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Les déplacés internes du Soudan aspirent à une paix véritable pour pouvoir rentrer chez eux

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Les déplacés internes du Soudan aspirent à une paix véritable pour pouvoir rentrer chez eux

Environ 1,6 million de personnes sont aujourd'hui déplacées, près de vingt ans après le début de la guerre du Darfour au Soudan. Elles aspirent à rentrer chez elles et à se reconstruire, mais ont pour cela besoin qu'une paix durable soit instaurée.
4 Mai 2020

Près de vingt ans après que le conflit dans la région du Darfour a engendré des attaques armées contre les civils, de graves violations des droits de l'homme et des déplacements massifs, environ 1,6 million de personnes restent dans l'impossibilité de rentrer chez elles en raison de l'insécurité qui règne dans cette région.


Les actes de banditisme et les violences interethniques font qu'il est trop dangereux pour de nombreuses personnes de prendre le risque de retourner chez elles afin d’y redémarrer leur vie. C'est le cas d’Ahmed Ishag Babiker par exemple. Dix-sept ans se sont écoulés depuis que des hommes armés ont fait irruption dans son village au nord du Darfour.

« Nous étions assis sous un arbre quand soudain nous avons entendu des coups de feu. Des véhicules avec à leur bord des hommes armés approchaient. J'ai couru vers la maison pour y chercher mes enfants », raconte ce père de six enfants, aujourd’hui âgé de 54 ans.

La femme d'Ahmed était en train de travailler dans la ferme familiale. Son fils aîné gardait le troupeau de moutons et de chèvres appartenant à la famille.

« J'ai pris mes autres enfants et j'ai couru dans la montagne où nous nous sommes cachés pendant plusieurs jours », dit-il. Il a retrouvé sa femme et son fils trois jours plus tard.

« Des hommes armés sont venus de partout - du désert, des vallées et des montagnes. »

Comme Ahmed, Zahra Abdulrahman a été forcée de fuir après que des hommes armés aient attaqué son village au pied des montagnes du Djebel Si, à 35 kilomètres à l'est de Kabkabiya.

« Des hommes armés sont venus de partout - du désert, des vallées et des montagnes », a-t-elle déclaré. « J'ai vu des gens se faire tuer, alors j'ai couru. »

Ahmed s'est souvenu que les hommes armés avaient tout saccagé et pillé dans le village autrefois paisible de Wadi Bare, à environ deux heures de route de la ville de Kabkabiya. Il a tout perdu ce jour-là.

Les attaques ont duré plusieurs jours. Sa famille ne sortait que la nuit pour se procurer de la nourriture et de l'eau.

« Nous ne pouvions pas quitter le village car il était verrouillé par les hommes armés. Si vous essayiez de vous échapper, ils tiraient », a-t-il expliqué. Le village a été bloqué pendant près d'un an.

Ahmed a fini par rassembler assez de courage pour aborder quelques hommes à un poste de contrôle de sécurité.

« J'ai inventé une histoire et je leur ai dit que je n'étais pas bien. Ils m'ont laissé aller à Kabkabiya pour me faire soigner », a-t-il dit. « Je suis parti sans rien. »

Il a trouvé du travail et, après quelques mois, sa famille l'a finalement rejoint en ville, où des milliers d'autres personnes avaient également fui. Plus tard, il s'est installé à Khartoum, la capitale du Soudan, où il a travaillé pendant un an.

Mais il est revenu à Kabkabiya lorsque les autorités locales ont commencé à attribuer des parcelles de terrain aux personnes déplacées, leur permettant de construire leurs maisons.

Plus de 50 000 autres Soudanais déplacés ont rejoint la ville au fil des ans, avec une dernière grande vague d’arrivées en 2016. Ahmed se soucie en permanence de ses enfants, alors qu'il peine à joindre les deux bouts.

Si la paix est lentement revenue au Darfour, la situation reste fragile dans certaines parties de la région. De nombreux villages abandonnés parsèment le paysage vide qui entoure Kabkabiya et d'autres endroits du Darfour du Nord.

Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et les agences partenaires fournissent une aide humanitaire et soutiennent notamment les écoles.

« Beaucoup de jeunes ne sont pas formés, en particulier ceux qui ont grandi pendant le conflit. Ils doivent acquérir des compétences pour pouvoir contribuer à la vie économique du pays », explique Fortunata Ngonyani, responsable de la protection au HCR à El Fasher.

Selon un rapport publié (en anglais) cette semaine par l'Observatoire des déplacements internes (IDMC), le nombre de personnes qui ont fui un conflit ou des violences sans quitter leur propre pays a atteint un niveau record de 45,7 millions en 2019.

Le HCR a récemment lancé une initiative (en anglais) en faveur des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays afin de renforcer la réponse apportée aux situations de déplacement interne au cours de cette année et en 2021. L’initiative se concentre sur neuf pays : Éthiopie, Soudan du Sud, Soudan, Burkina Faso, République démocratique du Congo, Irak, Afghanistan, Ukraine et Colombie.

Cette initiative vise à donner davantage de visibilité à l'impact que peut avoir le déplacement interne sur les personnes touchées, à obtenir davantage de moyens pour les activités menées en faveur des déplacés internes et à renforcer le soutien du HCR aux programmes menés dans ces neuf pays.

« En tant qu'agences humanitaires, nous essayons, avec le gouvernement, d'aider les personnes déplacées mais, jusqu'à ce jour, la situation reste très difficile. Les gens ont besoin de beaucoup de soutien pour pouvoir aller de l'avant », ajoute Fortunata Ngonyani du HCR.

Zahra raconte comment elle a fui à pied avec sa famille vers Korma, une petite ville désertique au nord-est de Kabkabiya. Après près de trois mois, elle a été transférée au camp de déplacés internes d'Abu Shouk - l'un des plus grands camps de déplacés internes du Darfour du Nord, avec plus de 90 000 occupants.

« Je jure que s'il y a la paix, je peux rentrer immédiatement. »

Mais une quinzaine d'années plus tard, elle est toujours là, luttant pour subvenir aux besoins de sa famille.

« Nous avons encore besoin d'aide. On doit pouvoir trouver un emploi. Je n'ai pas de chèvres, pas de ferme, rien », dit-elle.

La vie d'agriculteur manque aussi à Ahmed.

« Je pense souvent à ma terre parce qu'elle était très fertile. A part le sucre et le sel, tout le reste venait de ma ferme », raconte-t-il tristement. « Je jure que s'il y a la paix, je peux rentrer immédiatement. Nous y retournerons pour pouvoir vivre comme avant et valoriser notre terre. »