COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET LES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE - QUATRIEME SEANCE
COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET LES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE - QUATRIEME SEANCE
E/AC.32/SR.34
Présents : | |
Président : | M. LARSEN (Danemark) |
Rapporteur : | M. WINTER (Canada) |
Membres : | M. HERMENT |
Belgique | M. PENTEADO |
Brésil | M. BERLIS |
Canada | M. CHA |
Chine | M. HENKIN |
Etats-Unis d'Amérique | M. ROCHEFORT |
France | M. JUVIGNY |
Israël | M. ROBINSON |
Turquie | M. NURELGIN |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | Sir Leslie BRASS |
Venezuela | M. PEREZ PEROZO |
Observateurs : | |
Italie | M. THEODOLI |
Suisse | M. CRAMER |
Représentants d'institutions spécialisées : | |
Organisation internationale du Travail | M. WOLF |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. WEIS |
Représentants d'organisations non gouvernementales : | |
Catégorie B et Registre | |
Comité des églises pour les affaires internationales | M. MOURAVIEFF |
Guilde internationale des coopératrices | Melle ROSSIER |
Comité de liaison des organisations féminines internationales | Melle ROSSIER |
Ligue internationale de femmes pour la paix et la liberté | Mme BAER |
Congrès juif mondial | M. BIENENFELD |
Secrétariat : | |
M. Humphrey | Directeur de la Division des droits de l'homme |
M. Giraud | Département juridique |
M. Hogan | Secrétaire du Comité. |
TEXTES PROPOSES POUR UN PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (E/1618, E/1618/Corr.1, E/1818, E/AC.32/2, E/AC.32/6 et E/AC.32/6/Corr.1, E/AC.32/L.3, et E/AC.32/L.40).
Le PRESIDENT, après avoir laissé aux membres du Comité le temps de lire le Préambule et la définition du terme « réfugié » adoptés par le Conseil pour présentation a la cinquième session de l'Assemblée générale (E/1818), attire l'attention sur les observations présentées par les gouvernements et les institutions spécialisées (E/AC.32/L.40), au sujet du projet de convention adopté par le Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes (E/1618, Annexe I). Il espère que les gouvernements qui n'ont pas présenté d'observations par écrit profiteront de l'occasion pour exposer leur point de vue et s'efforcer de répondre aux objections soulevées par le gouvernement français contre l'article 2, à la page 30 du document E/AC.32/L.40.
Article 2 : Obligations générales
M. ROCHEFORT (France), constate que la rédaction actuelle de l'article 2 n'est pas très satisfaisante, ni du point de vue de la rédaction proprement dite, ne en ce qui concerne le fond. Dans un texte qui n'impose pas d'obligations mais constitue simplement une déclaration, il convient tout au moins de prévoir une contre-partie morale prescrivant certains devoirs aux réfugiés, notamment lorsqu'il s'agit de pays comme la France, pour lesquels le problème des réfugiés comporte fréquemment de grandes obligations. En conséquence, il propose de substituer au texte actuel de l'article 2 le texte suivant :
« Les devoirs du réfugié envers la communauté comportent notamment l'obligations de se conformer à toutes les mesures prises pour le maintien de l'ordre public, ainsi qu'aux lois et règlement du pays dans lequel il se trouve ».
Une disposition similaire figurait déjà dans le rapport français initial, mains elle n'a pas été retenue. Pourtant une disposition de ce genre lui semble indispensable. Elle aura une portée morale pour tous les pays où il n'existe pas pour l'étranger qui y pénètre d'obligations de prêter une serment de fidélité ou d'allégeance ou de renoncer à sa nationalité ancienne. Le texte qu'il repose n'a pas pour but d'obliger le réfugié à s'intégrer dans la communauté, mais de répondre par sa conduite et son comportement aux avantages que ce pays lui offre en sa qualité de réfugié.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) rappelle qu'à la première session du Comité spécial, le Venezuela a d'abord combattu la proposition visant à l'inclusion de l'article 2 dans le projet de convention, parce que cet article établissait un principe déjà universellement accepte, qu'il était superflu de réaffirmer, Toutefois, l'orateur croit se souvenir qu'il a ultérieurement voté pour l'inclusion, parce qu'il considérait que l'article pouvait avoir une certaine utilité en tant que recommandation. Or, le texte proposé par le représentant de la France est meilleur et M. Perez Perozo l'appuiera.
M. HERMENT (Belgique) appuie le texte proposé par le représentant de la France.
M. CHA (Chine) voudrait savoir exactement ce que le représentant de la France entend par « communauté ». Certains réfugiés qui ont trouvé asile en Chine, notamment les Russes blancs, se sont constitués en communauté séparée et n'ont jamais été assimilés. Le sentiment général en Chine est qu'il n'est pas intéressant pour le pays de comprendre une communauté distincte composée exclusivement de réfugiés et que quiconque tient à s'installer à demeure en Chine doit autant que possible s'adapter à l'esprit du pays et se conformer, non seulement à ses lois, mais aussi à ses moeurs et à ses coutumes. En conséquence, le terme « communauté » sera inacceptable, du point de vue de la Chine, si on peut l'interpréter comme se rapportant à la communauté des réfugiés eux-mêmes ; le terme « pays » serait préférable. Ce serait évidemment n'avoir aucune sens des réalités que d'espérer une assimilation complète en moins d'une ou de deux générations, et le mieux serait de commencer par laisser les réfugiés se constituer en communauté distincte et de favoriser leur assimilation, lorsqu'elle deviendra possible. Toutefois, peut-être le représentant de la France pourra-t-il préciser davantage sa pensée.
Le PRESIDENT droit comprendre que le représentant de la France serait prêt à remplacer le mot « communauté » par les mots « communauté nationale ».
M. ROCHEFORT (France) dit que dans la rédaction adoptée dans son texte, il a repris les termes de l'article 29, paragraphe 1, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui parle des devoirs de l'individu envers la communauté. Dans son esprit, le terme « communauté » ne vise pas des communautés spéciales comme celles auxquelles le représentant de la Chine a fait allusion, mais une seule communauté, à savoir le communauté nationale.
M. HERMENT (Belgique) se demande si le terme « communauté nationale » ne pourrait pas prêter à confusion, et il préférerait, afin de l'éviter, qu'on prenne le terme de « communauté d'accueil ».
M. ROCHEFORT (France) accepte cet amendement à la conditions que la terme « communauté d'accueil » soit interprété comme ayant la même signification que la terme « communauté nationale » tel qu'on l'entend communément dans son pays.
Le PRESIDENT suppose que tous les membres du Comité sont d'accord pour estimer que tout texte présenté à cette séance pourra être modifié par la suite, il n'y aurait par conséquent aucun inconvénient à adopter provisoirement le texte français, tel qu'il se présente après deux amendements.
M. ROBINSON (Israël), craint que, dans le texte anglais, les mots « national community » ne soulèvent bien des difficultés. Quelle est par exemple, la communauté nationale des Etats-Unis d'Amérique ? Comprend-elle la fraction de la population qui est de langue anglaise ou englobe-t-elle l'ensemble de la population, soit 150 millions d'habitants ? Comment définirait-on la communauté nationale du canton de Berne ou de l'Irlande ? Dès qu'un mot bien connu et bien défini tel que le terme « Etat » est remplace par un mot du genre de « communauté », des difficultés de ce genre surgissent.
A supposer qu'en période de guerre civile, toutes sortes de personnes soient admises dans un pays quelconque pour des motifs humanitaires, ces réfugiés devront-ils forcément être assimilés ? Des Espagnols qui ont cherché refuge en France au cours de la guerre civile espagnole n'est jamais eu l'intention de s'assimiler, même dans le sens restreint de se faire naturalise. Il serait inopportun d'introduire dans ce qui constitue un document juridique tant de complications qui ne peuvent que laisser le champ libre à de nombreuses équivoques. Substituer aux termes « communauté nationale » l'expression « communauté d'accueil » ne ferait guère de différence. Le mot « communauté » peut présenter quelque utilité pour un sociologue, mais non pour un homme d'Etat.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) reconnaît que le mot « communauté », n'est pas, à proprement parler, un terme juridique, bien qu'il figure dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il ne trouve rien de bien sérieux à redire à ce que le mot « pays », qui figurait dans le précédent texte du Comité, soit conservé, si le représentant de la France peut y consentir. Les Etats-Unis d'Amérique ont toujours considéré l'ensemble de l'article comme superflu, étant donné que les réfugiés ne signeront pas eux-mêmes la convention et qu'on ne leur demandera pas de faire davantage qu'aucun autre citoyen du pays d'accueil. Toutefois, étant donné qu'on a, en principe, accepté de faire figurer l'article dans le projet de convention, M. Henkin appuiera l'amendement français de préférence, comme il l'a déjà sit, avec le mot « pays » au lieu du mot « communauté ».
Le PRESIDENT propose, puisqu'il n'y a évidemment pas de divergence de vues sur le fond, mais seulement sur la ferme, de renvoyer la question au Comité de rédaction, dont les membres pourront être désignes ultérieurement.
M. ROCHEFORT (France) est de l'avis du Président ; il répète qu'il a employé le terme « communauté » parce que celui-ci se trouve à l'article 29, paragraphe 1, de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il a ensuite consenti à ajouter le mot « nationale » parce qu'il pensait que ce mot donnait une valeur juridique plus précise au mot « communauté ». Mais, étant donné les observations qui ont été faites au cours du débat, il est prêt à accepter toute modification sous réserve qu'elle réponde à la réalité des choses.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) estime, comme le Président, qu'il n'y a pas divergence de vues sur les fins à atteindre. La délégation du Royaume-Uni, comme celle des Etats-Unis, aurait préféré ne pas voir cet article incorporé au texte, mais, n'ayant pas d'objection formelle à élever, elle en a accepté l'insertion. L'orateur se demande si la proposition de la France aura un autre effet que de créer des difficultés d'interprétation dans un texte qui, tel qu'il est rédigé, est actuellement fort clair. Mais il n'y a aucun inconvénient à laisser le comité de rédaction décider de la question.
M. ROCHEFORT (France) déclare que, pour ce qui est du fond du problème, il ne faut pas perdre de vue que ce qui paraît évident aux uns ne correspond malheureusement pas à la réalité des choses. L'expérience faite par la France le prouve. Il convient donc d'insister sur les obligations des réfugiés et d'insérer une disposition à ce sujet. Trop souvent le réfugié est loin de se conformer aux règles de la communauté. L'orateur se borne à rappeler à ce propos l'assassinat d'un chef d'Etat commis en France par des réfugiés. Souvent encore le réfugié exploite la communauté. Pour toutes ces raisons, les représentant de la France croit devoir insister sur l'opportunité de prévoir dans le projet de Convention une disposition précisant les devoirs du réfugié, tout en convenant que cette idée peut paraître quelque peu vague.
Le PRESIDENT pense que les représentants - même ceux qui jugent l'article 2 superflu - sont généralement d'accord pour estimer que, si un certain nombre de pays souhaitent le maintien de ce texte, il n'y a pas d'inconvénient à le maintenir et que le pays qui tient tout particulièrement à ce qui ce texte soit conservé devrait avoir la faculté de participer à son remaniement.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) sollicite l'avis du Président sur l'importante question du vote. A la séance précédente, il n'y pas eu de vote formel et l'on n'a pas gardé trace des détails des divers votes. Le représentant du Venezuela estime qu'à la présente séance des votes en bonne forme doivent avoir lieu et doivent être enregistrés dans le rapport du Comité, car le but de ce rapport sera de faire connaître à l'Assemblée générale les vues de la majorité et de la minorité du Comité. Un organisme délibératif comme l'Assemblée générale est souvent obligé d'envisager des questions sous un angle différent selon qu'a été forte ou faible la majorité que a appuyé les conclusions contenues dans le rapport présenté à l'Assemblée générale.
Le PRESIDENT partage l'avis du représentant du Venezuela, mais il pense qu'il n'y aura lieu de procéder à un vote en bonne et dur forme que lorsque le Comité de rédaction aura achevé ses travaux. Le seul vote qui sera peut-être nécessaire auparavant portera sur la question de savoir si une question soit bien être envoyée au Comité de rédaction.
Le Président répète qu'à son avis, il y a lieu de mettre fin à la discussion de l'article 2 jusqu'à ce que cet article ait été examine par le Comité de rédaction.
Il en est ainsi décidé.
Article 3 : Non discrimination
Le PRESIDENT signale à l'attention du Comité l'article 3 et les observations présentées sur cet article par le Gouvernement du Liban (E/AC.32/AC.40, page 16). D'autre part, le Gouvernement de l'Australie a fait parvenir ses observations au Secrétaire général dans une lettre que n'a pas encore été publiée sous forme de document et dont voici le texte : « Cet article n'a pas de valeur juridique précise. On pourrait prétendre qu'un réfugié, du fait qu'il est tenu d'accepter un contrat de travail - cette acceptation étant donc considérée comme une condition de son admission - alors qu'un autre étranger n'y est pas tenu, est l'objet d'une mesure discriminatoire. D'une façon générale, cet article pourrait donner lieu à des malentendus considérables et mêmes à des souffrances en faisant luire un faux espoir ».
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) regrette que les représentants du Liban et de l'Australie ne soient pas présents pour commenter les observations présentées par leurs gouvernements respectifs. Le rapport exact qu'ont les observations du Liban avec l'article 3 ne ressort pas clairement, car les trois premières raisons pour lesquelles un réfugiés ne doit pas être l'objet de mesure discriminatoires, sont inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme ; quant à la dernière, elle n'a absolument rien à voir avec la question de savoir si une personne est « indésirable » ou non. Le représentant des Etats-Unis ne sait pas exactement ce que signifie le mot « indésirable » dans les observations du gouvernement du Liban, s'il ne reçoit pas de plus amples explication il sera dans l'obligation de maintenir son opinion.
Le représentant des Etats-Unis comprend la question que le Gouvernement de l'Australie a posée, mais il ne croit pas qu'il soit nécessaire de modifier le texte de l'article 3. Il ne sait pas s'il se pratique en Australie une discrimination du genre de celle dont il est question dans les observations, mais il croit la chose peu probable. D'autre part, l'article vise surtout le cas des réfugiés qui résident déjà dans un pays, tandis que les observations de l'Australie concernent seulement les personnes auxquelles l'entrée dans un pays est refusée. De l'avis de M. Henkin, le projet actuel est bon et devrait être conserve.
M. ROBINSON (Israël) pense que les observations du Gouvernement de l'Australie reposent probablement sur un malentendu. Le paragraphe 3 de l'article 12 du projet de convention contient une réserve spéciale qui autorise les contrats de travail du genre mentionné dans les observations, malgré les dispositions de l'article 3.
Il importe d'éclairer pleinement la question de la place exacte qu'occupe l'article 3 dans la convention et de ses rapports avec les autres articles. L'article 3 proclame un principe, mais ce sont les articles ultérieurs qui énumèrent les conditions exactes dans lesquelles les réfugiés peuvent bénéficier des avantages conférés par la Convention. Il n'y a rien là d'anormal. La Charte des Nations Unies elle-même mentionne dès son début l'égalité souveraine » de tous les Membres des Nations Unies pour les répartir ensuite en grandes puissances et petites puissances, en membres permanents et membres non permanents du Conseil de sécurité, en membres jouissant du droit de veto et en membres dépourvus du droit de veto.
Il n'y a rien à redire à l'idée de maintenir l'article 3 tel quel, étant entendu que le rôle de cet article est de poser un principe, les exceptions étant énumérées dans les articles suivants, comme il est d'usage dans tout instrument juridique.
M. JUVIGNY (France) constate que l'observations présentée par le Gouvernement de l'Australie à propos de l'article 3 se réfère à une mesure discriminatoire qui consiste en ce qu'un réfugié n'a accès en Australie que s'il possède un contrat de travail. Le Gouvernement australien a pris cette mesure pour éviter que la vie économique du pays ne soit troublée. Une mesure assez comparable est constituée dans certains pays par la limitation du droit de travail des réfugiés. En France, la limitation du droit de travail n'est pas considérée comme une mesure discriminatoire. Le réfugié peut accepter ou refuser les conditions de travail. Le texte de l'article 3 tel qu'il est rédige, est clair et ne donne pas lieu à ambiguïté. Pour cette raison, la délégation française souhaite que cet article soit maintenu dans le projet de convention.
Le PRESIDENT propose de déclarer close la discussion de l'article 3 et de ne pas passer au vote, l'article devant être renvoyé au Comité de rédaction ; du reste le Comité votera en tout cas lorsque l'ensemble du projet reviendra devant lui en deuxième lecture.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) et M. PEREZ PEROZO (Venezuela) sont de l'avis du Président.
Il en est ainsi décidé.
Article 4 : Dispense de réciprocité
Le PRESIDENT rappelle au Comité qu'à la première session l'article 4 avait donné lieu à de nombreuses difficultés et il signale les abondantes observations qui ont été présentées, comme il s'y attendait, et qui se trouvent aux pages 31-35 du document E/AC.32/L.40.
M. JUVIGNY (France) constate que la longueur des observations formulées à propos de l'article 4 prouve que les dispositions do cet article créent une assez grande confusion. Pourtant, le Comité spécial a apporte, lors de sa dernière session, un soin tout spécial à l'examen de cet article sans toutefois réussir à trouver une solution pleinement satisfaisante. L'orateur relève que les observations de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) contiennent de nombreuses références au système juridique français. L'OIR aurait peut-être accompli un travail plus complet et plus concluant en analysant également la législation des autres pays.
Le représentant de la France rappelle que les services du Gouvernement français se sont longuement penches sur le problème de la dispense de réciprocité. Il tient à confronter le texte de l'article 4 et les commentaires, d'une part, et les différentes hypothèses de la législation nationale, d'autre part.
Première hypothèse : Dans certains domaines, tous les étrangers ont les mêmes droits que les nationaux. En France, il en est ainsi dans le domaine de la sécurité sociale, à l'exception toutefois de certaines prestations spéciales. Lorsque la législation française reconnaît l'égalité des droits, il n'y a pas de problème. Le France ne veut pas créer, parmi les étrangers, une catégorie spéciale, celle des réfugiés, qui serait soumise à un régime moins favorable.
Deuxième hypothèse, entièrement contraire à la première : l'étranger n'a aucun des droits dont bénéficient les nationaux. Par exemple, le droit de suffrage et le droit d'éligibilité qui sont généralement refusés aux étrangers. Dans ce cas, aucune difficulté.
La troisième hypothèse est plus complexe. Il s'agit de cas ou des droits ne sont accordés aux étrangers que sous conditions de réciprocité. Dans le cas où le Gouvernement français conclut avec un petit Etat un traité comportant pour les Français certains droits et les mêmes droits pour les ressortissants de cet Etat, en France, l'avantage concédé aux ressortissants d'un seul pays doit-il être accordé par la France à tous les réfugiés ? L'article 4, tel que l'interprète M. Juvigny ne signifie pas qu'il y ait lieu d'étendre ce régime à tous les étrangers. Il a constaté, dans les procès-verbaux du Comité, que le représentant du Royaume-Uni avait accepté cet article parce qu'il contenait les mots « en général ». Mais où commence le régime général des étrangers ? Est-ce lorsque la condition de réciprocité est réalisée par un ou deux Etats ou lorsqu'elle l'est par un très grand nombre d'Etats ?
En sortant du domaine de la réciprocité diplomatique pour entrer dans celui de la réciprocité législative, la question se complique davantage encore. Si la législation d'autres pays accorde, par exemple, aux étrangers le droit de préemption, la France doit-elle admettre que tous les réfugiés en France, doivent bénéficier de ce droit, abstraction faite de toute notion de réciprocité ? Donc, dans le cas où un seul pays accorderait une faveur, du fait de sa législation, aux étrangers, la réciprocité serait alors réalisée. La France devrait-elle accorder à tous les réfugiés ce droit ? Ces conséquences peuvent être inacceptables pour la France dans de nombreux cas d'espèce. Elles lui feraient supporter des charges intolérables.
L'orateur déclare qu'il veut pas présenter, pour le moment, de rédaction précise pour cet article. Il veut simplement attirer l'attention sur les différentes interprétations auxquelles le texte de l'article 4 peut donner lieu. La France est prête à accorder aux réfugiés le régime général des étrangers, mais elle n'entend pas faire bénéficier des réfugiés d'un régime qui serait supérieur à celui de la majorité des étrangers. L'orateur rappelle que la clause de réciprocité est souvent favorable pour ses nationaux à l'étranger. Il y a en cette matière, une contre partie d'ailleurs, dans le cas des réfugiés, la problème ne se pose pas dans les mêmes termes. Stipuler l'absence de réciprocité dans un projet de convention n'est pas en rapport avec la situation réelle des réfugiés, ni avec les charges exceptionnelles qui pèsent sur les Etats d'accueil comme la France.
Le PRESIDENT remercie le représentant de la France de l'exposé qu'il vient de faire sur la complexité du problème ; cet exposé aidera le Comité à en rechercher la solution. Comme il serait prématuré d'envoyer l'article au Comité de rédaction, le Président prie les représentants de formuler leurs observations.
M. HERMENT (Belgique) pense que la grande difficulté consiste à savoir ce qu'en entend pas droits et faveurs. Certains droits sont admis alors que d'autres, comme par exemple, le droit de prorogation des baux, sont écartés. Il estime que le Comité serait bien inspiré en essayant de déterminer et même d'énumérer les droits et faveurs en question.
M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) déclare que l'OIR a simplement essayé de traduire les intentions du Comité telles qu'elles sont énoncées dans ses propres commentaires et de trouver une formule permettant de faire passer ces intentions dans le projet. C'est là, lui semble-t-il, un problème d'ordre surtout juridique : il s'agit de se mettre d'accord sur le sens et d'accorder un traitement équitable aux réfugiés sans avoir l'air d'accorder un traitement préférentiel.
Les mots « en général » entraîneront bien des complications. Comme on l'a dit, il importe de distinguer entre les cas où le traitement accordé aux réfugiés est soumis à la réciprocité diplomatique et ceux où il ne l'est pas. Mais dans cette dernière éventualité, il n'est pas facile de décider exactement ce qu'est le traitement normal accordé aux réfugiés. Lorsque, l'an dernier, la question a été soulevée, le représentant du Département juridique a déclaré que le traitement accordé ne saurait être jugé simplement d'après les lois actuelles puisqu'il dépend dans une grande mesure de la pratique administrative et de la jurisprudence.
M. Weis est heureux de constater que le Gouvernement du Royaume-Uni a décidé d'accepter l'article tel qu'il est formulé à la lumière des explications données aux pages 39 à 40 du rapport du Comité spécial (E/1618), mais la réciprocité ne joue pas un très grand rôle dans le cas du traitement accorde aux étrangers dans le Royaume-Uni. Toutefois, l'OIR estime que la formule actuelle ne répondrait pas aux nécessités de la situation dans les pays dont la législation repose sur le Code Napoléon ni à celles des pays à législation mixte. Le Comité a pour tâche de découvrir une formule s'appliquant à tous les systèmes juridiques. De l'avis de l'OIR, il n'est pas juste de qualifier, comme on l'a fait à plusieurs reprises, le traitement qui doit être accordé aux réfugiés de « préférentiel ». On vise simplement à leur assurer soit un régime dont jouissent comment tous les étrangers, soit en certaines matières, un traitement adapté a leur situation particulière. Ainsi, par exemple, certaines clauses le réciprocité prévoient qu'un étranger ayant besoin de l'assistance publique recevra du pays où il a sa résidence une aide qui sera remboursée par le pays dont il a la nationalité, ou encore qu'il sera renvoyé dans son pays d'origine ou il aura automatiquement droit à l'assistance. Ni l'une ni l'autre de ces méthodes ne peuvent s'appliquer dans le cas d'un réfugié ; il faut donc prévoir un traitement spécial assimilant l'aide accordée aux réfugiés à celle dont bénéficient les nationaux. Si en qualifiait ce traitement de « préférentiel », on pourrait facilement croire qu'il s'ait d'un régime de faveur.
L'article 4 du projet actuel de convention n'est pas nouveau, puisqu'il existait sous une forme différente dans les conventions de 1933 et 1938, où il s'est avéré assez utile. Depuis cette époque, la situation a évolue, et le traitement préférentiel est accordé grâce aux clauses de la nation la plus favorisés ; certains pays désireront peut-être disposer d'une clause de réserve du genre de celle que suggère l'OIR. Cette Organisation a donc proposé une clause s'inspirant de celle que contenaient les Conventions de 1933 et de 1938, mais prévoyant une disposition supplémentaire destinée à englober le traitement préférentiel.
Quant aux observations présentées par divers pays, celles de l'Autriche, selon lesquelles il faudrait donner à cet article la forme d'une recommandation, ne répondraient pas aux circonstances, puisque la convention doit avoir force obligatoire. Les commentaires du Gouvernement montrent qu'il est nécessaire de prévoir des réserves, afin d'éviter que les réfugiés ne jouissent de privilèges qui ne sont accordés qu'à un très petit nombre d'étrangers. Dans ses observations, le Gouvernement d'Israël a attiré l'attention sur la nécessité, à laquelle l'OIR a essayé de face, d'incorporer les commentaires dans le texte de l'article.
Selon Sir Leslie Brass (Royaume-Uni), l'attitude qu'adoptera chaque pays à l'égard de l'article 4 dépendra nécessairement de la législation qu'il appliqué à l'égard des étrangers. On a dit, au cours des débats de la dernière session, que dans certains pays les étrangers n'ont aucun droit, sauf la base de la réciprocité. C'est tout le contraire au Royaume-Uni, où l'article ne peut donc s'appliquer. L'orateur tient à préciser que c'est la raison pour laquelle la délégation du Royaume-Uni ne s'est pas opposée à l'insertion de l'article. Il a déjà su géré que les dispositions de cet article ne devraient s'appliquer qu'aux pays qui ont des accords de réciprocité ; il pense toujours que ce serait là la meilleure méthode. Il rappelle qu'un représentant a déclaré que, dans son pays, un étranger peut posséder des terres si un ressortissant de son pays peut en posséder dans le pays dudit étranger. C'est pour de tels pays, lui semble-t-il, que cet article a été inséré ; un tel régime n'existe pas au Royaume-Uni.
M. ROBINSON (Israël) déclare que l'article 4 constitue un exemple classique de désaccord entre un article et les observations faites à son sujet. La formule proposée dans les observations le l'OIR expose d'abord le principe sur lequel repose le projet primitif, puis elle développe ce principe et se termine par deux paragraphes de restrictions.
Les mots « en général », qui figurent dans le projet élaboré à la première session, proviennent d'une théorie qui n'a aucun fondement dans les faits. La plupart des pays possèdent au moins quatre ou cinq statut des étrangers : certains se fondent sur des accords de réciprocité alors que d'autres ne le font pas, d'autres encore se fondent sur des clauses de la nation la plus favorisée, ou encore sur des rapports étroits entre les pays, comme c'est le cas du Benelux, où il n'existe virtuellement aucune différence entre les étrangers et les nationaux. Aussi, puisque ce paragraphe n'a de fondement ne en fait ni en droit, faut-il commencer par supprimer les mots « en général ».
Pour ce qui est d'étendre ou de restreindre les dispositions de cet article, il est possible de répondre à la nécessite de l'extension en acceptant le deuxième paragraphe du projet de l'OIR. Le premier paragraphe est également rédigé sous une forme acceptable et ne contient pas les mots « en général ». Mais pour ce qui est des restrictions, on peut faire certaines objections aux deux derniers paragraphes du projet de l'OIR. Les réserves qui y sont contenues doivent être maintenues dans la clause générale de réserve, puisque les deux premiers paragraphes contiennent déjà en fait un avertissement énonçant que des réserves vont suivre. Du point de vue de la technique juridique, les réserves ne sont pas à encourager, surtout lorsqu'il s'agit de réserves du genre de celles qui sont mentionnées dans ces deux derniers paragraphes. Aussi, sous réserve de modification de rédaction, l'orateur n'accepte-t-il que les deux premiers paragraphes du projet de l'OIR pour les substituer à la formule proposée par le Comité.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare qu'aux Etats-Unis d'Amérique comme au Royaume-Uni les problèmes de réciprocité ne se posent pas, mais que lui non plus n'a pas d'objection à présenter contre l'insertion de l'article pour les pays dont la situation est différente.
L'exposé du représentant de la France a permis au Comité de prendre, à la présente session, des décisions sur des questions de principe, et de laisser a Comité de rédaction le soin de trouver une formule exacte. Une question a toutefois été soulevée qu'il croyait nettement réglée par le texte actuel, celle de la réciprocité législative. Il croyait que les cas où il existe des clauses de réciprocité étaient précisément ceux que l'en avait voulu envisager. La refonte de cet article devra donc ne laisser aucun doute sur ce point.
Il faut également étudier les cas où il existe des traites de réciprocité avec de nombreux pays, ce qui équivaut à une réciprocité législative. Le représentant de la France a demandé combien de traites de ce genre doivent exister : cinq ou cinquante ? M. Henkin ne saurait, pour sa part, propose de texte, mais le Comité de rédaction devra le faire, à la condition de connaître exactement les voeux du Comité.
Le représentant des Etats-Unis souscrit aux objections soulevées par le représentant d'Israël contre les deux derniers paragraphes du projet de l'OIR, ainsi qu'aux raisons que cet orateur a données de ces objections. La disposition prévoyant que des réserves pourront être présentées après la signature de la convention lui déplaît particulièrement. Les deux premiers paragraphes semblent à première vue acceptables, mais il sera nécessaire de les étudier encore. Il faudra surtout veiller à ce que des étrangers ne soient pas pénalises parce qu'ils n'ont pas de nationalité, et à ce que les réfugiés jouissent des mêmes privilèges que ceux qui sont reconnus aux étrangers par des traités ou de toute autre manière.
M. JUVIGNY (France) ne croit pas que les deux premiers paragraphes du texte présenté par l'OIR permettent de réaliser l'idée qui a déjà été émise. Il est certain que les réfugiés ne doivent pas être pénalises parce qu'ils sont des réfugiés. Mais le texte de l'article, tel qu'il est rédige par l'OIR, crée une serte d'automaticité des faveurs à accorder aux réfugiés. Ce texte peut dire deux choses : ou bien, d'une part, que, si les textes législatifs précisent que les étrangers ne bénéficient de droits que sous condition de réciprocité, on doit néanmoins les accorder aux réfugiés, et l'orateur ne pense pas que tel est le sens que le Comité entend approuver ; ou bien que, si certains droits sont accordés par la législation nationale sous conditions de réciprocité, il faut nécessairement étendre ces droits à tous les réfugiés lorsque la condition de réciprocité est réalisée dans un ou plusieurs pays. Le Gouvernement français ne saurait accepter cette thèse. Certes le texte de l'article 4 du projet de convention n'est pas parfait, mais il lui paraît en tout cas moins criticable en raison du fait qu'il ne crée pas une automaticité que le Gouvernement français ne saurait admettre.
Le Comité décide de renvoyer l'article 4 au Comité de rédaction.
Article 5 : Dispense des mesures exceptionnelles
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) a peu de remarques à ajouter aux observations présentées par son Gouvernement dans le document E/AC.32/SR.40 (page 35) ; elles ont été rédigées avec l'idée que, pour le Royaume-Uni, la sécurité doit primer toutes les autres considérations étant donné la leçon de l'expérience. Le sens de l'expression « Cinquième colonne » est bien connu. Un Etat, au moment d'une crise nationale, peut avoir sur son territoire un grand nombre de sujets d'un pays ennemi se faisant passer pour réfugiés, qu'ils aient été privés ou non de leur nationalité, ou qu'ils soient ou non de véritables réfugiés. L'orateur décrit la situation en 1940, date à laquelle le Royaume-Uni se trouvait dans une situation sérieuse et a jugé nécessaire d'interner la plupart des ressortissants d'un pays étranger ennemi même s'ils prétendaient être réfugiés. Ce fût la première mesure générale d'internement prise au moment où la nation était en péril. Par la suite, certains d'entre eux furent relâches et d'autres, au sujet desquels des doutes persistaient, restèrent internes. Il ne s'agit pas uniquement d'une question d'internement : en temps de guerre, les sujets d'un pays ennemi ne sont pas autorisés à posséder des appareils photographiques ou de radie, à résider dans certaines régions, etc. et le Royaume-Uni, en cas d'urgence, peut désirer imposer des restrictions de ce genre à tous les sujets d'un pays ennemi, qu'ils soient réfugiés ou non.
Du fait d'un danger éventuel, le Gouvernement du Royaume-Uni estime qu'il serait dangereux et contraire aux intérêts de la population du Royaume-Uni de ne pouvoir prendre des mesures exceptionnelles contre les réfugiés. Le Gouvernement du Royaume-Uni ne désire pas créer pour quiconque des inconvénients plus graves que ceux que justifie la situation, et c'est avec le plus grand regret qu'au cours de la dernière guerre le Royaume-Uni a été obligé de prendre certaines mesure.
Son Gouvernement ne peut accepter l'article 5 sous sa forme actuelle, à moins qu'il n'ait la possibilité de prendre au moment d'une crise nationale des mesures de contrôle bien établies. Une façon de traiter le problème consisterait à établir un article général permettant aux Etats contractants de déroger, en temps de guerre, aux dispositions du projet de convention et de notifier aux autres Etats contractants les mesures prises à ce sujet.
Le PRESIDENT demande aux représentants s'ils sont disposé à entendre un exposé du représentant du Congrès juif mondial.
Il en est ainsi décide.
M. BIENENFELD. (Congrès juif mondial) remercie le Comité de l'autoriser à prendre la parole au sujet de l'article 5 qui, dit-il, est très important pour les réfugiés. Au cours de la dernière guerre de nombreux réfugiés, qui avaient dû fuir leur pays d'origine parce qu'ils étaient opposés à la politique du gouvernement, ont néanmoins été traités comme s'ils avaient vraiment été des ressortissants de l'Etat qu'ils avaient fui.
Ses observations ne sont pas dirigées contre le Gouvernement du Royaume-Uni qui a généreusement accordé asile à un grand nombre de réfugiés. L'orateur reconnaît que le Royaume-Uni a été obligé d'interner les réfugiés à un certain moment de la dernière guerre, étant donné le grand nombre qui avait été admis, et faute de savoir au juste si certains d'entre eux du moins ne constituaient pas un danger éventuel à une époque critique de la guerre. Ceci admis, l'orateur soutient que la proposition du représentant du Royaume-Uni va trop loin. Chacun admettra qu'en temps de crise un gouvernement peut être obligé d'interner les réfugiés afin de rechercher s'il s'agit ou non de véritables réfugiés et si, en conséquence, ils ne constituent pas un danger éventuel pour la sécurité du pays. Mais l'orateur se demande s'il ne suffirait pas d'ajouter a l'article 5 un second paragraphe tendant à ce que les pays puissent, en temps de crise, instituer des mesures de contrôle afin de rechercher s'il s'agit de réfugiés authentiques ou non. Si la suggestion du représentant du Royaume-Uni est acceptée sous sa forme actuelle, d'autres pays pourront refuser d'accorder la protection prévue aux réfugiés et les laisser réduits à l'impuissance au moment où ils ont le plus besoin de protection. L'orateur demande instamment au représentant du Royaume-Uni de limiter sa proposition à des mesure provisoires, à savoir les enquêtes effectuées pour des raisons de sécurité. Il espère que sa proposition sera favorablement examinée, étant donné qu'elle provient d'une organisation qui est très au courant du problème et qui désire que le sort des réfugiés ne sot pas aggravé par un article quelconque du projet de convention.
Le PRESIDENT déclare que le Comité de rédaction tiendra compte de l'exposé fait par le représentant du Congrès juif mondial.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) rappelle que le sujet a fait l'objet de longues discussions au cours de la dernière session et a été reconnu comme ayant une importance considérable.
Il comprend bien le point de vue soulevé par le représentant du Royaume-Uni car il convient de satisfaire les exigences de la sécurité nationale pour autant qu'elles sont réelles et indispensables. En conséquence, il reconnaît que l'on devra peut-être prendre certaines mesures, soit prévoir une réserve, soit modifier la rédaction pour tenir compte des cas signales par le représentant du Royaume-Uni. D'un autre côte, il serait injuste qu'un véritable réfugié soit pénalisé, et puni du fait des mesures applicables d'une façon générale, aux sujets d'un pays ennemi, cela uniquement parce qu'il est ressortissant ou ancien ressortissant d'un pays qu'il a fui. Lorsqu'il modifiera le texte actuel de l'article 5, le Comité devrait avoir en vue surtout de concilier les besoins des réfugiés et les nécessitées de la sécurité nationale.
Le représentant du Royaume-Uni a soulevé un point crucial, à savoir : s'agit-il d'un véritable réfugié ou non ? Mais aucune des dispositions du projet de convention ne pourra s'appliquer à moins qu'il ne s'agisse d'un réfugié authentique.
Il convient d'aborder le problème avec l'idée que le nombre des réserves doit être aussi restreint que possible. La sécurité n'est pas la seule question en jeu. Il peut exister dans un pays de nombreuses dispositions relatives aux étrangers qui ne sont pas fondées uniquement sur des raisons de sécurité, par exemple des mesures de confiscation, des restrictions en matière commerciale, etc. et dans ces cas-là, le véritable réfugié ne doit pas être frappé par la loi mais doit avoir la possibilité de prouver sa bonne foi.
Le problème consiste surtout à rédiger un texte qui, tout en contenant les réserves souhaitées par le représentant du Royaume-Uni, protégerait les droits des véritables réfugiés.
M. THEODOLI (Italie) remarque que la question principale est de savoir si, en temps de crise, un Etat contractant peut avoir recours à des mesure exceptionnelles. L'orateur mentionne la situation en Italie au début de la guerre alors que des milliers de réfugiés s'étaient massés aux frontières de ce pays. Est-ce que les mesures de contrôle et les sévères restrictions imposées à la liberté de mouvement à cette époque doivent être considérées comme des mesures exceptionnelles ? Il espère que le Comité de rédaction tiendra compte de ce point et trouvera un libellé approprié qui traitera de ces mesure essentielles au moins dans leur phase initiale.
Le PRESIDENT estime que le point soulevé par le dernier orateur est traité au second paragraphe de l'article 26 du projet de convention.
Prenant la parole en tant que représentant du Danemark, il estime que l'article 5 serait suffisant sous sa forme actuelle, si l'on mettait davantage en relief les termes « uniquement en raison de sa nationalité ». Au cours de la dernière guerre, un pays allié a été obligé d'interner dès le début tous les réfugiés allemands, non seulement en raison de leur nationalité, mais à cause de la crainte que les gens de cette nationalité pouvaient présenter un danger pour la sécurité nationale.
M. HERMENT (Belgique) appuie la déclaration que vient de faire le Président en sa qualité de représentant du Danemark. Il ne faut pas perdre de vue que l'article 5 vise les réfugiés qui se trouvent déjà le pays et qui ont déjà donné lieu à une enquête. Il y a donc déjà une garantie pour l'Etat dans lequel se trouvent de tels réfugiés.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) s'inquiète de la façon dont le Président interprète l'article 5 à savoir que même sous sa forme actuelle, cet article signifierait que des mesures provisoires pourront être prises contre des réfugiés en temps de crise nationale.
D'après l'exemple cité par le Président, des réfugiés seraient vises par les mesures exceptionnelles prises contre les ressortissants allemands considérés ipso facto comme suspects. L'orateur estime que ce serait là une violation des dispositions de l'article à moins que l'on ne fasse explicitement figurer dans ce dernier des exceptions. Il ne tient pas a ce que l'article puisse être interprété d'une façon différente et moins libérale que celle que son texte le permet actuellement.
L'orateur fait remarquer que certains réfugiés seraient des apatrides et que d'autres conserveraient en droit leur nationalité et, de ce fait, il n'y a pas de raison de traiter ces derniers moins bien que ceux qui seraient apatrides. Des mesures exceptionnelles ne doivent pas être appliquées à un réfugié uniquement du fait de sa nationalité, même si à un moment particulier, il a pu donner naissance à des soupçons du fait de cette nationalité.
Des mesure exceptionnelles ne sont pas nécessaires sauf dans des cas très spéciaux et l'orateur espère que toute réserve ou modification apportée au texte actuel sera aussi peu importante que possible et sera limité aux cas signalés par le représentant du Royaume-Uni.
M. ROBINSON (Israël) rappelle aux représentants qu'au cours de la dernière session, il a été fait mention d'autres exemples de mesures exceptionnelles ; ainsi le cas de conflit économique entre deux pays à la suite duquel certaines représailles sont exercées contre les citoyens respectifs de ces pays. Ces mesures peuvent atteindre des réfugiés qui, à l'origine, étaient des ressortissants de l'un ou de l'autre de ces pays. On ne peut pas permettre que ces représailles aient lieu comme conséquence du fait qu'un réfugié conserve son ancienne nationalité bien qu'il n'accepte plus la protection qu'elle lui offrait.
Le Président envisageait deux genres de restrictions : premièrement, restrictions d'ordre général s'appliquant aux sujets d'un pays ennemi ; et deuxièmement, restrictions particulières s'appliquant aux ressortissants allemands. Le résultat de l'application de l'article 5 serait qu'un réfugié tomberait sous le coup des restrictions d'ordre général mais ne se verrait pas appliquer les restrictions imposées aux ressortissants allemands, ce qui le mettrait dans une situation privilégiée.
La question des réfugiés véritables soulevé le problème d'une nouvelle définition. Il existe deux solutions : une solution l'ordre général, selon laquelle toute mesure aux termes de l'article 5 est considérée comme étant prise en faveur du réfugié véritable et il est inutile dans ce cas de définir ces réfugiés aux termes de l'article 5 ; ou bien on peut préciser à l'article 5 que les Etats ont le droit de rechercher si un réfugié est de bonne foi ou non puisque aucune convention ne peut limiter ce droit. En ce qui concerne la rédaction de l'article 5, la question consiste à trouver le moyen de préciser qu'il s'agit du troisième type de réfugié, à savoir le réfugié véritable, lequel n'est pas identique au réfugié tel qu'il est défini à l'article 1.
L'orateur tient à préciser que les mesures visées dans l'article 5 ne visent pas uniquement les périodes de crise. Il conviendrait d'ajouter un second paragraphe prévoyant les cas particuliers dans lesquels les droits des réfugiés pourraient être limités mais uniquement dans la limite strictement indispensable.
M. CHA (Chine) décrit la situation de la Chine de 1931 à 1945, alors qu'elle avait à faire face au problème des réfugiés provenant de Mandchourie (territoire occupé par les Japonais) où les habitants étaient considérés comme étant Chinois mais n'avaient jamais été reconnus comme tels pour des raisons de sécurité. Sa délégation préfère voir appliquer des principes plus libéraux aux réfugiés véritables mais accueillera volontiers une disposition permettant aux gouvernements de prendre des mesures exceptionnelles fondées sur la nationalité des réfugiés.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) tient à préciser que son intervention visait les réserves exceptionnelles. Il estime que le problème de la sécurité ne se présentera guère dans le cas de réfugiés véritables. Il est essentiel de déterminer en premier lieu si un réfugié est de bonne foi ou non et s'il conserve en fait sa nationalité d'origine.
M. WINTER (Canada) Rapporteur, demande si le représentant du Royaume-Uni peut propose un texte convenable dont pourrait s'inspirer le Comité de rédaction.
M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) ; en réponse aux remarques faites par l'observateur de l'Italie, déclare que les termes de l'article 5 ne s'appliqueraient pas au cas signalé par ce dernier parce que les mesures exceptionnelles prises dans ces cas là ne le sont pas contre des personnes, du fait de leur nationalité, mais parce que ce sont des réfugiés. Ce point est traité dans le paragraphe 2 de l'article 26 qui prévoit des mesures spéciales pour des personnes de ce genre.
La séance est levée à 17 h. 30