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Une école allemande aide les femmes réfugiées à perfectionner leurs compétences en technologies

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Une école allemande aide les femmes réfugiées à perfectionner leurs compétences en technologies

Des formations gratuites pour apprendre le code ou les technologies numériques permettent aux femmes réfugiées d'approfondir leurs connaissances en informatique, et les aide à intégrer un réseau de femmes de plus en plus nombreuses à travailler dans les technologies.
20 Avril 2018 Egalement disponible ici :
Les participantes du Programme de formation numérique pour les femmes assistent à un cours de l'école ReDI, à Berlin.

Diplômée en génie civil et originaire de Syrie, Anan Jakich a risqué sa vie pour mettre sa famille en sécurité. Aujourd’hui réfugiée en Allemagne, elle a rejoint un réseau de femmes qui reconstruisent leur vie grâce à leur passion commune pour les technologies.


Un samedi matin à Berlin, Anan et d’autres femmes, dont beaucoup ont fui la Syrie comme elle, suivent avec attention une formation sur la cybersécurité.

Elle regarde les mots « sécurisé » et « non sécurisé » inscrits sur le tableau noir de la classe.

« On cherchait juste la sécurité », explique Anan, âgée de 48 ans, lorsqu’on l’interroge sur les raisons qui l’ont amenée, en 2014, à fuir sa maison située dans la ville de Salamiyah, en Syrie. « Je ne pouvais plus vivre avec cette peur ou ces angoisses à propos de l’avenir. Je ne pouvais pas attendre que ma famille rencontre encore plus de difficultés ».

Cette mère de quatre enfants était convaincue qu’elle devait emmener sa famille mais partir semblait presque aussi dangereux que rester. « Nous avons essayé de trouver un moyen sûr pour partir mais c’était impossible », ajoute-t-elle. « C’était compliqué et dangereux. Je voulais simplement que ma famille soit en sécurité ».

Anan a voyagé seule jusqu’en Turquie, où elle est montée à bord d'une petite embarcation en direction de la Grèce. En mer, le bateau bondé a rencontré des difficultés et les passagers ont été débarqués sur une étroite bande de terre inhabitée. A la tombée de la nuit, comme aucun secours n’arrivait, Anan était persuadée qu’elle allait mourir sur place. 

 « L’idée de mourir sur cette île était atroce ».

« J’étais terrorisée… L’idée de mourir là, sur cette petite île, et pas en Syrie, alors que ma famille comptait sur moi, c’était atroce », se souvient-elle. Après 24 heures sans nourriture et sans eau, Anan a été secourue par des volontaires, qui l’ont transférée en sécurité vers la Grèce. Deux semaines plus tard, elle arrivait en Allemagne, mais impossible pour elle de prendre un peu de répit tant que ses enfants n’étaient pas eux aussi à l’abri.

Elle a introduit une demande de regroupement familial mais elle a été dévastée d’apprendre que les délais d’attente pouvaient être très longs. Les membres de sa famille ont finalement pu la rejoindre après 18 mois. Durant cette période, Anan a appris l’allemand et elle a effectué plusieurs stages. Toutefois, ce n’est qu’en mars 2016, à l’arrivée de ses enfants, qu’elle a véritablement commencé à reconstruire sa vie. Ses deux aînés, âgés d’une vingtaine d’années, sont encore aux études, tandis que les deux plus jeunes vont à l’école.

Rechercher un emploi à temps plein est devenu sa priorité. En Syrie, Anan est titulaire d’un diplôme en génie civil de l’Université Al-Baath, à Homs, et elle avait fondé sa propre entreprise.

Elle a très vite réalisé que les années de conflit et d’exil, qui l’ont privée d’accès à un ordinateur, avaient considérablement mis à mal ses compétences en technologies. Elle a ensuite appris l’existence de l’école ReDI à Berlin, une école associative qui propose aux nouveaux arrivants des formations gratuites axées sur le code et les technologies numériques.

Le 24 avril, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR) et l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) démarrent un ambitieux plan d’action visant à inciter et à encourager les possibilités d’emploi pour les réfugiés, grâce à un certain nombre d’actions novatrices comme l’école ReDI. L’objectif de ce plan est de faire en sorte que le potentiel économique des réfugiés soit pleinement mis à contribution, et cela dans l’intérêt de tous (les réfugiés, les employeurs et les communautés d’accueil).

Au printemps, Anan a été l’une des premières personnes à suivre le programme de formation numérique pour les femmes de ReDI, qui propose une série de cours destinés exclusivement aux femmes et dont l’objectif est de faire en sorte qu’elles soient toujours plus nombreuses à se doter de compétences en technologies. Cette formation, qui a été conçue pour des personnes qui viennent d’arriver comme Anan, et qui n’ont pas accès à un ordinateur à la maison, se déroule sur une période de trois mois, durant lesquels les participantes ayant déjà quelques notions de base sont amenées à créer leur propre commerce en ligne.   

Les responsables du programme expliquent que quelques avantages gratuits comme la garde des enfants, la présence de traducteurs ou la prise en charge des repas ont permis d’attirer davantage de femmes dans leurs formations en technologies, jusque-là majoritairement fréquentées par des hommes. L’école offre aussi bien plus que de nouvelles compétences. Elle facilite la mise en réseau de femmes travaillant dans le secteur des technologies et ces contacts se sont déjà transformés en offres d’emploi pour d’anciennes élèves.

« Je suis un bon exemple de ce que l’école peut faire pour changer des vies ».

Le parcours de la formatrice syrienne Rita Butman, par exemple, illustre les succès que peut enregistrer cette école. Arrivée de Damas en Allemagne avec un visa d’étudiante en 2017, elle a terminé une formation accélérée de ReDI, qui lui a permis de décrocher un stage rémunéré auprès d’une multinationale de l’informatique, également partenaire du programme.

« Je suis un bon exemple de ce que l’école peut faire pour changer des vies », dit Rita, âgée de 31 ans. Avant de rejoindre cette école, elle survivait tant bien que mal en faisant la plonge. « J’ai pu rencontrer des personnes fantastiques, qui m’ont ouvert de nouveaux horizons ». 

Soucieuse d’offrir à d’autres de telles possibilités, Rita retrouve l’école un jour par semaine mais, cette fois, en tant que formatrice bénévole. La notion de partage est très forte parmi les femmes qui suivent la formation, expliquent les responsables du programme.

« La formation des femmes à des répercussions sur l’ensemble de la communauté », souligne Edlira Kasaj, qui est responsable du programme de formations numériques pour les femmes au sein de l’école ReDI. « Les bénéfices tirés de cette formation se transmettent à beaucoup d’autres personnes grâce aux structures familiales ».

Anan, qui applique les compétences acquises en informatique dans son nouvel emploi auprès des chemins de fer allemands, ne fait pas exception. Elle emmène souvent ses enfants le samedi à l’école ReDI, lorsqu’elle est en formation, afin qu’ils puissent aussi bénéficier du réseau informel de l’école. « On y passe de bons moments et les contacts sont agréables », dit-elle en riant. « L’école, c’est comme une famille. Ce sont de bonnes personnes, qui nous suivent et qui nous soutiennent. Nous avons beaucoup plus confiance en nous qu’auparavant », conclut-t-elle.