AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES RÉFUGIÉS

demeurant

CHEZ MR SISSOKO MOUSSA

 

190, AV HENRI BARBUSSE

 

93700 DRANCY

ledit recours et lesdit mémoires

enregistrés le 28/01/1991, le 24/06/1991 et le 17/07/1991 au secrétariat de la Commission des Recours des Réfugiés et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A.)

a rejeté le 18/12/1990 sa demande d'admission au statut de réfugié;

Par les moyens suivants:

La requérante, appartenant à l'ethnie Senoufo au Mali, était promise à 1a pratique coutumière de l'excision; son refus de subir une mutilation responsable de la mort de sa meilleure amie s'est heurté à l'échéance de son mariage; menacée, dans les premiers mois de 1990, d'y être soumise de gré ou de force tant par son fiancé que par sa famille, elle a fui son village et les mauvais traitements infligés par son père; abandonnée des siens à Bamako et rejetée de la société pour s'être ainsi soustraite à l'exercice de l'autorité parentale, elle est parvenue, en septembre 1990, à quitter son pays, où sa mère a été répudiée pour l'avoir encouragée à résister à la coutume, puis à rejoindre la France via la Belgique; elle craint, en cas de retour au Mali, de ne pouvoir échapper à l'excision ou aux discriminations visant les femmes non excisées:

Vu la décision attaquée;

Vu, enregistrées comme ci-dessus le 22/05/1991

les observations présentées par le directeur de l'O.F.P.R.A. et tendant au rejet du recours;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée par la loi du 2 juillet 1990 relative à l'Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides et à la Commission des Recours;

Vu le décret du 2 mai 1953, modifié;

Après avoir entendu à l'audience publique du 17/07/1991

M CRAVERO rapporteur de l'affaire, les observations du conseil de la requérante et les explications de cette dernière;

Après en avoir délibéré;

Considérant qu'en vertu du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

Considérant que, pour demander le bénéfice de ces stipulations, Mle DIOP Aminata qui est de nationalité malienne, soutient qu'elle a fui son pays, en septembre 1990, pour échapper aux pressions familiales tendant à exiger qu'elle se soumette à la pratique coutumière de l'excision ainsi qu'aux discriminations visant les femmes non excisées;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'excision - qui constitue une mutilation du corps de la femme - est couramment pratiquée, à titre rituel, dans certaines ethnies composant la population malienne, dont celle à Laquelle appartient la requérante; que si l'exigence de cette opération était le fait de l'autorité publique, ou si cette exigence était encouragée ou même seulement tolérée de manière volontaire par celle-ci, elle représenterait une persécution des femmes qui entendent s'y soustraire, au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève, à la condition que les intéressées y aient été personnellement exposées contre leur volonté;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également de l'instruction que, si les autorités maliennes, loin d'encourager la pratique rituelle de l'excision, favorisent des campagnes tendant à l'éradication de cette pratique, celle-ci n'a été jusqu'ici réprimée par aucune disposition pénale spécifique et continue même de donner lieu à des interventions chirurgicales dans les hôpitaux de l'Etat; que ladite pratique peut, dès lors, être regardée comme volontairement tolérée, quelle qu'en soit la raison, par les pouvoirs publics, mais seulement, en dehors des femmes majeures qui y recourent volontairement, vis-à-vis des familles qui désirent y soumettre leurs enfants du sexe féminin sur lesquels elles ont autorité; qu'ainsi, une femme de nationalité malienne qui demande la reconnaissance du statut de réfugiée par le motif qu'elle serait menacée d'excision dans son pays d'origine, n'est fondée à le faire que si elle a été personnellement exposée à une telle mutilation et que si, dès lors qu'elle n'est plus légalement soumise à l'autorité parentale, elle s'est vue refuser par les pouvoirs publics toute protection contre ladite mutilation;

Considérant, en troisième lieu, que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique devant la commission ne permettent de tenir pour établi que Mademoiselle Aminata Diop ait été, personnellement, soumise à la menace d'une excision forcée et que cette menace soit réellement la cause de son départ du Mali ou de sa crainte d'y retourner; que la Commission relève, en particulier, que les allégations de la requérante - qui ne sont en définitive, malgré la multiplicité des attestations versées au dossier, étayées que par un document produit et présenté comme une lettre de sa mère datée du 18 janvier 1990 (?) à laquelle son libellé même retire valeur probante - manquent de vraisemblance, dans la mesure où elle soutient que, vivant à Bamako chez une de ses tantes depuis de longues années et étant, depuis lors, retournée régulièrement dans le village où vivait sa famille, elle a pu échapper à l'excision que voulaient ses parents jusqu'à l'âge, très tardif pour une telle pratique, de vingt et un ans et que, entretenant depuis deux ans, dans la capitale du Mali des relations intimes avec son fiancé, elle se serait trouvée, en retournant spontanément dans son village en vue de son mariage, devant l'exigence inopinée, assortie de mauvais traitements, tant de ses parents que de ce fiancé, qu'elle se soumette à la coutume; que la Commission relève également que les allégations susmentionnées sont entachées de contradictions en tant qu'il est difficile selon que l'on se rapporte aux mémoires écrits de l'intéressée ou à ses déclarations orales, de déterminer avec précision l'époque où elle aurait subi des pressions familiales dans son village et, notamment, si elle y a séjourné quelques jours ou plusieurs mois avant, selon ses dires, de se résoudre à s'enfuir; que la Commission relève, enfin, que Melle Aminata DIOP ne soutient pas qu'après la fuite invoquée, elle ait - pendant les deux mois qu'elle a, selon ses propres déclarations, passés à Bamako et au cours desquels a été organisé son départ régulier pour la France - sollicité, la protection, contre des menaces de persécutions familiales, de l'autorité publique malienne ou même du mouvement qui, dans son pays d'origine, milite contre l'excision;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours ne peut être accueilli;

DECIDE

ARTICLE 1er : Le recours de Mle DIOP Aminata est rejeté

ARTICLE 2 : La présente décision sera notifiée à Mie DIOP Aminata et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 17/07/1991 où siégaient:

M DE BRESSON Conseiller d'Etat honoraire Président:

M DUPOIZAT Représentant du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés,

M ROZOT Représentant du Conseil de l'O.F.P.R.A.

Lu en séance publique le 18/09/1991

Le Chef de la Section G. SOHIER

Le Président: M DE BRESSON

POUR EXPEDITION CONFORME: G. SOHIER

La présente décision n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat qui, pour être recevable, doit être présenté par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la cour de Cassation. Il doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Aucune autre voie de recours n'est ouverte contre les décisions de la Commission des Recours des Réfugiés.

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