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Des déplacés colombiens ouvrent leurs portes aux réfugiés et migrants vénézuéliens

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Des déplacés colombiens ouvrent leurs portes aux réfugiés et migrants vénézuéliens

Il y a des années, le conflit armé en Colombie les avait laissés complètement démunis. Aujourd'hui, des voisins déplacés à Las Delicias accueillent plus de 150 Vénézuéliens.
14 Décembre 2018

Yuvis et ses enfants font partie des 18 Vénézuéliens que Graciela Sanchez accueille sous son toit à Cucuta, en Colombie.

Quand Graciela Sánchez est arrivée pour la première fois à Las Delicias à la recherche de sécurité, elle ne portait avec elle que ses deux enfants et un petit paquet de vêtements. Le conflit armé qui sévit dans la région de Caquetá, dans l'ouest de la Colombie, lui a tout pris.


En 2007, Graciela a décidé de s'installer dans une banlieue vallonnée de Cucuta, une ville située à l'est de la Colombie, car c'était proche de la frontière avec le Venezuela. À l'époque, le côté vénézuélien était dynamique sur le plan économique et de nombreux Colombiens traversaient chaque jour la frontière pour aller travailler ou acheter des marchandises.

« Nous, les Colombiens, nous dépendions de la frontière », précise Graciela.

Aujourd'hui, la réalité est tout le contraire. Plus de trois millions de Vénézuéliens ont quitté leur pays d'origine. Environ 5 500 personnes traversent chaque jour la frontière colombienne pour rester en Colombie ou poursuivre leur voyage vers le sud.

Plus de 35 000 personnes, dont beaucoup de Vénézuéliens en quête de protection, de nourriture ou de médicaments et qui retournent ensuite dans leur pays, entrent chaque jour sur le territoire colombien par ce point de passage dans la région du nord de Santander.

« Nous sommes devenus une famille. »

A Cucuta, la principale ville du côté colombien du poste frontière le plus fréquenté, les prestataires de services sociaux et de santé ont du mal à faire face à l'afflux croissant de Vénézuéliens.

Dans un élan de solidarité, les voisins de la banlieue de Las Delicias ont ouvert leurs portes et accueilli à bras ouverts ceux qui fuient le Venezuela. Dans la communauté, 23 familles accueillent actuellement plus de 150 Vénézuéliens.

Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, soutient ce réseau de solidarité en couvrant les factures d'eau et d'électricité. Au sein de ce réseau d’entraide, les familles ont identifié ce besoin comme une priorité pour améliorer leurs conditions de vie.

« Le programme de Las Delicias s'appuie sur cinq années d'expérience forgées par le travail auprès de la population déplacée dans le quartier. Le programme cherche à renforcer la solidarité et à promouvoir des activités qui profitent à l'ensemble de la communauté », explique Rafael Zavala, responsable du bureau du HCR à Cucuta.

La plupart des voisins de Las Delicias savent très bien ce que vivent les Vénézuéliens - plus de 60 pour cent d'entre eux ont été déplacés par le conflit armé en Colombie et ont construit cette installation informelle qu'ils appellent aujourd’hui leur foyer. Avec l'aide du HCR, Las Delicias est aujourd'hui un quartier formel de Cucuta, qui permet à sa communauté d'accéder aux services et aux investissements officiels.

« J'ai tout perdu. Je suis arrivée ici les mains vides », dévoile Graciela. « Après avoir vécu ça, j'ai décidé d'ouvrir ma porte aux Vénézuéliens. »

Pendant ses premières semaines à Las Delicias, Graciela et ses deux fils, qui avaient trois et huit ans à l'époque, dormaient à même le sol. Tous les trois ont attrapé la dengue. « C'était très difficile au début », se souvient Graciela.

Un voisin généreux du nom de Juan a offert un logement pour elle et ses enfants. Un mois plus tard, Graciela lui a acheté une petite parcelle de terrain à côté de chez elle et elle a commencé à construire sa propre maison. Elle a remboursé Juan en petits versements, car son salaire d'assistante de supermarché à temps partiel n’était pas bien élevé.

Graciela a fait une promesse à Juan : « Un jour, quand tu ne pourras plus travailler, je prendrai soin de toi chez moi. »

Alors que de plus en plus de Vénézuéliens arrivaient à Cucuta pour demander de l'aide, Graciela n’a pas pu rester passive. Elle pouvait se voir à travers eux : « Ils sont vénézuéliens et nous sommes colombiens, mais nous avons tous les deux vécu la même chose : quitter nos familles, fuir pour chercher des opportunités, mourir de faim et repartir à zéro. »

« J'ai tout perdu. Je suis arrivé les mains vides. »

Jenire Rojas, 30 ans, est l'une des 18 Vénézuéliens qui vivent actuellement avec Graciela. Elle est arrivée il y a cinq mois avec son mari. De retour à Tinaquillo, au Venezuela, la situation économique était si mauvaise qu'ils ont dû lutter pour acheter des produits de première nécessité comme de la nourriture, dit-elle, et la famille était affamée. « Le salaire minimum mensuel ne suffit pas pour couvrir les frais de nourriture pendant deux jours », ajoute-t-elle.

L'une des choses que Jenire apprécie beaucoup, c'est la confiance que Graciela leur accorde. « Nous ne sommes pas de la même famille, mais nous sommes comme des proches », dit Jenire.

Graciela n'a pu trouver du travail que trois jours par semaine dans un restaurant chinois et son salaire n'est pas suffisant pour faire vivre toute la communauté chez elle. Elle s'est même endettée pour acheter un nouveau terrain et construire une résidence secondaire qui permettra d’accueillir d'autres Vénézuéliens.

L'accueil des Vénézuéliens a provoqué l’inimitié à son égard. Certains ne comprennent pas pourquoi Graciela ouvre sa porte aux étrangers.

« Nous sommes venus en Colombie à la recherche d'une opportunité que nous n'avons pas au Venezuela. »

Les cinq familles vénézuéliennes qui vivent chez elle expriment chaque jour leur gratitude à Graciela. Même si elles ne paient pas de loyer, elles l'aident à améliorer sa maison composée d’une structure en briques rouges nues, et de deux autres petites maisons dans la cour arrière.

« Quand nous sommes arrivés ici, il n'y avait pas de plancher, le toit s'effondrait », se souvient Jenire. Les Vénézuéliens l'ont aidée à réparer sa maison et il y a environ un mois, ils ont installé le gaz. Ils cuisinent, nettoient et font régulièrement la lessive.

« Nous sommes devenus une famille », déclare Jenire.

Dans une chambre voisine aux rideaux jaunes, couchée sur un lit en bois avec un œil bandé et des bras maigres, se trouve Juan, le généreux voisin de Graciela. Celui qui lui a ouvert les portes de Las Delicias en premier.

Il est aux prises avec un cancer et Graciela s'occupe de lui, comme elle l'avait promis. « Il est comme mon père », dit-elle. Dans la maison, les Vénézuéliens gardent aussi un œil constant sur Juan quand Graciela n'est pas là.

Alors qu'elle enfile son uniforme blanc et bleu pour aller travailler, Graciela devise : « Nous devons être patients. Nous ne savons de quoi l'avenir est fait. Demain, nous pourrions aussi être dans cette situation. »