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CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-NEUVIEME SEANCE

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-NEUVIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.29

28 Novembre 1951
Présents :
Président :M. LARSEN
Membres :
AustralieM. SHAW
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
CanadaM. CHANCE
DanemarkM. HOEG
EgypteMUSTAPHA Boy
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT,
GrèceM. PAPAYANNIS
IrakM. Al PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
ItalieM. del DRAGO
MonacoM. SALAMITO
NorvègeM. ARFF
Pays-BasM. van BOETZELAER
République fédérale allemandeM. von TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordM. HOARE
Saint-SiègeMonseigneur COMTE
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. SCHURCH
TurquieM. MIRAS
VenezuelaM. MONTOYA
YougoslavieM. MAKIEDO M. BOZOVIC
Haut-Commissaire pour les réfugiés :M. van HEUVEN GOEDHART
Représentant d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales :
Organisation internationale pour les réfugiésM. SCHNITZER
Représentants d'organisations non gouvernementales :
Catégorie A
Confédération internationale des syndicats libresMlle SENDER
Catégorie B et Registre
Alliance universelle des unions chrétiennes de jeunes fillesMlle ARNOLD
Caritas InternationalisM. BRAUN.
M. METTERNICH
Comité de coordination d'organisations juivesM. WARBURG
Congrès juif mondialM. RIEGNER
Conseil consultatif d'organisations juivesM. MEYROWITZ
Conseil international des femmesMme GIROD
Fédération internationale des amies de la jeune filleMme FIECHTER
Union catholique internationale de service socialeMlle de ROMER
Union internationale des Ligues féminines catholiquesMlle de ROMER
Secrétariat
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1, A/CONF.2/5 et Corr.1) (suite) :

Article premier - Définition du terme « réfugié » (A/CONF.2/9, A/CONF.2/13, A/CONF.2/74, A/CONF.2/81, A/CONF.2/82, A/CONF.2/92) (suite)

Le PRESIDENT invite la Conférence à reprendre l'examen de l'article premier, relatif à la définition du terme « réfugié ».

M. ROCHEFORT (France) annonce que la délégation d'Israël et la délégation française ont examiné le texte de l'amendement israélien au paragraphe 5 de la section B (A/CONF.2/81) adopté au cours de la séance précédente, par 7 voix contre 3, avec 14 abstentions. Elles ont constaté qu'il existait entre les versions anglaise et française du texte une différence de sens, le texte anglais parlant de « compelling reasons » (raisons impérieuses) et le texte français parlant de « raisons déterminantes ». Le représentant d'Israël a accepté de modifier le libellé de son texte en supprimant dans la dernière phrase les mots « des raisons de famille déterminantes ou » et en insérant le mot « impérieuses » entre le mot « raisons » et les mots « tenant à des persécutions ... ».

Le PRESIDENT met de nouveau aux voix l'amendement d'Israël modifié dans le sens indiqué par le représentant de la France.

Par 17 voix contre zéro, avec 5 abstentions, l'amendement d'Israël au paragraphe 5 de la section B, ainsi révisé, est adopté.

Le PRESIDENT invite la Conférence à étudier l'amendement d'Israël au paragraphe 6 de la section B (A/CONF.2/82).

M. ROBINSON (Israël) souligne que l'amendement d'Israël au paragraphe 6 de la section B devra être modifié de la même manière que l'a été l'amendement au paragraphe 5 de la section B que l'on vient d'adopter.

Le PRESIDENT souligne qu'à la troisième ligne de cet amendement (A/CONF.2/82) les mots « elle n'est pas en mesure » doivent se lire « elle est en mesure ».

Il met ensuite aux voix l'amendement d'Israël, ainsi modifié.

Par 17 voix contre zéro, avec 4 abstentions, l'amendement d'Israël au paragraphe 6 de la section 3 de l'article premier, est adopté ainsi modifié.

Le PRESIDENT met aux voix la section B de l'article premier ainsi amendée.

A l'unanimité, la section B de l'article premier, ainsi amendée, est adoptée.

M. PETREN (Suède) suppose que l'adoption de la section B entraîne automatiquement l'adoption de l'amendement de la Suède au paragraphe 2 de la section A (A/CONF.2/9).

Le PRESIDENT déclare avoir eu l'impression que le représentant de la Suède avait retiré son amendement.

M. PETREN (Suède) suppose qu'il y a un malentendu, Il n'a pas retiré son amendements d'ailleurs, les amendements d'Israël aux paragraphes 5 et 6 de la section B devra être modifié de la même manière que l'a été l'amendement au paragraphe 5 de la section B ont été considérés comme des amendements à l'amendement de la Suède (A/CONF.2/9), qui proposait de supprimer, au paragraphe 2 de la section A, les mots « ou pour des raisons autres que de convenance personnelle ». Il ne s'est peut-être pas très bien fait comprendre lorsque la question a été étudiée pour la dernière fois.

M. ROBINSON (Israël) partage la manière de voir du représentant de la Suède.

Le PRESIDENT déclare que, s'il n'y a pas d'objections, il va mettre l'amendement suédois aux voix.

A l'unanimité, l'amendement de la Suède au paragraphe 2 de la section A de l'article premier (A/CONF.2/9) est adopté.

Le PRESIDENT invite la Conférence à reprendre l'examen de la section C de l'article premier à laquelle la délégation de l'Egypte a proposé d'apporter un amendement (A/CONF.2/13).

MUSTAPHA Bey (Egypte) remercie le Président d'avoir bien voulu attendre son retour pour reprendre l'examen de la section c. Il rappelle les déclarations qu'il a déjà faites à ce propos ; il n'aura besoin d'insister que sur un ou deux points importants. De l'avis de la délégation de l'Egypte, la Convention doit permettre de réaliser un progrès important dans le domaine de la protection des réfugiés et doit donc s'appliquer à toutes les catégories de réfugiés. C'est de cette idée que s'inspire l'amendement présenté par la délégation de l'Egypte, pour laquelle toute autre solution du problème des réfugiés no serait qu'un effort absolument vain. Limiter la Convention dans le temps ou l'espace ne pourrait que l'affaiblir, puisque l'on refuserait de protéger un grand nombre de réfugiés. Aux termes de son mandat la Conférence doit s'occuper de toutes les catégories de réfugiés, et c'est uniquement parce que telle a été son interprétation que le Gouvernement de l'Egypte s'y est fait représenter. L'amendement de l'Egypte tend à assurer que les réfugiés arabes de Palestine, qui seront encore réfugiés lorsque les organismes ou les institutions des Nations Unies qui leur apportent actuellement aide ou protection cesseront de fonctionner, bénéficieront de la Convention. L'adoption de l'amendement de l'Egypte contribuerait, il en est convaincu, à décider bien des Etats qui, autrement, hésiteraient à le faire, à donner leur adhésion à la Convention.

M. ROCHEFORT (France) attire l'attention de la Conférence sur le fait que l'adoption de l'amendement égyptien ne doit pas aller à l'encontre des déclarations que chaque Etat contractant pourra faire conformément à l'article premier à la suite de l'adoption de l'amendement présenté par le représentant du Saint Siège (A/CONF.2/80).

M. HOARE (Royaume-Uni) partage la manière de voir du représentant de la France. Dans le cas où l'amendement de l'Egypte serait adopté, il faudrait tenir compte, au moment où il serait appliqué, de la décision que la Conférence a prise au sujet du paragraphe 2 de la section A et il n'entrerait en vigueur que pour les Etats qui ont choisi la solution géographique la plus large de la définition du terme de « réfugié ».

Il votera en faveur de l'amendement de l'Egypte parce qu'il lui semble utile de répondre aux voeux de ceux qui ont été chargés d'insérer la clause en question, maintenant qu'ils cherchent à en élargir la portée.

M. ROCHEFORT (France) tient à expliquer les raisons pour lesquelles il a estimé nécessaire d'insister et pour lesquelles il a souhaité voir figurer à l'article premier une disposition prévoyant une précision du genre de celles que cet article permet actuellement. La délégation française a ou à Lake Success, des entretiens avec une délégation arabe qui avait alors manifesté son désir de souscrire éventuellement à une convention élaborée en faveur des réfugiés européens résidant sur son territoire, mais elle avait souligné qu'il lui serait difficile de souscrire aux mêmes engagements à l'égard des réfugiés arabes qu'elle avait accueillis. Le point de vue que la délégation française s'est efforcée de faire valoir à ce propos est souvent demeuré incompris. Les considérations exposées par M. Rochefort au sujet de certains pays l'Amérique latine, et dont l'exactitude a été confirmée par les déclarations du représentant de la Colombie lui même, sent également valables pour certains pays arabes. Dans la pratique, non seulement la Convention n'apporte pas des avantages aux pays qui la signeront, mais encore elle impose à ces pays certaines charges. Les pays arabes qui supportent aujourd'hui les charges énormes que représente l'aide qu'ils accordent aux réfugiés arabes de Palestine, ont à coeur de faire face aux nécessités de ce problème. Néanmoins, il apparaît que la Convention n'aurait pas, dans ce cas, la portée voulue et la délégation française aurait donc souhaité de ce problème fût étudié de la façon la plus attentive avec les institutions des Nations Unies chargées de l'assistance aux réfugiés arabes de Palestine. En effet, au sein de ces institutions, les responsabilités politiques sont plus nettes qu'à la présente Conférence. La délégation française aurait on outre souhaité que les délégations arabes soient en mesure de prendre en considération les difficultés qu'elle avait signalées et qui risquent de décourager, et non pas de susciter, l'adhésion de certains pays arabes. Le représentant de l'Egypte se fait peut-être l'interprète d'une manière de voir commune à tous les pays arabes ayant sur leur territoire des réfugiés de Palestine. Mais il se peut que, par la suite, sa proposition ne corresponde plus à une évolution du problème. Un texte trop rigide risquerait de susciter des difficultés qu'un texte souple permettrait d'éviter. S'il est normal d'inclure d'autres réfugiés dans le mandat du Haut-Commissaire pour les réfugiés, il n'est pas indiqué de les viser dans la Convention. Le moment venu, le Haut-Commissaire pourra aisément prendre des dispositions pour qu'un protocole soit ajouté à la Convention ou, le cas échéant, une convention distincte conclue et ce nouvel instrument serait parfaitement adapté aux nécessités de la situation des réfugiés arabes de Palestine.

Dans les circonstances actuelles, il se peut que les réfugiés arabes bénéficient un jour de dispositions de la Convention, mais que ces dispositions ne répondent pas aux nécessités de leur situation à ce moment-là.

M. Al PACHACHI (Irak) appuie chaleureusement l'amendement et les observations du représentant de l'Egypte. Il confirme que l'amendement constitue bien une proposition sur laquelle tous les Etats arabes se sont mis d'accord. Il remercie également le représentant du Royaume-Uni d'avoir donné son appui à l'amendement. Il ne croit pas que les appréhensions du représentant de la France soit justifiées, étant donné les amendements au paragraphe 2 de la section A de l'article premier et à l'article 30 (coopération des autorités nationales avec les Nations Unies), que la Conférence a déjà adoptés, le deuxième à la demande de la délégation française elle-même. Il est évident que, dans le cas où l'amendement de l'Egypte serait rejeté, les réfugiés qu'il trend à protéger pourraient un jour se trouver sans statut de tout.

M. ROCHEFORT (France) fait observer que le but des délégations arabes aurait été aussi bien atteint si, par une déclaration telle qu'il est prévu à l'article premier, des pays prenaient des engagements à l'égard des catégories de réfugiés qu'ils désirent protéger maintenant et plus tard à l'égard des réfugiés de Palestine.

MUSTAPHA Bey (Egypte) répond à la déclaration du représentant de la France on formulant deux observations. Tout d'abord, il tient à rappeler qu'il a informé la Conférence qu'après la première guerre mondiale, l'Egypte a accueilli environ 30 000 réfugiés, qui sont maintenant intégrés à la vie du pays, la plupart d'entre eux ayant déjà été naturalisés. Il pense donc qui, compte tenu de sa situation géographique, l'Egypte a contribué d'une manière importante à la solution du problème général des réfugiés. En deuxième lieu, il soutient que si le problème des réfugiés arabes n'est pas résolu par les efforts des organisations internationales, il faudra trouver d'autres moyens de le résoudre.

Le PRESIDENT déclare la discussion close, et met aux voix l'amendement de l'Egypte (A/CONF.2/13) au paragraphe C de l'article premier.

Par 14 voix contre 2, avec 5 abstentions, l'amendement de l'Egypte (A/CONF.2/13) est adopté.

Le PRESIDENT mot aux voix la section C de l'article premier, telle qu'elle a été amendée.

Par 18 voix contre zéro avec 5 abstentions, la section C de l'article premier, ainsi amendée, est adoptée.

Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur le rapport du Groupe de travail chargé d'étudier la section E de l'article premier (A/CONF.2/92) et notamment sur les paragraphes 3 et 4 de ce rapport.

M. ROCHEFORT (France) fait observer que la délégation française n'a pas pris part aux travaux du Groupe de travail. Il demande qu'il en soit fait état dans le texte de son rapport.

Le PRESIDENT indique que la déclaration du représentant de la France figurera dans le compte rendu analytique.

M. CHANCE (Canada) propose d'adopter la proposition du Royaume-Uni qui figure au paragraphe 3 du rapport du Groupe de travail et qui tend à remplacer, dans le texte original de la section de la section E, les mots :

« (a) qu'elles ont commis un crime défini à l'article VI du statut du Tribunal militaire international approuvé à Londres »

par les mots :

« (a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ».

Par 20 voix contre une, avec 2 abstentions, la proposition du Royaume-Uni est adoptée.

M. ROBINSON (Israël) explique que la délégation d'Israël n'a pas pu voter en faveur du texte du Royaume-Uni. Tout en écartant certaines objections juridiques formulées par le Gouvernement d'Israël contre l'amendement soumis par la République fédérale allemande (A/CONF.2/76), le nouveau texte est moins remarquable par ce qu'il dit que par ce qu'il tait. Il ne contient aucune référence au Statut de Londres, base juridique de nombreux jugements rendus par les tribunaux compétents. La délégation israélienne estime qu'une telle omission peut avoir de graves répercussions politiques et morales. Ce sont ces répercussions éventuelles qui expliquent l'attitude de cette délégation.

Sous Hitler, l'Allemagne a livré deux guerres ; l'une pour l'hégémonie mondiale, l'autre pour l'anéantissement du peuple juif, autrement dit pour la mise à mort de tous les hommes, de toutes les femmes et de tous les enfants juifs du monde. La tentative allemande de domination mondiale a échoué, mais la guerre contre le peuple juif a presque réussi. Six millions de victimes, soit les deux tiers de la population juive européenne, qui depuis mille ans constitue le réservoir du génie juif, ont été massacrés.

Avec la fin de la grande coalition et la division du monde en doux blocs opposés, une partie de l'Allemagne a été progressivement attirée dans l'un des camps, et l'autre dans le camp adverse. Cela peut expliquer en partie la rapidité avec laquelle le principe « pardonne et oublie » a cheminé en Allemagne. La décision que vient de prendre la Conférence représente le dernier pas dans cette voie.

Que dire, d'autre part, de la deuxième guerre mondiale ? Il y a six ans, Hans Frank, ancien Gouverneur général de Pologne et l'un des principaux criminels de guerre, s'est écrié, lors de son procès devant le Tribunal militaire international :

« Des milliers d'années s'écouleront, et jamais le monde n'oubliera le crime commis par les Allemands contre le peuple juif. »

Or, le monde paraît déjà avoir oublié, comme l'Allemagne elle-même, semble-t-il. Les Allemands n'ont réparé aucun des dommages qu'ils ont causés au peuple juif. Et c'est pourquoi, alors que les deux blocs considèrent peut-être que les Allemands ont individuellement expié leur faute, le peuple juif et l'Etat d'Israël ne sauraient partager cette opinion.

Le représentant d'Israël demande que sa déclaration soit reproduite in extenso dans le compte rendu analytique de la séance.

Le PRESIDENT demande à la Conférence d'aborder l'examen de la clause (b) de la section E et des deux amendements du Royaume-Uni (document A/CONF.2/74) qui s'y rapportent.

M. HOARE (Royaume-Uni) n'a pas d'objection à ce que l'on examine les amendements présentés par sa délégation. Toutefois, cette question a été renvoyée au Groupe de travail, sur la proposition de la délégation d'Israël qui a suggéré qu'au lieu d'aligner la seconde clause de la section E sur la première, l'en suive la procédure inverse. Reste également l'importante question de l'extradition, qui exige un examen plus approfondi. Il pourrait donc être avantageux de renvoyer la question tout entière à un Groupe de travail, afin d'éviter des débats inutiles en séance plénière.

Le PRESIDENT fait remarquer que la délégation française a été dans l'impossibilité d'assister aux séances du Groupe de travail, qui n'a abouti à aucun résultat touchant la clause (b). Dans ces conditions, le Président répugne à renvoyer la question à un Groupe de travail sans donner à ce dernier de directives plus précises.

M. HOARE (Royaume-Uni) estime qu'en ce cas, il doit à nouveau expliquer pourquoi la délégation du Royaume-Uni a présenté l'amendement faisant l'objet du document A/CONF.2/74. La clause (b) de la section E vise les dispositions du paragraphe 2 de l'article 14 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme. Cette déclaration n'énonce que des principes et des idéaux, et ne constitue donc pas un instrument auquel on puisse à bon escient se référer dans un texte juridique. Le paragraphe 2 de l'article 14 dispose que le droit d'asile ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun. Une référence à ce paragraphe signifierait donc que, s'il existe de sérieuses raisons de considérer qu'une personne se trouve dans cette situation, elle ne bénéficiera pas de la Convention. Mais, que veut-on dire par « penser » qu'une personne a fait l'objet de telles poursuites ? Du fait qu'une personne est poursuivie et condamnée, il semble qu'elle se trouvera certainement dans cette situation. Dans sa rédaction actuelle, la clause (b) vise donc les réfugiés coupables d'un délit, si véniel soit-il, dans le pays de refuge, à la condition que ce délit ne soit pas d'ordre politique, et ces réfugiés seraient automatiquement exclus du bénéfice de la Convention. Il devrait être évident pour tout le monde qu'un telle proposition est insoutenable.

Le paragraphe 2 de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme poursuit en disant que le droit d'asile ne saurait être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Ainsi, le texte de la clause (b) de la section E exclurait automatiquement du bénéfice de la Convention les réfugiés qui auraient été poursuivis pour de tels agissements. Le représentant du Royaume-Uni n'est pas certain du sens exact des mots : « agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ». Il craint que l'adoption d'un tel texte ne permette à certains gouvernements d'exclure du bénéfice de la Convention des réfugiés qui ne devraient pas ainsi être traités. De plus, l'adoption de l'amendement à la clause (a) de la section E est une autre raison de supprimer la clause (b) ; en effet, les termes adoptés pour la clause (a) sont suffisamment larges pour couvrir tous les cas pratiques. Le délégué du Royaume-Uni maintient donc devant la Commission les amendements faisant l'objet du document A/CONF.2/74 ; l'une ou l'autre rédaction exclurait les criminels de droit commun du bénéfice de la section E.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) appuie les arguments du représentant du Royaume-Uni. Le renvoi à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme est inopportun et a donné lieu à certains malentendus lors des débats sur ce sujet. On a soutenu à juste titre qu'il serait illogique de refuser le bénéfice de la Convention aux criminels de droit commun. Le paragraphe 2 de l'article 14 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme exclut ces criminels uniquement en ce qui concerne le droit d'asile. De l'avis de l'orateur, cette conception doit être conservée dans la Convention, Les criminels de droit commun ne doivent pas jouir du droit d'asile ; mais cette idée a été retenue déjà dans l'article 28 (Défense d'expulsion et de refoulement etc.) du projet de Convention, sous sa forme amendée. Dans ces conditions, la délégation néerlandaise appuie les amendements à la clause (b) de la section E proposés par le Royaume-Uni.

M. ROCHEFORT (France) reconnaît qu'il n'est question dans l'article 14 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme que du droit d'asile. Or, le droit d'asile est infiniment plus important que l'octroi du statut de réfugié, puisqu'il est la condition sine qua non de la possession de ce statut. Comment, en effet, pourrait-on accorder la qualité de réfugié à une personne à qui l'on a refusé le droit d'asile et qui, par conséquent, ne peut entrer dans aucun pays d'accueil ? La délégation française, se trouvant en présence d'un texte qui, d'une part, n'accorde pas le droit d'asile et, d'autre part, prévoit la possibilité de l'expulsion (telles sont, en effet, les dispositions de l'article 28), se demande quel intérêt cette proposition peut présenter pour les réfugiés. Il existe une certaine catégorie de personnes auxquelles le Gouvernement français pour sa part, serait disposé à accorder asile, pour des raisons purement humanitaires. Néanmoins, le Gouvernement français ne pourrait accorder le statut de réfugié à ces personnes, et on ne peut le contraindre à faire plus dans ce domaine. La proposition du Royaume-Uni suppose une politique beaucoup plus draconienne que celle qui résulterait du texte actuel de la Convention.

Cette proposition ne permettrait au Gouvernement français d'adopter qu'une seule attitude : refuser l'asile à la personne dont il s'agit ou, si celle-ci est déjà sur le territoire français, l'expulser. De l'avis de la délégation française, la section E constitue une disposition essentielle qui, heureusement, ne vise qu'un petit nombre de réfugiés. Certes, cette disposition peut comporter certains inconvénients auxquels il n'est malheureusement pas possible de remédier, car en l'état actuel des choses, il n'existe pas de tribunal international compétent pour juger les criminels de guerre ou les délits de droit commun déjà sanctionnés par les législations nationales. Les pays jouissent de certains droits souverains, tels que celui d'accorder l'extradition de certaines personnes, et ces droits vont beaucoup plus loin que le refus d'accorder à une personne le statut de réfugié. A Lake Success, la délégation belge a exprimé les appréhensions que manifeste maintenant la délégation française au sujet de la suppression éventuelle de ces dispositions. Il serait très grave de ne pas autoriser les pays d'accueil à procéder à un filtrage permettant d'éliminer les personnes qui se seraient Gouvernement français pourrait envisager d'accorder asile sans les faire bénéficier du statut de réfugié.

M. HERMENT (Belgique) partage dans une certaine mesure la manière de voir du représentant de la France. Il y a certes des inconvénients à accorder le statut de réfugié à une personne qui n'en n'est pas digne. En tout état de cause, l'article 28 permet de donner une solution à ce problème. Cependant, la délégation belge estime que l'on ne peut refuser le statut de réfugié à une personne pour la simple raison qu'elle a fait l'objet d'une condamnation de droit commun dans son pays d'origine. L'on sait, en effet, quels sont ces pays d'origine et leur façon de juger est bien connue. Pour ces raisons, la délégation belge appuie l'amendement du Royaume-Uni visant à supprimer la clause (b), à condition toutefois que l'on ajoute à l'article 28 une réserve relative à l'extradition : il y a en effet, des cas où il est impossible de refuser l'extradition pour des raisons purement juridiques.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) déclare que le représentant de la France ne l'a pas convaincu de la nécessité de refuser le bénéfice de la Convention à un réfugié coupable d'un délit sans gravité. Il est raisonnable que la Convention ne s'applique pas aux individus coupables de crimes graves ; mais cette hypothèse a été prévue par l'article 28, L'orateur appuiera également la proposition de la Belgique relative à l'addition 28 d'une réserve concernant l'extradition.

M. HOARE (Royaume-Uni) remercie le représentant de la Belgique d'avoir appuyé le principe de l'amendement présenté par le Royaume-Uni. Pour M. Hoare, la difficulté véritable semble être la suivante :

L'article 14 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme concerne le droit d'asile, et le second paragraphe de cet article constitue une restriction à la disposition générale du premier paragraphe. Ce second paragraphe paraît destiné à s'appliquer à des personnes qui fuient un autre pays parce qu'elles y sont poursuivies pour des crimes de droit commun et l'effet semble en être que les dispositions de l'article 14 ne doivent pas prévaloir sur les obligations spéciales relatives à l'extradition. Le représentant du Royaume-Uni ne parvient pas à croire que les auteurs du paragraphe 2 de l'article 14 aient voulu dire que ce paragraphe doive s'appliquer à une personne qui, ayant reçu asile, commet par la suite un crime dans le pays de refuge. L'article 14 ne vise pas les criminels de droit commun se trouvant dans le territoire du pays d'accueil intéressé. La difficulté devant laquelle se trouve la conférence au sujet de la clause (b) paraît résulter de la généralité des termes employés dans l'article 14 et du fait qu'il en a été fait mention dans la définition du terme « réfugié » donnée dans le projet de Convention et qu'on l'a interprété comme s'appliquant aux délinquants de droit commun du pays de refuge. Telle est la catégorie de réfugiés que la délégation du Royaume-Uni tient à voir échapper aux dispositions de la section E, afin de ne pas les exclure du bénéfice de la Convention. Si sa délégation a une vue exacte des choses, resterait la question de la personne recherchée par un Etat contractant ou par un Etat qui exerce les poursuites, en apparence pour des raisons suffisamment fondées pour être jugée à cause d'un crime de droit commun. L'orateur n'est pas hostile à la solution de ce problème proposée par le représentant de la Belgique. Néanmoins, la Convention ne mentionne ni le droit d'asile ni le principe de l'extradition. A cet égard, l'action des Etats est régie par de traités portant spécialement sur l'extradition, il incomberait donc aux Etats de prendre les mesures nécessaires dans chaque cas particulier en tenant compte des obligations que leur imposent ces traités. L'article 28 ne parle que de l'expulsion ou du retour d'un réfugié, et M. Hoare préférerait qu'il ne fût fait mention de l'extradition à aucun endroit de la Convention, car c'est là comme il l'a déjà dit, une question dont le règlement doit être assuré par les arrangements relatifs à l'extradition qui sont en vigueur entre les divers pays.

M. ROCHEFORT (France) dit que, si ce débat avait pour but de placer le plus de difficultés possibles sur la route de l'adhésion de certains gouvernements, il serait le premier à exprimer son appréciation sur la façon d'ailleurs courtoise avec laquelle on précède. Toutefois, tel n'est pas le but certainement.

M. HOARE (Royaume-Uni) prenant la parole sur une motion d'ordre, nie formellement que la délégation du Royaume-Uni ait pris, que ce soit maintenant ou à un autre moment de la conférence une attitude qui rendrait difficile l'adhésion de certains Etats à la Convention. Tout au contraire, il a fait de son mieux plus d'une fois pour tenir compte des opinions des autres représentants, de manière à favoriser le maximum d'adhésions à la Convention.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) déclare qu'il était sur le point de faire une déclaration semblable à celle du représentant du Royaume-Uni.

M. HERMENT (Belgique) appuie la protestation du représentant du Royaume-Uni. Il a souvent voté contre ses convictions et presque contre les instructions qu'il a reçues du Gouvernement belge afin de rendre la Convention acceptable à un aussi grand nombre que possible de gouvernements.

M. ROCHEFORT (France) souligne que ses propres efforts n'ont qu'un but : rendre le texte de la Convention acceptable. Il ne comprend pas comment en peut manifester une si vive opposition contre la position française, alors que celle-ci a été admise au Conseil économique et social et à l'Assemblée générale. Lors des discussions qui eurent lieu dans un groupe de conciliation auquel participait le représentant du Royaume-Uni, ce représentant a admis la position française. Il est revenu sur son attitude à la Troisième Commission, et celle-ci n'en a pas moins concerné la formule qui avait été mise au point par le groupe de conciliation. La délégation française ne voit pas pour quelle raison ses déclarations seraient prises au tragique. Ce qui serait tragique, ce serait qui le Gouvernement de la France, qui a la responsabilité de plusieurs centaines de milliers de réfugiés, ne se trouve pas en mesure de signer la Convention. C'est précisément dans l'intérêt de ces réfugiés que la délégation française a déployé tous ses efforts.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) rappelle qu'au cours d'une séance antérieure, il a déjà indiqué que sa délégation ne pouvait accepter l'amendement du Royaume-Uni. En fait, si cet amendement était adopté, il serait obligé de réserver la position du Gouvernement yougoslave qui, il est fort probable, ne pourrait signer la Convention. Sa position est motivée par le fait que l'amendement vise à autoriser l'octroi du statut de réfugiés à des personnes qui se sont rendues coupables d'un crime de droit commun.

M. PETREN (Suède) déclare qu'en partant de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il aboutit aux mêmes conclusions que le représentant du Royaume-Uni. Cet article concerne clairement la question de l'extradition et, tout en considérant qu'il est de la plus grande importance que le gouvernement français puisse signer la Convention, la délégation suédoise ne peut que reconnaître le bien fondé des arguments du représentant du Royaume-Uni.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) fait observer que le problème en discussion est de savoir si l'en doit accorder à des criminels le statut de réfugiés ; ce n'est pas le problème de l'extradition.

M. SCHURCH (Suisse) se demande s'il ne serait pas préférable, au lieu de se référer, dans la section E, à l'article 14 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, de mentionner simplement les crimes graves comme excluant un réfugié du bénéfice de la Convention. L'insertion d'une formule rappelant les buts et les principes des Nations Unies ne semble pas être nécessaire, car la section A traite des mêmes questions.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) propose de modifier la section E en insérant à la troisième ligne, après le mot « crime », les mots « de droit commun », et en ajoutant, à la fin de cette section, un troisième alinéa c), constitué par le deuxième amendement présenté par le Royaume-Uni dans le document A/CONF.2/74.

M. ROCHEFORT (France) appuie l'amendement yougoslave. Les Etats qui, comme la France, accordent le plus libéralement le droit d'asile, ont besoin qu'une disposition de ce genre filtre les réfugiés qui entrent sur leur territoire ; sinon le droit d'asile lui-même risque d'être remis en cause. Une disposition de cet ordre peut ne pas sembler importante aux pays qui estiment que la Convention n'est pas destinée à régir les problèmes de l'admission. La France, pour sa part, n'est pas de cet avis et nul ne saurait lui contester le droit de penser que la Convention vise également les questions d'admission.

C'est précisément cette position qui exige que la France s'entoure de certaines précautions. Si par exemple la France se trouvait, dans les jours prochains devoir faire face à un flot de réfugiés, victimes d'une contre-révolution dans un Etat totalitaire, elle devrait pouvoir trancher, selon les cas et en tenant compte des éléments d'appréciation qui lui paraîtront appropriés, la question de savoir si elle accordera à ces personnes le droit d'asile et le statut de réfugiés ; ou bien si, sans leur accorder ce statut, elle leur permettra de résider sur son territoire.

Une disposition de ce genre est essentielle pour la France.

M. del DRAGO (Italie) appuie le point de vue du représentant de la France.

M. PETREN (Suède) estime que deux cas peuvent se présenter : celui de personnes qui, au moment de leur entrée dans le pays d'accueil, se sont déjà rendues coupables d'un crime, ou celui d'individus qui commettent un crime après leur entrée dans le pays d'accueil. Il voudrait savoir si les préoccupations exprimées par le représentant de la France visent la première ou la deuxième de ces catégories de personnes.

M. HERMENT (Belgique) était sur le point de poser la même question au représentant de la Yougoslavie.

M. ROCHEFORT (France) précise qu'il s'agit des crimes commis avant l'entrée sur le territoire du pays d'accueil.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) est du même avis que le représentant de la France. Il souligne l'importance que cette clause revêt pour la Yougoslavie en raison des précédents qu'elle a connus dans ce domaine.

M. ROCHEFORT (France) précise qu'un crime n'est pas un délit et que le terme « crime » au sens où il est employé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme concerne des crimes graves.

M. PETREN (Suède) estime que le mot « crime » a pris un certain sens en droit international.

Les dispositions de l'article 28 permettent de qualifier les crimes dont il s'agit et il serait bon de maintenir l'interdiction de la section E.

M. HOARE (Royaume-Uni) n'a rien à objecter à une disposition relative à des crimes commis avant l'entrée dans le pays de refuge mais il avait l'impression que ce n'était pas là la proposition que l'on discutait maintenant.

M. SCHURCH (Suisse) pense qu'on peut concevoir le cas d'un réfugié qui aurait commis un crime grave sur le territoire d'un pays d'accueil sans que le pays d'accueil envisage pour autant de l'expulser. Dans ces conditions, il ne comprend pas pourquoi cette personne recevrait un traitement différent de celui accordé à la personne qui se serait rendue coupable d'un crime dans son pays d'origine.

M. ROCHEFORT (France) répond que dans le cas envisagé par le représentant de la Suisse, le réfugié a déjà été admis à résider sur le territoire du pays d'accueil, sur le territoire français, par exemple. Cette autorisation lui confère certains droits, et s'il n'est pas un ressortissant français, il ne fait pas moins, dans une certaine mesure, partie de la communauté française. Tel est le point de vue de la délégation française, avec toutefois une réserve, celle de l'expulsion prévue par la Convention.

Pour comprendre le point de vue de la France, il faut se placer dans sa situation, qui est celle d'un pays environné d'Etats d'où peuvent affluer des réfugiés ; parmi ces réfugiés, certains peuvent se rendre coupables de crimes. La définition du terme « réfugié » doit donc contenir une clause protégeant la France, afin de lui permettre d'exercer le droit d'asile qu'elle a toujours si libéralement accordé, sans pour autant reconnaître aux personnes qui en bénéficient, le statut des réfugiés. A défaut d'une telle clause, on permettrait l'entrée de réfugiés dont les agissements discréditeraient ce statut.

M. Rochefort ne comprend pas comment en peut contester, à un pays qui accorde si largement le droit d'asile, droit infiniment plus important que celui que confère la reconnaissance du statut des réfugiés, le droit de refuser ce statut. Selon certaines délégations, la Convention ne régit pas les conditions d'admission. Pour la délégation française, ce texte a pour but de réglementer la façon dont elle pratiquera l'admission. Et c'est pour cette raison même que le Gouvernement français estime indispensable de voir figurer dans le texte de la Convention une disposition dont l'application jouerait comme un filtre protecteur de ses intérêts les plus essentiels.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) rappelle que dans son amendement à la section E il a repris la deuxième version de l'amendement à la clause b) de cette même section présenté par le Royaume-Uni dans le document A/CONF.2/74.

M. ROCHEFORT (France) propose d'insérer dans le texte de l'amendement yougoslave, le mot « graves », après les mots « crimes ».

M. BOZOVIC (Yougoslavie) accepte la proposition française.

M. ROCHEFORT (France) appelle l'attention des membres de la Conférence sur le fait que si l'amendement de la Yougoslavie était rejeté, la Convention deviendrait applicable à des personnes dont on a des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis des crimes graves de droit commun ou qu'elles se sent rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Il serait assez paradoxal que des personnes coupables de tels agissements pussent ainsi se réclamer de la protection des Nations Unies.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) appuie chaleureusement les considérations exposées par le représentant de la France.

Le PRESIDENT indique que le point discuté étant assez délicat, il croit qu'il vaudrait mieux que les délégations intéressées essaient de se mettre d'accord sur un texte qui leur paraîtrait satisfaisant. Il propose donc de suspendre la séance pour leur donner la possibilité d'échanger leurs vues.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue à 17 h. 10 et reprise à 17 h. 25.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) annonce qu'il a mis au point, pour la deuxième partie de la section E, un texte qui semble être généralement acceptable. Ce texte est le suivant :

« b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil ;

« c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ».

M. HOARE (Royaume-Uni) sans considérer que le texte révisé de l'amendement yougoslave échappe à toutes les critiques, trouve qu'il fait tout au moins disparaître son objection principale contre la version originale de la section E, qui permettait aux pays de priver trop facilement du statut de réfugié beaucoup de personnes ayant cherché asile contre la persécution.

Le PRESIDENT voudrait connaître le sens exact des mots : « en dehors du pays d'accueil ». Visent-ils la période précédant la première entrée d'un réfugié dans le pays d'accueil, ou visent-ils également la période pendant laquelle un réfugié voyage dans d'autres pays ?

M. ROCHEFORT (France) précise qu'il s'agit, en l'occurrence, d'une personne qui ne possède pas encore la qualité de réfugié, en quelque pays que ce soit, et qui cherche à acquérir cette qualité.

Si cette personne jouit déjà du statut de réfugié, dans un pays voisin, elle y a sa résidence, et le deuxième pays d'accueil aurait le droit de ne pas l'accepter sur son territoire, car elle relève de la responsabilité du pays où elle a résidé jusqu'alors. Si cette personne entre clandestinement sur le territoire d'un autre pays d'accueil, celui-ci pourra toujours la refouler pour entrée clandestine donc inadmissible puisque l'intéressée possède une résidence normale dans l'autre pays d'accueil.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) propose de modifier le texte de l'amendement yougoslave en insérant les mots « n'ayant pas encore la qualité de réfugié » au paragraphe b) de cet amendement.

Répondant à une question de M. BOZOVIC (Yougoslavie), M. van Boetzelaer explique le but de sa proposition : il voudrait être sûr que si un réfugié admis dans un pays d'asile commet un crime et se réfugié par la suite dans un autre pays, le crime qu'il a commis ne sera pas retenu contre lui dans le second pays, c'est-à-dire qu'il ne lui enlèvera pas sa qualité de réfugié.

M. BOZOVIC (Yougoslavie) ne peut accepter la proposition des Pays-Bas. Il craint en effet que cet amendement ne suscite de débats sur l'application des législations pénales.

M. HOARE (Royaume-Uni) retire les amendements du Royaume-Uni (A/CONF.2/74) à la section E.

Le PRESIDENT croit pouvoir expliquer la situation à l'aide de l'exemple suivant : un réfugié résidant au Danemark peut passer à l'étranger muni d'un titre de voyage danois, y commettre un crime et revenir au Danemark. L'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis pourrait ne pas désirer son extradition de peur qu'après avoir purgé sa peine de prison, le réfugié demeure sur son territoire. Dans ce cas, le criminel serait jugé et condamné au Danemark, Mais, en retrouvant sa liberté, serait-il privé du statut de réfugié ? Dans ce cas, quelle serait sa situation puisqu'il serait très peu probable qu'un autre pays l'accueille ?

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) estime que le cas prévu par le Président serait visé par la Convention si l'on adoptait la proposition de sa délégation.

M. ROCHEFORT (France) constate que dans l'exemple cité par le Président, l'intéressé garderait sa qualité de réfugié à l'égard du Haut-Commissaire pour les réfugiés ; il jouirait donc d'une certaine protection internationale. En outre, il est à noter que, d'une façon générale, la police des divers Etats recherche les criminels, qui sont éventuellement ramenés dans le pays où ils ont commis leurs crimes pour y être jugés.

D'autre part, M. Rochefort souligne que toutes les fois que l'on parle d'une personne ayant déjà la qualité de réfugié, on passe du domaine de la définition à celui de l'application de la Convention ; certaines dispositions, et notamment celles de l'article 28 entrent alors en jeu.

La délégation française part de l'hypothèse où la personne visée par les dispositions de la section E n'a pas encore la qualité de réfugié.

Le PRESIDENT relève que la section E débute par les mots : « les dispositions de la présente Convention ne seront pas applicables aux personnes ... ».

M. ROCHEFORT (France)déclare que toute la question est là. On parle de « personnes » et non de « réfugiés ».

Le PRESIDENT est d'accord avec le représentant de la France mais il doute que ceux qui seront appelés à appliquer la Convention s'arrêtent à d'aussi subtiles distinctions.

M. ROCHEFORT (France) fait observer que la difficulté signalée par le Président existe également pour la clause a) de la section E.

Le PRESIDENT reconnaît la valeur de l'argument du représentant de la France mais rappelle qu'aucune exception de cette nature n'a été prévue dans les instruments précédents, qui jusqu'à un certain point, se fiaient à une mise en oeuvre de bonne foi.

Lorsqu'une personne munie d'un casier judiciaire cherche asile en tant que réfugié, il appartient au pays de refuge de peser, d'une part, les délits commis par cette personne, et d'autre part, le bien-fondé de sa crainte d'être persécuté.

Le Président demande à la Conférence d'imaginer le cas d'un quelconque fonctionnaire subalterne appartenant à un parti politique interdit et pourvu d'un casier judiciaire. Le président est convaincu que tous les pays d'Europe et d'ailleurs ont résolu de tels cas avec justice même en appliquant les conventions précédentes.

M. ROCHEFORT (France) pense que la différence signalée par le Président entre la convention actuelle et les conventions antérieures est en partie due au fait que les anciennes conventions concernaient des groupes limités de réfugiés, et qu'en outre les Etats contractants pouvaient formuler des réserves, même pour la définition de ces réfugiés.

La convention actuelle est un texte général, susceptible de s'appliquer à des réfugiés futurs. Il y est de plus expressément prévu que la définition contenue à l'article premier ne peut pas faire l'objet de réserves. D'autre part, on ne songeait pas, jadis, aux difficultés suscitées à l'heure actuelle par l'existence de certains régimes totalitaires, qui posent des problèmes quotidiens pour divers Etats.

M. van HEUVEN GOEDHART (Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) relève la différence existant, à cet égard, entre le Statut du Haut-Commissariat et la Convention. Le premier prive explicitement de protection une personne « dont on a des raisons sérieuses de penser qu'elle a commis un délit visé par les dispositions des traités d'extradition ... ». (A/AC.36/1, page 11). Ainsi, une personne visée par les termes de l'amendement discuté actuellement ne relèverait pas du mandat du Haut-Commissariat.

M. ROCHEFORT (France) est d'avis que, dans l'hypothèse signalée par le Haut-Commissaire, les Nations unies ne doivent pas faire obstacle à l'application de la procédure d'extradition.

M. HERMENT (Belgique) préfère pour sa part l'expression « crime grave » qui figure dans l'amendement yougoslave aux termes « délit visé par les dispositions des traités d'extradition » qui figurent dans le statut du Haut-Commissariat. En effet, certains de ces derniers délits peuvent faire l'objet de condamnations à trois mois de prison seulement par exemple, et ne constituent évidemment pas des crimes graves.

La délégation belge n'a pas d'objection contre l'amendement des Pays-Bas puisque, en tout état de cause, il s'agit de crimes de droit commun commis en dehors du pays d'accueil.

Comme le représentant de la France l'a signalé, ce qui importe c'est d'accorder aux Etats le pouvoir de refuser le statut le réfugié aux personnes qui ont commis des crimes graves avant leur admission dans un pays d'accueil.

M. HOARE (Royaume-Uni) pense qu'il s'agit de préciser un point dans le temps. L'amendement yougoslave concerne les crimes commis avant l'entrée d'un réfugié dans le pays d'accueil, mais un crime peut n'être découvert qu'après cette entrée. Le représentant du Royaume-Uni pense, par conséquent, que la meilleure formule serait la suivante : « ... lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis un crime grave hors du territoire de l'Etat contractant à un moment quelconque avant d'avoir été autorisées à résider sur ce territoire ». Ainsi, la section ». Ainsi, la section E viserait tout crime commis par un réfugié à l'étranger et ses dispositions ne s'appliqueraient pas lorsque le réfugié à l'étranger et ses dispositions ne s'appliqueraient pas lorsque le réfugié serait assimilé par le pays d'accueil.

M. ROCHEFORT (France) n'a pas d'objection à formuler contre la rédaction suggérée par le représentant du Royaume-Uni, bien qu'il ne comprenne pas exactement le sens de la mention des Etats contractants.

Il voudrait savoir quelle serait la situation d'un réfugié ayant commis un crime sur le territoire d'un Etat non contractant.

M. HOARE (Royaume-Uni) explique que sa mention des « Etats contractants » avait pour but de préciser clairement la notion géographique du territoire sur lequel réside le réfugié.

M. HERMENT (Belgique) propose, pour le paragraphe b) de l'amendement yougoslave révisé le libellé suivant : « qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ».

M. HOARE (Royaume-Uni) estime que les mots « avant d'y être admises comme réfugiés » pourraient donner lieu à certaines difficultés. Certains pays ne sont pas en mesure de filtrer des réfugiés avant leur entrée, et ils pourraient ne découvrir qu'après coup que telle ou telle personne devrait se voir refuser le statut de réfugié. C'est en raison de cet aspect du problème que le représentant du Royaume-Uni a proposé la formule : « à un moment quelconque avant d'avoir été autorisées à résider ... »

M. BOZOVIC (Yougoslavie) est disposé à accepter la proposition de la Belgique qu'il préfère à celle du Royaume-Uni.

M. ROCHEFORT (France)accepte aussi cette proposition, étant bien entendu qu'elle n'a pas pour objet de supprimer l'alinéa c) de l'amendement yougoslave révisé.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) constate que la Conférence doit envisager deux hypothèses : celle du crime commis avant que le coupable ait acquis le statut de réfugié et celle du crime commis en dehors du pays d'accueil.

Il pense que l'on pourrait se prononcer successivement sur ces deux aspects du problème en laissant au Comité de style le soin de trouver une formule exprimant de façon précise les intentions de la Conférence.

M. ROCHEFORT (France) propose que l'on passe au vote sur la proposition des Pays-Bas.

M. CHANCE (Canada) qui a suivi très attentivement la discussion, a l'impression que le problème tourne autour de la notion de temps : en d'autres terme une personne a-t-elle commis un crime hors du territoire du pays d'accueil avant d'avoir revendiqué le statut de réfugié ?

M. BOZOVIC (Yougoslavie) répond que cela est exact. Il précise que son amendement inclut les deux notions, celle du crime commis en dehors du pays d'accueil et celle du crime commis par une personne qui ne possédait pas alors le statut de réfugié.

Le PRESIDENT met aux voix la clause (b) de l'amendement yougoslave révisé remanié par le représentant de la Belgique.

Par 22 voix contre zéro, avec 2 abstentions, la clause b) de l'amendement yougoslave est adoptée, sous cette forme.

Par 22 voix contre zéro, avec deux abstentions, le reste de l'amendement yougoslave révisé tendant à ajouter à la section E les mots « c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » est adoptée.

Par 23 voix contre une, l'ensemble de la section E de d'article premier est adopté.

M. PHILON (Grèce) demande au Président l'autorisation de faire mention dans le compte rendu qu'il était absent lors du vote sur l'amendement de l'Etat à l'article premier et que c'est pour cela qu'il n'a pas pris part au vote. Il tient à dire que la délégation de la Grèce appuie cet amendement.

La séance est levée à 18 heures 15.