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La moitié des Vénézuéliens en déplacement sont confrontés à des risques élevés durant leur périple vers la sécurité

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La moitié des Vénézuéliens en déplacement sont confrontés à des risques élevés durant leur périple vers la sécurité

Selon une enquête du HCR, la moitié des Vénézuéliens qui ont fui sont particulièrement vulnérables en raison de leur âge, de problèmes de santé ou des choix qu'ils ont dû faire pour survivre.
19 Juillet 2019
Domingo, 72 ans, un ancien bibliothécaire universitaire vénézuélien, se trouve devant un abri temporaire près de La Guajira, au nord de la Colombie.

De fréquentes pannes de courant dans la ville vénézuélienne de Maracaibo ont fait des ravages parmi la population. Mais elles ont également rendu la vie très difficile pour Adrianna*, une femme de 24 ans atteinte d'une déficience cognitive qui a interrompu son développement intellectuel vers l'âge de six ans.


Sans électricité, sa mère Carolina* ne pouvait plus passer de la musique ou faire regarder des émissions de télévision à Adrianna, ce qui l'apaise habituellement.

Carolina était aussi une militante de l'opposition et, à mesure que la situation à Maracaibo se détériorait, avec des coupures de courant de plus en plus fréquentes et durables, la famille se voyait refuser l'accès aux services essentiels, en représailles de son activisme politique.

Sans accès à l'eau, à la télévision ou à la musique, Adrianna a commencé à s’arracher les cheveux et à s’automutiler. Compte tenu de l'aggravation de l'état d'Adrianna, ainsi que de la répression quotidienne à laquelle ils étaient confrontés en raison de leurs positions politiques, la famille n'a eu d'autre choix que de partir.

« Ils créaient toujours de nouveaux obstacles », explique Carolina. « Nous ne pouvions pas supporter de voir notre fille dans une situation aussi désespérée. »

« Nous ne pouvions pas supporter de voir notre fille dans une situation aussi désespérée. »

La famille a fui le Venezuela, en quête de sécurité dans la nation andine de l'Équateur.

Des histoires comme celles d'Adrianna et de Carolina sont tragiquement courantes parmi les quatre millions de Vénézuéliens qui ont fui leur pays natal en quête de sécurité. Selon un tout nouveau rapport de suivi de la protection publié par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 50 % des réfugiés et des migrants vénézuéliens interrogés courent des risques aigus et spécifiques pendant leur voyage.

L'âge, le genre, la santé ou d'autres besoins rendent la moitié des Vénézuéliens qui fuient, comme Adrianna, particulièrement vulnérables. Ils ont de ce fait un besoin urgent en matière de protection et de soutien. D'autres ont dû recourir à des pratiques à haut risque pour faire face à la situation pendant leur voyage, comme la prostitution de survie, la mendicité ou en faisant travailler leurs enfants mineurs.

C'est le cas de Sajary*, une transsexuelle de 20 ans qui a quitté le Venezuela pour le Brésil à la recherche de médicaments pour sa mère malade. En arrivant au Brésil, Sajary avait dépensé la plus grande partie de son argent et, comme elle n'avait personne sur qui compter, elle a eu du mal à se payer un logement, sans parler de la nourriture ou du traitement médical de sa mère. Elle s'est retrouvée face à un choix cornélien.

« Je ne savais pas quoi faire », se souvient Sajary, qui a franchi la frontière de l'État brésilien de Roraima en février 2018. Un ami a évoqué la prostitution de survie. « Je n'avais jamais fait ça avant, mais je pensais que si je ne le faisais pas, je ne pourrais pas manger et que je devrais dormir dans la rue. »

Elle n'a pas pu supporter cette activité et a rapidement abandonné, pour se retrouver à dormir en plein air sur un morceau de carton sur une place de Boa Vista, la capitale de Roraima. « Je mangeais une fois par jour », dit-elle.

Domingo* avait 72 ans lorsqu'il est arrivé, seul, à Maicao en Colombie. Bibliothécaire de profession, il avait travaillé pendant 25 ans dans l'une des meilleures universités du Venezuela. Mais le temps qu'il arrive à Maicao, cela faisait des semaines que Domingo n'avait pas mangé un repas convenable. Il ne pouvait s'empêcher de penser à abandonner son combat pour rester en vie.

« Je me sens souvent inutile », dit-il. « Je sens que je pourrais encore être productif, mais je suis seul, je n'ai rien avec moi et personne ne veut m’employer ou louer une maison à quelqu'un de mon âge. »

« L'accès à l'emploi, au logement et aux documents d’identité font partie des besoins prioritaires des réfugiés et des migrants originaires du Venezuela, comme en témoigne le rapport de suivi sur la protection », a déclaré Renata Dubini, Directrice au HCR pour le Bureau des Amériques.

« Le rapport montre également combien il est difficile pour les réfugiés et les migrants vénézuéliens d'accéder à leurs droits fondamentaux. Malgré la solidarité et les efforts des principaux pays hôtes de la région, seul un soutien accru de la communauté internationale peut conduire à une réponse renforcée pour mieux répondre aux besoins spécifiques des plus vulnérables », a-t-elle ajouté.

Bien que les pays d'accueil aient fait preuve de générosité en ouvrant leurs portes aux réfugiés et aux migrants originaires du Venezuela, ils n'ont pas toujours la capacité de fournir l'aide dont ils ont tant besoin, surtout aux personnes qui ont des besoins spéciaux, comme Domingo et Adrianna. Les pays hôtes ont également fait leur possible pour s'assurer que les Vénézuéliens ne soient pas obligés de recourir à des comportements à haut risque, comme Sajary.

« Je n'ai rien avec moi et personne ne veut m’employer ou louer une maison à quelqu'un de mon âge. »

Après avoir dormi pendant une semaine dans la rue à Boa Vista, Sajary a été approchée par un fonctionnaire du HCR qui lui a trouvé une place dans un abri temporaire. Trois mois plus tard, elle a bénéficié d’un programme, dirigé par le gouvernement brésilien et soutenu par la CDHNU et d'autres agences des Nations Unies, qui transfère les Vénézuéliens de Boa Vista vers d'autres villes brésiliennes, leur offrant ainsi de meilleures perspectives de travail et d'intégration.

Sajary a été réinstallée dans la ville amazonienne de Manaus et a été orientée vers le premier refuge brésilien spécifiquement pour les réfugiés LGTBI - lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuels. Depuis, elle a trouvé un partenaire et un endroit où se sentir chez elle. Elle est toujours à la recherche d'un emploi.

En Équateur, Adrianna a accès aux émissions de télévision et à la musique dont elle a besoin pour se détendre. Elle n’est plus sujette à l’automutilation et ses cheveux ont commencé à repousser. Elle est également inscrite à un cours hebdomadaire de danse qui l'aide à vivre en paix. Cependant, sa famille n'a pas encore trouvé d'école où elle puisse recevoir le soutien spécialisé dont elle a besoin.

Domingo se trouve dans un abri temporaire près de La Guajira, au nord de la Colombie, où il réfléchit à ses prochaines étapes.

Le HCR soutient les efforts déployés par les pays d'Amérique latine pour harmoniser leurs politiques et pratiques, coordonner l'action humanitaire ainsi qu’améliorer l'accès aux services et aux droits des réfugiés et migrants vénézuéliens.

Le rapport de suivi de la protection se fonde sur une enquête menée entre janvier et juin 2019 dans huit pays d'Amérique latine et des Caraïbes auprès d’environ 8000 familles vénézuéliennes qui ont fui leur foyer.

En plus de fournir des statistiques cruciales sur cette population et ses besoins, l'enquête a déjà débouché sur des actions concrètes, avec plus de 1500 personnes interviewées qui ont été orientées vers une aide psychosociale ou d’autres services.

Avec les reportages d'Ilaria Rapido à Quito (Équateur) et de Victoria Hugueney à Manaus (Brésil)

*Les noms de famille ont été supprimés pour des raisons de protection.