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L'explosion d'un obus de mortier souligne l'héritage meurtrier de la guerre au Soudan du Sud

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L'explosion d'un obus de mortier souligne l'héritage meurtrier de la guerre au Soudan du Sud

La douleur, l'angoisse et la quête de réponses prédominent alors qu'une explosion a provoqué la mort de quatre enfants réfugiés dans le comté de Maban, où de nombreuses munitions demeurent non explosées après des décennies de conflit.
9 Juin 2022 Egalement disponible ici :
Hissen Awad Mohammed (à gauche) et Haja Ibrahim, veillent sur leur fils Fathihe, blessé, à l'hôpital du comté de Maban, à Bunj, au Soudan du Sud.

Bunj, SOUDAN DU SUD - Leurs devoirs terminés, le petit groupe de garçons âgés de 12 à 14 ans s'est mis en route pour faire paître les moutons et les chèvres de leurs familles sur les terres situées à proximité de leurs habitations. Ce qu'ils ont découvert en chemin a suscité leur enthousiasme.

Ce tube en métal pourrait se transformer en une cloche à mettre autour du cou de l'une de leurs chèvres. Il suffirait de quelques coups de marteau. Ils se sont installés à l'ombre d'un arbre et se sont mis à l'ouvrage.

« Ils frappaient fort. Il y a eu de la fumée, un éclair de lumière », se souviendra plus tard Fathihe, 12 ans.

Lorsque l'obus de mortier de 60 mm a explosé, ses amis Babikit, Awuda, Ahmed et Balla ont été tués sur le coup.

Des éclats d'obus ont arraché deux doigts de la main gauche de Fathihe, ont entaillé sa jambe droite et l'ont blessé à la main et au bras droits.

Plus de deux semaines après l'incident, il est toujours hospitalisé à Bunj, dans le comté de Maban, au nord-est du Soudan du Sud. Son père, Hissen Awad Mohammed, 38 ans, sa mère, Haja Ibrahim, et ses quatre sœurs veillent sur lui nuit et jour.

« Il se remet doucement », confie Hissen, qui est agriculteur. Les autres parents de ce petit groupe soudé de réfugiés qui ont fui ensemble le conflit au Soudan il y a plus de dix ans sont effondrés.

« Je n'arrive pas à croire que mon fils est mort. »

Le Soudan du Sud est l'un des pays les plus pauvres et les plus touchés par les conflits en Afrique. Le pays a connu des combats pendant des décennies, qui ont mené à l'indépendance en 2011. Le pays connaît depuis lors des violences sporadiques. Dans certains endroits comme Maban, on continue de trouver des bombes et des mines, malgré les efforts continus mis en œuvre pour les faire disparaître.

Chaque après-midi depuis l'explosion du 13 mai, Hawa Farouk s'attend à ce que son fils Balla rentre de l'école dans leur maison d'une pièce, où les manuels scolaires du jeune homme de 14 ans sont encore rangés sous l'auvent, et où ses devoirs d'anglais sont griffonnés à la craie sur les murs de boue.

« Je n'arrive pas à croire que mon fils est mort. Je pense qu'il est à l'école, qu'il étudie. Quand les enfants reviennent de l'école, j'attends qu'il revienne avec eux », dit-elle, les yeux éteints par le chagrin.

Hawa se souvient de son fils unique comme d'un garçon studieux et attentionné qui avait planté un acacia dans la cour pour avoir de l'ombre, qui faisait les courses pour la famille et qui avait promis de s'occuper de sa mère et de son père lorsqu'il aurait terminé ses études.

Hawa se souvient de ses paroles : « Si je réussis mes études, tous vos soucis, toutes vos douleurs prendront fin. Je vous aiderai et vous ne souffrirez plus dans la vie. »

Trois jours après l'explosion, Balla et ses amis ont été enterrés au même endroit. Leurs parents vivent à quelques pas les uns des autres dans des maisons aux murs de boue et aux toits de paille, entourées de clôtures faites de branches. Pour Yahiya Shanir Adair, le père d'Ahmed, 12 ans, un garçon passionné de football, cette disparition est difficile à supporter.

« C'était un bon garçon, toujours prêt à aider », dit-il, assis sur un lit fait de cordes et installé à l'ombre d'un arbre dans sa cour du comté de Maban, qui abrite 176 000 réfugiés et 70 000 résidents locaux.

« Leur mort a affecté non seulement la communauté, mais aussi l'ensemble de Maban... Si les enfants avaient obtenu un diplôme, la communauté en aurait bénéficié. Certains d'entre eux auraient pu être médecins, d'autres auraient pu être ministres... C'est une perte énorme pour la communauté », ajoute Yahiya.

Le service de lutte contre les mines des Nations unies (UNMAS) a détruit 1 091 968 engins explosifs au Soudan du Sud. Il s'agit notamment de 40 121 mines, 76 879 bombes à sous-munitions et 974 968 autres engins non explosés. Ces opérations ont permis de sécuriser des installations telles que les points d'eau et les écoles.

Mais ce récent incident met en lumière le défi permanent que représente la prolifération d'armes meurtrières dans des zones telles que Maban, qui ont fait l'objet de combats incessants depuis les années 1980, et où les engins non explosés restent enfouis là où les réfugiés et les habitants vont chercher de l'eau, font paître leurs animaux et vaquent à leurs occupations.

« Ce sont aussi les inondations qui posent problème. Chaque année, nous avons des inondations. Quand elles arrivent, il y a de l'érosion et cela met à jour les engins non explosés », explique Joseph Guya, un responsable de la sécurité au HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, à Maban. « La dernière inondation, en octobre de l'année dernière, a mis au jour de nombreux engins non explosés dans les zones résidentielles », ajoute-t-il.

Ainsi, lors d'un épisode auquel Joseph Guya a assisté, un obus de mortier de 120 mm a été mis au jour par l'érosion à côté de la clôture de l'arrière-cour d'une famille. « Les habitants l'ont simplement remarqué. Cela s'est déjà produit quatre fois à Bunj », dit-il.

Le HCR travaille en étroite collaboration avec l'UNMAS et l'entreprise de sécurité G4S pour s'assurer que tous les engins non explosés signalés sont éliminés. Il soutient également une campagne d'information qui a débuté avant le récent incident et qui se poursuit dans tout le pays, y compris dans les quatre camps de réfugiés de Maban.

Des réunions d’information ainsi que des dépliants en anglais et en arabe visent à faire prendre conscience de la menace mortelle que représentent ces engins non explosés, et à aider les réfugiés, les populations locales et les travailleurs humanitaires à identifier les armes et à les signaler.

Le HCR travaille également en étroite collaboration avec son partenaire, Jesuit Refugee Services, qui offre un soutien psychologique continu aux familles endeuillées. En outre, Save the Children International leur a fourni une aide comprenant de la nourriture, du carburant, des vêtements et de la literie, et a pris en charge Fathihe à l'hôpital de Bunj, ainsi qu'un autre garçon blessé qui est sorti de l'hôpital depuis.

Les familles endeuillées reçoivent des visites et trouvent un peu de réconfort dans le chagrin partagé. Certains - comme Yahiya, 58 ans - ont commencé à informer des dangers par le biais des réseaux familiaux étendus dans les camps. Il est clair, cependant, qu'il faut faire davantage pour que la tragédie ne se répète pas.

« Il faut débarrasser le terrain (des engins non explosés) pour que les enfants puissent bouger, pour que les réfugiés puissent circuler, pour que les femmes puissent ramasser du bois de chauffage », dit-il.

Et plongée dans la douleur, Hawa est elle aussi catégorique : « La nuit, je ne peux pas dormir. Il nous manque trop. Il était notre espoir », dit-elle. « Cette situation ne doit plus jamais se reproduire, pour personne d'autre dans notre communauté. »