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Des refugiés avides de savoir s'entassent dans les salles de classe d'une école ougandaise

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Des refugiés avides de savoir s'entassent dans les salles de classe d'une école ougandaise

L'école primaire Yangani du camp de réfugiés de Bidibidi compte 5000 élèves pour une toute petite équipe de 38 enseignants.
11 Septembre 2017 Egalement disponible ici :
Le directeur adjoint Patrick Abale lors d'un cours à l'école primaire de Yangani, où les enfants occupent le moindre recoin disponible.

 

Dès les premières lueurs du jour, Patrick Abale, instituteur, quitte sa tente installée parmi les autres, à côté de l'école primaire Yangani dans le camp de réfugiés de Bidibidi, au nord de l'Ouganda.


Il se rend à pied jusqu'au bâtiment administratif, dépose ses livres dans le bureau qu'il partage avec le directeur de l'établissement et se tourne pour voir arriver les premiers élèves.

« Quand j'ai pris mon poste ici, l'école accueillait plus de 6 000 élèves », explique-t-il tandis que le bruit des pas et des pieds traînants s’amplifie dans la fraîcheur du matin.

Le flux des premiers arrivants se transforme rapidement en une marée humaine. Les élèves affluent maintenant de tous côtés.

À l'ouverture, il y a quelques mois, ça a été la ruée sur les inscriptions et l'école a dû refuser certains enfants à cause du manque de place. Aujourd’hui, ils sont environ 5 000, ce qui fait "beaucoup de monde", note Patrick.

Patrick, un Ougandais, est le directeur adjoint chargé du programme académique et de l'administration de Yangani, une école publique ougandaise. Si la plupart des élèves sont des réfugiés, un certain nombre d'enfants locaux y sont également inscrits.

Malgré le nombre d'élèves, l'école ne compte que 38 enseignants. Au cours de 10 années d'expérience en tant qu'enseignant, Patrick a eu l'occasion de travailler dans des conditions difficiles, mais Yangani atteint une toute autre échelle.

Installée sur un hectare environ, l'école est un patchwork de tentes faites de bâches trouées ou en lambeaux, battant dans le vent. Un vallon sépare le secteur administratif et les grandes classes du primaire qui se trouvent sur un versant, de l'autre où se trouvent les petites classes. La température monte rapidement dans les salles de classe et les enfants se tortillent d'inconfort.

« Il n'y a simplement pas assez de place pour tous les élèves. »

« C'est vraiment dur ici parce qu'il n'y a pas assez de place pour tous les élèves », explique Patrick, en montrant une salle de classe de la main.

Un coup d'oeil rapide dévoile la classe bondée: les enfants occupent le moindre recoin et sont parfois cinq par pupitre. Certains sont assis par terre, d'autres debout au fond de la classe ou dans les allées entre les pupitres, serrant leurs manuels contre la poitrine.

« Parfois, quand il y a trop de monde et pas assez de place, ils sont à l'avant de la classe, à côté de leur professeurs », ajoute Patrick.

Yangani a ouvert en février cette année pour répondre à l'augmentation rapide du nombre de réfugiés du Soudan du Sud. L'Ouganda est l’un des pays les plus généreux dans sa réponse à l’afflux de nouveaux arrivants : il accueille les réfugiés, leur donne des lots de terre et accès aux services publics, notamment à l'éducation.

L’Ouganda accueille aujourd’hui plus de 2 millions de personnes qui ont fui le Soudan du Sud, dont 60 pour cent sont des enfants, mais le pays peine à suivre cette évolution.

Selon les directives du ministère de l'éducation, le ratio élèves-professeur devrait être de 45 pour un. Il devrait y avoir trois élèves par pupitre et 14 par sanitaire.

Yangani enfreint largement ces critères. En tant que directeur, Patrick essaye de veiller à ce que les fournitures scolaires soient partagées équitablement entre les classes.

« Nous avons 279 manuels scolaires pour tous les élèves et vous imaginez certainement à quel point il est difficile de partager », dit-il. Ça fait 18 élèves par manuel scolaire.

Le HCR, le ministère ougandais de l'éducation et des organisations partenaires cherchent à augmenter la capacité d'accueil, à créer davantage d'écoles et, avec l’aide des fonctionnaires nationaux et locaux, à identifier celles qui peuvent être agrandies.

« Les écoles comme Yangani comblent un vide sérieux. »

Ils espèrent ainsi parvenir à scolariser davantage d'enfants réfugiés dans le système éducatif et à relever le niveau, tant pour les réfugiés que pour les communautés d'accueil locales. L'Ouganda ne peut pas y parvenir seul. « Le gouvernement fait déjà de son mieux, et nous lançons un appel à un plus grand soutien des donateurs pour combler les lacunes », explique Julius Okello, un agent de terrain du HCR à Bidi Bidi.

On me présente Bashir, 17 ans, qui a fui sa maison au Soudan du Sud en novembre dernier. Il vit actuellement à Bidi Bidi en tant que mineur non accompagné. Ses parents sont restés là bas, et il n'a aucune idée de ce qu'ils sont devenus.

Comme il n'y avait pas d'autre école dans la région, il a dû attendre plusieurs mois, le temps que Yangani ouvre ses portes et qu'il puisse s'y inscrire. Bashir est en dernière année de primaire et dit qu'il fait de son mieux pour bien travailler, même s'il convient que ça peut être dur.

« Nous n'avons pas assez de manuels », dit-il. « Quand on a un peu d'argent, on peut s'en acheter, mais la plupart des élèves n'en ont pas les moyens. C'est difficile pour certains d'entre nous qui n'ont pas leurs parents. »

Les salles de classe pleines à craquer sont la preuve qu'il y a demande pour l'enseignement. La plupart des réfugiés sont installés bien loin des écoles d'état existantes. La création de nouvelles écoles ne permet pas seulement aux enfants réfugiés d'intégrer l'école publique, elle renforce également les capacités et le niveau des communautés locales. « Les écoles comme Yangani comblent un vide sérieux », explique Julius Okello.

Mais pour les enfants, il est difficile d'apprendre dans ces circonstances. « Il n'y a pas de séparations entre les classes. Deux classes différentes ont cours en même temps et donc ce qui est enseigné dans une classe s'entend dans celle d'à côté. »

Patrick fait un tour des rangées d'enfants avant d'aller à la classe suivante. « Dites-vous qu'il n'y a que trente-huit professeurs pour tous ces élèves », observe-t-il. « Il y a de quoi se sentir submergé. »

Pour lire le tout dernier rapport du HCR (en anglais) sur l’éducation des réfugiés, Left Behind: Refugee Education in Crisis.