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Des hommes réfugiés rohingyas se mobilisent pour lutter contre la violence sexuelle

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Des hommes réfugiés rohingyas se mobilisent pour lutter contre la violence sexuelle

Un programme bénévole de sensibilisation mis en place dans les sites d'installation de réfugiés au Bangladesh recrute des hommes pour lutter contre la violence sexiste et les mariages forcés.
24 Mai 2019
Portrait de Mohammed, un réfugié rohingya qui sert en tant que personne-modèle bénévole à Cox Bazar, au Bangladesh.

Lorsqu'il entend des insultes à caractère sexiste ou des injures à l’égard des femmes, le jeune réfugié rohingya Mohammed ne les ignore pas.


« Quand on parle des violences sexuelles, je dis au garçon : ‘Tu es né d’une mère. Tu as une sœur’ », explique-t-il.

« À un jeune homme qui pense aux femmes, je lui dis de penser à sa mère ou à sa sœur. ‘Est-ce que tu voudrais que quelque chose leur arrive ?’ »

Mohammed est un réfugié qui sert en tant que personne-modèle bénévole – comme 105 autres personnes – dans le vaste site de camps de réfugiés du district de Cox Bazar, où vivent aujourd’hui près d’un million de réfugiés rohingyas.

Plus de 740 000 réfugiés ont fui la répression militaire qui a débuté en août 2017, cherchant à échapper à des atrocités et à des actes de violence brutaux, notamment des viols et des agressions sexuelles.

Face aux craintes de persécution et d’exclusion au Myanmar, les Rohingyas vivaient dans des communautés villageoises très éloignées, au sein desquelles régnaient des mécanismes d’autocorrection traditionnels. 

Les conditions brutales dans lesquelles les réfugiés rohingyas ont été déracinés de chez eux, associées à des conditions de vie anormales dans des camps extrêmement peuplés, sont quelques-uns des principaux facteurs à risques de comportement abusif en exil.

« Notre rôle était de montrer comment transformer les spectateurs en acteurs du changement. »

Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, aide à identifier, à conseiller et à orienter les personnes vers des services ouverts à tous les rescapés, notamment les hommes et les garçons.

Le programme des personnes servant de modèles vise à encourager les hommes à lutter contre le harcèlement sexuel et la violence en exil, et à repenser les questions complexes liées au genre – qui peuvent parfois provoquer de violents différends.

« Nous devons éduquer ces jeunes gens. Nous devons leur expliquer ce que nous faisons et ce qu’ils peuvent faire », explique Mohammed, âgé de 23 ans, qui est également une personne-modèle bénévole sur les sites où les gens sont en sécurité, hébergés et nourris, mais où ils n’ont guère la possibilité de travailler ou d’étudier de manière officielle.

« Beaucoup parmi ces jeunes hommes disent : on ne sert à rien ! », explique Mohammed. « Un grand nombre d’entre eux n’ont pas fait d’études. Ils ont le sentiment qu'ils peuvent faire des choses avec une jeune femme… et qu'ils peuvent le faire sans conséquence. »

Mohammed fait partie d'un groupe de cinq jeunes hommes en fin d’adolescence ou âgés d’une vingtaine d’années. Ils travaillent dans le camp de réfugiés aux côtés d'un imam pour remettre en question ces comportements.

Ces jeunes hommes, qui sont tous des bénévoles issus de la communauté, ont reçu une formation pour identifier les problèmes liés à la violence domestique, aux mariages précoces, aux paiements de la dot, à la polygamie ou aux comportements agressifs à l'égard des femmes. Ils ont été formés par le biais de jeux de rôles au cours desquels ils ont été auteurs, victimes ou spectateurs/témoins, explique Jahidur Rahman, le coordonnateur de programme pour le HCR.

« Notre rôle était de montrer comment transformer les spectateurs en acteurs du changement », explique Jahidur Rahman. Le programme est récent et, pour le lancer, ses responsables organisent des réunions dans des mosquées ou des centres communautaires. Les jeunes servant de modèles ont été encouragés à utiliser le sport pour créer un climat de confiance avec la communauté.

Dans le cadre d’activités de sensibilisation ciblant directement les femmes et les filles – qui constituent plus de la moitié de la population des camps –, un groupe de femmes réfugiées bénévoles fait du porte-à-porte à travers tout le site. Si elles soupçonnent des cas de violences sexuelles, elles contactent les autorités du camp et elles font en sorte que la personne soit transférée vers un espace réservé aux femmes.

« J'ai entendu parler de discussions au sujet de la violence sexuelle et je voulais m'impliquer », explique l'imam Mohammed.

« Le personnel du camp m'a demandé d'identifier les plus gros problèmes au sein de la communauté. Dans la liste, j'ai mentionné le mariage précoce d’enfants et de l’augmentation du nombre de divorce. J’ai eu des réunions avec les dirigeants de la communauté et nous avons préparé un document pour les autorités du camp. J'ai inclus le Coran, qui proscrit la violence à l'égard des femmes et déconseille les dots lorsqu’il n’y a pas d'argent. »

Les mariages précoces et les dots sont deux phénomènes souvent liés. Les parents qui organisent le mariage d'une fille sont soulagés car ils n’ont plus à subvenir à ses besoins, mais le prix à payer est une dot. Et l'argent dans les camps est rare. Ahmed, un autre jeune servant de personne-modèle bénévole, explique comment le processus s'enlise dans la violence.

« Parfois, si la dot est de 60 000 Taka (environ 700 dollars US) par exemple, les parents ne peuvent pas payer l’intégralité de ce montant. Alors, ils négocient un acompte et promettent de payer le solde plus tard. »

Il décrit ensuite avec fierté comment il a réussi à convaincre deux familles de renoncer à la dot pour préserver l'harmonie. « Et les voisins ont accepté l'idée », dit-il, « parce que cela valait mieux pour la communauté que de la violence. »

Cette fierté est présente chez tous les jeunes hommes qui décrivent leur travail dans la communauté.

Au début, certains ont peut-être rejoint le programme juste pour avoir quelque chose à faire. Mais, maintenant, ils font partie de l’équipe, et ils se voient comme des leaders dans la communauté. De plus, leur travail met également l’accent sur l'importance des hommes dans ce processus.

« Je passe deux à trois heures par jour à faire cela », explique Ahmed. « Quand je joue au football et que je vois quelqu'un faire ou dire quelque chose de mal, je vais lui parler. »

Les premiers succès du programme font qu’il est envisagé de l’élargir. La fierté et les capacités de persuasion des jeunes servant de personnes-modèles contribuent à atténuer les tensions et à rapprocher les communautés, même s’il faudra bien sûr plus de temps pour lutter contre les causes profondes du problème.