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Yémen : Le droit des réfugiés à l'étude en zone de guerre

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Yémen : Le droit des réfugiés à l'étude en zone de guerre

Un groupe d'étudiants en droit prend part à une « simulation de procès », autrement dit un procès fictif dans lequel ils doivent statuer sur le cas de deux réfugiés.
11 Octobre 2017 Egalement disponible ici :
Esam Abdulhamid, un étudiant de 29 ans, chargé de statuer sur le cas d'un réfugié durant un simulacre de procès organisé à l'Université de Sanaa.

SANAA, Yémen - Le Yémen est ravagé par le conflit et impacté par la plus vaste crise humanitaire dans le monde. Or, pendant que des civils sont tués, blessés ou déplacés et que certains réfugiés font le choix de rentrer chez eux, le pays continue d'accueillir plus de 280 000 réfugiés et demandeurs d'asile, tout en étant le seul des pays de la Péninsule arabique à être signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de ses protocoles.

Alors que la guerre fait rage, un groupe d'étudiants en droit pérennise la longue tradition yéménite d'accueil des personnes requérant une protection internationale. Par une lumineuse journée de début d'automne à la fin des vacances semestrielles, ils sont tous réunis dans une petite salle de cours de l'Université de Sanaa.

Dans le cadre d'un stage de trois semaines sur le droit des réfugiés, ils participent à un procès fictif, appelé « simulation de procès », où ils devront statuer sur le cas de deux réfugiés.

Au début de l'audience, une femme se prend la tête dans les mains et commence à se lamenter tandis qu'un homme hausse les épaules d'impuissance, tous deux jouant le rôle de demandeurs d'asile désespérés par la décision de justice qui leur est signifiée.

Bien qu'ils aient témoigné sur leur pénible traversée du golfe d'Aden pour fuir les conflits et les persécutions, ils viennent tous deux de se faire refuser le statut de réfugié dans cette première partie de procès.

Les pleurs de la femme emplissent le tribunal bondé et dans l'audience, tous attendent le déroulement de la scène suivante lors duquel un tribunal fictif statuera sur l'appel qu'ils ont introduit contre cette décision.

Vêtu de la tenue traditionnelle des juges yéménites — cape noire, calot blanc et châle de laine brodé — un juge fictif fait son entrée dans la salle d'audience. Le public se lève tandis que le le magistrat s'installe derrière un banc de bois sculpté.

« Le plus important aujourd'hui, c'est que les étudiants comprennent ce qu'est un réfugié. »

« Le plus important aujourd'hui, c'est que les étudiants comprennent ce qu'est un réfugié et comment l'on détermine le statut de réfugié, » explique Esam Abdulhamid, 29 ans, qui joue le rôle du magistrat, après que l'audience ait été levé.

Diplômé de droit et en formation à l'école de la magistrature, Esam suit un programme d'étude de deux ans à l'Institut judiciaire de Sanaa où il vient d'achever un module de formation sur le droit des réfugiés dispensé par une équipe du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Le procès fictif d'aujourd'hui lui permettra de mettre en pratique une partie de ses connaissances.

Pour venir en aide aux autorités nationales et développer les capacités de protection des réfugiés, le HCR a créé en 2009 le Centre d'étude des migrations et des réfugiés (MSRC), un institut de recherche rattaché à l'Université de Sanaa.

Le centre dispense des cours sur le droit et la protection des réfugiés aux autorités et institutions nationales, dont les forces de police, les magistrats, les procureurs et les étudiants en droit.

Cette simulation est la première du genre organisée par le centre et elle réunit diverses institutions et autorités ainsi que des étudiants qui ont suivi la formation.

« La simulation de procès organisée aujourd'hui tout comme les cours de droit axés sur la protection des réfugiés que nous dispensons aux étudiants sur trois semaines visent à développer chez les étudiants une appréciation fine et une compréhension de l'expérience des réfugiés pour, finalement, les mettre en position de résoudre ces problèmes lorsqu'ils y seront confrontés, » déclare Gwendoline Mensah, employée du HCR en charge de la protection au Yémen.

« Je m'intéresse au droit des réfugiés en raison de la crise des réfugiés qui sévit dans le monde et au Yémen. »

Bien que le Yémen soit signataire de la Convention relative au statut des réfugiés, il ne s’est pas encore doté de lois nationales permettant de statuer sur leur statut. C'est pourquoi cette responsabilité est actuellement endossée par le HCR qui détermine dans quelle mesure les personnes sollicitant une protection internationale relèvent du statut de réfugié conformément au droit international.

« Le travail du centre et même le procès fictif organisé aujourd'hui s'intègrent tous dans l'action menée pour favoriser un développement des capacités et susciter l'élan nécessaire pour aider les autorités à rédiger une loi nationale sur les réfugiés et se réapproprier l'intégralité du processus de détermination du statut de réfugié, » déclare Emad Daoud, employé du HCR en charge de la détermination du statut de réfugié.

Lorsque l'audience reprend, chacun des étudiants en droit plaide devant le tribunal. Les avocats des demandeurs d'asile font des plaidoyers enflammés pour défendre le cas de leurs clients en invoquant les dispositions de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Esam, le juge, rend son verdict : positif pour l'un des demandeurs d'asile, tandis que la demande de l'autre est rejetée.

Haitham Al Shami, un diplômé en droit de 24 ans, considère que cette simulation de procès a été riche d'enseignements. « Je m'intéresse au droit des réfugiés en raison de la crise des réfugiés qui sévit dans le monde et au Yémen, » dit-il. « Nous avons beaucoup de réfugiés ici. »

En dehors de la salle d'audience s'échangent des rapports confus quant à l'apparition d'un nouveau foyer d'hostilités dans un quartier proche de l'université, mais personne ne sait vraiment si des civils ont été tués. La nouvelle arrive quelques minutes après : aucun décès à déplorer, au moins pour cette fois.

Pour Mayar Faisal, elle aussi étudiante en droit, le procès fictif et la réalité de la guerre permettent de mettre la protection des civils et des réfugiés en perspective.

« La sécurité est le plus gros défi auquel sont confrontés les civils et les réfugiés au Yémen, » dit-elle. « Il y a la guerre et pourtant il y a beaucoup de réfugiés dans le pays, alors nous voulons seulement les aider. »