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Royaume-Uni : La société civile aide concrètement les réfugiés et les demandeurs d'asile

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Royaume-Uni : La société civile aide concrètement les réfugiés et les demandeurs d'asile

'City of Sanctuary', un « mouvement pour le changement culturel », s'étend peu à peu à travers les zones défavorisées, et distille les valeurs d'hospitalité et d'accueil.
9 Janvier 2018
Le réfugié syrien Mohammed et ses nouveaux amis à la Widden Primary School de Gloucester. L'école vient en aide à sept familles réfugiées, dont 12 enfants.

BOLTON, Angleterre – Au  premier étage de la Victoria Hall Methodist Mission, qui comprend un ensemble de salles de réunion ainsi qu’une salle de concert de 1 250 places, dans cette ville autrefois prospère du nord de l'Angleterre, les accords musicaux d'une sérénade de Mozart s’égrènent dans un studio improvisé où des danseurs amateurs se déplacent avec grâce.

Une demi-douzaine de femmes d'Albanie, du Kurdistan, d'Inde et de Somalie interprètent un passage d'Orphée dans le cadre d’un atelier animé par le théâtre Octagon, situé non loin. Ils y trouvent l'hospitalité, nouent des liens d'amitié et bénéficient pour ce court moment d’une échappatoire aux soucis liés à leurs demandes d'asile.

« C'est un espace sûr pour les femmes, pendant leur cours de théâtre et de danse, ce qui les aide à prendre confiance en elles, à se détendre et à se sentir bienvenues », explique Imogen Woolrich, qui a conçu ces cours basés sur la danse, la musique et la narration, tout en encourageant l'utilisation de l'anglais.

"C'est un espace sûr pour les femmes... ce qui les aide à prendre confiance en elles, à se détendre et à se sentir bienvenues. »

Etleva Bala, une demandeuse d'asile albanaise, en convient. « C'est une atmosphère propice pour apprendre. »

Récemment, un mercredi matin - jour de halte-accueil - ce bâtiment délabré et classé est en pleine effervescence. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des résidents des îles anglo-normandes évacués y avaient été hébergés. En plus de l'atelier d’Imogen Woolrich, le bâtiment accueille des cours d'anglais et des formations à l'artisanat, et sa réserve reçoit des dons hebdomadaires de vêtements et de nourriture.

Au rez-de-chaussée, des odeurs de cuisine flottent dans la salle commune bondée où se trouvent des Mamans avec leurs enfants, ainsi que des hommes jouant au billard ou au baby-foot.  Alan Brown, un chef cuisinier du Mutual Aid Project, prépare un chili con carne végétarien pour jusqu'à 200 personnes à partir d'ingrédients donnés par les supermarchés, car leur date limite de vente est dépassée. « Je ne sais jamais à l’avance ce que je vais recevoir », explique Alan Brown, au sujet de la livraison du matin, qu'il prépare avec l’aide de bénévoles.

Dans la ville de Bolton au nord du Royaume-Uni, 39 organisations et 80 particuliers sympathisants ont rejoint le mouvement City of Sanctuary.

D'autres initiatives existent également dans cette ville. Malcolm Ngouala aide à gérer un centre d'accueil connu sous le nom de BRASS (Befriending Refugees and Asylum-Seekers) et qui offre des cours d'anglais aux nouveaux arrivants et des conseils sur des problèmes comme les soins médicaux. Helen McHugh enseigne la couture à la Quaker Meeting House, où des repas et des cours d'artisanat pour les enfants sont assurés gracieusement le week-end.

Bienvenue à Bolton, une ville économiquement défavorisée du nord de l'Angleterre, dont les citoyens sont fiers de venir en aide à des réfugiés. Cette ville industrielle, comme Middlesborough et Rochdale, qui se situent également au nord du pays, s'est jointe l'an dernier à un extraordinaire mouvement populaire appelé City of Sanctuary, qui s'est propagé dans plus de 90 villes et villages ces 10 dernières années.

Le mouvement est né à Sheffield en 2005, à partir d'une conversation entre Inderjit Bhogal, un théologien méthodiste sikh né à Nairobi et Craig Barnett, un quaker de Merseyside.

Inquiets de la polarisation de l'opinion sur les problèmes d'asile, ils voulaient changer les choses, pour que le soutien aux réfugiés se généralise. L'idée était de mettre en avant les valeurs de l'hospitalité et d'accueillir des organisations déjà existantes.

En 2007, Sheffield est devenue la première City of Sanctuary, et soudainement les deux fondateurs ont été inondés de demandes venant d'autres villes. « Au début, cela semblait utopique et ambitieux », explique Craig Barnett. « Tout le monde a été pris de court. »

Une deuxième vague d'adhérents est arrivée dans le contexte de la crise des réfugiés de 2015, après la publication de la photo d'Aylan Kurdi, le jeune enfant syrien qui s'est noyé au large de la Turquie.

Dans la seule ville de Bolton, une ville de 280 000 habitants, où le bâtiment de la filature de coton abandonnée fait partie du paysage, 39 organisations et 80 particuliers sympathisants ont désormais rejoint le mouvement, répondant ainsi un problème posé par la politique de Londres pour la dispersion, ce qui signifie que les demandeurs d'asile sont envoyés dans des villes où les loyers sont modérés.

Le gouvernement sous-traite la gestion du soutien aux demandeurs d'asile à des entreprises, comme G4S et Serco, pour gérer l’hébergement des demandeurs d'asile. Ils offrent donc un logement là où les loyers sont les moins élevés, tout en respectant les normes.

« Rochdale, Middlesbrough et Bolton ont été désignés comme étant trois des zones accueillant le plus grand nombre de ces demandeurs d’asile dispersés », indique Jon Lord, directeur de Bolton at Home, une organisation caritative qui gère plus de 18 000 anciens logements à loyer modéré.

Ces trois villes font partie des 10 collectivités locales qui accueillent plus de 35 pour cent de tous les demandeurs d'asile en Grande-Bretagne; et où les revenus médians sont parmi les plus faibles (25 pour cent).

« Les gens du pays, et ceux en quête d’un soutien - c'est un mouvement pour le changement culturel. »

Selon les données du recensement, la population de Bolton a augmenté de 15 000 habitants entre 2001 et 2011 ; et pour Jon Lord, la majeure partie de cette augmentation est probablement due aux nouveaux arrivants, y compris les réfugiés et les demandeurs d'asile.

« Contrairement à d'autres contrats de service public, il s'agissait d'un contrat purement commercial », déclare Jon Lord. « Ils ont regroupé les gens dans des régions où les besoins et la pauvreté sont importants. Là les communautés et les services sont déjà mis à rude épreuve, on y rajoute encore des personnes plus vulnérables. »

C'est pourquoi le mouvement ‘City of Sanctuary’ joue un rôle essentiel.

Favorisant les relations entre la population locale et ceux qui cherchent refuge en Grande-Bretagne, le mouvement est un regroupement d'organisations qui s'engagent à intégrer les réfugiés dans leurs activités et qui adhèrent à ses objectifs d'inclusion.

Théâtres, cinémas, écoles et universités, groupes confessionnels, cafés, clubs de sport et d'échecs - pratiquement toutes les organisations qui s'engagent à accueillir des réfugiés peuvent y adhérer.

Par exemple la Widden Primary School de Gloucester a été nommée ‘école du mouvement’ en 2017 pour son travail auprès des demandeurs d'asile et des réfugiés. On compte jusqu'à 40 langues parlées à l'école, où sept familles de réfugiés, dont 12 enfants, sont prises en charge.

Des districts entiers, comme celui de Sanctuary Kirklees dans le Yorkshire, ont rejoint le mouvement, tandis que le Pays de Galles espère devenir la première nation adhérant au mouvement.

Les participants à l'événement "Sanctuary in Parliament" et leur bannière "Pour la dignité ; non à la pauvreté ». L'événement a été organisé par 'City of Sanctuary' au Parlement britannique en novembre 2017.

En novembre, ‘City of Sanctuary’ s'est rendu à Westminster pour sa quatrième journée annuelle « Sanctuary » au Parlement. Là, les réfugiés des villes participantes à ce mouvement ont rencontré leurs députés et ont soulevé la question de la misère causée principalement car les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler.

Le chef de ‘City of Sanctuary’ à Bolton, Shaheda Mangerah, offre son aide dans le cadre du Destitution Project, avec l'aide de quatre bénévoles.

« Les chiffres sont en hausse », confie Shaheda Mangerah, qui gère de 10 à 20 cas à la fois dans un bureau étroit au Victoria Hall. « Récemment, un mercredi, on en a eu 30. C’est le triple par rapport à l'année dernière. »

Sa première initiative a consisté à mettre en oeuvre un projet d'accueil, en demandant si la population locale pouvait offrir un lit à un réfugié ou à un demandeur d'asile. Huit ménages ont manifesté leur intérêt; trois se sont déjà inscrits.

A Sheffield, où s’est même monté un chœur ‘City of Sanctuary’, Craig Barnett a vu le mouvement se développer. « L'essentiel, c'est qu'il conserve son éthique de base, en mettant l'accent sur les relations au niveau local », explique-t-il. « Les gens du pays en lien avec ceux en quête d’un soutien - c'est vraiment un mouvement pour le changement culturel. »

Pour en savoir plus sur le travail du mouvement ‘City of Sanctuary’ au Royaume-Uni