CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : AIDE-MEMOIRE SUR LA QUESTION DES REFUGIES
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : AIDE-MEMOIRE SUR LA QUESTION DES REFUGIES
A/CONF.2/NGO.2
Exposé présenté par le Comité International de la Croix-Rouge, organisation non-gouvernementale entretenant des relations aux fins de consultations avec le Conseil économique et social.
Le Secrétaire exécutif a reçu l'exposé suivant, dont le texte est distribué conformément aux dispositions de l'Article 27 du Règlement de la Conférence.
Date de la communication : 2 juillet, 1951
Date de réception : 2 juillet 1951
Au moment où va se réunir à Genève la Conférence diplomatique chargée par l'Assemblée générale des Nations Unies d'élaborer un statut des réfugiés, le Comité international de la Croix-Rouge croit utile de rappeler les principales idées qui, à diverses reprises, ont inspiré son intervention dans ce domaine.
Le projet de Convention pour la protection des civils soumis par le Comité international de la Croix-Rouge, en 1948, à la XVIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, contenait la disposition suivant :
ARTICLE 127 - RETOUR AU DOMICILE, EMIGRATION
Les Hautes Parties contractantes s'efforceront, à la fin des hostilités ou de l'occupation, de favoriser le retour à leur domicile ou l'établissement dans un nouveau domicile de toutes les personnes qui, du fait des hostilités ou de l'occupation, sont dans l'impossibilité de mener une existence normale à l'endroit où elles se trouvent.
Elles veilleront notamment à ce que ces personnes puissent, si elles le désirent, se rendre dans d'autres pays et soient munies, à cet effet, de passeports ou de documents en tenant lieu.
Le premier paragraphe donnait, sans mentionner le mot « réfugié », une définition empirique, mais largement humaine de ce terme. Approuvé tel quel par la Conférence de la Croix-Rouge, l'art. 127 fut incorporé au texte qui devait servir de base aux délibérations de la Conférence diplomatique de Genève, en 1949.
Pourtant la Convention de Genève N° IV (Civils) n'en fait nulle mention. C'est l'une des rares dispositions du projet qui n'aient pas été reprises, avec ou sans amendement, dans le texte définitif de la Convention.
L'on se tromperait toutefois si l'on en déduisait, à priori, que les plénipotentiaires de 1949 n'ont pas adhéré aux principes de l'art. 127. La Conférence s'est simplement rangée à l'avis d'une délégation qui fit observer que le problème des réfugiés était trop vaste pour être ainsi réglé en quelques lignes dans une Convention dont l'objet, au surplus, était autre. Encore, le porte-parole de cette délégation tint-il à rendre hommage aux « admirables principes et idéaux exprimés par ce texte ». Aucune délégation ne critiqua les principes en cause et, même, deux délégations, l'une de l'une de l'Amérique du Sud, l'autre du nord de l'Europe, insistèrent, au sein de la Commission compétente, pour que l'art. 127 fût, sous une forme ou sous une autre, maintenu.
La Conférence en décida autrement, parce que, semble-t-il, l'étude du problème des réfugiés par le Conseil économique et social des Nations Unies était déjà avancée. De fait, un projet de convention internationale, formant statut des réfugiés devait, quelques mois plus tard, être établi par ce Conseil et soumis par lui à l'Assemblée générale des Nations Unies.
C'est ce projet que discutera la Conférence qui se réunit à Genève.
Le Comité internationale de la Croix-Rouge ne peut que rendre hommage à l'esprit dans lequel ce texte a été conçu. Il codifie, en quelque sorte, la matière de diverses conventions antérieures auxquelles, souvent, avait fait défaut la ratification des Puissances ; il formule des obligations précises pour tenter de remédier à l'un des maux les plus graves dont souffre aujourd'hui l'humanité.
On peut se demander, néanmoins, si, dans son étendue, le texte proposé répond entièrement au bref postulat que comportait l'art. 127 du projet de Stockholm. Sans doute cet article n'avait-il qu'une protée déclarative, limitée encore par le caractère optatif de la proposition ; du moins laissait-il entendre clairement qu'une solution humaine du problème, étrangère à toute discrimination non fondée, devait être recherchée.
Si l'on conçoit qu'une convention destinée à mettre en oeuvre un principe aussi général comporte des conséquences d'ordre politique, économique et social, sur lesquelles les Puissances s'interrogent avec le souci de leurs responsabilités, le Comité international souhaiterait, cependant, que, sur les principes du moins, l'accord général manifesté à la Conférence de Genève en 1949 pût être confirmé et, s'il se peut, traduit par des textes.
A n'envisager le problème des réfugiés que du point de vue strictement humanitaire, qui est le sien, le Comité international de la Croix-Rouge estime que les idées suivantes devaient être retenues :
« Toute personne que des événements graves auront contrainte à chercher refuge hors du sa résidence habituelle, a droit à l'accueil.1
« Si ladite personne ne peut mener une existence normale là où elle se trouve, elle a, de surcroît, droit à l'assistance de la part de l'Autorité du territoire.
« Dans la mesure où la charge qui en résulte excède les moyens de la puissance publique intéressée, il existe une responsabilité solidaire de la communauté internationale, au nom de la solidarité humaine.
« Cette responsabilité solidaire s'exerce par l'entremise des instances politiques compétentes.
« Les institutions humanitaires sont fondées à seconder, selon leurs moyens, l'action des pouvoirs publics ».
Telles sont les idées qui ont inspiré le CICR quand, par son appel du 1er mai 1950, il a attiré l'attention des Gouvernements et institutions responsables, sur l'importance primordiale que le statut des réfugiés soit, non pas limité par des définitions étroites quant à ses bénéficiaires, mais large et universel, en tenant compte de la triste condition de tous les êtres humains qui, aujourd'hui comme demain, pourront avoir à s'en prévaloir ».
Le Comité international de la Croix-Rouge se devait de préciser sa pansée sur ce grave problème, afin que sa voix fût entendue par tous ceux qui suivent avec sympathie ses efforts en faveur des victimes de la détresse humaine.
1 C'est là une notion nouvelle et étendue du droit d'asile. Il va de soi que cette déclaration appelle des réserves du même ordre que celles qui sont formulées au second alinéa de l'art. 14 de la Déclaration universelles des droits de l'homme, afin de retirer le bénéfice de cette disposition aux criminels de droit commun, reconnus tels selon le droit des gens.