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L'apatridie, une souffrance supplémentaire pour certaines Vietnamiennes après leur divorce

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L'apatridie, une souffrance supplémentaire pour certaines Vietnamiennes après leur divorce

Des milliers de femmes vietnamiennes, qui avaient épousé des étrangers pour tenter d'échapper à la pauvreté, voient leurs rêves brisés, mais aussi elles perdent leur nationalité en divorçant. L'UNHCR travaille avec le Gouvernement vietnamien pour que leurs droits soient rétablis.
14 Février 2007 Egalement disponible ici :
Nguyen Thi Diem Chi et sa fille Nguyen Lam Gia Lac chez elles, à Ho Chi Minh Ville. Elle se retrouve maintenant sans nationalité ni vietnamienne ni taïwanaise, après s'être séparée de son mari taïwanais.

HO CHI MINH VILLE, Viet Nam, 14 février (UNHCR) - Phuong* commence à peine à parler de son divorce qu'elle se met à pleurer.

« Ils m'ont escroquée, ils m'ont trompée », raconte cette jeune femme vietnamienne de 28 ans en parlant de son ex-mari et de l'arrangeur de mariages, qui lui a fait miroiter la possibilité de pouvoir échapper à la pauvreté en épousant un inconnu de Taïwan. En réalité, son mari s'est révélé être un drogué qui la battait régulièrement, ajoute-elle en sanglotant.

Phuong est maintenant de retour au Viet Nam avec les deux enfants qu'elle a eus de son ex-mari, une fillette de dix ans et un petit garçon de sept ans. Elle et ses enfants ont eu au moins la chance de pouvoir garder la nationalité vietnamienne.

Ce n'est pas le cas pour des milliers d'autres Vietnamiennes qui ont épousé des Taïwanais ces dernières dix années, et ont vu leurs rêves d'une vie meilleure se briser. Une fois de retour dans leur pays, elles ont découvert qu'elles étaient devenues apatrides, ainsi que souvent leurs enfants.

« Mon mari m'a demandé de renoncer à ma nationalité vietnamienne, mais ma famille ne me l'a pas permis », continue Phuong, reconnaissante aux siens de l'avoir sauvée de la situation de vide juridique dans laquelle se trouvent tant d'autres femmes. Selon les statistiques du Ministère vietnamien de la justice, plus de 55 000 femmes vietnamiennes ont épousé des étrangers entre 1995 et 2002, dont presque 13 000 pour la seule année 2002.

Selon une enquête menée par l'Union des femmes vietnamiennes de Hô Chi Minh Ville, 86 pour cent de ces mariages ont été contractés pour des raisons économiques, par des femmes vietnamiennes qui rêvaient d'une vie meilleure à l'étranger.

Les futurs mariés - provenant principalement de Taïwan, de Corée du sud, de Hong Kong et de Singapour - sont souvent des hommes plus âgés et pauvres, qui sont incapables de trouver une femme ou de payer l'organisation d'un mariage dans leur propre pays.

Les problèmes d'ordre juridique apparaissent lorsque l'épouse demande la naturalisation dans le pays de son mari. A Taïwan, cette procédure requiert de renoncer d'abord à la nationalité vietnamienne ; si le mariage prend fin avant qu'elle n'ait reçu sa nouvelle nationalité, elle devient apatride.

Des milliers de mariages ont échoué, laissant au moins 3 000 Vietnamiennes apatrides, selon les estimations du gouvernement. « Pour chaque femme apatride, et souvent pour ses enfants, ce vide juridique est une tragédie », a indiqué Hasim Utkan, le délégué régional de l'UNHCR basé à Bangkok.

Sans nationalité, elles sont à l'abandon dans leur propre pays ; elles ne sont pas autorisées à avoir un livret de famille, une pièce d'identité essentielle pour toute procédure administrative dans ce pays. Elles perdent leur droit le plus basique, celui d'avoir des droits, celui de travailler dans la légalité ou de recevoir une aide sociale. Leurs enfants, considérés comme des étrangers, sont souvent exclus des écoles publiques ; les mères apatrides doivent payer des frais de scolarité importants pour les envoyer dans des écoles privées.

« L'UNHCR s'investit de plus en plus pour tenter d'empêcher et pour résoudre l'apatridie dans le monde, et ce problème me touche particulièrement », a indiqué Hasim Utkan. « Nous sommes prêts à aider le Gouvernement vietnamien pour trouver des solutions qui empêcheraient ces femmes de devenir apatrides. Nous sommes heureux de voir que ce problème est géré par le gouvernement avec beaucoup de transparence et nous nous félicitons de pouvoir discuter de ce sujet ouvertement avec le gouvernement. »

L'UNHCR travaille aussi avec le Gouvernement du Viet Nam pour trouver un moyen de donner la citoyenneté à quelque 9 800 personnes, qui se sont enfuis au Viet Nam pour échapper au régime des Khmers rouges au Cambodge à la fin des années 70, se trouvant encore aujourd'hui au Viet Nam, et sont aujourd'hui intégrés, mais toujours apatrides.

Lors d'une visite au Viet Nam et au Cambodge au début du mois, la Secrétaire d'Etat américaine pour la population, les réfugiés et la migration, Ellen Sauerbrey, a lancé un appel d'urgence aux deux pays pour qu'ils trouvent une solution pour ces personnes qui, a-t-elle dit, « ne peuvent pas acheter un terrain, ne peuvent pas se marier légalement, n'ont pas de droit à la citoyenneté [au Viet Nam]. »

Les anciennes épouses devenues apatrides ne savent pas comment récupérer leur nationalité, et sont victimes du même genre d'intermédiaires peu scrupuleux que ceux qui leur avaient auparavant vendu le mariage. Une femme âgée de 36 ans a indiqué qu'un avocat lui avait demandé 5 000 dollars, une somme énorme ici, pour lui permettre d'obtenir des documents d'identité afin qu'elle retrouve sa nationalité.

Les autorités du Ministère de la justice à Hô Chi Minh Ville ont indiqué travailler d'arrache-pied pour que les femmes apatrides retrouvent leur nationalité lorsqu'ils sont au courant de tels cas.

Nguyen Thi Diem Chi, une femme grande, sûre d'elle-même et âgée de 33 ans, a rencontré son mari, un homme d'affaires taïwanais, lorsqu'elle travaillait pour lui en tant qu'interprète à Hô Chi Minh Ville. Elle a expliqué que son mari lui avait demandé d'abandonner sa nationalité vietnamienne, mais qu'il avait ensuite entravé ses efforts pour se faire naturaliser à Taïwan. Elle explique que leur relation a pris fin car « nous étions incompatibles - mon mari ne me comprenait pas. »

De retour dans son pays avec ses deux enfants, auxquels elle parle toujours en chinois, elle réussit à la force du poignet. Elle travaille en tant que responsable d'un restaurant de fruits de mer et elle est propriétaire de sa maison. Mais c'est une lutte au quotidien car elle n'a pas de nationalité.

« C'est difficile car je n'ai pas de carte d'identité ou de livret de famille, mais j'essaie de retrouver ma nationalité vietnamienne et je pense que cela va être bientôt possible », explique-t-elle. « Alors la vie sera meilleure. »

* Noms fictifs

Par Kitty McKinsey à Hô Chi Minh Ville, Viet Nam