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Allocution sur l'apatridie en Afrique de l'Ouest - réunion ministérielle régionale

Discours et déclarations

Allocution sur l'apatridie en Afrique de l'Ouest - réunion ministérielle régionale

9 Mai 2017
Banjul

Monsieur le Président,

Messieurs les Ministres,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi un honneur et un plaisir de pouvoir m’adresser à vous aujourd'hui. Je  voudrais remercier chaleureusement le Président de la CEDEAO d’avoir accepté de coprésider cet événement. Cette réunion ministérielle est une étape importante dans nos efforts communs en vue de mettre fin au fléau de l'apatridie, qui touche plus de 10 millions de personnes dans le monde, dont plus d'un million en Afrique de l'Ouest.

Je saisis également cette occasion pour exprimer au peuple et au Gouvernement gambiens la gratitude du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés pour l’hospitalité et la générosité dont ils ont fait montre en accueillant cette importante réunion à ce moment précis. Il s'agit là d'un signe qui témoigne clairement de l'engagement renouvelé de la Gambie en faveur de la protection et de la promotion des droits de l'homme, y compris sa détermination à éradiquer l'apatridie et sa  reconnaissance de l'importance fondamentale de cette cause en tant que priorité régionale et continentale.

Le fait que nous nous réunissions en Gambie revêt une signification particulière, au moment où le pays s’oriente vers une reprise socio-économique après avoir connu une crise de gouvernance. Je tiens à féliciter le peuple gambien qui, avec l’appui de la CEDEAO, s’est résolument engagé sur la voie de la démocratie respectueuse des droits de l'homme.

L'apatridie est un très grave problème de droits humains touchant à la vie quotidienne des personnes. J’ai rencontré des apatrides pris au piège de la pauvreté, qui m’ont décrit leur existence marginalisée, isolée et pleine de stigmatisation. Ces personnes sont exclues de la participation aux affaires publiques ; elles ne peuvent plus décider de leur propre avenir.

L’apatridie empêche les personnes d’accéder aux droits et services fondamentaux et de participer pleinement à la société dans laquelle elles vivent. Priver les individus de nationalité, c’est engendrer la souffrance, l'exclusion et la marginalisation. S'assurer que chacun détient une nationalité, c’est contribuer à la cohésion sociale et à l'intégration, et permettre aux sociétés de s'appuyer sur les capacités et les talents de chacun. Cela crée des sociétés inclusives, favorisant la prospérité des personnes et des nations. L'apatridie est donc également un important problème de développement. Ce  n'est pas par hasard que tous les pays du monde ont décidé d'inclure «l'identité juridique pour tous, y compris l'enregistrement des naissances» parmi les objectifs de développement durable qu'ils aspirent à atteindre d'ici 2030. Il existe maintenant une compréhension claire de l'importance de l'identité juridique tant au plan du développement humain que du développement national.

Il convient de souligner que le droit à une identité juridique est également une question de sécurité de l'État, en particulier à un moment où les États membres de la CEDEAO sont légitimement préoccupés par la protection de leurs citoyens contre les menaces croissantes. Les personnes sans identité juridique, y compris la citoyenneté, seront plus vulnérables à la radicalisation, à l'exploitation et aux abus - y compris le recrutement par des groupes armés - en raison de leur marginalisation. Ces personnes seront également plus difficiles à identifier de manière sûre. De plus, les situations d’apatridie non résolues peuvent alimenter les conflits intercommunautaires, voire mener à des déplacements forcés.

L'engagement solide des pays d'Afrique de l'Ouest sur la question de l'apatridie témoigne d’une prise de conscience accrue de l'ampleur et des causes du problème dans la région. L’établissement de cartes sur l'apatridie a commencé dans bon nombre de pays, comme le Mali, la Côte d'Ivoire, le Bénin et la Gambie. Nous estimons à plus d'un million le nombre d’apatrides en Afrique de l'Ouest. Nous savons également que plusieurs millions de personnes courent le risque de devenir apatrides.

Des études ont identifié des causes similaires d'apatridie dans la région, en particulier l’absence de garanties juridiques dans les lois relatives à la nationalité, ainsi que les obstacles administratifs empêchant d’obtenir les documents établissant la nationalité. Jusqu'à 30 % des populations de la région CEDEAO ne disposent pas de documents suffisants pour prouver leur identité et la nationalité dont elles se réclament. Le problème s’aggravera tant qu’un grand nombre d'enfants nés dans la région continueront à ne pas avoir accès à l’acte de naissance. Ce risque est encore plus important lorsque des gens se déplacent pour aller dans un autre pays.

En outre, certaines lois sur la nationalité dans la région n’accordent pas aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants au même titre que les hommes, et certaines lois limitent la nationalité en fonction de la race ou de l'appartenance ethnique. Il est essentiel de procéder à des réformes des lois sur la nationalité et de prévoir des garanties juridiques pour veiller à ce que tous les enfants aient droit à une nationalité à la naissance. Ainsi, les valeurs et les principes qui caractérisent la CEDEAO pourront pleinement être réalisés.

Dans une région qui, aujourd’hui comme par le passé, est profondément marquée par la mobilité humaine, il est indispensable de protéger les populations en déplacement pour qu’elles ne deviennent pas apatrides. Il s’agit là de l’un des principaux problèmes auxquels – je l’espère – les États devront accorder la priorité. Des initiatives encourageantes sont en cours. Je voudrais féliciter le Bénin pour les efforts qu’il a récemment déployés pour réformer sa législation afin de garantir l'égalité entre les sexes et le droit pour chaque enfant d’acquérir une nationalité à la naissance, si autrement il serait apatride. Cet exemple est important, et j'encourage les autres États à le suivre. Au  Burkina Faso, le gouvernement teste, en partenariat avec le secteur privé, une technologie innovante appelée « iCivil » qui est une bonne initiative visant à faire en sorte que chaque naissance soit immédiatement enregistrée par une application du téléphone mobile. Pour faire face à une grave pénurie de documents dans la région de Diffa au Niger qui abrite un grand nombre de réfugiés et de déplacés internes, le gouvernement entend mener avec l’appui du HCR une opération d'enregistrement visant à collecter les données individuelles devant servir à l'identification des personnes exposées au risque d'apatridie, et à établir des documents pour celles-ci.

La région de la CEDEAO peut être fière d'être pionnière dans la lutte contre l'apatridie à l'échelle mondiale. Il y a deux ans, en février 2015, les ministres de la CEDEAO ont adopté la Déclaration d'Abidjan sur l'élimination des cas d'apatridie - l'une des premières du genre. Depuis lors, les États membres ont pris des mesures importantes pour atteindre cet objectif: trois États de la région ont adhéré aux conventions de 1954 et 1961, ce qui porte le nombre total d'États parties dans la région à 12 et 11 respectivement. Aucune autre région africaine n'a eu autant d’États parties aux deux conventions de l'ONU relatives à l'apatridie.

Reconnaissant que l'éradication de l'apatridie est une priorité, tous les États de la CEDEAO ont nommé des points focaux gouvernementaux dédiés. Le Togo et le Mali ont déjà établi des comités interministériels sur l'apatridie. Douze États sont passés à l’étape d'adopter des plans d'action nationaux pour mettre fin à l'apatridie. Sept pays sont en train de réformer leurs lois sur la nationalité afin de prévenir et de réduire l'apatridie. Je félicite tous les États pour les mesures prises jusqu'à présent. Je les encourage à accélérer leurs efforts en vue de l’adoption des plans d'action nationaux, et à mener à bien la réforme du droit nécessaire.

Ces réalisations confirment que la région est résolument engagée à mettre fin à l'apatridie. Au cours des deux derniers jours, les experts du gouvernement ont travaillé sans relâche à l’élaboration d’un calendrier d’actions concrètes visant à mettre fin à l'apatridie d'ici 2024, selon les engagements pris à Abidjan. La réunion d'aujourd'hui marque une nouvelle étape dans la lutte contre l'apatridie. Les États membres de la CEDEAO ont la possibilité d'adopter le premier instrument régional contraignant de ce genre. Le plan d'action régional pour mettre fin à l'apatridie en Afrique de l'Ouest est un développement unique et inspirant. La CEDEAO donne l'exemple pour le reste du continent, et pour le monde.

L'engagement et le dynamisme de l'Afrique de l'Ouest résonnent sur tout le continent africain. En 2015, les États membres de la CEDEAO ont demandé à l'Union africaine (UA) de rédiger et d'adopter un protocole sur le droit à la nationalité. À la suite de cet appel, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a adopté un projet de protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur le droit à la nationalité et l'éradication de l'apatridie en Afrique. En juillet 2016, le Conseil exécutif de l'Union africaine a approuvé l'examen du projet de protocole par ses organes accrédités, avant sa soumission finale aux États membres pour approbation. J'espère que la CEDEAO formera un bloc de solidarité pour soutenir l'adoption de cet important instrument, le plus tôt possible.

Je voudrais souligner l'importance fondamentale du partenariat dans la lutte contre l'apatridie. En particulier, l’appui de l'UNICEF et de la Banque mondiale à l’enregistrement des naissances et pour l'accès à d'autres formes de preuve de la nationalité est indispensable, tant pour la prévention de l'apatridie que pour la mise en œuvre avec succès de cette initiative régionale. L'apatridie est un défi du point de vue des droits de l'homme, de l’action l'humanitaire et du développement. Elle nécessite l'engagement actif de toutes les parties prenantes. Les universités, les écoles, les médias et les organisations de la société civile doivent participer à l’effort commun visant à y faire face. Je note avec plaisir que le plan d’action prévoit l'engagement de tous les acteurs, y compris le gouvernement et la société civile.

L'Afrique de l'Ouest est connue à travers le monde pour la grande hospitalité de ses populations. Son engagement solide à mettre fin à l'apatridie s’inscrit en droite ligne dans cette tradition. Pour ma part, je peux vous assurer que le HCR fera tout ce qui est en son pouvoir pour vous soutenir dans ce processus important.

Merci beaucoup.