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« Avoir des papiers », le rêve d'une jeune fille apatride en Croatie

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« Avoir des papiers », le rêve d'une jeune fille apatride en Croatie

Sans documents officiels attestant de sa nationalité, Medina, neuf ans, risque d'être exclue de l'école, des soins de santé et de ne pas avoir la possibilité de voyager.
9 Mars 2022 Egalement disponible ici :
Medina, neuf ans, brandit son bulletin scolaire après avoir dû redoubler la première année en raison du manque de documents d'identité.

Medina Dibrani est une petite fille de neuf ans, joueuse et curieuse comme les autres. Dans sa maison de Sisak, une ville de quelque 50 000 habitants située dans le centre de la Croatie, elle aime regarder le dessin animé La Panthère rose, dessiner, fabriquer des maisons en Lego et jouer avec ses jouets préférés : une grenouille en peluche, une poupée nommée Marina et un chien qu’elle prénomme Lila.

Elle aime également aller à l'école, où les mathématiques sont sa matière préférée. Mais inscrire Medina à l'école primaire soulève de multiples problèmes, tout comme l'emmener chez le médecin ou effectuer un petit voyage en Bosnie-Herzégovine voisine pour rendre visite à des proches. Même s'inscrire pour obtenir une carte de bibliothèque est impossible.

Si elle devait choisir une destination de voyage, elle opterait pour la France, son pays de naissance.  Medina est en effet née en 2021 dans la ville de Pontarlier. À l'époque, le nom de sa mère avait été incorrectement saisi dans son acte de naissance. Quatre ans plus tard, la famille est venue en Croatie, d'où sa mère est originaire, et a appris que l'acte de naissance français de Medina n'était pas valide. Par conséquent, elle ne pouvait pas obtenir de documents croates, malgré la nationalité de sa mère.

« Elle ne peut pas, elle ne peut pas, elle ne peut pas! Quoi que nous demandions, c'est toujours la même réponse », se plaint sa mère, Gemida Dibrani.

Pour corriger l'erreur dans l'acte de naissance, ses parents devraient se soumettre à une longue et coûteuse procédure administrative en France, qu'ils ne peuvent pas se permettre. Ainsi, Medina n'existe pas aux yeux de l'État. Elle fait partie des 2 886 personnes en Croatie qui, selon le recensement de la population de 2011, se sont identifiées comme apatrides ou risquant de le devenir.

Ils ne sont pas les seuls. L'apatridie touche des millions de personnes dans le monde. Sans preuve de citoyenneté, elles ne peuvent pas faire d'études, bénéficier de soins médicaux, voyager librement, chercher un emploi ou même acheter une carte SIM. Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a pour ambition de mettre fin à l'apatridie d'ici 2024 à travers sa campagne #IBelong ou #Jexiste en français.

 

Lors d'une visite en Croatie en juillet 2021, Gillian Triggs, Haut Commissaire assistante du HCR pour la protection internationale a rencontré Medina et a été marquée par son histoire. « Nous pouvons constater qu'il faut des années pour résoudre des situations comme celle de Medina, et que des solutions doivent être trouvées sans attendre », déclarait-elle.

« Le HCR est prêt à soutenir le Gouvernement croate dans la mise en place d'une procédure de détermination du statut d'apatride qui permettrait un traitement rapide et efficace des cas comme celui de Medina. Nous ne pouvons pas laisser d’autres enfants se voir privés de leurs rêves à cause de l'apatridie. »

Définir clairement des critères pour déterminer le statut d’apatride permettrait aux gouvernements de mettre en place des critères qui permettraient de doter les personnes concernées d’un statut juridique officiel et de leur donner accès à leurs droits humains fondamentaux. En Europe, 14 pays ont établi des procédures de détermination formelle du statut d’apatride.

Medina rêve de visiter Disneyland en France et de faire un tour de manège géant. Quand elle sera grande, elle aimerait avoir une maison dotée d’un grand jardin. Elle dessinerait des nuages blancs et un arc-en-ciel sur les murs de sa chambre. « J'adore les arcs-en-ciel », confie-elle. Elle aimerait être policière parce qu'elle aime faire régner l'ordre.

Mais il lui reste de nombreux obstacles bureaucratiques à franchir pour pouvoir achever sa scolarité. Elle est allée en première année mais n'a pas pu obtenir le certificat dont elle avait besoin pour passer en deuxième année, faute de documents d'identité. Le Civil Rights Project Sisak, un partenaire du HCR qui fournit une aide juridique gratuite aux apatrides en Croatie a réussi à obtenir une exception pour Medina afin qu'elle puisse obtenir un numéro d'identification personnel, mais elle a dû repasser en première année pour obtenir le certificat et passer en classe supérieure.

Lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé au printemps 2020, les cours sont passés en ligne. Contrairement aux autres élèves, Medina n'a pas reçu la tablette électronique dont elle avait besoin pour suivre les cours. Le HCR est intervenu et a fourni à Medina l'équipement nécessaire et une connexion Wi-Fi pour s'assurer qu'elle ne perde plus de temps d'apprentissage.

Medina n'a pas non plus droit aux aides sociales, bien que ses parents soient au chômage et qu'ils aient un grand besoin d'aide.

Le HCR et le Civil Rights Project ont entamé une procédure judiciaire en Croatie pour établir officiellement que la mère de Medina est son parent afin qu'elle puisse recevoir un nouvel acte de naissance. Une fois le document obtenu, la petite fille pourra enfin obtenir la nationalité croate.

Pour l'instant, elle délivre des « papiers » à ses jouets - des feuilles avec leurs noms et une esquisse les représentant qu’elle glisse ensuite dans un album photo en plastique.

Elle aimerait être une sirène comme celle qui figure sur son cartable rose. Elle pourrait ainsi nager vers n'importe quelle destination dans le monde car dit-elle, « les sirènes n'ont pas besoin de papiers. »

Plus qu'aller à Disneyland ou d'avoir un lion de compagnie, Medina résume en une phrase son souhait le plus cher : « J'aimerais avoir des papiers. »