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CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTIEME SEANCE

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.30

28 Novembre 1951
Présents :
Président : M. LARSEN
Membres :
AustralieM. SHAW
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
BrésilM. de OLIVEIRA
CanadaM. CHANCE
ColombieM. GIRALDO-JARAMILLO
DanemarkM. HOEG
EgypteMUSTAPHA Bey
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT
GrèceM. PAPAYANNIS
IrakM. AL PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
ItalieM. THEODOLI
LuxembourgM. STURM
MonacoM. SOLAMITO
NorvègeM. ARFF
Pays-BasM. van BOETZELAER
République fédérale allemandeM. von TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordM. HOARE
Saint-SiègeMgr COMTE
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. SCHURCH
TurquieM. MIRAS
VenezuelaM. MONTOYA
YougoslavieM. MAKIEDO
Haut Commissaire pour les réfugiés :M. van HEUVEN GOEDHART
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales :
Organisation internationale pour les réfugiésM. SCHNITZER
Représentants d'organisations non gouvernementales
Catégorie A
Confédération internationale des syndicats libresMlle SENDER
Catégorie B et registre
Caritas InternationalisM. BRAUN
M. METTERNICH
Comité de coordination d'organisations juivesM. WARBURG
Comité international d'aide aux intellectuelsMlle SILBENSTEIN
Comité des Eglises pour les affaires internationalesM. REES
Conférence permanente des agences bénévolesM. REES
Congrès juif mondialM. RIEGNER
Conseil international des femmesMme GIROD
Conseil consultatif d'organisations juivesM. MEYROWITZ M. BRUNSCHWIG
Ligue internationale des droits de l'hommeM. de MADAY
Pax RomanaM. BUENSOD
Union catholique internationale de service socialMlle de ROMER
Union internationale des Ligues féminines catholiquesMlle de ROMER
Secrétariat :
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

1. RAPPORT CONCERNANT LA VERIFICATION DES POUVOIRS (A/CONF.2/87) (reprise des délibérations de la vingt-huitième séance)

Le PRESIDENT fait connaître que le représentant des Pays-Bas a reçu de son Gouvernement pleins pouvoirs pour signer la Convention. Il y a donc lieu d'ajouter les Pays-Bas à la liste des Etats dont les représentants sont dûment habilités à signer l'Acte final au nom de leur Gouvernement, liste qui figure dans le Rapport concernant la vérification des pouvoirs (A/CONF.2/87, paragraphe 4).

2. EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1, A/CONF.2/5 et Corr.1) (reprise des délibérations de la vingt-neuvième séance)

i) Article premier - Définition du terme « réfugié » (A/CONF.2/78, A/CONF.2/79) (suite)

Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur les amendements à la section F présentés par les délégations de la Belgique et de la Yougoslavie (A/CONF.2/78 et A/CONF.2/79 respectivement).

M. HERMENT (Belgique) indique que la section F de l'article premier tend à étendre l'application du terme « réfugié » à d'autres catégories de personnes, sans préciser suffisamment la procédure que devront suivre les Etats pour assurer cette extension. La procédure suggérée par l'amendement belge laisse toute liberté aux Etats contractants et évite de convoquer une Conférence pour décider de l'application du terme « réfugié » à d'autres catégories de personnes.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) est d'avis que si l'on faisait de la section F une section spéciale, insérée avant la section B, l'amendement yougoslave deviendrait sans objet. Autrement, il devra le maintenir, afin d'éviter toute possibilité de malentendu.

M. HOARE (Royaume-Uni) comprend fort bien dans quelle intention l'amendement de la Belgique a été présenté et, à première vue, n'a aucune objection à formuler.

Il suppose que les mots « s'ils acceptent cette extension » veulent dire que les Etats contractants devront faire connaître au Secrétaire général s'ils sont disposés à étendre l'application du terme « réfugié » aux catégories de réfugiés auxquelles cette application a été étendue par d'autres signataires et dont ils ont été informés. Si tel est le cas, quelques modifications de forme devront être apportées au texte anglais de l'amendement.

M. HERMENT (Belgique) approuve l'interprétation donnée à l'amendement belge par le représentant du Royaume-Uni. Il s'agit bien de l'acceptation par un Etat contractant de l'extension du terme « réfugié » décidée par un autre Etat. Pour éviter tout malentendu on pourrait ajouter dans l'amendement belge après les mots « s'ils acceptent cette extension » les mots « en ce qui les concerne ».

M. HOARE (Royaume-Uni) fait observer que le texte anglais peut donner lieu à certaines difficultés d'interprétation ; mais que, l'intention étant claire, le Comité eu style pourra faire concorder les deux versions.

M. FRITZER (Autriche) croit comprendre que l'objet de la notification mentionnée dans l'amendement de la Belgique n'est pas d'inviter d'autres Etats à accorder des extensions analogues, mais bien de leur demander d'adopter celle qui est accordée par l'Etat auteur de la notification.

M. HERMENT (Belgique) répond que l'interprétation du représentant de l'Autriche n'est pas exacte ; en effet, aucun Etat ne sera en droit d'opposer son veto à l'extension accordée unilatéralement par l'Etat auteur de la notification.

A l'unanimité, l'amendement de la Belgique à la Section F (A/CONF.2/78) est adopté.

Le PRESIDENT dit que si l'on décide de faire de la section F, une disposition spéciale insérée avant la section B, il n'y aura pas lieu de voter sur l'amendement de la Yougoslavie.

M. HOARE (Royaume-Uni) n'est pas convaincu que le transfert proposé pour la section F aurait l'effet souhaité par le représentant de la Yougoslavie, c'est-à-dire celui de rendre la section E applicable à toute extension ultérieure de la définition du terme « réfugié », effectuée en vertu de la section F.

M. ROBINSON (Israël) estime qu'il n'y a aucune suite logique dans la structure de l'article premier, qui pourrait en tout cas être réduit à quatre sections. Il demande au représentant de la Yougoslavie de bien vouloir présenter à nouveau son amendement au moment de la deuxième lecture.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) accepte la proposition du représentant d'Israël.

Le PRESIDENT accepte également cette proposition.

Par 22 voix contre zéro, avec une abstention, l'ensemble de l'article premier ainsi modifié, est adopté.

ii) Nouvel article 6 (a) proposé par la délégation française (A/CONF.2/89)

M. ROCHEFORT (France) dit que le texte présenté par la France (A/CONF.2/89) a été suggéré à l'origine par l'Organisation internationale du Travail. Il vise la situation spéciale de réfugiés engagés dans les équipages des bateaux battant pavillon des Etats contractants. Cette catégorie de réfugiés ne bénéficie d'aucune autorisation de séjour si ce n'est sur le bateau à bord duquel ils se trouvent.

Certes le nombre de cas réfugiés est assez réduit, mais il n'en reste pas moins que leur situation est particulièrement intéressante. Leur situation est, en effet, précaire puisqu'ils ne peuvent même pas descendre à quai dans les ports d'escale. Ce sont, à vrai dire d'éternels flottants. Mais il est difficile de régler cette question par un engagement contractuel, car les pays intéressés veulent bien reconnaître à ces réfugiés la qualité de marins mais ne veulent pas leur accorder sur leur territoire le statut de réfugié, c'est pourquoi, à défaut d'une obligation contractuelle, il convient d'introduire dans la Convention une recommandation en faveur des réfugiés qui sont des marins de bonne foi. Il serait logique que l'on insère cette recommandation après l'article 6 concernant la continuité de résidence, car le problème que soulève le cas des marins réfugiés est pratiquement le même.

M. HERMENT (Belgique) demande au représentant de la France ce qu'il entend exactement par les mots « un marin de bonne foi ». Cette expression signifie-t-elle que le réfugié doive être un marin de profession ?

M. ROCHEFORT (France) n'est pas en mesure de donner des précisions sur ce point. La formule a été suggérés et adoptée par l'Organisation internationale du Travail.

Le représentant de la France propose que l'on vote sur le fond de la proposition et qu'on laisse au Comité du style le soin de trouver une formule satisfaisante.

M. ARFF (Norvège) déclare que le Gouvernement norvégien accorde depuis un certain temps, une grande attention à la question des marins réfugiés. La Norvège est l'un des premiers pays maritimes du monde qui ait accueilli des marins réfugiés provenant des camps de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) en Allemagne et en Italie, et elle les a autorisés à s'engager dans des équipages norvégiens. Les intéressés ont reçu des titres de voyage, en application de l'Accord de Londres du 15 octobre 1946, et leurs familles ont obtenu le permis d'entrée en Norvège.

Ces réfugiés font partie de l'équipage à bord de navires norvégiens, un peu partout dans le monde, et il est difficile d'en évaluer le nombre. Ainsi que le représentant de l'Organisation internationale du Travail l'a fait remarquer lors de la douzième séance, leur nombre serait assez réduit si l'on en croit les évaluations qu'ont pu en faire l'Organisation internationale du Travail et l'OIR ; personnellement, le représentant de la Norvège doute cependant qu'il soit aussi faible qu'on l'a dit. Il arrive souvent que ces marins réfugiés doivent débarquer dans des ports scandinaves ; leur statut de réfugiés les empêche alors de poursuivre leur voyage avant l'arrivée d'un autre bateau qui puisse les embarquer. Il est difficile de se faire une opinion sur le nombre de ces marins servants actuellement à bord de navires norvégiens et le Gouvernement de la Norvège étudie l'ensemble de la question.

De nombreux navires marchands norvégiens restent longtemps en mer et ne touchent que rarement des ports norvégiens. Il est de ce fait difficile de démontrer que les marins réfugiés sont, techniquement parlant, des réfugiés, ainsi qu'ils le prétendent, étant donné qu'il n'y a aucune méthode qui permette de vérifier leurs assertions. Ni le Bureau international du Travail ni l'OIR ne peuvent apparemment décider s'ils sont bien des réfugiés de bonne foi. M. Arff se demande donc s'il est souhaitable qu'un seul pays accorde des avantages à ces prétendus réfugiés si les mêmes avantages ne leur sont pas reconnus également par d'autres nations maritimes ; en effet, les marins ont tendance à s'engager à bord de bateaux appartenant aux pays qui leur accordent les meilleures conditions de sécurité sociale.

Il convient également de relever que la marine marchande est très sensible aux fluctuations de la situation mondiale et, par conséquent, particulièrement exposée au chômage. A cet égard, un petit pays comme la Norvège, bien qu'il possède la troisième marine marchande du monde, est particulièrement vulnérable, étant donné qu'une bonne partie du fret provient de pays étrangers. La charge que représente un grand nombre de marins étrangers à bord de ses bateaux lui est donc particulièrement lourde. Toutefois, ainsi que le chef de la délégation de la Norvège l'a déjà fait observer, le Gouvernement de ce pays étudie de très près la question et prendra des mesures généreuses à l'égard des marins réfugiés qui ont longtemps servi dans la marine marchande norvégienne et qui ont leur domicile en Norvège. Il se réserve néanmoins le droit de prendre une décision pour chaque cas particulier, après enquête appropriée.

D'autre part, il y a de nombreux marins réfugiés de bonne foi qui naviguent à bord de bateaux norvégiens et qui sont devenus apatrides à la suite d'une absence prolongée de leur pays d'origine. Il y aura lieu de tenir compte également de cette catégorie.

Bien que la question ne soit pas encore mûre pour une décision, le représentant de la Norvège ne votera pas contre la proposition de la France ; toutefois, il tient à insister pour que la question fasse l'objet d'une étude approfondie de la part du BIT et de l'OIR, en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés.

A son avis, le texte proposé par la délégation française est d'une portée un peu trop large, notamment en ce qui concerne les mots « de faire compter, dans la durée de son séjour sur le territoire d'un Etat contractant, toute période passée comme membre d'équipage à bord d'un bateau battant pavillon dudit Etat ». L'effet de cette clause serait de faire bénéficier ces marins de tous les avantages que la Convention accorde aux réfugiés.

M. Arff ajoute que, pour l'emploi de marins réfugiés à bord d'un navire marchand norvégien, le capitaine est seul compétent pour accepter ou rejeter leur candidature, les autorités gouvernementales norvégiennes n'ayant aucun pouvoir à cet égard.

M. HOARE (Royaume-Uni) approuve la manière dont le représentant de la Norvège a exposé quelques-unes des difficultés qui découlent du problème.

La résolution adoptée par la Commission paritaire maritime de l'Organisation internationale du Travail demande aux gouvernements de faciliter l'obtention d'un pays de résidence et du titre de voyage par les marins professionnels réfugiés, « par exemple en permettant que le temps passé à bord d'un navire soit compté comme période de séjour dans le territoire où le navire est immatriculé. » Il souscrit à la première partie de cette résolution, mais il estime que le membre de phrase qu'il a cité soulève de grandes difficultés ; en effet, beaucoup de ces marins, tout en étant des réfugiés de bonne foi, peuvent s'embarquer sur des navires immatriculés dans d'autres pays, interrompant ainsi la période qui compterait comme durée de séjour. Le Royaume-Uni a des navires qui sillonnent toutes les mers du monde et un navire naviguant par exemple dans les mers de Chine pourra recueillir des réfugiés qui n'ont jamais mis le pied sur un territoire britannique. Il ne semble pas justifié, dans ce cas, de compter leur temps de service à bord, comme durée de séjour.

Il faudrait formuler cette recommandation en des termes qui répondent mieux à la situation réelle et qui soient plus acceptables pour les Etats.

Les Etats doivent faire preuve du plus grand libéralisme en facilitant l'établissement sur leur territoire des marins réfugiés de bonne foi. Ces marins auront des congés à terre ; ils voudront peut-être se marier et s'établir ; les Etats doivent leur donner toute possibilité de fonder un foyer sur leur sol. En pareil cas, les marins doivent être considérés comme résidant dans le pays, et on doit leur délivrer des titres de voyage.

Puisque, en étudiant cette question, la Conférence ne peut faire autre chose que formuler une recommandation, il serait préférable de ne pas inclure la proposition française dans la Convention elle-même, mais plutôt de l'ajouter en annexe sous la forme d'une recommandation. Le représentant des Pays-Bas a déjà émis l'opinion que l'on aurait avantage à procéder ainsi en ce qui concerne certains articles. Au surplus, le représentant de l'Organisation internationale du Travail n'a soulevé aucune objection contre cette procédure dans le cas d'espèce qui se discute en ce moment.

M. ROCHEFORT (France) acceptera toute méthode permettant d'introduire la recommandation dans le projet de convention sous une forme ou sous une autre. La question de savoir avec précision ou l'on insérera cette recommandation importe peu, pourvu que l'on atteigne le but visé.

Mlle SENDER (Confédération internationale des syndicats libres) invitée par le PRESIDENT à prendre la parole, fait observer que le temps passé par un marin à bord d'un navire est inscrit sur son livret. On pourrait donc recommander aux nations maritimes de compter les périodes passées par un réfugié à bord de leurs navires dans la durée du séjour sur leur territoire, imposé pour qu'il puisse bénéficier du statut de réfugié.

M. HOARE (Royaume-Uni) répond qu'il est difficile d'accepter automatiquement ce genre de résidence, mais si la recommandation était rédigée dans le sens qu'il a indiqué, les Etats tiendraient certainement compte du temps passé à bord d'un navire par des marins réfugiés.

Si un marin est considéré comme résidant en Grande-Bretagne et s'il demande la naturalisation, son temps de service à bord d'un navire britannique comptera.

Il n'en irait pas de même d'un marin qui aurait servi longtemps à bord de navires britanniques sans avoir jamais séjourné sur le territoire britannique.

M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) pense que le nouvel article 6 (a) proposé est extrêmement important et qu'il devrait être inclus dans la Convention au profit des marins réfugiés, dont beaucoup se trouvent dans une situation tragique. Il remercie le représentant de la France d'en avoir pris l'initiative ; il remercie également le représentant de la Norvège, pays de traditions généreuses dans ce domaine, de vouloir bien ne pas voter contre cette proposition, bien qu'elle donne lieu à certaines difficultés pour son pays.

Certaines délégations ont insisté sur les difficultés que ferait naître ce texte ; puisque le représentant de la France veut bien ne pas insister sur la rédaction actuelle il faut espérer que les délégations qui s'intéressent à la question voudront bien collaborer à l'élaboration d'une formule acceptable.

M. HERMENT (Belgique) estime qu'en rédigeant la recommandation en question, l'important est de fixer le moment à partir duquel comptera la durée du séjour du réfugié sur le territoire d'un Etat contractant.

Le PRESIDENT constate que l'accord est général sur le fond de la proposition française et propose de la mettre aux voix, sous réserve des modifications de forme que pourrait y apporter le Comité du style.

Par 22 voix contre zéro, avec 2 abstentions, la proposition française (A/CONF.2/89) relative à un nouveau paragraphe 6 (a) est adoptée, sous réserve des modifications de forme que pourrait y apporter le Comité du style.

iii) Nouvel article 17 (a) proposé par la délégation du Luxembourg (A/CONF.2/94)

M. STURM (Luxembourg) présente sa proposition en faveur d'un nouvel article (A/CONF.2/84) et qui est inspirée de la déclaration faite à la onzième séance par le représentant de Pax Romana. Cette proposition envisage d'insérer dans le projet de Convention un nouvel article assurant aux réfugiés le libre exercice de leur religion. Ainsi que l'a souligné le représentant de Pax Romana, on s'est uniquement préoccupé jusqu'ici d'assurer le bien-être matériel des réfugiés et on a négligé de leur assurer l'exercice de leurs droits spirituels qui sont tout aussi importants que leurs droits matériels. Il faut permettre aux réfugiés, qui se trouvent souvent dans un grand état de détresse, de bénéficier du secours moral que leur religion peut leur apporter et cela non seulement dans leur propre intérêt, mais aussi dans celui des pays d'accueil. Il convient toutefois d'apporter aux droits ainsi assurés aux réfugiés une légère restriction : la liberté de culte doit être limitée par les dispositions des lois et règlement en vigueur dans les différents pays d'accueil.

Le représentant du Luxembourg espère que les pays démocratiques qui assistent à cette Conférence accepteront la proposition qu'il présente.

Mgr. COMTE (Saint-Siège) rappelle aux représentants que la Conférence élabore une convention visant à assurer aux réfugiés une protection importante et l'exercice de droits imprescriptibles. Il serait dangereux de lui donner une portée trop limitée. Dans l'examen du douloureux problème des réfugiés, il est inévitable que des divergences de vues s'élèvent entre les nombreuses délégations présentes à la Conférence.

Toutefois, il semble que la proposition de la délégation du Luxembourg ne doive pas donner matière à de telles divergences de vues. Il manquerait quelque chose à l'oeuvre de la Conférence si elle omettait de prévoir dans la Convention le droit pour les réfugiés de pratiquer librement leur religion. Ce droit est, en effet, aussi essentiel que le droit à la subsistance et au logement. Chacun sait ce que la pratique de la religion peut apporter de réconfort à celui qui souffre. D'autre part, il ne faut pas oublier que les Conventions de Genève de 1949, conclues sous les auspices du Comité international de la Croix-Rouge reconnaissent ce droit de pratiquer librement sa religion. Le nouvel article proposé par la délégation du Luxembourg doit donc trouver sa place dans le projet de convention. Il semble toutefois que ce texte serait mieux à sa place dans l'article 3 (Non-discrimination), dont il pourrait constituer le second paragraphe. L'article 3 comprendrait ainsi un élément négatif et un élément positif. Toutefois, il s'agit là d'une question secondaire, et le Saint-Siège ne verrait pas d'inconvénient à insérer le nouveau texte proposé après l'article 17. L'essentiel est que ce texte comporte un engagement contractuel pour les Etats.

M. MONTOYA (Venezuela) appuie chaleureusement la nouvelle proposition. La pleine liberté de pratiquer une religion est un droit humain imprescriptible, pleinement garanti par la Constitution du Venezuela.

Il estime qu'une disposition d'ordre spirituel aussi importante serait déplacée dans un chapitre traitant de subsistance, de logement, d'assistance publique et d'autres aspects du bien-être matériel humain. Il est, par conséquent, heureux que le représentant du Saint-Siège ait proposé de l'insérer à la suite de l'article 3. Une autre solution serait de l'insérer dans l'article 7, relatif au statut personnel des réfugiés.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) estime que la proposition de la délégation du Luxembourg comble une lacune importante de la Convention et il lui donne son appui sans réserve.

M. HERMENT (Belgique) appuie chaleureusement la proposition du Luxembourg.

Il pense toutefois que ce texte serait mieux à sa place parmi les principes généraux énoncés dans la Convention. Il pourrait faire, par exemple, l'objet d'un nouvel article 4.

M. PETREN (Suède) approuve également l'amendement du Luxembourg, mais il propose que le mot « convictions » à la fin du texte français, soit remplacé par le mot « confession ». L'instruction primaire est obligatoire en Suède et les parents qui n'ont pas les moyens d'envoyer leurs enfants dans une école privée sont obligés de les envoyer dans une école publique où l'instruction religieuse est donnée selon le dogme Luthérien. Si un réfugié appartient à une autre confession, il a toute liberté de faire dispenser ses enfants des cours d'instruction religieuse, mais ceci ne s'applique qu'aux parents qui professent une autre religion que la religion luthérienne ; par exemple des réfugiés libre-penseurs ne pourraient pas empêcher leurs enfants de suivre les cours d'instruction religieuse dans les écoles publiques.

M. STURM (Luxembourg) approuve les suggestions des représentants du Saint-Siège, du Venezuela et de la Belgique et ne s'oppose pas à ce que la proposition fasse l'objet d'un nouvel article 4.

M. ROCHEFORT (France) appuie bien volontiers la proposition du Luxembourg.

Mais c'est dans la forme qu'il convient de donner à la déclaration de principe que réside la difficulté. La question est liée aux dispositions de la constitution de certains Etats. Ce n'est d'ailleurs pas le cas pour la France, et l'introduction, dans le projet de convention de la proposition du Luxembourg, ne la gênera en aucune façon. Le problème touche également à la question des églises nationales. Enfin, assurer aux enfants l'éducation religieuse conforme aux convictions de leurs parents équivaut pratiquement, pour les Etats, à accorder des subventions aux écoles libres. La délégation française n'est pas actuellement en mesure d'accepter cette disposition. Bien entendu, la France accepte de tout coeur le principe qui a inspiré l'amendement luxembourgeois, mais il se pose pour elle une question de choix des termes, lorsqu'il s'agit de l'application de ce principe. Mgr COMTE (Saint-Siège) fait observer que si l'expression « leurs convictions » a été employée dans l'amendement du Luxembourg au lieu des mots « leur confession », c'est parce que cette expression figure dans la Déclaration des droits de l'homme. Le Saint-Siège ne s'oppose toutefois pas à ce que l'on remplace cette expression par les mots « leur confession », ainsi que l'a demandé le représentant de la Suède. Répondant au représentant de la France, le représentant du Saint-Siège dit que les préoccupations exprimées par la France ne lui ont pas échappé. Il ne pense pas toutefois que les craintes de la France soient bien fondées. Il y a en effet une nuance entre le culte extérieur et le culte public. En effet, le culte public ne se pratique pas nécessairement à l'extérieur et s'il n'exclut pas le culte extérieur, il ne l'implique pas nécessairement et il est possible de concilier les deux. Le Saint-Siège espère que la France, qui pratique si franchement et si généreusement la liberté de culte, ne s'opposera pas à ce que ce principe soit énoncé dans la Convention. Pour ce qui est des conséquences d'ordre financier que peut entraîner pour les Etats contractants le fait d'assurer aux enfants une éducation religieuse, le représentant du Saint-Siège voudrait rassurer le représentant de la France à cet égard. Il appartient, en effet, aux familles d'assurer, par leurs propres moyens, l'éducation religieuse des enfants, sans solliciter, pour cela, l'aide du gouvernement.

MUSTAPHA Bey (Egypte) félicite le représentant du Luxembourg de son heureuse initiative. En Egypte, la liberté de culte est garantie par la constitution ; cette liberté est néanmoins limitée par les exigences des lois nationales. Le représentant du Luxembourg lui-même a reconnu cette nécessité ; dans ces conditions, n'accepterait-il pas d'introduire dans sa proposition une clause exprimant le principe de cette limitation ?

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) approuve pleinement la proposition du Luxembourg, mais comme l'a fait remarquer le représentant de l'Egypte, le droit en question doit s'entendre sous réserve des exigences de la législation nationale. Les obligations générales énoncées à l'article 2 du projet de convention s'appliquent sans nul doute au nouvel article, mais pour prévenir tout malentendu, le représentant des Pays-Bas propose d'ajouter après les mots « de pratiquer leur religion, tant en public qu'en privé », le membre de phrase « sous réserve des lois, règlements et autres mesures destinés au maintien de l'ordre public ».

M. HERMENT (Belgique) estime que le membre de phrase proposé par le représentant des Pays-Bas pourrait avoir un effet restrictif. En effet, des lois peuvent être promulguées ou des règlements appliqués, qui fassent échec aux dispositions du nouvel article. Le représentant de la Belgique préférerait la formule suivante ; « Sous réserve des nécessités de l'ordre public ».

Mgr. COMTE (Saint-Siège) estime que la proposition de la Belgique est préférable à celle des Pays-Bas. Elle répond aux préoccupations exprimées par le représentant de la France.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) approuve la proposition du représentant de la Belgique.

M. FRITZER (Autriche) appuie la proposition du Luxembourg, tout en pensant, comme le représentant de la France, que c'est aller trop loin que de stipuler que les Etats contractants accorderont aux réfugiés la liberté « d'assurer à leurs enfants l'éducation religieuse conforme à leurs convictions ». Il estime, lui aussi, que ce dernier membre de phrase impliquerait que l'Etat serait tenu de fournir à ses frais les moyens de donner aux réfugiés une instruction religieuse. C'est pourquoi il propose que le membre de phrase cité soit remplacé par le suivant : « d'élever leurs enfants dans la même religion qu'eux-mêmes ».

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) approuve les différentes opinions exprimées au sujet de la nouvelle proposition. A l'amendement des Pays-Bas, il préfère l'amendement belge, plus bref et plus approprié. Il ajoute que les constitutions des républiques d'Amérique latine garantissent une liberté de culte totale. Il voudrait toutefois que la formule proposée par le représentant de la Belgique soit complétée par les mots « et des bonnes moeurs ».

M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) craint qu'il ne se soit produit une confusion dans l'esprit du représentant de l'Autriche. Le nouvel article n'impose pas aux Etats contractants l'obligation de Veiller à ce que les enfants des réfugiés soient instruits dans la religion de leurs parents. Les Etats doivent simplement accorder aux réfugiés la liberté de pratiquer leur religion et la liberté d'assurer à leurs enfants l'enseignement de leur religion.

M. HERMENT (Belgique) partage la manière de voir du Haut-Commissaire. Il ne s'agit pas, pour les Etats contractants, d'assurer une éducation religieuse aux enfants des réfugiés, mais seulement de permettre aux parents d'assurer cette éducation à leurs enfants.

M. FRITZER (Autriche) accepte l'interprétation fournie par le représentant de la Belgique.

M. HOARE (Royaume-Uni) approuve sans réserve le but de la proposition du Luxembourg mais estime qu'il sera très difficile de trouver une formule juridique satisfaisante pour une telle disposition. Le texte devrait être conçu en des termes qui tiennent compte des méthodes constitutionnelles selon lesquelles est assurée, dans chaque pays, la liberté religieuse. Il serait difficile de traduire en anglais d'une manière satisfaisante l'amendement présenté par le représentant de la Belgique, avec la modification que propose d'y apporter le représentant de la Colombie. Le texte proposé par le représentant du Luxembourg énonce un principe plutôt qu'une obligation contractuelle qu'assumeraient les Etats contractants ; la rédaction adoptée pour ce texte doit convenir à tous les pays intéressés. Enfin, M. Hoare se demande si le texte ne peut pas être pris dans un sens plus large que ne l'interprète le Haut-Commissaire.

Le représentant du Royaume-Uni pense que la Conférence pourrait voter sur le fond de la proposition, étant entendu que le Comité du style modifierait le texte de façon à tenir compte des difficultés que peuvent rencontrer les Etats contractants.

Mgr. COMTE (Saint-Siège) a écouté avec beaucoup d'intérêt les déclarations du représentant du Royaume-Uni. Il pense néanmoins que le texte proposé par le représentant du Luxembourg est acceptable du point de vue juridique. Si c'est le mot « assurer » qui soulève des difficultés, on pourrait le remplacer par les mots « de donner ou de faire donner à leurs enfants l'éducation religieuse conforme à leurs convictions », de façon à donner au texte un caractère moins impératif.

M. ROCHEFORT (France) ne pense pas qu'il convienne d'introduire dans le texte les mots « et des bonnes moeurs », comme l'a proposé le représentant de la Colombie, car il va sans dire que la pratique de la religion va de pair avec les bonnes moeurs. Une telle adjonction supposerait une définition un peu large de la religion. En tout état de cause, la France ne pourrait accepter l'amendement du Luxembourg que s'il ne l'oblige pas à permettre aux réfugiés de constituer certaines chapelles d'obédience nationale. La mention « sous réserve des nécessités de l'ordre public », proposée par le représentant de la Belgique ne suffirait pas à écarter ce risque qui est sérieux.

M. REES (Comité des Eglises pour les affaires internationales), prenant la parole sur l'invitation du PRESIDENT, déclare que le débat montre qu'il n'y a pas lieu, pour lui, d'insister en sa qualité de représentant du Comité des Eglises pour les affaires internationales, pour obtenir l'insertion dans la Convention d'un article tel que celui qu'a proposé le représentant du Luxembourg. Les pays qui ont donné asile aux réfugiés méritent des éloges pour l'assistance qu'ils leur ont donnée dans le domaine religieux. L'insertion dans la Convention d'un article ayant pour objet la liberté religieuse aurait pour effet de renforcer l'autorité morale des réfugiés qui font preuve d'une fidélité inébranlable à leurs croyances.

Il faut espérer que, dans sa rédaction définitive, le texte de la disposition fera clairement apparaître le caractère permissif, à l'égard des parents, et non obligatoire, à l'égard des gouvernements, de la liberté de l'instruction religieuse.

M. CHANCE (Canada) ne pense pas devoir souligner que le soutien du gouvernement du Canada est acquis au principe de la liberté de religion ; il partage cependant l'inquiétude manifestée par certains autres représentants sur la manière de lui donner une consécration juridique dans la Convention. Peut-être la meilleure solution serait-elle d'accepter la proposition du représentant du Royaume-Uni, selon laquelle la rédaction exacte de la clause s'y rapportant devrait être confiée au Comité du style. Le représentant du Canada proposera donc à ce Comité d'examiner la possibilité de rédiger la clause en question sous une forme négative de façon que les Etats s'obligent à ne restreindre en aucune manière, sur leur territoire, la liberté, pour les réfugiés, de pratiquer leur religion, tant en public qu'en privé, et d'assurer à leurs enfants l'éducation religieuse conforme à leurs convictions. Une telle rédaction semble pouvoir répondre à certaines des objections qui ont été présentées. M. Chance partage les craintes exprimées par le représentant du Royaume-Uni en ce qui concerne l'emploi de l'expression « de l'ordre public et des bonnes moeurs ». C'est un fait bien connu que certaines sectes commettent souvent, au nom de leur religion, des actes contraires à « l'ordre public et aux bonnes moeurs ».

Le PRESIDENT rappelle que les autres dispositions de la Convention tendent à assimiler les réfugiés aux autres personnes. Il propose donc que la disposition envisagée soit rédigée de telle manière que les Etats s'obligent à traiter les réfugiés, du point de vue de la religion et de l'instruction religieuse, de la même manière que leurs propres ressortissants.

Mgr. COMTE (Saint-Siège) ne pense pas qu'il soit nécessaire d'employer dans le texte les mots « sous réserve des exigences de l'ordre public ». L'article 2 du projet de convention dit déjà en effet que le réfugié a notamment le devoir de se conformer aux mesures prises pour le maintien de l'ordre public, dans le pays de refuge. Cette disposition a une portée générale qui s'applique à tous les autres articles.

M. ROCHEFORT (France) estime que la suggestion faite par le Président mérite d'être étudiée. Il peut être plus avantageux pour les réfugiés de se voir assurer le traitement des nationaux du pays où ils résident. Il est peu vraisemblable qu'un Etat accordera à un réfugié un régime plus favorable que celui qu'il assure à ses nationaux.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) suggère que le Comité du style envisage de commencer le nouvel article comme suit :

« Toute latitude sera laissée aux réfugiés se trouvant sur le territoire des Etats contractants pour pratiquer en pleine liberté............ et pour assurer à leurs enfants........ »

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) estime que la rédaction suggérée par le Président est préférable à la proposition des Pays-Bas.

M. ROCHEFORT (France) propose de voter sur le principe du nouvel article.

Lorsque la Conférence procédera à la seconde lecture du projet de convention elle disposera du texte définitif de l'amendement élaboré par le Comité du style.

Le PRESIDENT suggère d'adopter la proposition du représentant du Luxembourg quant au fond, et de charger le Comité du style d'élaborer la nouvelle clause en tenant compte, à ce moment là, de toutes les considérations d'ordre technique et juridique dont il a été fait état au cours de la discussion. Le nouveau texte pourrait ainsi être discuté lors de l'examen en seconde lecture.

A l'unanimité, la proposition du Président est adoptée.

iv) Question de l'insertion d'une clause fédérale (A/CONF.2/21, A/CONF.2/90, A/CONF.2/97, E/1721)

Le PRESIDENT invite la Conférence à passer à l'examen de la proposition du représentant d'Israël (A/CONF.2/90), visant à insérer une clause fédérale dans la Convention, et de la proposition du représentant du Royaume-Uni (A/CONF.2/97), tendant à ajouter à ce texte un nouveau paragraphe c). On trouve dans le rapport présenté à la Commission des droits de l'homme sur la clause fédérale et la clause coloniale (E/1721) un compte rendu très complet des débats auxquels cette question a donné lieu au sein des divers organes des Nations Unies, ainsi que le texte des clauses coloniales que contiennent les instruments internationaux adoptés jusqu'ici.

M. ROBINSON (Israël) s'est conformé à ce qu'a fait la délégation d'Israël lors de la première session du Comité spécial ; bien qu'il représente un Etat unitaire, il a présenté une proposition visant à insérer dans la Convention une clause fédérale, clause sans laquelle il pourrait être difficile aux Etats fédératifs de signer la Convention, puisque l'application de ces dispositions peut, dans une certaine mesure, relever de la juridiction des gouvernements provinciaux. Ce problème a déjà fait l'objet d'un examen d'ensemble de la part de l'Assemblée générale, du Conseil économique et social et de la Commission des droits de l'homme ; l'Assemblée générale, a même, par la résolution 421 (V) C, invité la Commission des droits de l'homme à étudier un article relatif aux Etats fédératifs à insérer dans le texte du Pacte international relatif aux droits de l'homme. Il ressort nettement des débats auxquels cette question a donné lieu qu'il peut exister des raisons d'ordre constitutionnel impérieuses pour l'insertion d'une clause fédérale dans les instruments internationaux. On peut citer en exemple la célèbre affaire Attorney-general du Canada - Attorney-general de l'Ontario, qui portait essentiellement sur la question de savoir si le gouvernement fédéral du Canada avait le droit, en ratifiant une Convention de l'Organisation internationale du Travail relative à la durée du travail, d'obliger le gouvernement provincial à appliquer cette Convention, alors que la question qui faisait l'objet de la Convention relevait de la compétence dudit gouvernement provincial. La nouvelle constitution de l'Organisation internationale du Travail contient une clause fédérale, qui fait l'objet de son article 19.

Etant donné que le projet de Convention relative au statut des réfugiés implique, dans une certaine mesure, une intervention dans les affaires relevant de la compétence nationale des Etats, il faut tenir compte des problèmes particuliers d'ordre constitutionnel qui se posent pour les Etats fédératifs. Rien ne permet d'accorder quelque poids à un argument que l'on a parfois fait valoir et selon lequel si les Etats fédératifs insistent pour l'insertion d'une telle clause c'est pour avoir une excuse à leur retard dans l'adoption de la législation nécessaire. La personnalité juridique internationale appartient à l'Etat fédératif comme tel ; il est donc normal que le Gouvernement fédéral se prononce sur le point de savoir si les mesures nécessaires à l'exécution des dispositions d'un instrument international exigent ou non l'intervention de ses gouvernements provinciaux constituants. C'est en songeant à cela que M. Robinson a rédigé son projet de nouvel article.

M. ROCHEFORT (France) se prononce en faveur de toute formule assurant au texte la souplesse nécessaire. Il est, cependant, indispensable que les Etats contractants unitaires soient informés le plus tôt possible de ce qui, dans les Etats fédératifs, relève de la législature fédérale et de ce qui relève des législations des Etats provinces ou cantons constituants. Les Etats unitaires risquent en effet de rester dans l'incertitude sur la portée de leurs obligations réciproques.

Le représentant da la France cite l'exemple de la République fédérale allemande. Si l'on suppose que la clause fédérale permet à la République fédérale allemande de considérer que les neuf dixièmes de la Convention ne relèvent pas de sa compétence, mais de celle des « Länders », la République fédérale allemande ne s'engagerait en signant la Convention que pour un dixième des obligations qu'elle prévoit, alors que les Etats unitaires contractants s'engageraient pour la totalité desdites obligations. Ainsi, les réfugiés pourraient ne bénéficier dans certains pays que d'un statut incomplet. Ce fait a une grande importance, car il influerait sur le mouvement international des réfugiés, qui auraient tendance à se diriger vers les Etats qui leur accordent le traitement le plus libéral.

M. HOARE (Royaume-Uni) se rend parfaitement compte des difficultés que suscite aux Etats fédératifs la signature de conventions multilatérales et il est tout disposé à accepter l'inclusion d'une clause fédérale. Il croit, sauf erreur, que le projet de convention serait le premier instrument international de ce genre à contenir cette clause. On a bien proposé d'inclure une telle clause dans le projet de Pacte international relatif aux droits de l'homme, mais rien n'est encore décidé, ni sur le principe de cette insertion, ni sur les termes exacts dans lesquels cette clause serait rédigée.

Deux rédactions sont possibles pour une clause fédérale ; l'une très voisine de celle de la proposition d'Israël, l'autre différente mais meilleure, selon M. Hoare. Elle serait à peu près la suivante :

« En ce qui concerne tous les articles de cette Convention dont la mise en application, dans le cadre du système constitutionnel d'un Etat fédératif, relève en totalité ou en partie de l'autorité fédérale, les obligations du gouvernement fédéral seront, dans cette mesure, les mêmes que celles des Parties qui ne sont pas des Etats fédératifs. »

La différence entre les deux rédactions peut paraître légère ; elle a néanmoins son importance. La question de savoir si certaines mesures relèvent de l'autorité du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux est un problème constitutionnel qui doit parfois être résolu par les tribunaux. L'orateur ne croit pas qu'il soit souhaitable de laisser à la discrétion des autorités fédérales de décider que telle question relève de leur autorité et telle autre des pouvoirs provinciaux. Dans la seconde rédaction indiquée, la clause fédérale semblerait plus compatible avec le droit et la pratique constitutionnels. C'est pourquoi il propose de remplacer les mots « que le gouvernement fédéral estime relever, dans le cadre de son système constitutionnel, en totalité ou en partie de l'action législative fédérale » par les mots « dont la mise en application dans le cadre du système constitutionnel d'un Etat fédératif, relève en totalité ou en partie, de l'autorité fédérale », au paragraphe a) de la proposition israélienne.

En ce qui concerne la question soulevée par le représentant de la France, il convient que la clause fédérale ne doit pas avoir pour effet de pénaliser les Etats unitaires. Il importe que ceux-ci sachent exactement dans quelle mesure l'instrument international dont il s'agit est appliqué dans un Etat fédératif.

Il faut pour cela ou bien imposer aux Etats fédératifs l'obligation de faire rapport au Secrétaire général, ou bien permettre aux Etats de poser, par l'entremise du Secrétaire général, des questions concernant l'application de telles ou telles dispositions de la Convention dans un autre Etat. Cette dernière solution serait peut-être la moins difficile et elle permettrait d'obtenir les renseignements les plus exacts étant donné que la situation, dans les Etats fédératifs peut se modifier. Une demande directe permettrait donc à tout moment de savoir quelle est exactement la situation. Tel est l'objet de l'amendement du Royaume-Uni (A/CONF.2/97) à la proposition d'Israël.

M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) juge très pertinente la question soulevée par le représentant de la France. Il faut évidemment que les Etats contractants unitaires sachent dans quelle mesure la Convention est appliquée dans les Etats fédératifs. Le mémorandum préparé par le Département juridique du Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies (A/CONF.2/21) résume à la page 18 les arguments présentés par le représentant des Pays-Bas à la cinquième Session de l'Assemblée générale à propos de l'inclusion éventuelle d'une clause fédérale dans le projet de Pacte international relatif aux droits de l'homme ; le représentant des Pays-Bas avait proposé alors que les Etats fédératifs soient tenus chaque année d'informer le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies des mesures prises par chacune des unités qui le composent, pour assurer l'application du Pacte. On pourrait peut-être adopter une formule semblable dans le cas de la présente Convention. Les rapports en question seraient alors transmis par le Secrétaire général aux autres Etats contractants.

M. FRITZER (Autriche) déclare qu'il serait difficile au Gouvernement fédéral autrichien d'accepter la proposition israélienne car le texte impliquerait une révision de la Constitution autrichienne ; or, cette révision serait extrêmement difficile à réaliser car elle exigerait le consentement des quatre puissances occupantes. Dans l'état actuel des choses les « Länder » doivent appliquer les dispositions des instruments internationaux ratifiés par le gouvernement central, qui est pleinement compétent pour toutes les questions internationales. Les termes du paragraphe b) de la proposition d'Israël seraient donc incompatibles avec les rapports constitutionnels actuels entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux.

M. ROBINSON (Israël) déclare que le représentant du Royaume-Uni ne se trompe pas quand il dit que c'est la première fois qu'une clause fédérale serait incluse dans un instrument international rédigé sous les auspices des Nations Unies ; il est exact également qu'aucune décision définitive n'a encore été prise quant à l'insertion d'une telle clause dans le projet de Pacte international relatif aux droits de l'homme.

M. Robinson estime que le point soulevé par le représentant de la France se ramène en grande partie à une question de rédaction et il serait disposé à une question de rédaction et il serait disposé à accepter un amendement à sa proposition pour tenir compte du point de vue français. Mais il fait observer qu'il est extrêmement difficile de préciser exactement comment se divisent les pouvoirs entre gouvernement fédéral et gouvernements provinciaux. C'est là un domaine dans lequel il faut souvent recourir à l'interprétation des tribunaux.

L'amendement présenté oralement par le représentant du Royaume-Uni s'inspire du texte proposé par la délégation de l'Inde à la Commission des droits de l'homme, et au stade actuel, il hésiterait à l'accepter.

Quant à l'objection à sa proposition présentée par le représentant de l'Autriche, elle résulte peut-être d'un malentendu. Il n'est pas question d'obliger les gouvernements à réviser leur constitution à la suite de l'adoption d'une clause fédérale. Le paragraphe b) de la proposition d'Israël n'a d'autre objet que de prévoir les cas où le gouvernement fédéral intéressé n'aurait pas le pouvoir de contraindre les gouvernements provinciaux à édicter les lois que l'application d'un instrument international rendrait nécessaires.

M. CHANCE (Canada) déclare que le problème de l'insertion d'une clause fédérale est extrêmement délicat et exige beaucoup de prudence. Les experts juridiques du Gouvernement canadien sont d'avis que le Canada ne serait pas en mesure d'adhérer à cet instrument si une telle clause n'était pas incluse dans le projet de convention. Il espère vivement que le représentant du Royaume-Uni n'insistera pas pour maintenir son amendement oral. Le texte proposé par le représentant d'Israël ne satisfait pas entièrement le gouvernement canadien, mais il pourrait néanmoins l'accepter. M. Chance ne soulève pas d'objection contre la procédure indiquée dans l'amendement du Royaume-Uni (A/CONF.2/97), tendant à ajouter un nouveau paragraphe c) au texte présenté par le représentant d'Israël.

M. ROCHEFORT (France) se demande si par le jeu de la clause fédérale il ne serait pas possible à un Etat fédératif de paralyser l'application des dispositions de l'article 36 et de formuler ainsi des réserves à des articles pour lesquels il n'est pas permis de formuler des réserves. S'il en était ainsi, il y aurait deux sortes d'Etats contractants : des Etats qui ne pourraient formuler des réserves à certains articles et des Etats qui pourraient formuler, à tous les articles, les réserves que leur permet leur Constitution. De même, un Etat fédératif pourrait signer la Convention et soutenir ensuite qu'il lui est impossible d'appliquer certains de ses articles en raison de sa législation nationale. Et cependant, la signature de cet Etat serait comprise dans le nombre minimum de signatures requises pour assurer la mise en vigueur de la Convention.

M. FRITZER (Autriche), en réponse au représentant d'Israël, indique que malheureusement son objection ne vise pas l'objet de la proposition d'Israël, mais qu'elle découle de la forme dans laquelle celle-ci est conçue. Le paragraphe b), dans sa forme actuelle, serait en contradiction avec les dispositions de la Constitution de l'Autriche. Il espère que la suite des débats permettra de trouver une formule satisfaisante.

M. HERMENT (Belgique) n'est pas certain que tous les Etats fédératifs représentés à la Conférence demandent l'insertion de la clause fédérale ? Ne serait-il pas possible pour les Etats fédératifs de surseoir à la ratification de la Convention jusqu'à ce qu'ils puissent la ratifier dans les mêmes conditions que les Etats unitaires ; autrement, les Etats unitaires seraient, au moment de la ratification, insuffisamment informés des engagements que prendraient les Etats fédératifs.

M. MIRAS (Turquie), Vice-Président de la Conférence, prend la présidence.

M. LARSEN (Danemark) déclare que le représentant de la France a eu parfaitement raison de soulever le problème du rapport entre la clause fédérale et l'Article 36. Il voudrait, pour sa part, en soulever un autre, à savoir celui de la possibilité pour des gouvernements provinciaux d'appliquer les dispositions d'un instrument international pendant une période limitée qui ne coïnciderait pas nécessairement avec la période d'application qui lui donnerait le gouvernement fédéral. Si un instrument international doit être ratifié par un Etat fédératif, il faut que celui-ci le ratifie dans les mêmes conditions qu'un Etat unitaire. Exception faite des réserves formulées lors de l'adhésion, les Etats doivent être liés par leurs engagements.

M. LARSEN, Président de la Conférence, reprend la présidence.

M. SHAW (Australie) est d'avis que le texte du représentant d'Israël devrait être précédé d'une formule d'introduction telle que celle-ci : « Dans le cas d'un Etat fédératif ou non unitaire, les dispositions ci-après s'appliqueront ».

M. Shaw appuie l'insertion d'une telle clause en raison du caractère fédératif de la Constitution australienne. Il n'entend pas, pour le moment, laisser planer un doute sur la possibilité pour le Gouvernement du Commonwealth d'appliquer la Convention, s'il la ratifie. Toutefois, s'agissant d'une constitution fédérative, il est impossible de prévoir quelles seront les décisions qui seront prises sur la répartition des pouvoirs législatifs entre l'Etat fédératif et ses états constituants. C'est afin de prévoir une éventuelle décision juridique concernant la possibilité pour le Commonwealth d'appliquer la Convention, que l'Australie appuie l'insertion d'une clause fédérale dans la présente Convention. A son avis, l'insertion de cette clause est souhaitable, mais ne constitue pas une condition préalable indispensable à l'examen de la Convention par l'Australie. Dans les Etats fédératifs, des questions d'ordre constitutionnel doivent souvent être tranchées par les tribunaux et il est difficile de prévoir à l'avance quels problèmes peuvent surgir en matière de division de pouvoirs entre gouvernement fédéral et gouvernements provinciaux. Il se demande si l'amendement du représentant du Royaume-Uni correspond bien à la situation. La Conférence pourrait peut-être examiner le texte proposé par la délégation des Etats-Unis pour la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Ce texte figure dans le rapport de la Commission des droits de l'homme sur la clause fédérale et la clause coloniale (E/1721). Pour rassurer le représentant de la France sur le risque d'une inégalité d'obligations entre Etats fédératifs et Etats unitaires, on pourrait prendre pour modèle la Section 7 de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail.

M. ROBINSON (Israël) pense que l'on pourrait confier au Comité du style le soin d'apporter au texte certains changements qui permettraient peut-être de résoudre les difficultés auxquelles se heurte le représentant de l'Autriche.

Quant à l'argument du représentant de la France, concernant les réserves, il déclare qu'il n'y a aucun danger que le projet de convention puisse permettre deux types de réserves, puisque tous les pays sont libres de faire des réserves sur tous les articles de fonds qui imposent aux Etats des obligations précises. Tous les Etats fédératifs et unitaires peuvent user de ce droit.

De même, la question soulevée par le Président, en tant que représentant du Danemark, bien qu'elle soit justifiée, ne lui paraît pas appeler de dispositions spéciales. Il serait tout à fait exceptionnel que les gouvernements provinciaux appliquent un instrument international pendant une période différente de celle qui aurait été prévue par le gouvernement central.

Il ne saurait non plus retenir la suggestion du représentant de l'Australie qui estime que la clause fédérale inscrite dans la Constitution de l'Organisation internationale du Travail ou dans les conventions adoptées par cette institution pourrait servir de modèle. Ces conventions contiennent des recommandations qui n'ont rien de commun avec les obligations que le projet de convention imposerait aux Etats. Par l'insertion d'une clause fédérale, la Conférence ferait oeuvre nouvelle et elle doit accepter les risques que comporte toute oeuvre nouvelle. Par la suite, des juristes épris de perfection pourront élaborer des textes meilleurs en vue de leur inclusion dans d'autres instruments.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) déclare que la proposition d'Israël ne susciterait aucune difficulté au Gouvernement fédéral allemand qui a pleins pouvoirs pour les affaires internationales. En fait, sa position est très semblable à celle du Gouvernement fédéral autrichien et il ne comprend pas très bien les objections de son collègue autrichien. Il attire l'attention sur les mots « que le Gouvernement fédéral estime relever, » au paragraphe a) du texte israélien qui devraient répondre aux objections soulevées par le représentant de l'Autriche.

M. ROCHEFORT (France) pense que de l'analyse à laquelle vient de procéder le représentant d'Israël il ressort qu'un Etat fédératif ne pourrait formuler de réserves à un article pour lequel la possibilité de faire des réserves n'est pas prévue à l'article 36.

M. SCHURCH (Suisse) dit que son pays se trouve dans la même situation que la République fédérale allemande. La Suisse n'a pas besoin de la clause fédérale mais elle est cependant disposée à appuyer les Etats fédératifs qui en demandent l'insertion dans la Convention.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) appuie l'amendement à la proposition israélienne présenté oralement par le représentant du Royaume-Uni ; ceci permettrait en effet d'éluder la difficulté que présente le fait que le Gouvernement fédéral n'est pas libre de fixer à son gré la limite entre ses attributions et celles des gouvernements provinciaux.

M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) dit qu'il n'est pas compétent pour commenter les aspects juridiques de la proposition dont est saisie la Conférence et précise que le Gouvernement des Etats-Unis est en faveur de l'inclusion d'une clause fédérale, qui, à son avis, rendrait plus aisée l'adhésion à la Convention d'un plus grand nombre d'Etats. Il croit que le texte proposé par la délégation des Etats-Unis au sujet de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, contenu dans le document E/1721, est très proche de celui que présente le représentant du Royaume-Uni et qu'il y aurait intérêt à l'examiner avec soin.

M. HOARE (Royaume-Uni) déclare que, bien que le représentant du Canada l'ait instamment prié de retirer son texte, il doit faire observer que son amendement a été accueilli avec sympathie, tant par le représentant des Pays-Bas que par celui des Etats-Unis. Il serait heureux de savoir exactement quel texte le Gouvernement du Canada désire voir adopter.

Les objections qu'il formule contre la proposition d'Israël ne sont pas dues uniquement au fait qu'elle laisse au Gouvernement fédéral le soin de décider quelles sont les mesures qui relèvent de l'action législative dudit Gouvernement et celles crée la possibilité de conflits entre les dispositions de la Convention et les législations nationales, dans le cas ou une décision prise par le Gouvernement fédéral sur la délimitation des pouvoirs viendrait à être annulée par les tribunaux. Cette éventualité est particulièrement redoutable lorsque la délimitation des pouvoirs entre le Gouvernement central et les autorités provinciales fait l'objet de vives contestations. Le texte cité à la page 7 du rapport de la Commission des droits de l'homme (E/1721) permettra d'éviter ce danger, car la décision à cet égard serait prise conformément aux procédures constitutionnelles.

M. CHANCE (Canada) déclare que la délégation canadienne est prête à accepter la proposition d'Israël, amendée par la délégation du Royaume-Uni. Cependant, étant donné que le texte ne semble pas recevoir l'approbation générale, M. Chance présente la variante suivante :

(a) En ce qui concerne les articles de la présente Convention dont la mise en oeuvre relève de l'action législative du pouvoir législatif fédéral, les obligations du Gouvernement fédéral seront, dans cette mesure, les mêmes que celles des Parties qui ne sont pas des Etats fédératifs ;

(b) En ce qui concerne les articles de cette Convention dont l'application relève de l'action législative de chacun des états, provinces ou cantons constituants, le Gouvernement fédéral portera le plus tôt possible, et avec son avis favorable, lesdits articles à la connaissance des autorités compétentes des états, provinces ou cantons ;

(c) Un Etat fédératif Partie à cette Convention communiquera, à la demande de tout autre Etat contractant qui lui aura été transmise par le Secrétaire général, un exposé de la législation et des pratiques en vigueur dans la Fédération et ses unités constituantes en ce qui concerne telle ou telle disposition de la Convention, indiquant la mesure dans laquelle effet a été donné, par une action législative ou autre, à ladite disposition. »

M. SHAW (Australie) estime que le choix du texte définitif devrait être laissé, dans toute la mesure du possible, aux Etats fédératifs pour lesquels l'insertion de la clause fédérale présente une importance essentielle. Il pourra se rallier, soit au texte contenu dans le rapport de la Commission des droits de l'homme, (E/1721), soit à celui que le représentant du Canada vient de présenter.

On a peut-être exagéré les difficultés relatives à la clause fédérale. Il faut se souvenir que le but de la Convention est d'accorder certains droits aux réfugiés, plutôt que de définir des obligations réciproques liant les Etats.

L'objectif à atteindre est de permettre au plus grand nombre possible d'Etats de donner effet à ses dispositions.

Pour conclure, il déclare que l'amendement du Royaume-Uni (A/CONF.2/97), tendant à ajouter un nouveau paragraphe (c) à la proposition d'Israël, lui paraît acceptable.

M. ROCHEFORT (France) fait observer que, suivant l'interprétation donnée par le représentant d'Israël, la clause fédérale ne peut pas faire obstacle au jeu de l'article concernant les réserves (Article 36). S'il en est ainsi, il faut l'indiquer clairement dans la clause fédérale elle-même. Autrement, on laissera planer une incertitude sur ce point, qui a son importance.

M. CHANCE (Canada) dit qu'il n'est pas juriste et que, par conséquent, il n'a ni les connaissances ni l'autorité nécessaire pour émettre une opinion sur certaines des difficultés précises soulevées au cours des débats. Il signale toutefois, en réponse au représentant de la France, qu'il ne croit pas que l'inclusion d'une clause fédérale soit de nature à compromettre, de quelque façon que ce soit, l'application de l'article 36, pas plus qu'il ne croit que les Etats fédératifs en profiteraient pour formuler des réserves spéciales.

M. HOARE (Royaume-Uni) dit que le texte que vient de présenter le représentant du Canada est, quant au fond, très proche de son propre amendement et que la délégation du Royaume-Uni peut l'accepter.

M. ROCHEFORT (France) dit qu'il n'a jamais pensé que le Gouvernement canadien veuille s'abriter derrière la clause fédérale pour introduire des réserves que les Etats unitaires contractants ne pourraient pas formuler. Il se pourrait toutefois que dans certains cas, la constitution d'un Etat fasse en pratique obstacle à l'application d'un des articles sur lesquels cet Etat ne peut pas formuler de réserves. La signature de cet Etat serait-elle encore valable, bien qu'en fait elle implique une réserve à des articles sur lesquels il n'est pas permis de formuler de réserves ? Il y aurait là une question de fait et de droit que les autres Etats contractants pourraient ignorer longtemps.

M. CHANCE (Canada) relève que le représentant de la France a fait allusion à une possibilité que lui-même n'avait pas envisagée. Il est certain que l'application de la Convention est une question de bonne volonté et que tous les Etats contractants s'efforceront sans aucun doute de donner effet à ses dispositions dans l'esprit dans lequel ils l'auront signée. En somme, tout contrat - et, à plus forte raison, un contrat tel que celui-ci, dont on se propose de faire un acte d'une grande portée humanitaire - restera sans valeur si l'élément de confiance et de bonne volonté entre les parties fait défaut.

Le PRESIDENT, parlant en sa qualité de représentant du Danemark, affirme à nouveau qu'il craint que les gouvernements provinciaux d'un Etat fédératif ne formulent des réserves spéciales pour certains articles de la Convention, indépendamment des réserves faites par le Gouvernement fédéral. Par exemple, le mouvement nazi est né dans une province allemande ; on peut concevoir que le gouvernement de cette province aurait, si le projet de convention avait été en vigueur à cette époque, formulé une réserve à l'article 3, lui permettant d'adopter des mesures législatives discriminatoires. C'est là une sorte d'éventualité dont, à son avis, on doit tenir compte. Cette question n'a vraisemblablement qu'une valeur bien théorique à l'heure actuelle, mais il est nécessaire de légiférer en pensant à toutes les éventualités.

M. CHANCE (Canada) pense que la question que vient de soulever le Président dépasse le cadre des débats en cours. Il estime que cette question ne pourrait que compliquer un sujet déjà complexe par lui-même et il demande à la délégation danoise à ne pas insister sur ce point.

Le PRESIDENT, parlant en sa qualité de représentant du Danemark, dit qu'il est loin de vouloir soulever des difficultés étrangères à la question ; il doit toutefois insister sur le fait que l'application d'une convention par les gouvernements provinciaux doit être compatible avec les mesures prises par le Gouvernement fédéral de l'Etat intéressé, faute de quoi les gouvernements provinciaux pourraient saisir cette occasion pour éluder certaines de leurs obligations.

M. CHANCE (Canada) ne s'estime pas en mesure de participer à la discussion sur un problème aussi délicat que celui des relations entre Gouvernement central et les gouvernements constituants d'un Etat fédératif.

M. ROCHEFORT (France) dit que la question des obligations réciproques a une importance plus grande que le croit le représentant de l'Australie. Si les Etats unitaires veulent avoir des détails complets sur la clause fédérale, c'est que cette question est sérieuse. Des obligations inégales entraînent des inégalités dans le statut des réfugiés et par là même un mouvement de ces réfugiés de certains pays vers d'autres pays. Les Etats qui s'intéressent à la clause fédérale verraient-ils un inconvénient à ce que l'on introduise à l'endroit qui convient dans la clause fédérale, les mots « sans préjudice de l'application des dispositions de l'Article 36 ».

Sur la proposition du PRESIDENT, il est décidé d'ajourner l'examen de la clause fédérale jusqu'à la prochaine séance.

La séance est levée à 13 heures.