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1 réfugié privé d'espoir : il n'ose pas croire à sa chance

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1 réfugié privé d'espoir : il n'ose pas croire à sa chance

Salomon a été accepté pour une réinstallation en Suède, mais il n'ose pas y croire tant qu'il ne sera pas sur place. Les dures épreuves qu'il a déjà subies dans sa vie l'ont rendu méfiant.
5 Juillet 2011
Salomon porte la tristesse sur son visage, assis sur la chaussée à Salloum. Les journées sont longues et il n'arrive pas à croire que sa vie va s'améliorer.

SALLOUM, Égypte, 4 juillet (HCR) - On peut apercevoir dans le paysage rude et aride de Salloum un petit être fragile marchant seul sous le soleil du désert, se protégeant de la poussière et du vent et luttant contre ses peurs intérieures et l'insécurité. C'est Salomon, âgé de 17 ans, un réfugié érythréen sans famille et dépourvu de tout.

Salomon est un jeune homme sérieux mais persuadé que sa vie est maudite : « J'ai eu la vie dure depuis que je suis né. Je ne suis jamais allé à l'école, je n'ai pas eu d'enfance. »

Il est l'un des 145 réfugiés du village de Salloum, à la frontière égypto-libyenne, dont la réinstallation en Suède a été acceptée. Et, pourtant, il n'ose pas croire à cet avenir dont il rêve. « Je suis si heureux d'avoir enfin l'occasion de vivre dans un lieu plus hospitalier », avance-t-il prudemment. « Mais je n'y croirai vraiment que lorsque je serai là-bas. Ma vie va peut-être continuer comme avant. »

Salomon est né au Soudan de parents réfugiés érythréens qu'il n'a jamais connus. Son père est mort avant sa naissance et sa mère est décédée après l'accouchement. Il a été élevé par une religieuse nommée Selas. Il vendait de l'eau pour survivre.

Il avait 12 ans quand Selas est morte. « Elle me manque encore tellement, elle était ma seule famille », dit-il tristement.

Le nouveau tuteur soudanais qui avait été nommé a alors tenté de convertir le jeune chrétien à l'islam. « Je n'avais pas encore fait le deuil de Selas et il a commencé à faire pression sur moi, alors je me suis enfui. » Trouvant refuge dans la plus grande ville d'Al Faw, pendant six mois, il vend de l'eau et dort la nuit dans la gare routière. Il économise assez d'argent pour se rendre à Khartoum, la capitale, où il fait le ménage dans un cabinet d'avocats.

Espérant trouver mieux, il rencontre quelques Érythréens dans un hôtel et, ensemble, ils partent en 2009 pour la Libye. Il avait alors tout juste 15 ans. « Je pensais qu'une vie meilleure m'attendait en Libye. Nous avions pour projet de traverser la mer à partir de Tripoli et de se rendre en Europe. Mais c'était très cher. »

Les autres réussissent à se rendre en Italie, mais lui reste en Libye. Comme il ne se sent pas en sécurité à Tripoli, où les militaires sont omniprésents, il décide de se rendre à Benghazi où il trouve du travail dans un café. Un jour qu'il effectue l'une de ses rares sorties à l'extérieur, il est arrêté parce qu'il porte une croix. « On m'a enfermé dans une petite cellule sombre avec une petite ouverture pour la lumière. J'avais les yeux bandés et je ne savais pas où j'étais détenu. Ils n'arrêtaient pas de dire que je venais d'Israël. J'ai été torturé à l'électricité. J'ai eu vraiment peur », dit-il en tremblant en racontant son expérience.

Lorsque la révolution libyenne a commencé en février de cette année, Salomon a été libéré avec tous les autres prisonniers. Puis les ressortissants d'Afrique subsaharienne ont commencé à subir des attaques et Salomon s'est réfugié dans un camp du Croissant-Rouge libyen. En mars, avec des milliers d'autres, il a été évacué vers Salloum, dans le nord-est de l'Égypte, par l'Organisation internationale pour les migrations.

Salloum accueille actuellement plusieurs centaines de migrants, de réfugiés et de demandeurs d'asile qui ont fui la guerre en Libye. Bien que le camp abrite d'autres Érythréens de son âge, Salomon préfère rester seul dans la petite tente qu'il a fièrement érigée à l'aide d'une bâche en plastique du HCR.

Salomon est toujours hanté par le souvenir des tortures qu'il a subies. Il a de la difficulté à s'ouvrir, à se faire des amis et à faire confiance aux gens.

« Je n'ai pas eu une enfance heureuse. Je me ferai des amis quand l'occasion se présentera », dit-il, peu sûr de lui. « Mais de quoi vais-je parler ? Je n'ai rien à raconter, mis à part mes problèmes. Je peux leur parler de ma vie. Mais je ne veux plus jamais parler de mes parents ou de Selas. Ça me fait encore mal, je ne suis pas guéri. »

La seule bonne chose à propos de Salloum selon lui, c'est l'attitude des autorités égyptiennes. « J'apprécie et j'admire l'armée présente à Salloum. Ils ne nous touchent pas, même lorsque nous sommes grossiers avec eux. » Faisant preuve d'une sagesse inhabituelle pour son âge, il ajoute : « L'Égypte vit une situation difficile. Je ne m'attendais pas à ce qu'un pays sans gouvernement nous traite ainsi. »

Le HCR estime que 1 seul réfugié privé d'espoir, c'est déjà trop. La vie a été difficile pour Salomon, un garçon travailleur qui espère économiser de l'argent pour un avenir meilleur. « J'avais des projets. Je voulais épargner de l'argent pour étudier et avoir une vie meilleure, une bonne éducation. Mais l'occasion ne m'en a jamais été donnée », dit-il, en refusant de croire que ce projet est maintenant à sa portée.

Il reconnaît que la chance peut parfois frapper à la porte : « Les choses bougent toujours dans la vie. Elles peuvent changer de façon spectaculaire, pour le mieux. Si le HCR n'avait pas été là, je n'aurais jamais eu la chance d'avoir une vie meilleure. Mais je ne fais pas confiance à cette chance. »

Par Nayana Bose, à Salloum en Égypte