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El Salvador : un couple d'aveugles forcé de simuler des corps sans vie pour fuir les menaces d'un gang

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El Salvador : un couple d'aveugles forcé de simuler des corps sans vie pour fuir les menaces d'un gang

Un couple d'aveugles traqué sans relâche par des gangs de rue est évacué hors de sa maison sur des civières et recouverts de linceuls pour que leur évasion soit réussie.
29 Juin 2016 Egalement disponible ici :
Distribution d'articles de première nécessité aux résidents d'Alep par le HCR et d'autres partenaires des Nations Unies dans le quartier d'Al-Sha'aar, à Alep-Est.

MEXICO, Mexique (HCR) - Lorsque des voyous appartenant à des gangs armés jusqu'aux dents maraudaient autour de leur maison à El Salvador, Rosario et Victor*, un couple aveugle, ont attrapé leur fille et se sont jetés au sol pour esquiver les balles.

Quelques minutes plus tard, plusieurs individus qu’ils ne pouvaient pas voir ont fait irruption dans la maison et se sont jetés sur eux alors qu’ils gisaient au sol, les uns sur les autres. Victor protégeait de son mieux Natalia, 10 ans, et Rosario, qui pensaient qu'ils étaient morts.

« J’étais paralysée, chaque partie de mon corps était morte », explique Rosario, en pleurant tout en se remémorant ces moment de terreur. « Mais nous avons réalisé que c’était la police et j’ai recommencé à respirer. »

La famille avait été harcelée par le gang qui exigeait un « loyer » de 500 dollars pour les deux instituts de massage qu'ils géraient dans la capitale salvadorienne. Lorsque la bande a doublé sa demande d'extorsion à 1000 dollars toutes les deux semaines, la famille a fermé l’entreprise et a déménagé plusieurs fois pour tenter de se soustraire à ses bourreaux.

Toutefois facilement reconnaissables du fait de leurs cannes blanches, le gang les a retrouvés à chaque fois. En reconnaissant leur vulnérabilité, la police a inventé une mise en scène macabre pour faire sortir la famille de sa maison sous les yeux attentifs du gang. Ils devraient simuler des corps sans vie.

En les plaçant sur des civières et en les recouvrant d’un linceul blanc, les policiers ont porté les membres de la famille un par un hors de la maison et dans les rues de leur quartier délabré, accompagnés d’un médecin légiste, pour parfaire la mise en scène.

« Je n'étais pas morte, mais c’est comme si je l'étais », explique Rosario. « Cela m’était difficile de contrôler ma respiration car j'étais très nerveuse jusqu'à ce que je me trouve à l’intérieur du véhicule de police. » Il était clair que la vie de la famille à El Salvador était terminée. Après avoir quitté leur quartier, ils ont rejoint des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants fuyant les gangs de rue - ou « maras » comme on les appelle en Amérique centrale - dont les crimes vont des assassinats, des viols et de l'extorsion au trafic de drogue, aux enlèvements et à la traite des êtres humains.

La police les a transportés à proximité de la frontière avec le Guatemala, laissant Rosario et Victor aux soins de Natalia. « Nous étions en sécurité mais sans rien d’autre que nos pyjamas », se souvient Victor. « En tout et pour tout, nous avions en poche une somme de 20 dollars que nous avons empruntée lorsque nous avons traversé la frontière vers le Guatemala, guidés par notre fille. »

Une fois au Guatemala, ils ont dormi dans la rue, sans nourriture, durant deux jours. Ils ont ensuite été aidés par un chauffeur de camion qui a reconnu leur situation désespérée et qui les a transportés vers la frontière de Tapachula, au sud du Mexique, où ils ont demandé de l'aide dans un refuge pour migrants.

Avec l'assistance du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, la famille a été transférée vers un centre d’hébergement dans une autre partie du Mexique qui avait de meilleures installations pour les aveugles. Ils comptent désormais parmi les personnes les plus vulnérables au sein d’une population déracinée de plusieurs milliers de personnes ayant fui pour sauver leur vie.

« Des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ont désormais fui la violence des gangs au Salvador, qui est aujourd'hui l'un des pays les plus violents au monde », a déclaré Mark Manly, le Représentant du HCR au Mexique.

« Comme Rosario et Victor, beaucoup ont fait face à des risques extrêmes et ils ont d’urgence besoin de protection. Il nous faut faire davantage pour assurer qu'ils disposent d'informations suffisantes sur la façon de déposer une demande d'asile, que leur accès à la procédure d'asile soit amélioré et qu’ils puissent vivre dans des lieux d’hébergement décents lors de l’examen de leur demande d’asile », a-t-il ajouté.

Marc Manly a souligné que la situation désespérée des réfugiés comme Rosario et Victor rappelle les raisons pour lesquelles le HCR « doit redoubler d’efforts avec les autorités et la société civile pour leur venir en aide. »

Le couple a demandé, et obtenu, l'asile au Mexique, où ils sont désormais installés et ont recommencé une nouvelle vie dans la paix. Rosario est passionnée par le chant, en particulier les hits de la chanteuse pop italienne Laura Pausini, qu'elle interprète dans son logement. Avec Victor, ils aimeraient redémarrer leur entreprise de massage, mais ils ont encore peur des gangs, dont la portée est internationale.

« Ici, nous nous sentons en sécurité, même si nous avons toujours peur qu'un jour les maras nous retrouvent. Ils savent comment retrouver des gens », explique Rosario. Ses pensées sont alors assombries par l'inquiétude pour des proches, restés au pays. « Le reste de notre famille est toujours au Salvador sous la menace à cause de nous. »

* Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection.