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Un imam audacieux responsable d'un camp de déplacés internes en Iraq

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Un imam audacieux responsable d'un camp de déplacés internes en Iraq

La violence prévalant dans la province de l'Anbar voisine a contraint les civils à fuir leurs foyers. Des centaines d'entre eux sont progressivement arrivés dans son quartier du district de Mansour, à l'ouest de Bagdad
3 Août 2015 Egalement disponible ici :
Abu Seif a commencé à gérer le camp il y a moins de trois mois. En tant qu'imam de la mosquée locale, il avait observé pendant plus d'un an les effets de la violence prévalant dans la province de l'Anbar voisine et contraignant les civils à fuir leurs foyers.

BAGDAD, Iraq, 3 août (HCR) - Les rangées de tentes du camp de Hayya alJami'a se reflètent dans les lunettes de soleil trop grandes de Sheikh Ramzy Abu Seif. Homme d'audace, vêtu d'une longue disdasha blanche, un émetteur-récepteur cabossé à la main, Abu Seif jongle entre une foule de fonctionnaires locaux, des subalternes et des résidents du camp cherchant à déposer plainte, solliciter une faveur ou simplement s'arrêter pour boire un thé ou fumer une cigarette.

Abu Seif est tellement à l'aise au milieu du chaos qu'il est difficile de croire qu'il a commencé à gérer ce camp de déplacés internes il y a moins de trois mois. En tant qu'imam de la mosquée locale, il avait observé pendant plus d'un an les effets de la violence prévalant dans la province de l'Anbar voisine et contraignant les civils à fuir leurs foyers. Des centaines d'entre eux sont progressivement arrivés dans son quartier du district de Mansour, à l'ouest de Bagdad.

Il explique que le camp de Hayya alJami'a n'a été installé que récemment.

« Les personnes dormaient dans les écoles, les maisons, même dehors, dans les jardins », précise Abu Seif, en évoquant l'un des premiers afflux début 2014. A l'époque, la communauté devait se débrouiller quasiment toute seule.

Au total, plus de 300 familles ont désormais rejoint le camp de Hayya alJami'a. A l'origine, la plupart des personnes étaient accueillies par des membres de leur famille élargie, mais d'autres étaient obligées de s'abriter dans des bâtiments inachevés ou de dormir sur le sol dans des salles de classe.

Dès l'arrivée de la première famille, Abu Seif a pris la situation en main.

« Dès qu'une nouvelle personne arrivait, je prenais toutes les informations la concernant », explique-t-il en sortant un gros registre de son bureau. « Je tenais une liste de toutes les familles et je notais qui exactement les aidait, qui leur donnait chaque déjeuner et chaque diner ».

Les repas étaient préparés et offerts à tour de rôle par les familles du quartier, les médecins locaux offraient des soins gratuitement et des commerçants prospères faisaient venir des provisions. La réponse était chaotique, mais rapide et globalement efficace.

Cependant, comme les combats s'enlisaient dans la province de l'Anbar sans perspective de cessez-le-feu, la crise humanitaire alors naissante est rapidement devenue ingérable. Un vendredi après-midi d'avril, Abu Seif a directement appelé le gouvernement iraquien.

« Je leur ai tout d'abord dit que nous étions tous Iraquiens », explique Abu Seif en haussant la voix et en faisant de grands gestes avec ses mains en répétant ses propos. « Nous formons un seul peuple, et il ne devrait pas y avoir de différences entre les dirigeants et les civils. Nous vous avons élus ! Maintenant, vous devez servir le pays ! »

Le lendemain, des tentes et des provisions provenant du gouvernement étaient livrées sur le seuil de sa mosquée. Abu Seif rit en évoquant sa stupéfaction face à la rapidité de la réponse. En quelques jours, quasiment toutes les 300 familles étaient relogées dans des tentes installées sur un vieux terrain de foot.

La nourriture est toujours préparée par les habitants, mais c'est désormais plus organisé et comprend des ragoûts de poulet et des plâtrées de riz livrés dans de grands pots en plastique. Le HCR a approvisionné les familles du camp en matelas, couvertures, kits d'hygiène et récipients en plastique pour stocker l'eau et le combustible.

« L'histoire du camp de Hayya alJami'a est un bel exemple de la solidarité et de la générosité que d'innombrables Iraquiens ont manifestées envers leurs compatriotes contraints de fuir le conflit et la violence », explique Bruno Geddo, Représentant du HCR en Iraq.

« Mais cette attitude positive peut changer si les déplacements s'intensifient ou se prolongent, et ne peut pas être considérée comme une évidence. En fournissant des produits domestiques, le HCR s'efforce de compléter les efforts des communautés locales afin d'améliorer l'autosuffisance des déplacés internes iraquiens et, en fin de compte, d'assurer la coexistence pacifique entre les déplacés et les communautés locales qui les accueillent », ajoute Bruno Geddo.

Ahmed, sa femme Hiyam et leurs quatre enfants sont l'une des familles abritées dans un bâtiment inachevé avant l'ouverture du camp.

« Nous n'avions ni fenêtres ni portes, nous étions exposés à tout », explique Hiyam depuis l'intérieur de la tente qu'elle partage désormais avec sa famille. « Le deuxième étage du bâtiment était couvert d'ordures », ajoute-t-elle, « Franchement, c'était le plus difficile, vivre toute la journée avec cette odeur ».

Dans le camp, la famille d'Hiyam vit dans une seule tente et son mari, Ahmed, a déjà ouvert une échoppe où il vend des boissons et des encas. Ils affirment que, bien que leur préférence sera toujours de retourner à Fallujah, ils sont reconnaissants de disposer aujourd'hui d'un endroit plus confortable dans lequel ils peuvent patienter jusqu'à ce que le conflit dans lequel leur ville d'origine a sombré s'apaise.

Installer ce camp et assurer sa gestion quotidienne représentent un engagement personnel pour l'imam local. Le camp de Hayya alJami'a ne se situe pas simplement dans le quartier d'Abu Seif, il est dans sa rue même.

Sa maison se trouve juste au-dessus des tentes regroupées dans le coin nord-ouest du camp et sa mosquée se trouve le long du côté adjacent du camp.

« Je vois toujours le camp, même quand je suis chez moi », affime Abu Seif en souriant, désignant deux rangées de tentes visibles de son balcon. « Je ne suis jamais loin ».

Par Susannah George, en Iraq