Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Guinée Bissau

Contexte politique

L'année 2007 a été marquée en Guinée Bissau par la montée de tensions sociales et politiques ainsi que par un déclin économique. Le Secrétaire général des Nations unies a ainsi exprimé sa préoccupation au sujet des tensions politiques qui ont surgi après l'assassinat, le 4 janvier 2007, de l'ancien chef de la marine, Commodore Lamine Sanha, et l'intervention des forces de sécurité au cours des manifestations organisées par la société civile en protestation à cet assassinat.1 Cette intervention avait eu pour conséquence la mort d'un jeune homme, plusieurs participants ayant également été blessés.

Le 12 mars 2007, un pacte national de stabilité sociale a été conclu par les trois principaux partis politiques – le Parti africain pour l'indépendance du Cap Vert de Guinée (Partido Africano de Independência da Guiné e Cabo Verde – PAIGC), le Parti du renouveau social (Partido da Renovacao Social – PRS) et le Parti démocrate social uni (Partido Unido Social Democratico – PUSD), selon les termes duquel le poste de Premier ministre doit revenir à un membre du PAIGC et les postes ministériels seront attribués selon la répartition suivante : 40 % pour le PAIGC, 40 % pour le PRS, 17 % pour le PUSD et 3 % pour d'autres partis et membres de la société civile. Des élections législatives devraient se dérouler en octobre ou novembre 2008.

Le 10 juillet 2007, le Conseil de sécurité a d'autre part exprimé sa préoccupation devant "l'inquiétante augmentation du crime organisé, du trafic de drogue et de la prolifération des armes légères" dans le pays.2

Par ailleurs, alors que la collusion entre le PRS et les militaires depuis la fin de la guerre civile en 1998 a conduit à une immixtion croissante du corps militaire dans les affaires politiques et gouvernementales, d'autant plus que les deux groupes sont composées de personnalités balantas,3 la décision du Président, en octobre 2007, de démettre de ses fonctions le Ministre de l'Intérieur et de nommer un membre du PRS a renforcé le sentiment d'une pression militaire et d'une interférence de l'armée dans les affaires politiques. Il a en effet été démontré que ce sont des tensions croissantes entre le Chef des forces armées et le Ministre de l'Intérieur qui ont conduit à la destitution et au remplacement de ce dernier par un candidat du PRS qui était soutenu par les militaires.

Dans ce contexte, les organisations de la société civile opèrent dans un environnement hostile, dans un climat de méfiance, de peur et d'insécurité. En plus d'actes d'intimidation, des actions judiciaires sont employées afin de faire obstacle au travail des défenseurs des droits de l'Homme. Des poursuites judiciaires sont ainsi régulièrement intentées à l'encontre de ces derniers, notamment pour diffamation. En outre, les rassemblements pacifiques sont interdits, menaçant ainsi sérieusement les libertés d'expression, de la presse et de rassemblement.

Poursuites judiciaires et autres formes de harcèlement à l'encontre de défenseurs des droits de l'Homme impliqués dans la lutte contre l'impunité

En décembre 2007, le Parlement a approuvé un projet de loi qui prévoit une amnistie pour tous les crimes et infractions commis pour des motivations "politico-militaires" jusqu'au 6 octobre 2004 en Guinée Bissau et à l'étranger. L'approbation massive de ce projet de loi, auquel se sont opposées des organisations de la société civile, semble avoir été le résultat d'une peur généralisée de représailles de la part d'agents de sécurité, ce qui montre clairement le manque de volonté politique pour lutter contre l'impunité et expose davantage les défenseurs impliqués dans ce combat.4

Le cas de M. Mario Sá Gomes, président de l'Association guinéenne de solidarité avec les victimes d'erreurs judiciaires (Associação Guineense de Solidarieda de para com as Vítimas de Erro Judicial – AGSVEJ), illustre parfaitement cette pression. Au cours de l'année 2007, ce dernier a en effet été convoqué au moins 14 fois par des organes de l'État, et notamment par le bureau du procureur général, concernant ses activités de dénonciation du trafic de drogue et des crimes à motivation politique. Le procureur général a déposé une plainte contre M. Sá Gomes pour "fausses accusations", ce qui a obligé ce dernier à se présenter devant une autorité judiciaire une fois par semaine. Suite à une interview radiophonique au cours de laquelle il a dénoncé le trafic de drogue et appelé à la réforme du pouvoir judiciaire, un mandat d'arrêt a été délivré par le procureur général à son encontre, le 11 juillet 2007. L'Office des Nations unies pour le rétablissement de la paix en Guinée Bissau (UN Peace-Building Office in Guinea-Bissau – UNOGBIS) a alors dû assurer son hébergement et intervenir auprès du Gouvernement afin d'obtenir la garantie d'une protection concrète de la part de ce dernier.

Limitation de la liberté de rassemblement pacifique et représailles à l'encontre de défenseurs des droits de l'Homme prenant part à des manifestations

En 2007, au moins deux manifestations organisées conformément à la loi ont été perturbées par des actes de répression de la part des forces de sécurité de l'État, qui ont eu recours aux gaz lacrymogènes et ont attaqué des civils et un journaliste. Tel a été le cas de la manifestation organisée en janvier par le Mouvement de la société civile (Movimento da Socieda de Civil), qui rassemble plusieurs ONG comme la Ligue guinéenne des droits de l'Homme (Liga Guineense dos Direitos Humanos) et d'autres entités, des syndicats, la chambre de commerce, etc., afin de lancer un cri d'alarme quant au taux de criminalité et à l'insécurité qui ne cessent de croître. La convocation de cette marche avait été faite à la suite d'une déclaration qui conférait la responsabilité de cette situation au Président de la République.

De surcroît, les syndicats ont organisé plusieurs grèves dans le secteur public, notamment les enseignants, qui protestaient contre le non-paiement des salaires, ou encore les vétérans du secteur militaire protestant contre le non-paiement de leurs retraites. Les syndicalistes ont en retour continué d'être exposés à des actes de harcèlement pour leur implications dans des activités syndicales. Certains ont ainsi été violentés lors de manifestations, à l'instar d'un membre du Syndicat des transporteurs de Guinée Bissau, grièvement blessé par les forces de la police d'intervention rapide lors d'un rassemblement pacifique le 1er novembre 2007.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. déclaration du Secrétaire général des Nations unies, document des Nations unies SG/SM/10877, AFR/1502, 13 février 2007.

2 Cf. déclaration de presse du Conseil de Sécurité, http://www.un.org/News/Press/docs//2007/sc9075.doc.htm, 10 juillet 2007. Traduction non officielle.

3 Les Balantas sont une tribu de Guinée Bissau. Avec le soutien du corps militaire, le PRS a pris le contrôle de tous les secteurs stratégiques du pays depuis 1998 : le ministère de l'Administration intérieure, le bataillon de sécurisation des frontières, la police de l'ordre public, etc.

4 A cet égard, le Secrétaire général de l'ONU a pris note des "préoccupations d'organisations de la société civile victimes de pressions qui entravent leurs libertés de la presse et d'expression, en lien avec leurs rapports sur le trafic de drogue" (Cf. rapport du Conseil de sécurité sur les développements en Guinée Bissau et les activités de l'Office de soutien au maintien de la paix des Nations unies dans ce pays, document des Nations unies S/2007/576, 27 septembre 2007. Traduction non officielle).

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