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Un Érythréen trouve un foyer en Italie après l'horreur en Libye

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Un Érythréen trouve un foyer en Italie après l'horreur en Libye

Asmorom est l'un des 80 réfugiés en Italie qui ont entrepris le dangereux voyage vers l'Europe en passant par la Libye, après avoir été réinstallés par Israël.
21 Février 2018
Asmorom, 28 ans, étreint une médiatrice culturelle du HCR devant la gare Termini de Rome.

Rome, Italie – Asmorom n'avait que 18 ans lorsqu’il a fui l'Érythrée en 2007. Il lui a fallu endurer trois ans d’errance et de nombreuses violences infligées par des passeurs avant de trouver la sécurité d'un foyer en Israël – et puis son monde s'est effondré une fois de plus.

En Israël, Asmorom avait obtenu un visa temporaire de quatre mois qu’il devait continuellement faire renouveler. Il avait du mal à s’intégrer. Sans permis de travail, il était vulnérable et exploité, survivant à peine grâce à des petits boulots occasionnels mal payés.

« Je n'avais aucun contact avec la communauté », se souvient-il. « Je n'avais pas d'amis israéliens et je n'avais pas la possibilité d'étudier ni d'apprendre la langue. »

Malgré tout cela, Asmorom a continué à lutter pour survivre en Israël pendant cinq ans, jusqu'au jour où les autorités lui ont annoncé que son visa ne serait plus renouvelé. Il avait alors le choix entre trois options : être arrêté et mis en détention pour une période indéterminée, être renvoyé en Érythrée ou être transféré au Rwanda.

« On ne m'a fourni aucune information. »

Le HCR a récemment appelé Israël à mettre un terme à sa politique de relocalisation des Érythréens et des Soudanais vers l'Afrique subsaharienne. Cet appel fait suite aux quelque 80 cas recensés de personnes relocalisées par Israël et qui ont risqué leur vie en poursuivant leur voyage périlleux vers l'Europe via la Libye.

Sachant qu'il risquait l’emprisonnement voire pire s'il rentrait en Érythrée, Asmorom n'avait pas d'autre choix que celui d'accepter le transfert vers le Rwanda.

Les autorités israéliennes lui ont remis 3 500 dollars dans le cadre du dispositif de relocalisation. Arrivé au Rwanda, Asmorom et les neuf autres réfugiés érythréens qui avaient fait le voyage avec lui ont été accueillis par les autorités locales et installés dans un hôtel.

« On ne m'a fourni aucune information, on m'a pris mes documents israéliens et je n'ai rien reçu, pas de papiers, aucune explication sur ce qui allait se passer », explique Asmorom. « J'avais peur. La rumeur de la rue disait que nous n'étions pas en sécurité à l'hôtel car tout le monde savait que les réfugiés venant d'Israël ont beaucoup d'argent sur eux. Nous y avons passé une nuit et ensuite tout le groupe a décidé de fuir en Ouganda. »

En Italie, Asmorom a obtenu le statut de réfugié et il est actuellement inscrit dans une école de langues.

En octobre 2015, Asmorom a, une fois de plus, eu recours à des passeurs qui l'ont emmené d'Ouganda au Soudan. Il a vécu quelques mois au Soudan, s'y est marié, mais il savait qu'il ne pouvait pas rester là, sans documents ni sécurité. En mai 2016, il est parti vers la Libye, laissant son épouse derrière lui pour sa sécurité.

« Le Sahara s’étalait devant moi pour la deuxième fois », raconte-t-il. « Je savais très bien que je pouvais y laisser la vie, mais je voulais trouver la liberté et la paix et j'ai décidé de le traverser à nouveau ».

Au milieu du désert, Asmorom et les autres membres du groupe avec lequel il se déplaçait ont été enlevés et conduits à Koufra, en Libye. Il a été forcé à payer 1 800 dollars pour aller jusqu'à Tripoli et, arrivé sur place, on a ensuite exigé de lui 5 500 dollars supplémentaires. Comme il ne pouvait pas payer, on l'a emmené dans un entrepôt où 1 500 réfugiés et migrants étaient retenus dans une grande salle.

« Il est difficile de décrire les conditions dans lesquelles nous vivions. Imaginez 1 500 personnes qui vivent, mangent, dorment et défèquent dans une grande salle commune. La nourriture qu'on nous donnait était tout simplement insuffisante, et mes amis et moi étions déjà affaiblis par toutes ces années d'errance à essayer de survivre depuis le départ d'Israël et ensuite par la traversée du désert. »

« Il est difficile de décrire les conditions dans lesquelles nous vivions. »

« Nous étions malades et nous avions faim. Deux de mes amis n'ont pas survécu. Je les ai regardés mourir dans l'entrepôt. C'est très dur pour moi d'en parler.  Je n'en dors toujours pas. »

En octobre 2016, Asmorom est finalement parvenu à rejoindre la côte et à embarquer pour l'Italie. Après ses sept années de calvaire, la traversée de la Méditerranée sur un petit bateau en bois sur lequel s’entassaient 800 passagers lui semblait presque facile.

Le bateau a été secouru par une ONG et ses passagers ont été débarqués dans un port italien près de Naples. « Dès mon arrivée en Italie, j'ai su que je n'allais plus vivre dans la peur », explique Asmorom. « J'avais mis ma vie en péril et j'avais survécu. »

En Italie, Asmorom a obtenu le statut de réfugié et il est actuellement inscrit dans une école de langues. Déterminé à trouver sa place dans la société, il espère aussi pouvoir retrouver son épouse. Mais il dit pourtant qu'il ne pourra jamais oublier ce qu'il a dû endurer.  

« J'aimerais qu'on se souvienne du nom de mes amis », explique-t-il.  « Ils s'appelaient Ibra et Tesfalem. Ils auraient 28 ans aujourd'hui. C'est n’est que parce que j'ai survécu que leurs familles ont pu savoir ce qui est arrivé à leurs fils. »

« Tant de gens sont portés disparus. Les familles m'appellent encore aujourd'hui parce qu'elles n'ont pas pu récupérer leurs corps, et pour faire leur deuil ils me demandent ce qui s'est passé – Est-ce qu'ils étaient malades ? Est-ce qu'on leur donnait à manger ? Est-ce qu'ils ont été battus ? C'est pour eux que je raconte mon histoire et je souhaite que le plus grand nombre possible de personnes soient au courant de mon périple. »