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Après la fin du conflit, les défis demeurent au nord de Sri Lanka

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Après la fin du conflit, les défis demeurent au nord de Sri Lanka

Vicky Tennant, du HCR, s'est rendue à Sri Lanka au début de l'année pour examiner l'impact de l'attribution d'une allocation en espèces aux personnes déplacées, par ailleurs récemment suspendue par manque de financement.
7 Avril 2010 Egalement disponible ici :
Vicky Tennant, spécialiste des affaires juridiques au HCR.

GENÈVE, 7 avril (HCR) - L'agence des Nations Unies pour les réfugiés et la Direction du Développement et de la Coopération suisse ont récemment publié un rapport examinant l'impact de l'attribution d'une allocation en espèces fournie par le HCR et destinée à aider au retour dans le nord de Sri Lanka des personnes déplacées pour y recommencer une nouvelle vie. Au début de l'année dernière, lors de la dernière phase du conflit de longue durée entre les forces gouvernementales et les rebelles des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), plus de 280 000 civils avaient été contraints de fuir leur maison. A la fin de la guerre, la majorité d'entre eux se trouvaient dans des camps gérés par le gouvernement avec l'aide des agences humanitaires et, vers la fin 2009, ils ont commencé à rentrer chez eux. L'un des auteurs du rapport, Vicky Tennant, spécialiste des affaires juridiques au HCR, s'est entretenue avec Hélène Caux, chargée d'information publique au HCR, au sujet de sa visite dans le nord de Sri Lanka début 2010. Elle a discuté des conséquences d'une récente décision visant à suspendre l'allocation en espèces en raison d'un manque de financement.

Quel était le but de cette mission conjointe à Sri Lanka ?

Nous nous sommes rendus sur place pour évaluer l'appui fourni par le HCR dans le cadre du programme de subvention pour le logement. Nous avons étudié son impact et l'utilité de ces allocations pour aider les personnes à recommencer leur vie dans leurs régions d'origine. Il s'agit essentiellement de déplacés internes qui avaient fui leur maison durant la dernière phase des combats dans le nord de Sri Lanka, soit plus de 250 000 personnes. Ils ont vécu des événements extrêmement traumatisants durant le conflit et la plupart d'entre eux ont passé plusieurs mois dans des camps fermés, avant d'être autorisés à rentrer dans leur village d'origine.

Parlez-nous de ces allocations en espèces

L'allocation en espèces consiste en un paiement versé à chaque famille après son retour. Elle s'élève à 25 000 roupies sri lankaises (soit environ 220 dollars) par famille. Une première subvention de 5 000 roupies est versée par le gouvernement à la famille lors de son arrivée et elle est remboursée plus tard par le HCR. Après quelques jours, le HCR et le gouvernement procèdent à l'enregistrement des rapatriés qui reçoivent un formulaire. Ils apportent ce formulaire à la Bank of Ceylon pour y ouvrir un compte et retirer une autre subvention de 20 000 roupies à leur convenance.

Le système bancaire à Sri Lanka est très efficace et les banques ont continué à fonctionner durant la plupart des conflits, même dans le nord du pays. On compte trois succursales de la Bank of Ceylon dans la principale zone de retour, la région de Vanni, et la banque dispose d'équipes mobiles envoyées dans les villages où les rapatriés sont de retour. Le programme semblait bien fonctionner.

Ce programme de subvention visait à aider les gens à reconstruire leur maison, à effectuer des réparations essentielles voire, si nécessaire, à construire un abri temporaire. Le réel avantage des allocations en espèces, c'est la grande flexibilité de ce système qui permet aux gens de hiérarchiser leurs propres priorités. C'est également un bon moyen pour le HCR d'être présent durant le processus de retour et de contrôler la situation des rapatriés. L'organisation utilise le système des allocations en espèces depuis de nombreuses années, en particulier dans des situations de retour à grande échelle comme celle du nord de Sri Lanka. Nous avons constaté que c'est un moyen vraiment efficace pour aider à recommencer une nouvelle vie.

Nous avons été vraiment déçus d'apprendre à notre retour que le programme d'allocations en espèces avait dû être suspendu en raison d'un manque de financement. D'après ce que nous avons vu, les gens avaient utilisé leur subvention de façon très constructive et ce programme avait vraiment permis de leur venir en aide durant les premières semaines après leur retour.

Comment l'allocation en espèces a-t-elle été utilisée par les rapatriés ?

Nous avons établi qu'ils utilisaient les allocations en espèces de plusieurs façons, y compris pour le logement. Nous avons parlé à une personne qui avait acheté des outils pour défricher sa terre et planter à nouveau ses champs. D'autres nous ont expliqué avoir dépensé une partie de la somme pour acheter des légumes frais. D'autres encore ont utilisé une portion de l'allocation pour acheter des vêtements à leurs enfants.

Un grand nombre de rapatriés nous ont expliqué avoir utilisé la subvention pour acheter des vélos. Par exemple, les jeunes hommes cherchant du travail peuvent utiliser le vélo pour se rendre dans la ville la plus proche ou aller au marché et acheter de la nourriture. Certains amènent leurs enfants à l'école en vélo. En fait, la majorité des personnes interrogées ont acheté un vélo, parce que les services de transports publics sont encore très limités.

Dans quelles régions vous êtes-vous rendus à Sri Lanka ?

Après des réunions à Colombo, nous sommes allés à Vavuniya. Nous nous sommes rendus dans certaines zones de retour dans la région de Vanni, qui est la zone dans le nord où est survenu le tout dernier conflit. La région de Vanni s'était complètement dépeuplée durant la dernière phase du déplacement l'année dernière. Les gens se déplaçaient au rythme de la progression de la ligne de front. C'est donc une situation dramatique, car la région s'était complètement vidée. Les gens qui rentrent doivent tout recommencer à partir de zéro. Nous avons passé quelques jours dans cette zone avec des rapatriés. Puis nous sommes allés à l'ouest de Mannar et ensuite à Jaffna, où se trouvent plus de 50 pour cent des rapatriés.

Avez-vous vu beaucoup de destruction ?

La plupart des maisons ont été entièrement détruites ou gravement endommagées. Dans la région de Vanni, le rythme des retours a été très rapide. Plus de la moitié des personnes qui ont été déplacées sont revenues. Mais il y a encore des zones qui n'ont pas été déminées.

Quels sont les besoins les plus urgents pour les rapatriés ?

Le plus important, ce sont les moyens d'existence. Les gens doivent pouvoir gagner leur vie pour subvenir à nouveau aux besoins de leurs familles. Cela signifie qu'ils doivent planter leurs champs ou trouver du travail dans la ville la plus proche. Pour les femmes chefs de famille, l'accès à des revenus est fondamental. Les pêcheurs avaient besoin de nouveaux bateaux, de nouveaux filets. On parlait aussi beaucoup de l'éducation - les enfants sont vraiment concentrés sur leur éducation. Cela dit, de nombreuses écoles fonctionnent à nouveau dans les zones de retour. C'était très impressionnant.

Quelle était l'atmosphère générale ?

Les gens sont essentiellement heureux d'être rentrés chez eux… surtout après ce qu'ils ont vécu ces 18 derniers mois, depuis la vie au milieu d'un conflit jusqu'à se retrouver dans un camp fermé. Mais je soupçonne que l'optimisme et le bonheur d'être à la maison céderont rapidement la place à l'anxiété et à de réelles préoccupations.

Il y a de nombreux points positifs : vous pouvez vraiment voir revivre l'économie et de nombreux investissements sont décidés par le gouvernement pour tenter d'établir des services comme l'éducation, la santé et ainsi de suite. Mais ces gens ont absolument tout perdu. Comme la ligne de front bougeait, ils ont dû laisser tous leurs biens derrière eux... et, de retour chez eux, ils n'ont plus rien en dehors de l'aide qu'ils reçoivent [y compris des articles non alimentaires distribués par le HCR]. Cette somme de 220 dollars est l'équivalent de trois mois de salaire pour un travailleur journalier. Elle apparaît comme un montant d'argent relativement élevé. Mais au vu de tout ce qu'ils ont à faire pour recommencer leur vie, c'est vraiment une goutte d'eau dans l'océan.

Beaucoup de gens ont également perdu des membres de la famille pendant la guerre, ou certains de leurs proches sont toujours portés disparus. Vous ressentez que les gens ont été profondément traumatisés. Il y a aussi beaucoup d'inquiétude, car certains ont des proches qui sont toujours détenus dans des camps de réhabilitation. Ils sont soupçonnés d'avoir participé au conflit. Quelque 11 000 personnes seraient dans ce cas. Tant que la famille ne sera pas réunie, le processus de retour ne sera pas vraiment réussi.

Quelle est l'action du gouvernement pour les aider ?

Je pense que le gouvernement a vraiment travaillé très dur avec les agences humanitaires pour tenter de mettre en oeuvre des mesures visant à les aider efficacement. Mais beaucoup reste à faire, notamment pour la gestion de la destruction des abris et pour les aider à ce qu'ils retrouvent leurs moyens d'existence…. Dans les régions que nous avons visitées, nous avons vu que le HCR travaille très étroitement avec les autorités locales.

Parlez-nous des femmes chefs de famille. Comment arrivent-elles à survivre ?

Nombreuses sont les femmes qui ont perdu leur mari pendant la guerre. D'autres ont leur mari qui se trouve toujours en camp de réhabilitation. Je pense qu'elles font face à de nombreux défis. Par exemple, il est difficile pour une femme de reconstruire son abri par ses propres moyens. Elle va sans doute dépenser une partie de son argent pour embaucher des travailleurs journaliers pour l'aider. Je pense que c'est un domaine sur lequel devraient se concentrer les agences humanitaires. Il y a aussi la peur naissant de l'importante présence militaire.

Quelle est la situation des personnes qui vivent toujours dans des camps ?

On compte près de 100 000 personnes se trouvant toujours dans les nouveaux camps. Ces personnes ont certainement une plus grande liberté de mouvement que par le passé. Un système de laissez-passer a été mis en place, ce qui leur permet de quitter le camp par période de 10 jours, c'est une grande avancée. L'élimination des mines antipersonnel est terminée dans un nombre croissant de zones de retour. Il est donc à espérer que la majorité de ces personnes seront également en mesure de rentrer bientôt dans leur village d'origine.

Que s'est-il passé après la suspension du programme de subventions en espèces début mars ?

Je pense que ceux qui reviennent à partir de maintenant devront lutter encore davantage pour répondre à leurs besoins immédiats. Ils n'auront pas accès à ce soutien flexible s'adaptant immédiatement à leurs besoins... Ainsi, contrairement à ceux qui sont déjà rentrés, ils ne pourront pas, par exemple, acheter du bois pour reconstruire leur maison ou payer quelqu'un pour défricher leur terre. Ils ne seront également pas en mesure de procéder à de petits investissements dont d'autres rapatriés nous avaient parlé. Je pense donc que la suspension du programme d'allocations en espèces est très décevante.

La suspension du programme d'allocations en espèces pourrait-elle affecter les retours futurs ?

C'est très difficile à dire. Probablement la majorité des gens reviendront de toute façon, parce que les gens veulent rentrer chez eux. Mais parfois, ce qui se passe dans ces situations, c'est que les gens les plus vulnérables attendent un peu plus avant de revenir. Donc, pour eux, le fait de ne pas recevoir l'allocation en espèces pourrait avoir de lourdes conséquences.