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« Je suis toi et tu es moi » : des membres du personnel du HCR mettent à profit leur expérience personnelle du déplacement

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« Je suis toi et tu es moi » : des membres du personnel du HCR mettent à profit leur expérience personnelle du déplacement

A l'occasion de la Journée mondiale de l'aide humanitaire, nous nous sommes entretenus avec trois collègues qui ont été contraints eux-mêmes de fuir leur foyer et dont l'expérience nourrit le travail qu'ils accomplissent auprès des réfugiés ou des personnes déplacées internes.
19 Août 2022 Egalement disponible ici :
Oleksandra Lytvynenko, chargée de protection au bureau du HCR à Dnipro, en Ukraine, a été contrainte de fuir son foyer à deux reprises.

Mohamed Alkalifa Ag Mohamed sait que quelques questions simples peuvent faire une énorme différence pour les personnes qui viennent de fuir leur foyer.


Après avoir passé des années à accueillir des Maliens déplacés d'abord par la sécheresse, puis par la violence, les membres de sa famille ont dû fuir leur propre foyer lorsque le conflit a de nouveau éclaté au Mali en 2012.

Après avoir fui en Mauritanie et s'être installé dans le camp de réfugiés de M'bera, Mohamed a commencé à visiter les centres accueillant les réfugiés nouvellement arrivés et à observer comment ils étaient accueillis par les travailleurs humanitaires.

« À ce moment-là, je me suis rendu compte de l'importance de quelques formules simples, comme : "Comment vous sentez-vous ? Reposez-vous. Comment puis-je vous aider ? Prenez un peu d'eau..." »

« J'ai vu le soulagement sur le visage de nombreux réfugiés qui se sentaient davantage en sécurité car ils se sentaient compris.... Cela m'a rappelé ce que j'ai ressenti à mon arrivée », explique Mohamed, qui est rentré au Mali après six ans d'exil et travaille désormais comme assistant de communication pour le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

Mohamed Alkalifa Ag Mohamed a vécu en tant que réfugié en Mauritanie pendant six ans avant de rentrer au Mali où il travaille maintenant pour le HCR en tant qu'assistant en communication.

Mohamed est l'un des nombreux collègues du HCR qui ont une expérience personnelle du déplacement forcé. Il fait aussi partie des centaines de milliers d'humanitaires dans le monde qui sont célébrés chaque année le 19 août, lors de la Journée mondiale de l'aide humanitaire. L'Assemblée générale des Nations Unies a choisi cette journée en l'honneur du diplomate brésilien Sérgio Vieira de Mello et de 20 autres personnes tuées dans un attentat à la bombe contre le siège des Nations Unies au Canal Hotel de Bagdad le 19 août 2003.

Oleksandra Lytvynenko, 45 ans, assistante de protection au bureau local du HCR à Dnipro, en Ukraine, a été contrainte de fuir son domicile à deux reprises. La première fois qu'elle a fui les combats entre les forces gouvernementales et pro-russes dans sa ville natale de Louhansk en 2014, elle n'a emporté que quelques vêtements d'été, pensant qu'elle serait absente quelques semaines tout au plus. Elle n'est jamais retournée.

« La deuxième fois, je savais que je ne reviendrais pas. »

En tant que personne déplacée interne dans la ville de Sievierodonetsk, elle a d'abord eu du mal à trouver du travail, mais son expérience auprès des enfants et des familles pour le compte des autorités locales de Louhansk l'a conduite à un emploi au HCR. Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine en février, elle était à la tête du bureau du HCR à Sievierodonetsk. Après avoir passé plusieurs semaines à organiser des distributions de nourriture, d'abris et d'autres articles de première nécessité en journée, et à dormir dans un bunker la nuit, elle et son équipe ont été évacuées vers Dnipro.

« La deuxième fois [que j'ai fui], je savais ce que je devais emporter, quels vêtements. J'ai emmené des choses pour l'été, pour l'automne, pour l'hiver - pas comme la première fois », raconte Oleksandra. « La deuxième fois, je savais que je ne reviendrais pas. »

Oleksandra Lytvynenko dans un centre de transit pour personnes déplacées à Novomoskovsk, en Ukraine, le 9 août 2022.

Oleksandra se base sur sa propre expérience pour venir en aide aux personnes déplacées avec lesquelles elle travaille. Leur expliquer qu'ils ne pourront peut-être jamais rentrer chez eux est la partie la plus difficile de son travail, dit-elle, mais c'est une chose à laquelle sa propre expérience l'a préparée.

« Je comprends les gens et le fait qu'ils ont tout abandonné - leur maison, leurs proches, tout. Mais je leur explique que la vie continue », dit-elle, ajoutant qu'elle essaie d'évacuer le stress de son travail en faisant de l'exercice et en passant du temps avec ses amis.

« Je suis une personne déplacée et de ce fait, j'ai un nombre considérable de personnes déplacées ou doublement déplacées parmi mes proches et mes amis, et c'est peut-être pour cela que je me sens bien si je peux aider les gens. »

Maha Ganni, 52 ans, est une experte en réinstallation du HCR basée au Panama. Elle est née au Koweït de parents chrétiens irakiens. Elle et ses trois frères et sœurs - dont sa jumelle - ont été élevés dans le confort que leur procurait le travail de leur père, ingénieur électricien dans la compagnie pétrolière nationale koweïtienne. Ils avaient une maison cossue et fréquentaient un lycée anglophone.

Mais en 1990, au milieu de leur cursus universitaire, alors que Maha étudiait la décoration d'intérieur à Chypre et que sa sœur jumelle poursuivait ses études de commerce en Jordanie, l'invasion du Koweït par l'Irak a déclenché ce qui allait s'avérer être une longue période de déplacement forcé pour la famille Ganni. Ils se sont retrouvés dispersés sur plusieurs continents différents et Maha n'a pu revoir ses parents que quatre ans plus tard.

Ne pouvant retourner à Chypre, Maha a demandé l'asile en Espagne, mais elle n'a pas pu y poursuivre ses études car l'ambassade du Koweït avait refusé de certifier son diplôme d'études secondaires.

Maha Ganni à Esmeraldas, en Équateur, en 2010, aidant des réfugiés à construire une bibliothèque à l'aide de bouteilles en plastique recyclées.

Maha a mis cette situation difficile à profit pour apprendre l'espagnol (elle était déjà trilingue en arabe, en anglais et en chaldéen, une langue biblique encore parlée par certains chrétiens d'Irak). Ces compétences linguistiques lui ont permis de décrocher un emploi d'interprète dans le cadre d'un programme de réinstallation de réfugiés géré par le bureau espagnol de la Commission internationale catholique pour les migrations. De nombreux réfugiés et autres personnes déplacées qu'elle a rencontrés avaient vécu des situations qui rappelaient à Maha son propre parcours.

« C'est alors que j'ai réalisé à quel point ce travail faisait partie de moi », explique-t-elle. « Travailler auprès des réfugiés est vraiment une passion pour moi. Je ne me vois pas faire autre chose. »

« Quand je rencontre des réfugiés, je leur dis : "Je suis toi et tu es moi". »

Dans le cadre de son travail au HCR, Maha a vécu au Liban, en Équateur, en Afrique du Sud et aux Émirats arabes unis. Depuis deux ans, elle travaille en tant qu'experte en réinstallation pour le bureau régional du HCR pour les Amériques, au Panama, où elle plaide pour la réinstallation des personnes contraintes de fuir la violence des gangs et d'autres menaces. En tant que catholique, chaque fois qu'un réfugié est réinstallé dans un autre pays, Maha a le sentiment que l'une de ses prières a été exaucée.

« Quand je rencontre des réfugiés, je leur dis : "Je suis toi et tu es moi". Cela fait vraiment son effet sur les gens parce qu'ils se sentent entendus. Ils se sentent compris. Au HCR, nous recherchons des personnes qui sont proches des réfugiés, et non des personnes qui s'apitoient sur leur sort », affirme Maha.

« Le tout premier chef qui m'a recruté m'a dit qu'il aimait engager des réfugiés parce que nous parlons souvent plusieurs langues et avons une vaste expérience. Je pense que c'est vrai. »

Article rédigé par Sarah Schafer, avec l'aide de Jenny Barchfield, Chadi Ouanes et Kristy Siegfried.