui qui reçoit ce prix, et qui peut vous dire sa reconnaissance, mais je vous demande de voir, au-delà de moi, des milliers et des dizaines de milliers de réfugiés. Ils sont partout dans le monde. La plupart se trouvent en Afrique, mais un grand nombre aussi en Asie, beaucoup d'autres en Amérique latine, et d'autres encore en Europe, et en Amérique du nord. L'annonce de l'attribution du Prix de la paix pour 1981 au HCR a rappelé aux réfugiés qu'ils n'étaient pas oubliés.

Si je ne suis pas habilité à parler au nom de tous les réfugiés, je crois exprimer ce qu'ils ressentent lorsque je dis au Comité Nobel merci d'avoir rappelé les réfugiés à l'attention du monde. Merci d'avoir, par votre choix, donné une dimension universelle à ce vaste problème humain.

C'est aussi au non de tous mes collaborateurs que je dis ces quelques mots. Au nom de tous ceux qui animent les agences bénévoles, sans lesquels nous ne pourrions mener à bien notre tâche. Au nom de tous ceux qui, au sein du système des Nations Unies, nous apportent également leur aide. Et, bien sûr, au nom de tous mes collaborateurs au HCR.

Imaginez devant vous cette foule de plusieurs milliers de personnes qui remercient le Comité Nobel et la Norvège pour leur avoir ainsi tendu la main.

Je voudrais, aujourd'hui, mentionner deux noms en particulier. Le premier est celui d'Alfred Nobel l'inventeur, l'homme de sciences, le créateur d'un grand nombre d'entreprises industrielles. Si Nobel est devenu célèbre aux yeux du monde, ce n'est cependant pas seulement pour ses qualités exceptionnelles dans ces domaines. Mais, bien plus, pour la perspicacité et la bonté dont il a fait preuve lorsqu'il a légué sa fortune au Fonds Nobel. Il voulait que soit ainsi encouragé tout ce qui pourrait être bénéfique à l'humanité dans le domaine de la médecine, de la physique, de la chimie, tout ce qui serait écrit et publié pour servir un idéal, et tout ce qui serait fait en faveur de la fraternité entre les nations. Il y a 85 ans aujourd'hui, Alfred Nobel trouvait la mort. Ce qu'il a exprimé dans ses dernières volontés, avec le langage de l'époque, exerce toujours une influence sur l'humanité et va dans le sens de ce qu'il avait prévu.

Un autre nom doit être cité, celui de Fridtjof Nansen. Ce digne fils de Norvège a, lui aussi, fait preuve de sa valeur dans bien des domaines. Mais nous nous souviendrons surtout de lui pour les efforts incessants, guidés par de nobles idéaux, qu'il a toujours déployé en faveur des réfugiés. Pour tous ceux qui, aujourd'hui, se consacrent à la même tâche, il reste un modèle et nous sommes d'autant plus heureux que ce nouvel encourage nous soit donné sur la terre natale de Nansen. Il est réconfortant de constater que c'est d'Oslo que l'assistance aux réfugiés reçoit cette poignée de mains.

Ce n'est pas par pure politesse, à l'occasion de cet événement, que nous évoquons de nouveau la Norvège en lui exprimant notre gratitude. Le peuple et le Gouvernement de la Norvège sont parmi ceux qui nous apportent le plus de soutien dans l'exécution de notre tâche, et l'une des caractéristique de ce pays où nous nous trouvons aujourd'hui est bien cette compréhension dont il ne cesse de faire prouve à l'égard des causes humanitaires.

En 1922, Nansen recevait le Prix Nobel de la Paix, surtout en reconnaissance de son action en faveur des réfugiés russes. L'Office Nansen obtenait également le Prix en 1938 pour son rôle joué à l'égard d'un nombre plus grand de réfugiés toujours en Europe. Lorsque le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés s'est vu octroyer le prix pour 1954, les réfugiés européens se trouvaient toujours au coeur du problème. Le grand honneur qui nous est fait aujourd'hui l'est pour une action qui s'étend à l'ensemble du monde.

Ce sont les Nations Unies qui obtiennent ce prix.

Est-ce bien justifié, quand ce sont les nations elles-mêmes qui créent la discorde et la guerre ? S'il est vrai de dire qu'elles sont responsables, ces mêmes nations ont décidé, d'un commun accord que les réfugiés devaient bénéficier d'une protection Juridique, se voir reconnaître leurs droits fondamentaux, et pouvoir être secourus. Mais sommes-nous, pour autant, plus que des ambulanciers ? Nous venons en aide aux victimes des conflits et de l'oppression, mais que faisons-nous pour la Paix ?

Je crois pouvoir répondre tout d'abord, lorsque vous souffrez, vous ne refusez pas les ambulances et les premiers soins. Ensuite, il y a, dans ce domaine, un lien très étroit de cause à effet, entre la souffrance et les victimes des souffrances.

Sans entrer dans des considérations politiques qui nous mèneraient trop loin, je voudrais dire que la paix n'est pas seulement une « absence de guerre » La paix édifiée entre les nations suppose que ces nations cessent de faire la guerre et de s'entretuer. Mais la paix est plus que cela. La paix est aussi quelque chose de positif, une disposition à la fraternité, un esprit de solidarité avec un autre peuple, une volonté d'aider, un élan de compassion envers tous ceux qui sont dans la peine et la conviction profonde que tous les hommes doivent pouvoir jouir du respect de leurs droits fondamentaux. Si nous désirons ardemment la liberté, la justice, l'égalité devant la loi, celles-ci doivent s'appliquer à tous. J'ai demandé à un réfugié qui ne pouvait retourner dans son pays où il aimerait se réinstaller. Il m'a répondu : quelque part où je pourrais élever mes enfants dans la liberté.

Ce que nous souhaitons pour nous-mêmes doit être valable pour tous. Si nous voulons donner un sens aux mots « droits de l'homme », ce sens doit être général. Aucune nation, aucun groupe, aucune race ne doivent en être exclus.

C'est sur cotte notion fondamentale que s'est appuyé Alfred Nobel lorsqu'il s'est fixé une règle de conduite. C'est à partir de cotte idée qu'il a créé son Prix de la Paix. Ce Prix a conservé son influence dans le monde parce qu'il nous permet, de garder l'espoir, partagé par tous, qu'un jour la paix pourra régner à la place de la guerre, la fraternité à la place de la haine.

L'élan dans l'action de Fridtjof Nansen procédait de cc même sentiment de solidarité avec l'individu. A l'image de ce qu'il avait conçu, les Nations Unies ont décidé de nommer un Haut Commissaire qui serait l'ambassadeur des réfugiés, leur porta parole. C'est-à-dire quelqu'un qui pourrait prendre en mains la cause de gens qui, pour fuir la persécution, ont été contraints de quitter leur pays et n'ont, de ce fait, personne pour parler en leur nom.

En acceptant le Prix de la Paix, aujourd'hui, cette institution du système des Nations Unies l'a fait en sachant que son action reste conforme à l'esprit qui guidait Nobel et Fridtjof Nansen.

Nous sommes convaincus que, tant qu'il y aura des réfugiés politiques, les aider signifiera oeuvrer pour la paix. Il ne s'agit pas seulement de les aider à survivre, mais à reprendre espoir, et à recommencer une nouvelle vie. Celui qui contribue à la restauration de la dignité humaine contribue aussi à la paix. A l'inverse, si la communauté internationale ne vient pas en aide aux réfugiés, d'autres conflits pourront surgir. Et les problèmes non résolus sont néfastes, non seulement à l'individu mais aussi à la communauté.

Cette année est l'Année des Nations Unies pour les personnes handicapées. Parmi les réfugiés, certains sont handicapés, physiquement ou mentalement. Il est juste de dire que ceux-ci sont doublement touchés. Ils sont déjà, de par leur handicap, défavorisés vis-à-vis des autres êtres humains, mais parce qu'ils sont réfugiés, ils sont désavantagés une seconde fois HCR, nous avons l'intention de consacrer le montant du prix Nobel à la création d'un fonds pour les réfugiés handicapés. Cette somme sera donc consacrée à la fourniture de soins hospitaliers, de membres artificiels, de chaises roulantes, toutes choses qu'il serait difficile d'obtenir sans argent. Il nous a semblé que si nous nous montrons solidaires de ceux qui sont doublement handicapés, nous restons dans la ligne des principes qui guidaient Alfred Nobel.

Ainsi, en recevant le Prix de la Paix, nous restons fidèles à l'esprit d'Alfred Nobel. De même que cet événement aujourd'hui nous stimule et nous encourage tous, nous espérons qu'il permettra aux peuples et eux nations de comprendre que les réfugiés sont des êtres humains comme les autres et qu'il ne saurait y avoir de paix et de liberté si l'on ne tient pas compte de leur existence.

Il y a ici plus que vous ne pouvez voir. C'est ce que les hommes ne devraient jamais oublier.