Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Ouganda

Contexte politique

Le pays reste très militarisé en partie en raison du conflit qui fait rage dans le nord depuis plus de 20 ans. Cependant, deux accords ont été signés avec l'Armée de résistance du seigneur (Lord Resistance Army), les 2 mai et 29 juin 2007, avec pour conséquence une amélioration de la sécurité sur le terrain, en particulier dans les camps de déplacés. Ces accords ont néanmoins été critiqués par certaines organisations de la société civile, étant imprécis s'agissant de l'impunité des auteurs des crimes les plus graves, et notamment laissant planer des doutes sur la coopération des autorités ougandaises avec la Cour pénale internationale, alors même que celle-ci a émis quatre mandats d'arrêt contre des chefs rebelles présumés responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Ces mandats d'arrêt n'avaient toujours pas été exécutés fin 2007.

Au cours des dernières années, des législations plus progressistes ont été adoptées sur l'accès à l'information (Access to Information Act, 2005), les prisons (Prisons Act, 2006) et les magistrats (Magistrate's Court – Amendment – Act, 2007). En revanche, et malgré la recommandation en ce sens du Comité des Nations unies contre la torture qui avait examiné le rapport de l'Ouganda en 2005, aucune législation criminalisant la torture n'a encore été adoptée.1 De surcroît, les ONG de défense des droits de l'Homme et la Commission ougandaise des droits de l'Homme (Uganda Human Rights Commission – UHRC) ont continué de dénoncer les cas de torture et de mauvais traitements perpétrés en toute impunité par les forces de sécurité, y compris par le commandement des renseignement militaires et l'unité de répression des crimes violents.

Restrictions aux libertés d'association et de réunion

Bien qu'elle n'ait pas été utilisée cette année pour entraver le travail des ONG, la Loi sur l'enregistrement des ONG (NGO Registration – Amendment – Act),2 adoptée en 2006, n'en reste pas moins une menace pour l'autonomie et l'indépendance des organisations de la société civile qui critiquent les actions de l'État.

Par ailleurs, l'exercice de la liberté de réunion a été menacé suite à l'interdiction de toute réunion politique dans le district central de Kampala, à la suite de manifestations organisées par des partis d'opposition qui ont eu lieu au premier semestre de l'année 2007. D'autres régions du pays ont également été déclarées "zones interdites" par le Ministre de l'Intérieur en vertu de l'adoption, le 2 novembre 2007, de l'ordonnance 53 (Statutory Instrument N° 53). Dans ces régions, il est interdit à toute personne d'organiser des réunions, et c'est la raison pour laquelle plusieurs manifestations ont été interdites ou réprimées. Ainsi, en avril 2007, l'Association nationale des professionnels de l'environnement (National Association of Professional Environmentalists – NAPE) a organisé une manifestation afin d'appeler à la protection de la forêt équatoriale de Mabira qui risquait d'être vendue à un investisseur. Les manifestants n'avaient pas respecté le tracé accordé, et la répression a été brutale et disproportionnée, la police forçant les manifestants à rejoindre le tracé autorisé, ce qui a entraîné la mort de trois participants.

Attaques contre les défenseurs des droits des LGBT

Cette année encore, des ONG et défenseurs des droits de l'Homme ont été confrontés à des violences et discriminations pour avoir défendu les droits des minorités sexuelles. En effet, le Code pénal considère toujours l'homosexualité comme un crime aux termes des articles 140, 141 et 143 et, en juillet 2005, le législateur a voté un amendement à la Constitution faisant du mariage entre personnes du même sexe un acte passible de poursuites. Depuis, les défenseurs des droits des homosexuels n'ont eu de cesse de faire l'objet d'une répression de plus en plus ciblée. Ainsi, en novembre 2007, des défenseurs ougandais et kenyans des droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres (LGBT), dont des représentants de l'ONG Minorités sexuelles en Ouganda (Sexual Minorities in Uganda – SMUG), une ONG phare en matière des droits des homosexuels dans le pays, ont été empêchés par la policeo ugandaise de prendre la parole dans le cadre du "coin des orateurs" (Speaker's Corner) du Sommet des chefs d'État et de Gouvernement du Commonwealth (Commonwealth Heads of Government Meeting – CHOGM), qui s'est tenu à Kampala du 23 au 25 novembre 2007. "Amakula", une organisation généraliste basée à Kampala, a également fait l'objet de discrimination suite à la projection d'un film abordant la question de l'homosexualité lors du CHOGM.

Musellement de la liberté d'expression et de la presse

En 2007, les médias et journalistes ont été particulièrement visés par la répression. En effet, en plus de l'arsenal législatif qui continue de limiter leur liberté (notamment la Loi sur les médias électroniques de 1996 et la Loi anti-terroriste de 2002), une volonté systématique du Gouvernement de réduire au silence toute couverture critique du conflit dans le nord est apparue. Ainsi, le 1er mars 2007, trois journalistes, M. Sam Matekha, de Radio Simba, M. Wokulira Sebaggala, de Radio Sapientia, et M. Charles Sekajja, de Ddembe FM, ont été attaqués par la police alors qu'ils couvraient le procès de membres de l'armée de la Rédemption (Peoples Redemption Army)3 devant la Cour suprême.

La Loi anti-terroriste constitue de surcroît une menace en ce qu'elle criminalise toute tentative de la part d'un journaliste de rencontrer ou de parler avec des personnes ou groupes considérés comme terroristes – la peine encourue par ces personnes qui enfreindraient la loi est la peine de mort. Cette loi interdit également la divulgation de toute information qui pourrait porter préjudice à une enquête sur des questions de terrorisme. Cela affecte particulièrement la possibilité de couvrir le conflit dans le nord de l'Ouganda ainsi que les abus commis par les forces de sécurité et constitue donc un sérieux obstacle à toute dénonciation des violations des droits de l'Homme.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. conclusions et recommandations du Comité contre la torture, document des Nations unies CAT/C/CR/34/UGA, 21 juin 2005.

2 Pour plus de détails, cf. rapport annuel 2006 de l'Observatoire.

3 Groupe rebelle basé en 2004 dans l'est de la RDC et qui a mené alors des opérations armées dans le nord de l'Ouganda.

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