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En Syrie comme au Tessin, Janghiz a pu compter sur le football pour traverser les moments les plus difficiles de sa vie. Arrivé comme apatride en Suisse, le jeune homme a pu plus facilement s’intégrer grâce à sa passion pour ce sport.
Même en évoquant les difficultés qu’il a connu et les traumatismes endurés, Janghiz ne se départit jamais de son large sourire. Celui-ci s’élargit un peu plus dès qu’il est question de football. Avec une balle au pied, le jeune homme établit à Bellinzone (Tessin) peut fuir le temps d’un instant les tourments du quotidien. C’est dans le pays où il est né, la Syrie, que Janghiz se met à taper dans un ballon pour la première fois. Une passion qu’il assouvit en parallèle de son emploi. Âgé d’à peine 9 ans, il n’a en effet pas d’autre choix que de travailler dans différents restaurants de Damas pour soutenir financièrement sa famille. “C’était très difficile”, explique-t-il pudiquement.
Le sport comme source d’énergie
Face à cette situation, Janghiz met à contribution son sens de la débrouille. Durant plus d’une décennie, il travaille et grimpe les échelons de la hiérarchie des restaurants où il travaille, jusqu’à devenir chef cuisinier, même sans être diplômé. “Si tu as des capacités, tu finis par recevoir des responsabilités”, jure le jeune homme. A côté de cette vie éreintante, il ne perd jamais une opportunité de taper dans le ballon. “Le sport me donne de l’énergie. C’est aussi une opportunité de partager un moment avec des amis”, estime Janghiz, âgé de 34 ans.
En 2010, sa vie connaît toutefois un tournant. Il participe à une manifestation contre son gouvernement avec d’autres personnes apatrides. Les apatrides sont des personnes sans nationalité. L’apatridie peut avoir différentes causes. Certaines personnes naissent apatrides, d’autres le deviennent au cours de leur vie, par exemple lorsque les mères sont discriminées et ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants ou lorsque certains groupes en sont privés, ou se la voient refuser, du fait de leur ethnie, race ou religion (plus d’information). “Nous avons manifesté, car nous n’avions aucuns droits”, se rappelle le jeune homme, qui sera arrêté à la suite de ces événements. Cela lui vaudra d’être emprisonné et d’être transféré successivement dans treize prisons différentes. Des souvenirs douloureux que Janghiz préfère taire. A la suite de son emprisonnement, il prend la fuite et dépose une demande d’asile en Suisse en 2011.
“Ce n’était pas facile d’arriver en Suisse, mais le sport m’a beaucoup aidé pour m’intégrer.”
A son arrivée, il ne retrouve pas tout de suite le chemin des terrains de football. Placé tout d’abord dans une pension “au millieu des montagnes tessinoises”, il apprivoise son nouvel environnement. Il est finalement transféré au bout de six mois dans un appartement à Bellinzone qu’il occupe avec une autre personne originaire de Syrie. Sa passion du football ne tarde alors pas à se manifester à nouveau. Sur les conseils d’un travailleur social, Janghiz est rapidement enrôlé par un club de la région, où sa vivacité sur le front de l’attaque ne tarde pas à être remarquée. “Ce n’était pas facile d’arriver en Suisse, mais le sport m’a beaucoup aidé pour m’intégrer. Cela m’a permis de rencontrer beaucoup de Suisses, mais aussi des personnes du monde entier”, indique Janghiz.
Y aller petit à petit
Son enthousiasme le pousse également à intégrer une équipe de football pour les réfugiés créée dans le cadre du projet d’intégration par le sport Sotto lo stesso sole (Sous le même soleil, en français) de l’antenne tessinoise de l’Oeuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO) (voir encadré ci-dessous). Grâce à sa motivation et à son engagement, il s’impose rapidement comme un pilier de cette équipe, au point de ne plus la quitter. Il déploie également cette volonté et cette énergie dans son quotidien. Mais, même s’il enchaîne les longues foulées sur les terrains, il se montre plus assagi dans sa vie privée et professionnelle. Travaillant à 50% comme concierge dans plusieurs immeubles de Bellinzone, Janghiz rêve de lancer sa propre entreprise dans le domaine de la jardinerie. “Je ne veux pas être dépendant d’un chef ou d’un patron. J’y pense depuis longtemps, mais je préfère y aller gentiment. Piano piano”, explique-t-il avec un sourire.
Ce calme lui a notamment permis d’apprivoiser un voisin peu avenant. A son arrivée, celui-ci lui avait pourtant fait comprendre de manière véhémente qu’il n’avait aucune sympathie pour les personnes réfugiées. Jusqu’au jour où Janghiz lui a proposé un peu d’aide en promenant son chien. Une première sortie suivie de nombreuses autres, sans que cela n’améliore les relations entre les deux voisins. “Je lui ai alors proposé de m’accompagner lors d’une promenade avec le chien et je lui ai raconté mon histoire. Il a pleuré, raconte Janghiz. Peu après, il m’a présenté sa famille et m’a donné les clés de son appartement.” Un lien de confiance très fort, noué grâce à la patience du jeune réfugié. Pour lui, la recette est simple: “Il vaut mieux y aller gentiment. Piano piano.”
Alors que certains retardataires finissent d’attacher leurs chaussures de football, une poignée de joueurs tapent déjà dans des ballons pour finir de s’échauffer. Comme chaque lundi soir, ces joueurs se retrouvent sur des terrains annexes au stade du Cornaredo, à Lugano, pour l’entraînement de l’équipe créée dans le cadre du projet d’intégration par le sport Sotto lo stesso sole (Sous le même soleil, en français). A côté de ces entraînements, la formation participe régulièrement également à de nombreux tournois.
Lancée en 2014 par l’antenne tessinoise de l’Oeuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO), cette équipe a réuni plus de 200 joueurs depuis ses débuts. A l’heure actuelle, une quinzaine de personnes s’entraînent chaque semaine à Lugano et une nouvelle équipe a récemment fait ses débuts à Bellinzone. Leur but est de faire office de tremplin pour les joueurs. “Dès qu’une personne est considérée comme bien intégrée, l’entraîneur fait en sorte de la transférer vers un autre club évoluant dans la région”, expliquent Valeria Canova et Tessa Fasoli, de l’OSEO.
Selon l’un des joueurs les plus fidèles de l’équipe de Lugano, Janghiz, le succès de ce projet s’explique de plusieurs manières. “La logistique est importante pour les réfugiés. Il n’est pas toujours facile de se déplacer et il faut donc que l’offre soit facilement accessible”, observe-t-il. A cela s’ajoute la nécessité d’avoir une offre bien structurée. “Il faut que ce soit organisé de manière sérieuse et que les réfugiés puissent s’investir sur la durée”, estime-t-il.
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