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Tout faire pour éviter une crise sanitaire dans un camp éthiopien

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Tout faire pour éviter une crise sanitaire dans un camp éthiopien

Les cimetières dans le camp de réfugiés de Kobe sont dispersés ça et là et ils sont les preuves de la situation d'urgence. La plupart contiennent des corps d'enfants.
26 Août 2011 Egalement disponible ici :
Le Docteur Chris Haskew, du HCR, examine un réfugié somalien émacié dans le camp de Kobe, à l'est de l'Ethiopie.

Tout faire pour éviter une crise sanitaire dans un camp éthiopien

CAMP DE REFUGIES DE KOBE, Ethiopie, 26 août (HCR) - Chaque tombe a sa propre histoire et aujourd'hui le fossoyeur raconte celle d'une petite Somalienne. D'abord, elle a eu la diarrhée. Puis la fièvre et une éruption cutanée sont apparues. Ses yeux sont devenus rouges. Cinq jours après, son état a empiré. Finalement, Hawaba Maday Issak, âgée de 10 ans, est décédée. Elle était la quatrième enfant de sa famille à mourir depuis les 45 derniers jours.

Les cimetières au camp de réfugiés de Kobe sont dispersés ça et là et ils sont les preuves de la situation d'urgence. Entre le 24 juin, où ce camp a été ouvert dans l'est de l'Ethiopie, et le 12 août, les équipes d'évaluation de la situation ont trouvé 16 cimetières contenant 562 corps, dont 476 sont ceux d'enfants âgés en-dessous de cinq ans. Certains sont concentrés près du centre du camp alors que d'autres sont localisés en périphérie. Les tombes sont recouvertes de petites pierres ou de ronces qui les délimitent.

Dans un camp de la taille de celui de Kobe, si deux enfants (âgés de cinq ans ou moins) meurent chaque jour, la situation est considérée comme une urgence. En moyenne, on estime que 10 enfants sont morts chaque jour à Kobe depuis son ouverture. La malnutrition aiguë rend vulnérables à la fois les enfants et les parents à toutes sortes de maladies allant de la rougeole à la pneumonie et elle est une cause majeure de mortalité infantile.

Le HCR et ses partenaires font leur possible pour éviter une crise sanitaire aiguë dans le camp de Kobe. C'est l'une des tâches les plus difficiles. Le camp est rempli au maximum de sa capacité d'accueil avec environ 25 000 civils ayant fui la sécheresse, la famine et le conflit dans la Somalie voisine. Durant la journée, la chaleur est accablante. La nuit, les vents sont très forts au point de retourner des abris de fortune. Les vents sont également très frais et ils donnent la pneumonie ou pire à un enfant. Avec la malnutrition qui sévit, les systèmes immunitaires sont affaiblis. La maladie et la mort ne sont jamais loin.

Le personnel médical est à pied d'oeuvre depuis l'aube jusqu'à tard le soir pour aider les malades, alors que le HCR et ses partenaires ont acheminé des tentes par avion cargo pour les réfugiés et fourni de l'eau et des latrines. L'agence pour les réfugiés fait également connaître l'importance de la santé et de l'hygiène à des personnes ayant vécu 20 ans de conflit dans leur pays natal pour qui l'utilité de l'accès à des soins de santé de base restait inconnue.

Chris Haskew, médecin au HCR, passe en revue la crise avec une rigueur de détective. Il examine la taille des tombes - la seule façon de mesurer le taux de mortalité dans le camp. Il se met à la place des réfugiés, en tentant de comprendre les points négatifs des soins de santé et de l'aide nutritionnelle dans le camp.

Comment une femme peut-elle, si elle est malade, se rendre à un point d'eau situé loin de son abri, tout spécialement si elle a de petits enfants à surveiller ? Combien coûte le trajet vers l'hôpital et quelle est sa durée pour une famille qui doit y emmener des enfants ? Auront-ils suffisamment d'argent ou de moyens pour nourrir les autres membres de la famille s'ils doivent retourner à l'hôpital pour des consultations externes ? Que se passe-t-il si un adulte ne peut plus se déplacer mais qu'il doit tout de même être transporté à l'hôpital ? Pourquoi un nombre significatif de parents sortent-ils leurs enfants de l'hôpital, dès que ces derniers montrent les premiers signes de guérison ?

« Les gens ne meurent pas par hasard ; nous pouvons être systématiques, nous pouvons être scientifiques dans notre analyse du problème », a expliqué Chris Haskew. « C'est une modalité fondamentale de la protection. Nous pouvons au moins rendre à ces personnes une certaine dignité en retraçant pour eux l'historique des événements. »

Même si une épidémie menace, les résultats des efforts du HCR, du gouvernement éthiopien et d'autres partenaires sont partout visibles. Il y a un mois, il y avait peut-être huit points d'eau qui fonctionnaient dans le camp. Maintenant il y en a 24. Il y a un mois, on comptait à peu près 30 latrines. Maintenant il y en a 240. La vaste majorité des résidents du camp ont désormais une tente pour abri.

Toutefois, malgré ces efforts remarquables, il n'y a pas une seule personne dans le camp qui soit satisfaite. « Pour moi, la plus grande réussite, c'est que la réponse internationale soit arrivée », a indiqué Jo Hegenauer, chef du bureau auxiliaire du HCR à Dollo Ado. « Vous avez du personnel remarquable ayant apporté de réelles améliorations. Mais il y a encore un [long] chemin à parcourir. »

Le chargé de terrain du HCR Hossein Sodagar vient tout juste de réussir à transférer deux familles depuis leur abri de fortune fait de bric et de broc à la périphérie du camp vers l'intérieur de Kobe, où il y a des tentes plus confortables. Il aide la femme âgée à rassembler ses affaires et à les placer dans le coffre de sa voiture avant de la conduire vers son nouvel hébergement. Il sait que s'il peut transférer deux familles, le reste de la communauté suivra. La femme âgée est assise dans sa nouvelle tente, rayonnante, lorsqu'un des voisins appelle Sodagar pour lui demander son aide.

Là il trouve Hindia Abdille, 35 ans, avec ses trois enfants malades couchés à l'ombre. Sa fille de six ans, Adoy, tousse constamment et elle ne peut avaler aucune nourriture. Hussein, le frère d'Adoy, a huit ans et il n'a que la peau sur les os. Comme sa soeur aînée, Sokoro, il tremble, il a une éruption cutanée et ses yeux sont pratiquement fermés.

De sa voix aiguë, Abdille explique comment elle a perdu sa plus jeune enfant âgée de quatre ans, Nimo. Elle a emmené la petite fille dans un hôpital du camp où celle-ci a reçu des médicaments, il y a plusieurs semaines. L'enfant était revenue avec sa famille, avant que son état n'empire. « Nous l'avons ramenée à l'hôpital et lorsque le docteur l'a auscultée, elle a roulé des yeux et elle est morte devant nous. » Elle donne désormais des remèdes traditionnels à ses enfants survivants, mais leur état se dégrade et Abdille est très inquiète.

Sodagar emmène dans sa voiture les trois enfants et leur mère. Il les conduit à environ deux kilomètres de là à l'hôpital de Médecins Sans Frontières. Dans la salle d'attente en plein air, un homme tente de faire la toilette de son enfant qui est émacié au point de pouvoir à peine bouger. Un docteur arrive en tenant la main d'un garçon, qui vient juste d'avoir une crise d'épilepsie. Malgré le nombre des patients, le docteur arrive à sourire. « Ah, encore des visiteurs », dit-il en tenant la main d'un autre enfant souffrant de malnutrition aiguë. « Rentre. Bienvenue. »

« Chaque jour, quand nous nous rendons dans les camps, nous voyons des malades », indique Sodagar. « Nous sortons pour une autre raison et nous finissons toujours par rentrer en tenant le rôle d'ambulance. » Ce vétéran du travail sur le terrain n'avait jamais vu une situation aussi difficile. « Quand je vois le profond désespoir des gens et qu'ils sont laissés à eux-mêmes, c'est comme si un membre de ma famille était laissé comme ça », indique Sodagar. « Je pense toujours, 'qu'aurais-je fait pour cette personne si elle appartenait à ma famille.'»

Et pourtant il sait que cette crise nécessite un vaste travail de sa part. Des tentes doivent être montées. L'eau potable et les systèmes d'assainissement sont requis. Le travail dans le domaine des soins de santé doit concerner également les personnes qui se trouvent hors du camp. Chaque effort doit être coordonné pour aboutir à un succès.

Alors que Sodgar travaille dans une zone du camp, Katie Ogwang, chargée de services communautaires au HCR, mène une réunion avec un groupe de femmes dans une autre zone du camp. La peur de la rougeole et la malnutrition sont une préoccupation de toutes les minutes pour de nombreuses femmes et, parmi d'autres sujets, Katie Ogwang est là pour leur donner des informations sur la santé et l'hygiène. Après son intervention, elle rend visite aux femmes du camp.

Katie Ogwang sait que changer les habitudes nécessite davantage que des réunions et des conférences. La crainte de la maladie menace de détruire le tissu social. Une femme est malade et elle ne peut pas faire la toilette de son enfant. D'autres dans la communauté sont inquiets de rentrer dans sa maison car ils ont peur de tomber malade. Katie Ogwang fait la toilette de l'enfant. Une autre femme est malade et elle ne peut pas préparer la nourriture pour ses enfants. Katie Ogwang cuit le porridge.

« Faire la toilette d'un enfant, c'est semer du bon grain dans la vie d'une communauté », dit-elle. « Cela montre que, si je peux aider un étranger, alors ils peuvent aussi aider un voisin. Chacun peut apporter sa contribution. »

Par Greg Beals au camp de réfugiés de Kobe, Ethiopie