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Imagine la Syrie

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Imagine la Syrie

Près de deux millions d'enfants syriens de moins de 11 ans sont réfugiés et n'ont pour ainsi dire pas ou très peu de souvenirs de leur pays. Nous avons demandé à quelques-uns d'entre eux de dessiner ce que représente la Syrie pour eux.
15 Mars 2022

Alors que la crise en Syrie entre dans sa douzième année, toute une génération d’enfants syriens grandit en tant que réfugiés dans des pays voisins et n’ont soit jamais vu leur pays ou n’ont aucun souvenir de leur pays d’origine.


Au cours des 11 dernières années de conflit et d’instabilité, près de 5,7 millions de Syriens ont trouvé refuge en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Irak et en Egypte, la plupart ayant peu d’espoir de rentrer chez eux à court terme. Près de la moitié sont des enfants, selon les données du HCR, et un tiers a moins de 11 ans et n’a jamais connu le pays en paix.

Malgré cela, la plupart de ces enfants se sentent toujours profondément liés à ce pays natal inconnu et se raccrochent à l’espoir de pouvoir un jour y retourner en toute sécurité. L’image de la Syrie qu’ils ont en tête repose sur des histoires racontées par leur parents, sur de brèves conversations téléphoniques avec leur famille restée au pays ou sur des photos de famille et sur les reportages d’information.

Afin de se faire une idée sur la manière dont cette génération déracinée imagine un pays qui lui est très largement inconnu mais qui pourtant définit de nombreux aspects de leur vie, le HCR a invité de jeunes Syriens de toute la région à dessiner leur pays et à décrire les résultats de leurs travaux.

Supervisés par des professeurs et des thérapeutes professionnels qui utilisent régulièrement l’art comme forme d’expression et de réflexion, les enfants ont pu partager leurs sentiments concernant leur pays et révéler leurs espoirs pour l’avenir de la Syrie.

Jordanie

Ahmed, 8 ans, est né le jour suivant le départ précipité de ses parents de leur maison à Deraa dans le sud de la Syrie, pour se retrouver à quelques kilomètres de là, de l’autre côté de la frontière jordanienne. Sa mère lui a dit que sa naissance était un signe d’espérance pour l’avenir qu’ils allaient construire.

Ahmed imagine la Syrie comme un endroit « rempli d’arcs-en-ciel ». « Je veux dire qu’après la pluie, lorsque le soleil réapparaitra, il y aura plein d’arcs-en-ciel », explique-t-il. « La Syrie est un pays magnifique, c’est le plus beau pays parce que c’est notre pays. »

Ahmed, 8 ans, né en Jordanie en 2013, tient son dessin représentant des arcs-en-ciel au-dessus de la Syrie.

Lorsque nous avons demandé à Sajida, 8 ans, de dessiner ce à quoi, selon elle, ressemblait la Syrie, elle marque une pause. « Mais la Syrie est détruite », dit-elle. Dans les reportages, ce ne sont qu’images de guerre et de destruction en provenance de la Syrie depuis 11 ans et beaucoup d’enfants ont du mal à imaginer autre chose.

Au lieu de cela, Sajida dessine plutôt ce à quoi, elle espère, la Syrie ressemblera un jour. « Là, ce sera ma maison. Elle est rose, c’est ma couleur préférée. Et puis la maison de mon oncle en Syrie était rose. Notre maison sera près de la mer. On pourra aller nager tous les jours et il fera toujours beau. »

« Mais la Syrie est détruite », répond Sajida 8 ans, lorsque nous lui demandons d'imaginer son pays. Au lieu de cela, elle dessine plutôt sa propre conception de l'avenir.

Liban

Les difficultés économiques grandissantes dans les pays accueillant les Syriens ont eu des effets désastreux sur les enfants réfugiés. Au Liban, où neuf réfugiés sur dix vivent dans l’extrême pauvreté, un nombre croissant d’enfants sont confrontés à l’insécurité alimentaire et sont donnés en mariage par leurs parents ou quittent l’école pour venir en aide à leur famille.

Originaire de Deir ez-Zor, Ali, 11 ans se rappelle vaguement avoir accompagné son père en voiture lors de ses livraisons de légumes et des petites voitures avec lesquelles il jouait en Syrie, qu’il a quittée avec sa famille en 2016.

Ali, 11 ans, travaille chez un carrossier dans la banlieue de Beyrouth pour aider sa famille, mais il voudrait rentrer dans son pays.

Au Liban, il aide sa famille en travaillant chez un carrossier dans la banlieue de Beyrouth ou il aide à repeindre les voitures des clients. « Il n’y a pas de jouets ici », dit Ali. « Je ne fais rien ici, je travaille juste dans l’atelier. » Il voudrait retourner en Syrie, nous dit-il, pour voir les oliviers et les pommiers de sa petite enfance, dont il se souvient.

Aujourd’hui âgé de 11 ans, Omar n’était qu’un bébé lorsque ses parents ont quitté la Syrie, mais leurs histoires et les détails donnés par les membres de sa famille restés au pays ont préservé son lien avec son pays. Son dessin reflète la double identité dont il est doté, en ayant grandi en tant que réfugié au Liban, avec le drapeau syrien d’un côté et le drapeau libanais avec son cèdre vert de l’autre. « J’aime la Syrie et j’aime le Liban aussi. J’ai de bons souvenirs ici », explique Omar. « C’est pour cela que j’ai divisé le dessin en deux parties. »

Omar, 11 ans, montre son dessin des drapeaux syriens et libanais dans un centre de jeunesse à Beyrouth.

Turquie

Youssef, 11 ans, est né à Alep. Il est arrivé en Turquie avec sa famille en 2015. Il dit n’avoir aucun souvenir de la Syrie. L’un de ses dessins représente les informations reçues sur le conflit et les destructions dont il entend parler depuis qu’il est tout petit. Des chars en feu qui déchargent leurs munitions et un corps allongé sur la route en asphalte noir.

« Lorsque j’entends le mot Syrie, ce qui me vient à l’esprit se sont les tanks que j’ai vus dans les films de guerre », dit Youssef. Un deuxième dessin montre un pêle-mêle d’arcs-en-ciel, qui d’après Youssef représente l’avenir. Un des psychologues présents explique que le dessin montre que, bien que Youssef ait conscience des évènements dans son pays, il conserve une certaine résilience et garde l’espoir.

Les tanks et le corps allongé sur le dessin de Youssef reflètent les informations sur le conflit en Syrie qu'il entend depuis qu'il est tout petit.

Irak

Dilkhaz, 11 ans, vit avec ses parents dans le camp de réfugiés Domiz-1 dans la région du Kurdistan au nord de l’Irak depuis qu’ils ont fui la Syrie en 2015. « Je vais à l’école, je suis en CM1 », dit-il. « Je travaille bien. Je veux devenir docteur en Syrie auprès de mon peuple et de ma famille, soigner les malades et prendre soins des pauvres. »

Il a dessiné un paysage de collines parsemées d’arbres sous le ciel bleu. « J’ai dessiné une Syrie magnifique. Il y a des arbres, de l’eau, des nuages », explique Dilkhaz. « La Syrie est un bel endroit, mon grand-père y a une grande maison, des moutons et des poules. Il y a beaucoup de villages et des paysages très verts. »

Dilkhaz, 11 ans, habite dans un camp de réfugiés au nord de l'Irak. Il imagine la Syrie comme étant un paysage de vertes collines et d'arbres.

Égypte

Issam, 11 ans, est né à Jobar, un quartier de Damas, mais a fui avec sa famille vers l’Egypte quand il était tout jeune. Il a de vagues souvenirs du marché local animé où il faisait la queue avec son père pour acheter du pain et de la viande. Son dessin de la Syrie, cependant, s’inspire de de ce que lui a raconté sa grand-mère sur le cerisier dans le jardin de leur maison familiale.

« Elle m’a dit qu’autrefois, mon père grimpait sur le toit… pour cueillir des cerises et qu’il en donnait à tous les membres de la famille », raconte Issam. « Ils avaient leur propre jardin et mes cousins y jouaient. Ma grand-mère m’a raconté ces histoires, je ne m’en souvenais pas. »

Reportage réalisé par Lilly Carlisle en Jordanie, Paula Barrachina au Liban, Cansin Argun en Turquie, Rasheed Hussein Rasheed en Irak, et Radwa Sharaf en Égypte.

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