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Des expulsions forcées aggravent encore la situation des déplacés à Haïti

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Des expulsions forcées aggravent encore la situation des déplacés à Haïti

Les acteurs nationaux et internationaux présents à Haïti demandent que cessent les expulsions forcées des déplacés, en l'absence de procédure légale et d'un plan de relocalisation viable.
15 Juin 2011
Le 23 mai 2011, dans une commune du nord-est de la capitale haïtienne, les autorités locales ont détruit des abris temporaires faits de bâches abîmées, de tentes, d'objets de récupération et de bouts de bois.

Haïti, 15 juin (HCR) - En quelques minutes, des centaines de familles déplacées se sont retrouvées sans abri après des pluies torrentielles sur Port-au-Prince. Ce nouveau déplacement forcé, injuste et arbitraire pour ces victimes du séisme du 12 janvier 2010, ne doit rien au hasard et tout à l'action humaine.

Le 23 mai dernier, des policiers haïtiens et des agents municipaux d'une commune du nord-est de la capitale haïtienne ont, sur ordre du Maire, détruit des abris temporaires faits de bâches abîmées, de tentes, d'objets de récupération et de bouts de bois. Ils étaient armés de matraques et de machettes et ont utilisé des bulldozers et des bennes géantes.

Le lendemain, ces « opérations de nettoyage » entreprises au nom de la sécurité se sont poursuivies dans trois autres camps. Pour les justifier, les autorités locales avancent que ces sites servaient de façade à des « repaires de malfrats ». La recherche de solutions durables est renvoyée à la nouvelle équipe gouvernementale, qui ne s'est toujours pas prononcée sur cette question.

Les sinistrés qui occupaient les tentes détruites ont été pris de court. D'autres ont été blessés du fait de l'usage de la force et la plupart de leurs biens ont été détruits. Ils sont tous démunis face à l'absence de solutions alternatives et subissent une stigmatisation croissante.

Valentina, âgée de 41 ans, élève seule ses quatre enfants. Elle nous raconte, en pleurs : « J'ai dit au Maire et aux policiers qui se trouvaient sur les lieux ce jour-là, que j'ai perdu mon mari et ma maison lors du séisme de janvier 2010. Comme j'élève seule mes quatre enfants, je ne peux pas travailler loin de ma tente. Je vends des petites sucreries et des cigarettes sur le trottoir, tout près du lieu où je vis désormais. Ce n'est pas une vie. Je veux partir d'ici, mais je ne peux pas payer de loyer. Tout est hostile, tout est danger ici. Je n'ai nulle part où aller. Où vais-je dormir ce soir ? »

Le HCR et ses partenaires ont constaté ces derniers jours qu'un grand nombre de ces déplacés dorment désormais en plein air. D'autres ont été transférés d'urgence dans l'un des 1000 camps et sites spontanés de la ville, ce qui génère des tensions avec les premiers occupants de ces sites déjà surpeuplés.

« Nous ne sommes ni des délinquants, ni des « squatteurs ». Dans ce camp, la grande majorité d'entre nous a perdu son logement, détruit lors de cette catastrophe. Et nous n'avons jamais demandé à vivre sur ces propriétés. Nous voulons juste, un jour, retrouver une vie normale…Jusqu'à quand devrons-nous subir ces violences ? » s'interroge, l'air dépité, Augustin, qui avait trouvé refuge sur une petite place du bas de la ville qui n'est plus désormais qu'un amas de déchets et de bâches en lambeaux..

Le HCR est présent en Haïti, dans le cadre de son soutien au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) et en tant que chef de file du Groupe en charge de la protection, depuis les toutes premières semaines de l'urgence. Avec d'autres acteurs humanitaires réunis au sein du groupe de travail sur les questions foncières, le HCR a élaboré des mécanismes coordonnés, des formations et des procédures opérationnelles de prévention et de réponse pour les acteurs nationaux et internationaux sur le terrain.

« Le gouvernement doit aborder le plus tôt possible les questions foncières qui bloquent la recherche de solutions pour les personnes vivant dans les camps de déplacés », a déclaré M. Vincent Cochetel, le représentant régional du HCR à Washington aux Etats-Unis.

Vincent Cochetel a également insisté sur le fait qu'il est crucial pour le nouveau Gouvernement haïtien d'adopter une politique globale de fermeture graduelle des camps assortie de garanties concrètes sur le respect des droits des personnes déplacées, tout en adoptant un moratoire suspendant les expulsions.

A ce jour, selon le bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires humanitaires (OCHA), quelque 170 000 personnes parmi les 680 000 sinistrés vivant dans les camps ont été « invitées » à partir par les propriétaires des terrains qu'ils occupent, au risque d'être expulsés. Les acteurs humanitaires présents en Haïti notent également une nette augmentation des expulsions depuis le premier anniversaire du tremblement de terre.

Les cas de pressions, chantages, menaces physiques et l'usage de la violence se multiplient et aggravent la situation des personnes déplacées ainsi que leur niveau de vulnérabilité, en repoussant les problèmes d'un territoire à l'autre. L'inflation empêche les personnes déplacées, très endettées, de retourner sur le marché locatif. Le manque de terres disponibles (faute d'être déclarées d'intérêt général) ne facilite pas la relocalisation des sites planifiés et certains propriétaires publics et privés font valoir leur droit de propriété.

Les acteurs nationaux et internationaux présents à Haïti participent à la reconstruction du pays et à la recherche de solutions durables avec la consultation et la participation des populations. Ils demandent que cessent les expulsions forcées des personnes déplacées en l'absence de procédure légale et d'un plan de relocalisation viable.

Dix-sept mois après le séisme, les avenues de la capitale sont encore encombrées de débris. Selon des experts, il faudra des années pour les éliminer. Le retour dans les quartiers d'origine se fait au compte-goutte et le retour à une vie normale pour les habitants de ces cités de tentes semble encore lointain.

Le séisme, survenu le 12 janvier 2010, il y a 17 mois, a causé la mort de 300 000 personnes et la destruction de 250 000 logements.

Par Vincent Briard à Haïti