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La mort d'une fillette nous rappelle brutalement le sort des réfugiés oubliés à la frontière iraqo-jordanienne

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La mort d'une fillette nous rappelle brutalement le sort des réfugiés oubliés à la frontière iraqo-jordanienne

Un incendie qui a causé la mort d'une fillette de trois ans et grièvement brûlé deux autres réfugiés palestiniens nous rappelle brutalement le triste sort de centaines de réfugiés oubliés à la frontière jordano-iraquienne depuis près de deux ans.
15 Avril 2005 Egalement disponible ici :
Extinction de l'incendie du camp de Ruweished, qui abrite 123 réfugiés palestiniens originaires d'Iraq.

RUWEISHED, Jordanie, 15 avril (UNHCR) - Suite à un tragique incendie qui a tué une fillette de trois ans et grièvement brûlé deux autres réfugiés palestiniens, des représentants de l'UNHCR se sont rendus au camp de Ruweished afin de s'entretenir avec les réfugiés échoués là depuis près de deux ans après avoir fui l'Iraq à cause de la guerre.

« Ils sont très mécontents, très amers - et on les comprend », commentait le délégué de l'UNHCR en Jordanie, Sten Bronee, lors de son retour jeudi à Amman, la capitale. « Ils déplorent amèrement ce qu'ils considèrent comme une absence de soutien de la part des gouvernements de la région, et en fait du reste du monde. Ils sont mécontents parce qu'ils s'estiment victimes de l'ensemble des problèmes touchant les réfugiés palestiniens au Moyen-Orient, ce qui complique encore plus la recherche d'une solution. Ils jugent que si leur situation avait été résolue, comme elle aurait dû l'être en deux ans, cette petite fille serait encore vivante. »

Née à Bagdad, Aya Lowai Awni Wahdan a vécu l'essentiel de sa courte vie à Ruweished, un triste campement hérissé de tentes, à 60 km à l'intérieur de la Jordanie, où vivent 123 Palestiniens auparavant réfugiés en Iraq. Le camp est fréquemment assailli par des vents violents et des tempêtes de sable. Il y règne une chaleur accablante en été, un froid extrême la nuit, et parfois aussi dans la journée, en hiver. Les autorités jordaniennes, l'UNHCR et d'autres agences fournissent des services de base, notamment des vivres, mais l'endroit est tout sauf idéal pour élever un enfant.

A 8 heures du matin samedi dernier, un incendie - apparemment provoqué par un court-circuit électrique - s'est déclaré dans une tente, et les flammes, attisées par un vent puissant, ont gagné en quelques secondes trois autres tentes, dont celle qui abritait la famille d'Aya.

Le brasier a complètement détruit les quatre abris de fortune, causant la mort d'Aya et brûlant gravement sa mère Salafah ainsi qu'un voisin ; trois autres personnes, dont le frère d'Aya, âgé de cinq ans, souffraient des effets de l'inhalation de fumées.

Ce n'était pas la première fois qu'un feu se déclarait à Ruweished - il y en avait eu d'autres, provoqués par des lampes à kérosène ou des réchauds renversés. Mais c'était la première fois qu'un des résidants périssait dans les flammes.

Les réfugiés de Ruweished - des familles éduquées, de classe moyenne pour la plupart - ont essayé d'améliorer leurs conditions de vie en 'bricolant' des installations électriques, et ce serait l'une de ces installations défectueuses qui serait à l'origine du sinistre.

Avant même l'incendie, le personnel de l'UNHCR à Ruweished avait noté une tension accrue dans le camp, tension aujourd'hui cristallisée par la mort tragique de la petite Aya, relève S. Bronee. Leur ressentiment à l'égard de tous ceux qui pourraient les tirer d'affaire, mais ne le font pas, est de plus en plus dirigé contre les employés de l'UNHCR et de ses partenaires qui travaillent dans le camp.

« C'est normal », convient S. Bronee. « Nous sommes l'interface avec le monde extérieur - et le monde extérieur les ignore. Je me demande constamment : Que pourrions-nous faire de plus ? Après tout, c'est notre responsabilité que de trouver des solutions pour les réfugiés. Mais nous dépendons d'un Etat, ou de plusieurs Etats, pour sortir de l'impasse idéologique et politique qui bloque toute initiative. Jusqu'à présent, aucun pays ne s'est proposé de les aider, ni même de les sortir provisoirement de cette situation infernale - à l'exception de la Jordanie qui en 2003 a accueilli sur son sol 384 hommes et enfants palestiniens ayant une épouse ou une mère jordanienne. »

Et d'ajouter : « Nous avons tout essayé, notamment auprès des pays de la région, nous avons plaidé la cause humanitaire. Mais le débat autour de la question des réfugiés palestiniens est si passionné, les opinions si tranchées.... Ils m'ont demandé pourquoi ils ne pouvaient pas être traités comme n'importe quels autres réfugiés, non palestiniens. Et je n'ai aucune réponse satisfaisante à leur offrir. »

Les réfugiés refusent catégoriquement de retourner à Bagdad, où ils se sont sentis en totale insécurité après le renversement de Saddam Hussein. Certains Iraquiens trouvaient que les Palestiniens bénéficiaient d'un traitement de faveur, en particulier sous la forme de faibles loyers (aux frais des propriétaires iraquiens plutôt que du gouvernement), et à la chute du régime, des Palestiniens ont été la cible de représailles. Beaucoup ont été expulsés de leur logement.

Les Palestiniens de Ruweished constituent l'un des trois groupes échoués le long ou près de la frontière iraquienne et condamnés à une existence précaire. Un autre camp, plus grand, a été installé dans le no man's land entre les deux pays, avec 49 Palestiniens (dont l'oncle de la fillette morte dans l'incendie de Ruweished), 641 Kurdes iraniens et 59 autres personnes de diverses nationalités.

Les Kurdes iraniens viennent du camp d'Al Tash, situé près de Ramadi, au centre de l'Iraq. Al Tash abritait quelque 12 000 réfugiés iraniens depuis plus de 20 ans, jusqu'à la guerre de 2003. L'instabilité ayant gagné la région de Ramadi, de nombreux réfugiés ont quitté le camp. Environ 4 500 seraient retournés en Iran, 3 000 autres ont décidé de s'installer dans le nord de l'Iraq (essentiellement dans la région de Suleimaniyah), tandis que 1 200 partaient pour la Jordanie. Ils seraient 3 500 à être restés à Al Tash.

Fin 2004, 386 réfugiés du camp du no man's land étaient réinstallés en Suède, en deux vagues ; 23 autres ont été accueillis par l'Irlande. Outre la Jordanie, la Suède et l'Irlande sont les deux seuls pays à être venus en aide aux oubliés de la frontière iraqo-jordanienne.

Un troisième groupe de 206 Kurdes iraniens - venus d'Al Tash pour la plupart - vit dans des conditions encore plus difficiles à la frontière, mais du côté iraquien. Ce groupe, qui comprend 85 femmes et au moins 14 enfants de moins de trois ans, est arrivé en janvier mais n'a pas été autorisé à entrer sur le territoire, malgré les requêtes de l'UNHCR, pas même dans le camp du no man's land.

L'UNHCR, qui n'a pas pu accéder à ce groupe depuis l'Iraq en raison de la dangerosité de la route allant de Bagdad à la frontière, a réussi à le ravitailler à trois reprises depuis le territoire jordanien. La dernière fois, le 12 avril, en partenariat avec l'Organisation caritative hachémite, l'UNHCR leur a apporté 48 colis contenant différentes denrées alimentaires ainsi que des produits d'hygiène.

La précédente visite, en mars dernier, avait permis de livrer 100 matelas, des jerricans, des trousses de toilette, des couches pour bébé, du lait, des sardines et autres denrées alimentaires et non alimentaires. Par ailleurs les réfugiés se sont fait prêter trois chambres par les gardes-frontière iraquiens, mais hormis ces interventions, leur survie dépend essentiellement des oboles des passants. Dans ce groupe se trouvaient cinq femmes enceintes, dont deux ont dû accoucher au poste frontalier.

Par Rupert Colville