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« Un autre professeur est parti »

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« Un autre professeur est parti »

Les écoles, où les adolescents et les enseignants sont souvent à l'abri des gangs criminels, sont désormais menacées au Honduras.
12 Juillet 2019

Ernesto*, un professeur hondurien, est assis au milieu d’une salle de classe vide et il observe le tableau noir de sa collègue. La leçon de la veille y est encore inscrite à la craie. « Encore un », se dit-il. « Encore un professeur de parti. »


Sa collègue Luisa*, qui était professeur dans son école à Tegucigalpa, au Honduras, a rejoint des milliers d'autres personnes déracinées dans ces mêmes quartiers pour échapper à la violence des gangs. Les écoles sont normalement des lieux où les personnes sont en sécurité. Mais au Honduras, les enseignants et les étudiants sont régulièrement victimes d'extorsion, de menaces et de harcèlement sexuel.

« Nous vivons dans la peur mais, surtout, nous ne savons pas vers qui nous tourner pour obtenir de l'aide », explique Ernesto. « Certains enseignants ont dû déménager dans d'autres villes, travailler dans d'autres écoles. Ils ont été déracinés par la violence. »

 « Nous ne savons vers qui nous tourner pour obtenir de l'aide. »

La violence touche environ 60 000 enseignants dans le pays – 69% d’entre eux ont des difficultés à se protéger, selon un rapport publié récemment par le gouvernement du Honduras. Depuis 2010, 90 enseignants ont été assassinés par des gangs.

« Nous essayons aujourd’hui de faire de la prévention en matière de violence, afin que les enseignants se sentent davantage en sécurité », poursuit Ernesto. Tout ce qu'il souhaite, c'est une école où les élèves peuvent apprendre et où les professeurs peuvent enseigner sans avoir peur.

Selon le Ministère de l'Éducation du Honduras, plus de 200 000 élèves auraient abandonné l'école entre 2014 et 2017 pour plusieurs raisons, notamment la violence des gangs. Certains devaient, par exemple, à tout prix trouver un emploi pour payer les sommes d’argent qui leur était extorqué sous la menace de mort.

Pour les élèves qui sont menacés, les écoles peuvent être des lieux sûrs où ils peuvent trouver des conseils et du soutien. D’après le Ministère de l'Éducation, plus de 700 écoles sont menacées au Honduras, ce qui représente 180 000 élèves et environ 60 000 enseignants au niveau national.

Mario* écrit une lettre à son professeur de lycée, l'un des rares enseignants ayant décidé de rester à Tegucigalpa, au Honduras, malgré les menaces des gangs criminels.

 « Mes professeurs ont toujours cru en moi, même si j’étais le clown de la classe », dit Mario*, l’un des anciens élèves d’Ernesto. Pour lui, c’est grâce à Ernesto qu’il a pu rester à l'école et éviter les ennuis ; il a tenu le coup assez longtemps pour obtenir son diplôme de fin d’études secondaires.

« J'ai eu beaucoup d’ennuis dans ma vie à cause de mon travail comme chauffeur de taxi moto », explique Mario. « J'ai failli perdre la vie à plusieurs reprises. J’ai connu la dépression, la peur et la lassitude. »

C’est en surmontant ces craintes qu’il est aujourd’hui prêt à se dépasser. « Aujourd'hui, je suis prêt à atteindre mes objectifs. J'ai cette force en moi grâce à des professeurs comme Ernesto. »

Trouver la sécurité au Honduras

Malgré une baisse du taux d’homicides au cours des trois dernières années, le degré de violence continue d’être très élevé au Honduras, notamment dans les zones contrôlées par les gangs. Les menaces de mort quotidiennes et les entraves à la liberté de circulation sont fréquentes ; elles ont déjà contraint au moins 174 000 personnes à fuir leur quartier en dix ans, comme l’indique une étude du gouvernement.

La violence et les persécutions ont des conséquences sur le secteur éducatif. Entre 2016 et 2017, quelque 500 enseignants ont demandé à être transférés en cours d’année, et au moins 10 l'ont fait de manière quotidienne dans la capitale, Tegucigalpa.

Le HCR travaille en étroite coordination avec le gouvernement, la société civile, d'autres institutions des Nations Unies et des organisations régionales, afin de maintenir une présence dans au moins 14 zones à hauts risques à San Pedro Sula et à Tegucigalpa, ainsi que pour surveiller et limiter les risques en matière de protection. Cette coopération s’inscrit dans le cadre d'une nouvelle approche interinstitutions visant à aider les personnes déracinées et leurs communautés d'accueil, connue sous le nom de Cadre global de protection et de solutions régionales (ou MIRPS, en espagnol).

Le HCR renforce aussi les réseaux communautaires, notamment dans les écoles où les enseignants sont confrontés à des niveaux de violence élevés. Il a également dispensé une formation sur l’auto-défense et soutenu la création d’un comité des enseignants, au sein duquel les professeurs développent des plans d’action et des politiques visant à lutter contre la violence.

*Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection