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La bourse DAFI, clef du succès pour les réfugiés les plus brillants

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La bourse DAFI, clef du succès pour les réfugiés les plus brillants

Pendant tout son cursus scolaire en français alors que sa langue maternelle est l'arabe, Ndongo a été premier de la classe chaque année.
16 Mai 2013
Ndongo avait 13 ans quand il a dû recommencer son cursus scolaire en français. Dans son pays, l'enseignement était donné en arabe. Il a fui au Sénégal après les affrontements ethniques de Mauritanie en 1989. Il a bénéficié de la bourse du HCR pendant 6 ans et il est aujourd'hui enseignant.

Dakar, 16 mai (HCR) - Abdoulaye Ndongo, âgé de 37 ans, est arrivé au Sénégal en 1989. Il avait 13 ans. Il se rappelle encore ce jour d'été, où il a été déporté de Mauritanie pour le Sénégal avec seulement les vêtements qu'il portait ce jour-là. Toutefois, Ndongo a eu la chance de traverser le fleuve Sénégal sans être séparé de ses parents, ce qui n'a pas été le cas pour beaucoup d'autres enfants réfugiés.

En 1989, un conflit ethnique éclate en Mauritanie et entraîne l'expulsion et la fuite de plus de 45 000 négro-Mauritaniens vers le Sénégal, principalement dans la région de la Vallée, au nord du pays. Vingt ans plus tard, entre le 28 janvier 2008 et le 25 mars 2012, environ 24 000 réfugiés ont choisi de rentrer en Mauritanie grâce au programme de rapatriement du HCR. Quelque 14 000 autres préfèrent rester au Sénégal dans le cadre de l'intégration locale. Ndongo fait partie de ceux-là. Ce choix, il le doit à la bourse DAFI.

Ndongo a perçu cette allocation pendant six ans, entre 2002 et 2008 -au lieu des quatre ans normalement prévus- en raison de ses excellents résultats.

Dès leur arrivée au Sénégal, Ndongo et sa famille ont été accueillis à Demeth, un village frontalier avec la Mauritanie. « Les autorités sénégalaises nous ont accueillis comme si nous étions des proches », déclare-t-il. « A notre arrivée, des instituteurs parmi les réfugiés se sont proposés volontairement pour faire la classe aux enfants. Nous avons construit une 'école de fortune' pour l'année scolaire suivante ; nous avions installé, avec l'aide de la population locale, des tentes improvisées qui servaient de salles de classe. »

L'année scolaire 1989 en Mauritanie est rattrapée de justesse : « Nous sommes restés deux mois sans aller à l'école - les « maitres blancs » (les Maures) avaient déserté les classes, conscients que les négro-Mauritaniens seraient bientôt expulsés. Mais heureusement si on peut dire, nous avons été expulsés vers la fin de l'année scolaire, ce qui nous a permis de ne pas la perdre totalement », raconte-t-il.

Si Ndongo était réconforté à l'idée de ne pas perdre son année scolaire, il a vite déchanté à la rentrée suivante, où il a dû reprendre la totalité de ses études à l'âge de 13 ans. La langue d'enseignement est différente entre les deux systèmes scolaires : le cursus mauritanien est dispensé en arabe alors qu'au Sénégal, les cours sont donnés en français.

Tout au long de son cursus scolaire, Ndongo a été premier de la classe chaque année. Il passe son examen d'entrée au collège à 18 ans et reste sur le chemin de l'excellence. Il est premier de son centre d'examen lorsqu'il passe son brevet d'études moyennes et se prépare pour le lycée.

« Le lycée le plus proche était celui de Podor, à 45 minutes de Ndioum mais je n'avais pas de tuteurs là-bas. Alors, je ne pouvais pas m'y rendre. Fort heureusement, la mission luthérienne du Sénégal m'a pris en charge au centre d'hébergement pour les déshérités de Saint-Louis », se souvient Ndongo. Il a donc poursuivi ses études au Lycée Charles de Gaulle où il obtient son Baccalauréat avec la mention assez bien en 2002.

Malgré son âge avancé, au sortir du secondaire, ses bons résultats scolaires lui permettent d'obtenir la bourse DAFI, après avoir été sélectionné par le HCR, qui joue un rôle essentiel dans le plaidoyer auprès du gouvernement allemand pour l'obtention de ces bourses au bénéfice des réfugiés.

Cette bourse lui ouvre donc les portes de l'Université d'Excellence de Saint-Louis, l'Université Gaston Berger. Il s'oriente vers les Sciences Juridiques et Politiques et obtient son Diplôme d'Etudes Universitaires Générales en 2004, sa maîtrise en 2006, et son Diplôme d'Etudes Approfondies en Sciences Politiques deux ans plus tard.

Aujourd'hui, Ndongo enseigne le français, l'histoire, la géographie et la philosophie à l'école privée de Ndioum, une commune du Nord-Sénégal, dans la région de Saint-Louis. Ses élèves sont candidats au Brevet de fin d'études moyennes et au baccalauréat. Il donne également des cours particuliers et mène parallèlement des activités d'élevage et de commerce pour subvenir aux besoins de sa femme et de leurs trois enfants.

« Je n'aurais jamais pu atteindre ce niveau d'études sans la bourse DAFI. Je suis plus que reconnaissant et je regarde la vie du bon côté en me disant que finalement, si je n'avais pas été chassé de mon pays, je n'aurais jamais eu cette opportunité », dit-il.

En Afrique de l'Ouest, le programme DAFI est destiné aux réfugiés de diverses nationalités dans plusieurs pays de la région en dehors du Sénégal : le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger, la Côte d'Ivoire, la Gambie, la Guinée Bissau, le Bénin.

Le HCR considère le rapatriement comme la solution idéale pour tout réfugié. Le diplômé DAFI qui retourne dans son pays aura une meilleure chance de trouver un emploi dans son pays d'origine. Il peut ainsi contribuer de manière significative au processus de reconstruction et de réintégration.

Au cas où ce retour devait s'avérer difficile à envisager à court ou moyen terme, ce programme joue un rôle essentiel dans le cadre d'autres stratégies de solutions durables du HCR, en facilitant l'autosuffisance des réfugiés. Pour ceux qui auront choisi l'intégration locale dans le pays d'accueil, il facilite leur insertion socioprofessionnelle. C'est le cas d'autres étudiants « Dafistes » au Sénégal, comme Gertrude, Rwandaise, qui travaille dans un laboratoire médical à Dakar, d'Omar, Mauritanien, vice-recteur de l'Université de Ziguinchor, en Casamance, dans le sud du Sénégal, ou encore d'Ephrem, Ivoirien, qui a ouvert sa propre agence de communication.

L'exemple du Bénin est également à relever, avec une stratégie d'intégration locale qui porte ses fruits, grâce à l'engagement des autorités dans cette option, par l'octroi de permis de résidence aux réfugiés et en guise d'accompagnement, un renforcement possible du programme DAFI pour faciliter l'intégration locale des jeunes réfugiés qui choisissent de s'intégrer. Il reste cependant à souhaiter un renforcement de la participation des filles à ce programme : au Sénégal, elles ne sont qu'un quart des bénéficiaires.

La bourse DAFI est un programme établi en 1992 par le Gouvernement allemand, qui finance « l'Initiative Académique Allemande Albert Einstein pour les réfugiés (DAFI) ». Elle a pour but de promouvoir l'autonomie des réfugiés, de développer des capacités ou qualifications en facilitant l'accès des étudiants réfugiés aux universités, instituts universitaires et technologiques dans leur pays d'asile à travers le monde.

Depuis 2008, ce programme est élargi aux réfugiés optant pour le rapatriement, qui ont eux aussi la chance de poursuivre leurs études supérieures dans leur pays d'origine après leur retour. En 2012, plus de 2 000 jeunes réfugiés et rapatriés, originaires de 39 pays, étaient bénéficiaires de cette bourse à travers le monde, et ce nombre va encore croître en 2013.

Par Mariama Mary Fall-Diaw à Dakar, Sénégal