CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-TROISIEME SEANCE
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-TROISIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.23
Présents : | |
Président : | M. LARSEN |
Membres : | |
Australie | M. SHAW |
Autriche | M. FRITZER |
Belgique | M. HERMENT |
Brésil | M. de OLIVEIRA |
Canada | M. CHANCE |
Colombie | M. GIRALDO-JARAMILLO |
Danemark | M. HOEG |
Etats-Unis d'Amérique | M. WARREN |
France | M. ROCHEFORT |
Grèce | M. PHILON |
Irak | M. AL PACHACHI |
Israël | M. ROBINSON |
Italie | M. del DRAGO M. THEODOLI |
Monaco | M. BICHERT |
Norvège | M. ANKER M. ARFF |
Pays-Bas | M. van BOETZELAER |
République fédérale allemande | M. von TRÜTZSCHLER |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | M. HOARE |
Saint-Siège | Mgr. COMTE |
Suède | M. PETREN |
Suisse (et Liechtenstein) | M. SCHURCH |
Turquie | M. MIRAS |
Venezuela | M. MONTOYA |
Yougoslavie | M. MAKIEDO |
Observateur : | |
Iran | M. KAZEMI |
Haut-Commissaire pour les réfugiés | M. van HEUVEN-GOEDHART |
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales | |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. SCHNITZER |
Conseil de l'Europe | M. Taliani de MARCHIO |
Représentants d'organisations non gouvernementales | |
Catégorie A | |
Confédération internationale des syndicats libres | Mlle SENDER |
Catégorie B et Registre | |
Caritas Internationalis | M. BRAUN M. METTERNICH |
Comité consultatif mondial de la Société des Amis | M. BELL |
Comité de coordination d'organisations juives | M. WARBURG |
Comité des Eglises pour les affaires internationales | M. REES |
Conférence permanente des agences bénévoles | M. REES |
Congrès juif mondial | M. RIEGNER |
Conseil consultatif d'organisations juives | M. MEYROWITZ |
Conseil international des femmes | Dr. GIROD |
Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge | M. LEDERMANN |
Service social international | Mlle FERRIERE |
Secrétariat | |
M. Humphrey | Secrétaire exécutif |
Mlle Kitchen | Secrétaire exécutive adjointe |
EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5 et Corr.1) (suite de la discussion)
Article premier - Définition du terme « réfugié » (A/CONF.2/9, A/CONF.2/13, A/CONF.2/16, A/CONF.2/17, A/CONF.2/27, A/CONF.2/73, A/CONF.2/74, A/CONF.2/75, A/CONF.2/76, A/CONF.2/77, A/CONF.2/78, A/CONF.2/79, A/CONF.2/80, A/CONF.2/81) (suite)
Le PRESIDENT invite les représentants à poursuivre l'examen de l'article premier du projet de convention relatif à la définition du terme « réfugié ».
Mgr. COMTE (Saint-Siège) souligne toute l'importance que revêt la définition du terme « réfugié ». Il rappelle que des divergences assez vives se sont manifestées à ce sujet au sein de la Conférence ; pour concilier les différents points de vue qui se sont fait jour et arriver ainsi à une entente unanime, il propose d'ajouter a paragraphe 2 de la Section A de l'article premier les mots « en Europe ou en Europe et dans d'autres continents, suivant une déclaration à faire par chaque Haute Partie Contractant au moment de la signature de l'adhésion ou de la ratification » (A/CONF.2/80) formule, qui donnerait satisfaction tant à la délégation française qu'à celles qui ne partagent pas son point de vue.
Mgr. Comte espère que son amendement sera pris en considération et qu'il permettre l'entente à laquelle toutes les délégations souhaitent vivement aboutir.
M. ROCHEFORT (France) estime excellente la solution du représentant du Saint-Siège, elle a le mérite de concilier les principes universalistes qui sont ceux du Vatican avec les sons des responsabilités. En outre, elle permet d'éviter la nécessité de faire une réserve expresse sur l'article premier et elle devrait donc donner satisfaction à toutes les délégations.
M. PHILON (Grèce) et M. SCHURCH (Suisse) appuient la proposition du représentant du Saint-Siège.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) appuie lui aussi cette proposition étant entendu qu'il ne s'agit en l'occurrence que de la première lecture. Si, à la suite de l'adoption de la proposition, l'on est amené à apporter des modifications à d'autres articles de la Convention, celles-ci pourront être effectuées en seconde lecture.
M. PETREN (Suède) appuie la déclaration du représentant des Pays-Bas, ainsi que la réserve qu'elle comporte.
M. HOARE (Royaume-Uni) n'a jamais cessé de défendre le point de vue universaliste et, plus encore, une solution unanime. C'est pourquoi il se félicite de la proposition du représentant du Saint-Siège, et de son acceptation par le représentant de la France.
En acceptant cette proposition, M. HOARE doit formuler la même réserve que le représentant des Pays-Bas ; il est, en effet, plus que probable qu'il faudra étudier de façon approfondie la forme à lui donner et que cet amendement entraînera des modifications de rédaction dans d'autres parties de la Convention.
M. HERMENT (Belgique) est très heureux d'accepter la proposition présentée par le représentant du Saint-Siège ; il exprime le ferme espoir que la Conférence ne sera plus séparée par des divergences de cet ordre.
Le PRESIDENT déclare que le moment est maintenant venu où la Conférence est en mesure de se prononcer sur les paragraphes 1 et 2 de la section A de l'article premier. Il rappelle que la délégation de la Belgique et la délégation de la Yougoslavie ont soumis des amendements à ces paragraphes (reproduits respectivement sous les cotes A/CONF.2/78 et A/CONF.2/79).
Il propose de mettre d'abord aux voix le paragraphe 1, avec l'amendement belge qui s'y rapporte ; la Conférence prendrait ensuite une décision de principe sur le paragraphe 2.
Il décide que le débat relatif au paragraphe 1 est clos ; il demande à la Conférence de se prononcer sur la proposition de la Belgique (A/CONF.2/78), tendant à supprimer les mots : « après le 1er août 1914 ».
A l'unanimité, l'amendement de la Belgique (document A/CONF.2/78) au paragraphe 1 de la section A de l'article premier est adopté.
M. MAKIEDO (Yougoslavie) déclare que la deuxième phrase du paragraphe 1 prévoit que toutes les personnes considérées comme éligibles par l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) seront considérées comme telles aux termes de la Convention, ainsi que les autres personnes mentionnées au paragraphe 2. Il reconnaît que les décisions d'éligibilité prises par l'OIR ne doivent pas empêcher d'accorder la qualité de réfugié à d'autres personnes, mais il s'oppose à ce que les décisions d'éligibilité prises par cette Organisation retenues en bloc ; l'Organisation internationale pour les réfugiés a, en effet, fonctionné dans des conditions particulières et elle a accordé la qualité de réfugié à des personnes qui ne sauraient actuellement être considérées comme tels. Le paragraphe 2 de la Section A de la première partie de l'Annexe I de la Constitution de l'Organisation internationale pour les réfugiés est ainsi rédigé :
« le terme « réfugié » s'applique aussi à toute personne qui se trouve an dehors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle avait auparavant sa résidence habituelle, et qui, par suite d'événements survenus après le début de la deuxième guerre mondiale, ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection du gouvernement du pays dont elle a ou avait au paravent la nationalité ».
M. Makiedo ne saurait accepter le refus comme critère ; en effet, quelqu'un peut fort bien ne pas vouloir rentrer dans son pays d'origine, pour des raisons de convenance personnelle. Il est arrivé fréquemment que les gouvernements ne soient pas d'accord avec l'OIR au sujet de certains cas, ce qui a donné lieu à des malentendus. C'est pour ces raisons que la délégation yougoslave a proposé un amendement (A/CONF.2/79) tendant à remplacer, à la deuxième phrase du paragraphe 1, les mots « accordée à des personnes qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2 du présent article » par les mots « accordée ou retirée à des personnes qui remplissent ou ne remplissent pas les conditions prévues au paragraphe 2 du présent article ».
M. ROCHEFORT (France) précise que la phrase visée par l'amendement de la Yougoslavie doit être comprise dans le sens qu'elle avait initialement. Cette phrase a pour origine une résolution du Conseil général de l'OIR, dont le but était d'éviter qu'une décision prise par cette organisation, sur l'éligibilité d'un réfugié, puisse être évoquée par un gouvernement contre une personne qui pourrait, malgré cette décision, être considérée comme un réfugié au sens du projet de convention qu'examine actuellement la Conférence. M. Rochefort fait alors observer que les préoccupations exprimées par le représentant de la Yougoslavie trouvent leur réponse à la section de l'article premier B, qui est, en effet, applicable à toutes les personnes, même à celles que l'OIR aura déclarées éligibles. Si l'amendement de la Yougoslavie était adopté, on affaiblirait la définition donnée par l'OIR ; la délégation française ne pourra donc pas appuyer de son vote cet amendement
M. HERMENT (Belgique) pense que le sens de la phrase dont il s'agit serait plus précis si l'on parlait, non pas de décisions d'éligibilité prises par l'OIR, mais de décisions d'inéligibilité. En effet, on ne voit pas très bien comment les décisions d'éligibilité peuvent faire obstacle à ce que la qualité de réfugié soit accordée à certaines personnes.
M. ROCHEFORT (France) précise que la rédaction suggérée par le représentant de la Belgique est celle que lui-même avait initialement proposée. Toutefois, le Conseil général de l'OIR a fait remarquer qu'on ne saurait proprement parler de décisions d'inéligibilité puisqu'il n'y en a jamais eu, les seules décisions prises étant des décisions d'éligibilité. La délégation française comprend le point de vue du représentant de la Belgique, mais elle tient à faire observer qu'il est très difficile de trouver une terminologie exprimant exactement ses intentions. Cependant, on pourrait peut-être employer l'expression « refus d'éligibilité »
M. HERMENT (Belgique) se rallie à cette suggestion.
Le PRESIDENT estime que l'observation du représentant de la Belgique est un problème de rédaction, qui n'a pas à être examiné pour l'instant.
Il décide que la discussion sur l'amendement de la Yougoslavie est close.
Par 10 voix contre 2, avec 9 abstentions, l'amendement yougoslave (A/CONF.2/79) au paragraphe 1) de la section A est rejeté.
Le PRESIDENT déclare que, à la suite de l'amendement au paragraphe 2 soumis par le représentant du Saint-Siège et de l'acceptation de cet amendement par le représentant de la France, il considère l'amendement français (A/CONF.2/75) comme ayant été retiré. Il et, par conséquent, aux voix le premier de ces textes.
Par 22 voix contre zéro, avec une abstention, l'amendement (A/CONF.2/80) au paragraphe 2) de la section A, soumis par le représentant du Saint-Siège est adopté.
Le PRESIDENT rappelle que, lors de la dix-neuvième séance, il avait exprimé l'espoir que la Commission serait à mesure de réunir l'unanimité sur les problèmes difficiles que pose l'article premier. Il ne peut s'empêcher d'exprimer la satisfaction qu'il éprouve en constatant que l'unanimité s'est faite sur l'heureux amendement proposé par le représentant du Saint-Siège qui a été adopté.
Il appelle l'attention de la conférence sur l'amendement suédois (A/CONF.2/9) qui propose l'insertion des mots « de appartenance à un certain groupe social » après les mots « du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité », aux deuxième et troisième lignes du paragraphe 2.
Par 14 voix contre zéro, avec 8 abstentions, l'amendement suédois est adopté.
Le PRESIDENT invite la Conférence à examiner l'amendement du Royaume-Uni (A/CONF.2/27) au paragraphe 2 de la section A.
M. HOARE (Royaume-Uni) déclare que l'amendement du Royaume-Uni a pour but de supprimer une contradiction qui apparaît dans le texte du paragraphe 2), lequel, sous sa forme actuelle, prévoit deux genres différents de conditions pour qu'un réfugié puisse demander à bénéficier des dispositions de la Convention. La première clause, qui va du début du paragraphe jusqu'aux mots : « la protection de ce pays » prévoit pour les réfugiés possédant une nationalité, à la fois que les événements doivent être antérieurs au 1er janvier 1951 et qu'ils ont quitté leur pays d'origine parce qu'ils craignaient avec raison des persécutions.
La seconde clause, qui part des mots « ou qui » et couvre les personnes sans nationalité, ne comporte pas de stipulations similaires pour cette deuxième catégorie de personnes. L'ordre grammatical est, pour ainsi dire, interrompu par la présence d'un point virgule entre les deux membres de phrase, et bien que M. HOARE, ayant adopté le point de vue le plus large, n'ait donc pas, pour sa part, d'objection à formuler sur ce point, il pense que la rédaction actuelle constituant une solution de compromis, le texte devrait la refléter fidèlement. Son amendement a donc pour but de lier le sort des apatrides à celui des personnes sujettes à la double condition de la date et du départ du pays d'origine par la crainte des persécutions.
M. ROCHEFORT (France) n'a pas, en principe, d'objection à opposer à l'amendement du Royaume-Uni. Cependant, il se doit d'indiquer qu'il n'a pas suffisamment étudié le problème et qu'il lui est Actuellement impossible de se rendre compte des conséquences pratiques qu'entraînerait de cet amendement. Il s'agit là d'un problème très important, car les mesures dont il est question peuvent, soit ouvrir, soit fermer l'accès des pays d'accueil aux réfugiés. Le texte que l'amendement du Royaume-Uni envisage de modifier a été étudié, dans le cas de la délégation française, par des spécialistes de la question. M. ROCHEFORT n'est pas personnellement an mesure de se prononcer à l'heure actuelle et c'est pourquoi il suggère que cet amendement soit renvoyé un groupe de travail aux fins d'examen.
M. ROBINSON (Israël) reconnaît le bien-fondé de la position adoptée par le représentant du Royaume-Uni, et admet que le texte du paragraphe 2), dans sa forme actuelle, stipule deux genres différents de conditions préalables à remplir par les réfugiés, soit qu'ils aient une nationalité, soit qu'ils soient apatrides. Cependant, le problème est plus vaste que le représentant du Royaume-Uni l'a laissé entendre. Le processus suivant lequel une personne devient apatride comprend trois phases : 1)cette personne doit quitter son pays ; 2) elle doit demeurer à l'étranger ; 3) elle doit refuser de retourner dans son pays d'origine. Par conséquent, si le texte ne couvrait que les personnes qui ont quitté leur pays par crainte d'être persécutées, il exclurait celles qui, par exemple, se sont rendues à l'étranger, en mission diplomatique ou pour faire des études et qui, surprises pendant cette période par une révolution dans leur pays, ne peuvent y retourner. Ces personnes pourraient-elles, pour être autorisées à réclamer la qualité de réfugié, se borner à déclarer qu'elles ne désirent pas retourner dans leur pays d'origine ? En d'autres termes, est-il utile de mentionner les trois phases du processus suivi par les personnes qui deviennent des apatrides, ou la dernière phase qui est capitale - le refus de rentrer dans son pays - suffirait-elle.
Le représentant de la France a signalé que le problème soulevé par l'amendement du Royaume-Uni très important. L'orateur, pour sa part, pense que la Conférence n'est pas encore en mesure de voter sur cette question et qu'un groupe de travail devrait être créé pour l'étudier.
M. HOARE (Royaume-Uni) remercie le représentant d'Israël de sa déclaration très claire qui illustre l'argument de la délégation du Royaume-Uni, à savoir que, selon le texte actuel du paragraphe 2), des conditions différentes sont requises, d'une part, des personnes possédant une nationalité et, d'autre part, des apatrides. Par ailleurs, le représentant d'Israël rappelle une autre catégorie de personnes, qui ayant quitté leur pays pour des raisons personnelles, estiment ultérieurement ne pas pouvoir y retourner ; si l'on introduisait cette catégorie, l'on modifierait le principe sur lequel est fondé le paragraphe 2. Il s'agit donc là d'une question sur laquelle la Conférence doit prendre une décision en séance plénière. La seule préoccupation de M. HOARE est de s'assurer que les mêmes critères seront appliqués aux personnes possédant une nationalité et aux apatrides, point qui pourrait être étudié de la manière la plus efficace par un groupe de travail.
M. PETREN (Suède) s'associe à l'interprétation donnée par le représentant d'Israël.
Le PRESIDENT croit comprendre que le représentant du Royaume-Uni a, pour l'instant, retiré son amendement (A/CONF.2/27), tout en se réservant le droit de le soumettre à nouveau ultérieurement.
Il déclare close la discussion.
Par 22 voix contre zéro, avec une abstention, l'ensemble de la section A de l'article premier, ainsi amendé, est adopté.
Le PRESIDENT invite la conférence à examiner la section b de l'article Premier et attire l'attention des représentants sur l'amendement autrichien (A/CONF.2/17) au paragraphe 3.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) déclare que le représentant de l'Autriche lui a demandé de prendre la parole au sujet de l'amendement autrichien, qui a pour but de garantir aux réfugiés couverts par la Convention, la jouissance, après leur naturalisation, des droits qu'ils tenaient de cette convention, notamment an ce qui concerne les mesures internationales d'assistance.
Tout en appréciant le vif intérêt manifesté par le représentant de l'Autriche pour les travaux de la Conférence, le Haut-Commissaire espère que ce représentant voudra bien comprendre la difficulté qu'éprouve le Haut-Commissaire à répondre à son voeu.
L'amendement de l'Autriche ne toucherait pas au statut du Haut-Commissariat qui contient la même clause d'exception que celle figurant au paragraphe 3. Si l'amendement, qui atténue cette clause d'exception, était adopté, il en résulterait qu'un groupe de réfugiés, ou plutôt d'anciens réfugiés, se trouverait à la fois dans le champ d'application de la Convention et en dehors du Statut du Haut Commissariat. Il existerait donc trois groupes de réfugiés : ceux qui seraient couverts par la convention et parle Statut, ceux qui seraient couverts non par la Convention mais par le mandat du Haut-Commissaire, aux termes du paragraphe 6-B (A/AC.36/1) et, enfin, ceux qui, en vertu de l'amendement autrichien, resteraient couverts par la Convention mais non par le Statut. En fait, la définition du Statut serait, à cet égard, moins large que la définition de la Convention, bien que les dispositions générales du paragraphe 6-B soient, à d'autres égards, plus étendues. Le Haut-Commissaire a tenu à attirer l'attention de la Conférence sur ces problèmes, notamment parce que le statut n'est pas en discussions et que l'amendement autrichien soulève une question que la Conférence doit trancher en dehors de toute autre considération.
L'orateur désire présenter quelques observations supplémentaires. Tant en théorie qu'en pratique, la naturalisation a toujours été considérée comme mettant fin à la qualité de réfugiés. Il n'est même pas nécessaire que la naturalisation soit formelle, puisqu'il existe, conformément aux dispositions de la Convention aussi bien qu'à celles du Statut du Haut-Commissariat, une condition d'apatridie de facto et un droit de nationalité de facto. Ce dernier est reconnu par la Section D de l'article premier du projet de Convention, où l'on peut lire :
« la présente Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a élu domicile comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays ». (cf. Para. 7 (b) du chapitre II du Statut, A/AC.36/1, page 11).
Les auteurs de ces deux textes ont manifestement et avec raison, considéré que la condition de réfugié, étant anormale., ne doit pas durer plus longtemps qu'il n'est absolument nécessaire et doit rendre fin (ne devrait même jamais exister) ; si, conformément aux termes de la Convention ou du Statut, une personne a de facto acquis la nationalité, autrement dit si, réellement, elle a les droits et les obligations des ressortissants d'un pays. Il n'est donc pas tout à fait exact de prétendre que Convention et le Statut couvrent la période s'étendant entre le moment où une personne devient un réfugié et celui où elle est naturalisée et devient ressortissant d'un pays donné. Pour que l'amendement de l'Autriche concorde entièrement avec les faits, il faudrait y ajouter les mots suivants : « à moins qu'elle n'ait, avant sa naturalisation, acquis de facto la qualité de ressortissant d'un pays ».
L'orateur évoque l'exemple suivant : si un réfugié appartenant aux Volksdeutsche et vivant en Autriche - et, par conséquent, couvert par le statut du Haut-Commissariat passait la frontière austro-allemande, il se placerait par là en dehors du mandat du Haut-Commissariat, car, en Allemagne, les personnes appartenant aux Volksdeutsche sont « considérées comme ayant les droits et les obligations qui découlent de la possession de la nationalité allemande ».
Ainsi, ce réfugié deviendrait de facto allemand et cesserait donc d'être un réfugié au sens donné à ce terme par le Statut et la Convention.
Le concept de « réfugié » est intimement lié à l'idée première d'une personne qui en pratique n'a pas de nationalité. Elle peut posséder, théoriquement, la nationalité de son pays d'origine et ainsi ne pas appartenir à la catégorie des « apatrides », mais, quel que soit son passé, elle a la perspective de rester un réfugié seulement tant qu'elle n'a pas acquis une nouvelle nationalité, soit pratiquement (section D de l'article premier de la Convention, et paragraphe 7 (b) du chapitre II du Statut), soit formellement, par le moyen de la naturalisation.
C'est ce concept « classique » du réfugié - si on peut l'appeler ainsi - que l'amendement autrichien vise à modifier. Si cet amendement était adopté aux deux catégories dont on a eu jusqu'à présent à s'occuper la conférence viendrait s'ajouter une troisième catégorie, à savoir celle du réfugié naturalisé qui, étant ressortissant d'un pays donné, jouirait de plus de droits qu'un réfugié ne peut en posséder, et qui, en même temps, parce qu'il serait toujours considéré comme réfugié, aurait plus de droits qu'un ressortissant du pays en question.
L'amendement autrichien entraînerait, en outre, d'autres complications.
Comme il n'aurait pas d'effet rétroactif, il ne couvrirait pas les réfugiés qui ont été naturalisés avant l'entrée en vigueur de la Convention
Aussi deviendrait-il nécessaire de faire une distinction entre quatre catégories de personnes : les ressortissants d'un pays auxquels la Convention ne s'appliquerait pas, les réfugiés naturalisés avant l'entrée en vigueur de la Convention, qui, par conséquent, se trouveraient en dehors de son champ d'application ; les réfugiés naturalisés après l'entrée en vigueur de la Convention, qui, par conséquent, se trouveraient dans son champ d'application ; et les réfugiés non encore naturalisés, qui, par conséquent, seraient couverts par le Convention. La délégation de l'Autriche comprendra, sans aucun doute, que les réfugiés appartenant à la troisième catégorie - visés par son amendement - ne pourraient effectivement bénéficier de tous les droits prévus par la Convention. Chaque fois que la Convention prévoit, pour les réfugiés, un traitement égal à celui des étrangers en général ou des étrangers bénéficiant d'un traitement de faveur, les réfugiés naturalisés de la troisième catégorie préféreraient certainement bénéficier du traitement qui serait le leur en tant que ressortissants du pays en question. Le Haut-Commissaire suppose que l'amendement a été présenté uniquement peur conserver aux anciens réfugiés certains droits spéciaux. La Conférence pourrait considérer que cet amendement, sous sa forme actuelle, a une portée trop large puisqu'il revient à supprimer la clause d'exception dans le paragraphe 3) de la section B de l'article premier et à lui substituer une clause prévoyant que la convention resterait applicable à un réfugié après qu'il aurait acquis une nouvelle nationalité, ce réfugié pouvant de ce fait bénéficier de tous les droits que lui conférait auparavant la convention.
Il appartient à la Conférence de décider si elle désire créer une troisième catégorie de réfugiés. Une disposition conçue dans le sens de l'amendement autrichien aurait pour effet d'augmenter le désir des personnes de ce groupe d'acquérir une nationalité, puisqu'elles n'en seraient pas, pour autant, privées du bénéfice des dispositions de la Convention. Cette disposition aurait, en même temps le désavantage de créer, au sein d'une communauté nationale, une classe spéciale de personnes : celle des ressortissants d'un pays qui, à certains égards, seraient également des réfugiés. Aussi la conférence devra-t-elle se préoccuper peut-être de savoir si cet état de choses ne créerait pas un certain risque de conflit entre la législation interne et les droits conventionnels dans le cas des personnes qui seraient autorisées à se prévaloir des deux. Enfin, la conférence aurait à examiner si une telle disposition ne rendrait pas encoure plus difficile, pour certains gouvernements, l'adhésion à la Convention.
Passant à la seconde question soulevée par l'amendement autrichien - à savoir que les réfugiés rentrant dans la troisième catégorie devraient avoir droit aux mesures internationales d'assistance prévues pour les réfugiés, le Haut-Commissaire tient à préciser que s'il parle de la question c'est uniquement parce que le représentant de l'Autriche l'en a prié. Le Statut du Haut-Commissariat lui interdit, en tant que Haut-Commissaire, de s'adresser aux gouvernements pour leur demander des fonds ou de faire un appel général sans l'approbation préalable de l'Assemblée générale (A/AC.36/1, page 12). Il lui semble clairement établi que la définition du réfugié, donnée à l'article premier de la Convention, est une définition spéciale en ce sens qu'elle a été adoptée pour les fins propres de la Convention. Selon lui, elle ne préjuge donc en rien toute autre définition qui pourrait s'appliquer à des réfugiés recevant une assistance internationale et non couverts par la présente Convention. Par exemple, l'Agence des Nations Unies pour le relèvement de la Corée assiste des réfugiés coréens qui sont ressortissants de la Corée. La Conférence sera d'accord avec lui, pense-t-il, pour reconnaître que toute définition des réfugiés doit dépendre des fins pour lesquelles elle a été établie, et il est certain que, si, à un moment quelconque, une définition était adoptée en vue d'apporter une assistance internationale aux réfugiés, la définition donnée dans la présente Convention ne saurait préjuger en rien cette nouvelle définition, le critère utilisé devant évidemment être la nécessité, pour les réfugiés en question, de recevoir une assistance internationale.
M. FRITZER (Autriche) remercie le Haut-Commissaire de son exposé, notamment en ce qui concerne la question des mesures internationales d'aide aux réfugiés. La délégation autrichienne considère l'exposé du Haut-Commissaire comme une interprétation autorisée de la situation mais estime qu'elle ne défendrait pas effectivement la cause des « Volksdeutsche » autrichiens si elle retirait son amendement (A/CONF.2/17). Il pense que les Etats n'auront pas de difficulté à prendre une attitude positive à l'égard de cet amendement, puisqu'aucun d'eux ne peut souhaiter que ses ressortissants se trouvent placés dans une situation plus défavorable que celle des réfugiés.
Le Gouvernement fédéral autrichien est prêt à admettre que la décision de la Conférence constituera une interprétation de ce point.
M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) remercie également le Haut-Commissaire et note avec satisfaction que, selon lui, la définition contenue dans la Convention ne préjuge pas toute autre définition qui pourrait être adoptée en vue de mesures, internationales d'aide aux réfugiés. Ceci admis, le Gouvernement de la République fédérale allemande est disposé à accepter la section D de l'article premier.
Prenant le cas mentionné par le Haut-Commissaire, d'un « Volksdeutsche » qui se rend en Allemagne et qui acquiert de facto les droits de citoyenneté, il désire souligner que ce problème dépend des autorités allemandes qualifiées pour décider de la légalité de l'admission d'une telle personne en Allemagne et des droits qui lui seront accordés ou refusés. Son Gouvernement a accordé la citoyenneté de facto à environ 9 millions de réfugiés allemands.
Il s'abstiendra de voter sur l'amendement de la délégation autrichienne.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) attire l'attention de la Conférence sur le fait qu'il a cité textuellement la section D de l'article premier de la Convention et le paragraphe 7 (b) du Statut du Haut-Commissariat : il en ressort que, dès qu'une personne a été régulièrement admise dans un pays, elle peut bénéficier de la citoyenneté de facto. Quant à l'autre aspect du problème, il n'a pas donné une interprétation faisant autorité, mais il a simplement exprimé sa conviction personnelle que, si des mesures internationales d'aide aux réfugiés était un jour mises à l'étude, une autre définition du terme « réfugié » serait nécessaire.
Par 10 voix contre une, avec 13 abstentions. L'amendement au paragraphe 1 de la section A présenté par la délégation de l'Autriche (A/CONF.2/17) est rejeté.
Le PRESIDENT invite la Conférence à passer à l'amendement au paragraphe 3 de la Section B de l'article premier (A/CONF.2/73) présenté par la délégation des Pays-Bas.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) présentant l'amendement de la délégation des Pays-Bas précise que cet amendement a pour origine certains doutes sur la question de savoir si les cas prévus au paragraphe 3 correspondent à toutes les éventualités qui peuvent se produire.
En effet, la nationalité peut être acquise, soit volontairement, soit d'office.
Si la nationalité est acquise volontairement, l'intéressé peut néanmoins ne pas jouir de la protection du pays dont il a acquis la nationalité. C'est pourquoi il conviendrait de préciser la dernière partie de l'amendement des Pays-Bas, en y ajoutant les mots suivants : « elle jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ». En effet, dans les cas où l'intéressé ne jouit pas de la protection du pays en question, il devra continuer à être considéré comme réfugié.
En ce qui concerne l'acquisition d'office, il se peut que l'intéressé n'ait pas le désir de se prévaloir de la protection du pays de sa nouvelle nationalité. Par conséquent, il faudra restreindre l'application de cette disposition au cas dans lequel l'intéressé réclame la protection du pays dont il a acquis la nationalité ; dans les autres cas, il faudra encore le considérer comme réfugiés.
M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) appui l'amendement des Pays-Bas.
M. HERMENT (Belgique) aurait été disposé à appuyer l'amendement des Pays-Bas sans les nouvelles réserves que le représentant des Pays-Bas vient de faire. M. Herment pensait, en effet, que le critère sur lequel l'amendement des Pays-Bas était fondé était celui d'une manifestation de la volonté du réfugié. Or, il apparaît actuellement qu'il peut s'agir de réfugiés qui souhaiteraient à la fois acquérir une nouvelle nationalité et conserver les privilèges que leur confère leur qualité de réfugiés. Tel est bien le sens de la clause que le représentant des Pays-Bas vient d'ajouter à la première partie de son amendement. L'acquisition d'une nationalité est un acte de volonté et, par conséquent, le réfugié aura été en mesure de s'enquérir, par avance, des conséquences qu'entraînerait l'acquisition de son nouveau statut.
Pour ces raisons, la délégation de la Belgique estime qu'il est essentiel de conserver le critère de la manifestation de la volonté du réfugié.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) précise que le but de son amendement n'était nullement de permettre à un réfugié ayant acquis une nouvelle nationalité, de refuser de se prévaloir de la protection du pays dont il devient ressortissant.
Néanmoins, il peut se présenter des cas dans lesquels il ne lui serait pas possible de s'en prévaloir.
M. van BOETZELAER propose donc de remplacer la clause qu'il a ajoutée à la première partie de son amendement (paragraphe 3 a)) par les mots : « et ne peut se réclamer de la protection du pays dont il a acquis la nationalité ».
M. PETREN (Suède) voudrait savoir ce qui arriverait dans le cas d'un réfugié qui acquiert une nationalité par mariage. En effet, le mariage est un acte volontaire, alors que ses effets peuvent ne pas l'être.
M. HERMENT (Belgique) répond que dans ce cas, la femme peut, suivant la plupart des législations, acquérir la nationalité de son conjoint ou conserver sa nationalité d'origine.
M. PETREN (Suède) fait observer qu'il s'agit là du cas général, Or, on peut très bien imaginer un réfugié apatride contractant mariage dans un pays où la loi lui confère automatiquement la nationalité de son conjoint.
M. ROCHEFORT (France) n'est pas sans éprouver certains doutes sur l'acquisition d'office d'une nouvelle nationalité. En effet, si l'on connaît, des exemple où des autorités internationales ou nationales ont pris une décision aux termes de laquelle un groupe de personnes acquerraient une nouvelle nationalité, il s'agit là de cas relativement rares. L'acquisition d'office d'une nouvelle nationalité peut certes constituer une forme de persécution qui contraint la personne qui en fait l'objet à chercher refuge dans un autre pays. Dans ce cas, le problème ne se pose pas dans les termes de l'amendement des Pays-Bas, car l'intéressé pourra invoquer la persécution ou le viol de sa conscience. En outre, l'hypothèse de l'acquisition d'office d'une nouvelle nationalité ne saurait être retenue par les pays signataires de la Convention. Pour la France, en particulier, le problème de la nationalité relève du libre choix individuel ; de l'avis de M. Rochefort, l'individu ne peut donc être contraint d'acquérir une nouvelle nationalité.
Le paragraphe 3 de la section B visé par l'amendement des Pays-Bas, a fait l'objet d'un long examen, et la délégation française se trouverait dans une situation difficile si certains détails susceptibles d'avoir des conséquences pratiques inappréciables se trouvaient remis en cause.
M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) signale les modifications apportées récemment à la législation de certains pays de l'Europe orientale, qui permettent à toute personne née dans l'un de ces Etats après une certaine date, d'être considérée comme citoyen de cet Etat. Il estime que le but de la délégation des Pays-Bas serait mieux atteint si l'on remplaçait le mot « jouit » du texte original du paragraphe 3 de la section B par les mots « se prévaut de ». Cette modification permettrait à un ressortissant de l'un de ces Etats qui vit à l'étranger do réclamer le statut de réfugié, plutôt que de se revaloir de la protection du pays de sa nationalité.
M. ROCHEFORT (France) fait observer que l'hypothèse d'une acquisition d'office d'une nouvelle nationalité, telle qu'elle est exprimée dans l'amendement des Pays-Bas, se situe dans le pays d'accueil du réfugié, alors que l'hypothèse à laquelle a fait allusion le représentant de la République fédérale allemande vise la pratique de certains pays qui ne sont pas pays d'accueil. L'amendement des Pays-Bas ne peut s'appliquer aux pays d'accueil où il n'existe pas de système d'acquisition obligatoire de la nationalité.
M. HERMENT (Belgique) pense qu'il convient de prévoir l'hypothèse d'un réfugié se trouvant dans un pays d'accueil et qui, soit par l'action des autorités de son pays d'origine, soit par celle d'une puissance exerçant l'autorité sur le territoire de son pays d'origine, se voit attribuer une nationalité qu'il ne désire pas posséder. On connaît des cas de déchéance de nationalité prononcée d'office. Il semble donc juste d'envisager également le cas d'acquisition d'office.
M. ROCHEFORT (France) fait observer que la Convention cherche à prévoir ce qui se passera dans le pays d'accueil et non pas dans le pays d'origine. Les décisions prises dans le pays d'origine ne peuvent avoir aucune portée sur le réfugié résidant dans un pays d'accueil.
M. HOARE (Royaume-Uni) fait remarquer que les paragraphes 1, 2 et 3 de la section B ont trait à trois sortes de cas différents ; il est évident, si l'on considère des différents cas, que le paragraphe 3 ne concerne pas l'imposition de la nationalité par une autorité extérieure, mais se rapporte à l'acquisition par un réfugié d'une nouvelle nationalité autre que celle du pays de persécution. Le paragraphe 3 a été rédigé afin de répondre au cas dans lequel un réfugié établi dans un pays d'accueil a fait un bref séjour dans un autre pays et s'est prévalu des facilités qu'on y trouve pour acquérir la nationalité de ce pays. Si cette personne revient personne revient dans le pays d'accueil, celui-ci se trouvera dans la nécessité d'examiner la situation de cette personne qui aurait acquis une nouvelle nationalité. Aussi, de l'avis de M. Hoare, serait-il préférable de dire « jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité », car ceci laisserait à l'Etat intéressé le soin de décider si le réfugié jouira de cette protection, et de forcer l'interprétation qu'il convient de donner à ce membre de phrase. Si l'on remplace, ainsi que le représentant de la République fédérale allemande l'a proposé, le mot « jouit » par les mots « se prévaut de », il sera impossible de prendre une décision à ce sujet avant que la personne intéressée ne fasse des démarches précises - par exemple, ne demande et obtienne un passeport, M. Hoare estime que le paragraphe 3 de la section B. tel qu'il est rédigé, couvre largement le genre de cas auquel il se rapporte, et qu'une rédaction trop subtile pourrait dépasser les limites que l'on a voulu fixer à l'origine.
M. von BOETZELAER (Pays-Bas) explique que les questions que la délégation des Pays-Bas a estimé utile de poser à propos du paragraphe 3 de la section B résultent du fait que le Gouvernement des Pays-Bas n'était pas au courant des discussions qui ont abouti à la rédaction de ce paragraphe tel qu'il apparaît dans le document A/CONF.2/1. Il a entendu avec le plus vif intérêt les explications du représentant du Royaume-Uni ; grâce à ces explications, le paragraphe 3 lui paraît maintenant assez clair. La délégation des Pays-Bas retire donc son amendement.
Le PRESIDENT invite la Conférence à examiner l'amendement d'Israël (A/CONF.2/81) au paragraphe 5 de la section B de l'article premier. Le deuxième amendement de la Suède (A/CONF.2/9) porte également sur ce paragraphe.
M. ROBINSON (Israël) déclare que, bien que son amendement n'ait jusqu'à présent été distribué qu'en anglais, et qu'un nouvel amendement au paragraphe 6 de la section B (A/CONF.2/81) présenté par sa délégation, en rapport étroit avec l'amendement de la Suède et avec le premier amendement d'Israël n'ait pas encore été distribué, il s'efforcera d'expliquer l'objet des amendements de sa délégation et l'attitude de celle-ci envers l'amendement de la Suède.
Il est manifesté d'après la rédaction actuelle du paragraphe 2, section A de l'article premier que l'arrêt des persécutions n'est pas considéré comme mettant automatiquement fin à la qualité de réfugié, mais qu'un réfugié peut invoquer d'autres raisons pour conserver cette qualité. Cette idée est exprimée par les mots « pour des raisons autres que de convenance personnelle ». La délégation de la Suède s'est élevée contre cette expression pour des raisons d'ordre juridique et pratique. La délégation d'Israël partage l'opinion de la Suède et estime que c'est une rédaction négative et vague ; elle comprend qu'elle pourrait donner lieu à des difficultés dans certains pays où la structure constitutionnelle est telle que l'on doit voter une loi pour pouvoir ratifier une convention internationale.. Robinson comprend aussi les difficultés d'ordre pratique du Gouvernement de la Suède qui résultent du fait que le paragraphe 2 de la section A semble mettre les gouvernements dans l'obligation d'accepter éventuellement un nombre indéterminé de personnes qui pourraient devenir des réfugiés après le 1er janvier 1951 à la suite d'événements survenus avant cette date. Les amendements d'Israël aux paragraphes 5 et 6 de la Section B ont pour objet de résoudre à la fois les objections d'ordre juridique et les objections d'ordre pratique soulevées par le représentant de la Suède. Au lieu de la vague formule « pour des raisons autres que de convenance personnelle », la délégation d'Israël propose que l'on utilise la clause, visant les réfugiés pendant la période postérieure aux persécutions, qui a été énoncée par l'OIR et qui mentionne les réfugiés pourtant invoquer d'impérieuses raisons de famille ou des raisons découlant de persécutions antérieures pour refuser de se prévaloir de la protection du pays dont ils ont la nationalité. Cette clause s'appliquerait également aux apatrides, avec cette différence que l'expression « pays dont il a la nationalité » serait remplacée par l'expression « pays où il a sa résidence habituelle ». Quant à la question des difficultés d'ordre pratique provenant de l'incertitude quant aux obligations que les Etats devront assumer, la proposition de la délégation d'Israël est que seuls soient visés les réfugiés tombant sous l'application du paragraphe 1, section A, de l'article premier, qui, en fait, ne laisse aucun doute quant aux obligations assumées.
Sur la question de procédure, M. Robinson propose que ses amendements soient considérés comme des amendements à la proposition de la Suède et qu'ils soient examinés conjointement et mis aux voix en premier lieu.
M. PETREN (Suède) remercie le représentant d'Israël d'avoir proposé une solution transactionnelle. Il a déjà eu L'occasion d'exposer les motifs qui ont incité la délégation suédoise à présenter son amendement. Elle est disposée à accepter provisoirement l'amendement d'Israël, en précisant, toutefois, que sa position définitive dépendra de l'attitude que le Gouvernement suédois adoptera en la matière.
M. ROCHEFORT (France) constate que la délégation française n'est pas la seule à éprouver quelques difficultés, tant à interpréter la portée exacte de l'amendement d'Israël, qu'à mesurer les conséquences pratiques auxquelles cet amendement peut donner lieu. Il lui est personnellement impossible de se prononcer à l'heure actuelle ; il ne peut que transmettre à son Gouvernement le texte de cet amendement, et attendre des instructions.
Le PRESIDENT propose, et M. ROBINSON (Israël) et M. PETREN (Suède) acceptent, que le débat sur le paragraphe 5 de la section 2 soit renvoyé jusqu'au moment où les amendements d'Israël seront communiqués en anglais et en français.
Il en est ainsi décidé.
Le PRESIDENT met en discussion l'amendement des Pays-Bas (A/CONF.2/77) proposant l'adjonction d'un nouveau paragraphe à la section B de l'article premier.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) déclare que la proposition des Pays-Bas apparaîtra peut-être quelque peu révolutionnaire. Néanmoins, le Gouvernement néerlandais tient à connaître l'opinion de la Conférence sur le fond de cette proposition. Il est évidemment disposé à accorder un traitement préférentiel aux réfugiés ainsi que le prévoit le projet de Convention, mais il se demande si un tel régime doit durer indéfiniment. M. van Boetzelaer souligne que, dans certaines circonstances, il sera nécessaire, selon sa délégation, de favoriser l'assimilation et de prendre des mesures pour éviter que les réfugiés jouissent indéfiniment d'un traitement plus favorable que celui qui est généralement accordé aux étrangers, et qui leur confère des droits équivalant presque à ceux dont jouissent les nationaux, sans leur imposer les obligations correspondantes qui incombent à ceux-ci. La première parte de son amendement traite de la question de l'assimilation. Il semble également raisonnable de ne pas laisser les réfugiés qui ne peuvent être naturalisés en raison de leur mauvais comportement jouir indéfiniment de la qualité de réfugié et, s'ils ne sont pas encore naturalisés à l'expiration d'une certaine période, de ne pas faire de distinction entre eux et les étrangers ordinaires. Tel est l'objet de la deuxième partie de cet amendement.
M. ROCHEFORT (France) rappelle qu'au sens de la délégation française, les questions de nationalité et de naturalisation relèvent du libre choix individuel des réfugiés il lui est donc impossible de se rallier à une mesure de pression analogue à celle que propose l'amendement des Pays-Bas (A/CONF.2/77).
En France, certains réfugiés conservent l'espoir tenace de retourner dans leur patrie, et le Gouvernement français ne se sent pas le droit de leur retirer cet espoir.
M. Rochefort rappelle, à ce propos, le cas des réfugiés espagnols qu'il a déjà eu l'occasion de citer, et qui, aux termes de la Constitution de l'OIR, ne résident en France que temporairement, en attendant que l'établissement de nouvelles conditions en Espagne leur permette de retourner dans leur patrie.
En outre, l'amendement des Pays-Bas entraînerait des conséquences pratiques assez regrettables. C'est ainsi qu'en France on n'accorde pas la naturalisation à des personnes qui vivent sous le même toit mais ne sont pas légitimement mariées.
M. Rochefort tient à souligner également le caractère extrêmement vague de l'expression « son mauvais comportement ». Il rappelle que, lors d'une séance précédente, plusieurs délégations ont combattu le point de vue de la France qui désirait soumettre certaines dispositions à une réserve concernant le maintien de l'ordre public. M. Rochefort adresse un appel à ces délégations et leur demande de ne pas accepter une formule beaucoup plus restrictive que celle contre laquelle elles ont jadis manifesté une si vive opposition. Si l'amendement des Pays-Bas était adopté, la délégation française, pour sa part, se verrait obligée de formuler une réserve, ce qui soulèverait à nouveau la question des réserves à l'article premier de la Convention.
M. HERMENT (Belgique) partage entièrement le point de vue du représentant de la France. Il estime impossible, par exemple, d'obliger les réfugiés résidant en Belgique depuis cinq ou dix ans, à demander la naturalisation, sous peine de ne pas bénéficier des dispositions de la Convention. Certains de ces réfugiés sont animés d'un espoir, peut-être vain mais malgré tout compréhensible, de retourner dans leur patrie ; on ne peut donc leur arracher ces espérances. En outre, il faut noter qu'il ne s'agit que d'une génération. En effet, les enfants des réfugiés seront ou ressortissants du pays d'accueil ou appelés à opter en faveur du statut qu'ils désirent. Il semble donc préférable de laisser aux réfugiés le soin de régler pour eux-mêmes la question de la nationalité.
M. HOARE (Royaume-Uni) ne saurait non plus pour les raisons avancées par le représentant de la France et le représentant de la Belgique, appuyer l'amendement des Pays-Bas. Nul n'ignore que certains étrangers gardent l'espoir de rentrer dans leur pays d'origine ; il serait injuste d'imposer à ces réfugiés de renoncer à cet espoir dans un délai de deux ans. M. Hoare désapprouve, lui aussi, toute pression effectuée sur des réfugiés afin de leur faire adopter la nationalité du pays d'accueil. Non seulement, on court le risque que les gouvernements n'abusent de la facilité que leur donnerait l'emploi d'une expression telle que « mauvais comportement », pour refuser la naturalisation ; mais il se présenterait aussi une difficulté en ce qui concerne le réfugié lui-même ; cela signifierait, en effet, que, si un réfugié ayant subi une condamnation demandait à être naturalisé et se voyait refuser la naturalisation pour ce motif, il perdrait sa qualité de réfugié.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) fait remarquer que la question posée par l'amendement des Pays-Bas a déjà été amplement discutée à diverses reprises. Dans un avant-projet de convention sur le statut des réfugiés que l'OIR avait élaboré en 1949, figurait un paragraphe qui traitait de ce point particulier ; mais cette disposition n'a jamais été adoptée, bien qu'elle fût rédigée en des termes beaucoup plus précis que l'amendement dont est saisie la Conférence. Il était question dans ce paragraphe d'une période de résidence qui donnerait au réfugié le droit d'être naturalisé ; il y était prévu que les autorités pourraient inviter le réfugié à présenter une demande de naturalisation ; enfin, il était permis au réfugié d'avancer des raisons valables pour refuser d'adopter la nationalité du pays d'accueil. Le Haut-Commissaire cite le cas du Comte Sforza, à qui, selon lui, on n'aurait pas pu raisonnablement demander d'introduire dans un délai de dix ans une demande de naturalisation dans son pays d'asile. C'est pourquoi le Haut-Commissaire demande à la délégation des Pays-Bas d'examiner très attentivement s'il est utile de maintenir son amendement.
Selon M. HOEG (Danemark) la délégation du Danemark, pour les raisons exposées par les orateurs qui l'ont précédé, ne saurait appuyer l'amendement. Si bien des réfugiés désirent acquérir une nouvelle nationalité, il y en a certains qui ont des raisons valables pour ne pas demander leur naturalisation. M. Hoeg partage le point de vue du représentant de la France au sujet du danger qu'il y aurait à employer une expression telle que « mauvais comportement ».
M. CHANCE (Canada) déclare que la délégation du Canada ne saurait appuyer l'amendement des Pays-Bas. Il a déjà déclare que, de l'avis du Gouvernement canadien, un immigrant ne doit pas continuer à se considérer ou à être considéré par les autres comme un réfugié, mais il ne voudrait pas que l'on puisse en conclure qu'il approuve l'idée d'insérer dans la Convention un article contrairement un réfugié à se faire naturaliser.
M. ROCHEFORT (France) précise que le projet de l'OIR auquel a fait allusion le Haut-Commissaire était un projet qui menait de l'administration de l'OIR, et qui n'engageait nullement les gouvernements faisant partie du Conseil général de cette organisation ; ceux-ci n'auraient pu admettre disposition de ce genre.
M. PETREN (Suède) tout en comprenant fort bien l'intention qui a dicté l'amendement des Pays-Bas, adopte le point de vue des autres représentants dont il a entendu les arguments.
M. del DRAGO (Italie) rappelle l'exposé général de la délégation de l'Italie sur l'article 29 de la Convention au cours duquel celle-ci a déclaré que le gouvernement italien ne saurait, pour des raisons bien connues, envisager la question de naturalisation. Il n'est donc pas en mesure d'appuyer l'amendement des Pays-Bas.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) croit pouvoir se faire maintenant une idée précise de l'opinion de la Conférence sur l'idée fondamentale dont s'inspire l'amendement de sa délégation. La période de dix années consécutives de résidence habituelle qui est suggérée n'a aucun caractère définitif ; on aurait pu prescrire une période plus longue. De plus, on aurait pu trouver, au lieu de l'expression « mauvais comportement », une expression plus précise. Toutefois, puisque cet amendement n'a pas recueilli l'assentiment de la conférence, il est prêt à le retirer.
Le PRESIDENT pense qu'il y a lieu d'attendre, pour mettre aux voix la section B, que les amendements d'Israël aux paragraphes 5) et 6) de la Section B aient été communiqués. Le représentant de l'Egypte étant absent, il serait également utile d'attendre son retour pour étudier la section C, puisque la Conférence est saisie de l'amendement de l'Egypte, contenu dans le document A/CONF.2/13.
Il en est ainsi décidé.
Le PRESIDENT prie la Conférence de passer à l'examen de la section D, auquel la Belgique a proposé d'apporter un amendement (A/CONF.2/78) qui ne porte que sur le texte français. Cet amendement pourrait, sans doute, être renvoyé au comité du style, dont la Conférence pourra étudier les conclusions au cours de la deuxième lecture.
M. HERMENT (Belgique) présentant l'amendement de la Belgique à la section D (A/CONF.2/78), fait observer qu'en droit, le terme « élire domicile » et le terme « établir sa résidence » ont un sens tout à fait différent. En effet, on peut parfaitement élire domicile dans un pays et résider dans un autre. C'est pourquoi la délégation belge propose l'expression « a établi sa résidence », qui correspond mieux aux intentions de la Section D.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) voudrait obtenir une précision sur l'expression « droits et obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays ». De l'avis de la délégation des Pays-Bas, ce terme ne vise pas les droits et obligations politiques, tels que le droit de vote, celui d'accéder à certaines fonctions publiques ou l'obligation du service militaire, mais seulement les droits économiques et sociaux.
M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) rappelle que l'Assemblée générale a adopté cette section D à la suite de la suppression des mots « en Europe » au paragraphe 2 de la section A de l'article premier. L'intention était de s'occuper de la citoyenneté de facto. On a cru qu'il serait possible d'accorder la citoyenneté dans certains cas et que, en attendant la confirmation juridique de ce statut, les réfugiés en question devraient, en fait, avoir les droits et les obligations des nationaux.
Le PRESIDENT croit que, dans ces conditions, il conviendrait d'employer l'expression « résidence habituelle » et non « résidence ».
M. ROCHEFORT (France) fait observer que, en ce qui concerne l'amendement de la Belgique, et terme exact serait « a établi sa résidence régulière ». Il souligne, par ailleurs, que le texte de la section D a été soigneusement posé et mis au point. Il faut donc éviter que des modifications, intervenant à l'heure actuelle, puissent remettre en cause les conséquences qu'entraînerait sur le plan pratique l'application de la section D. La délégation française, pour sa part, s'en tiendra strictement à l'interprétation qui a prévalu lors des débats de Lake Success.
Selon le PRESIDENT, c'est à la Conférence qu'il appartient de décider si le critère doit être la résidence ou la résidence habituelle.
M. CHANCE (Canada) estime que, si l'on retient le concept de résidence habituelle dans le texte anglais, il sera nécessaire de modifier la rédaction de celui-ci comme suit : « in which he has taken up permanent résidence ».
M. HOARE (Royaume-Uni) a la conviction que, aux fins de la section D, l'idée d'établir sa résidence équivaut à s'établir de façon permanente. Au sens dans lequel elle a été utilisée dans d'autres parties de la Convention, l'expression « résidence habituelle » a une signification bien moindre que la résidence permanente. C'est là, sans aucun doute, une question que le comité du style devra examiner pour autant qu'il s'agit de la concordance entre le texte anglais et le texte français ; mais, de l'avis de M. Hoare, les mots « taken residence » suffisent pour les fins visées par cet article.
Le PRESIDENT demande si la Conférence est d'accord pour admettre que la question relève du Comité du style.
M. HERMENT (Belgique) accepte la procédure suggérée par le Président. Il souligne la nécessité de retenir la distinction qu'il a établie entre la signification juridique de l'« élection d'un domicile » et de l'« établissement d'une résidence ».
M. ROCHEFORT (France) estime que la délégation de la République fédérale allemande devrait être représentée dans tut groupe de travail qui serait chargé d'examiner le texte de la section D. En effet, ce texte a pour but de faire face à une situation existant en Allemagne et a été rédigé à Lake Success en présence des observateurs de la République fédérale allemande.
Le PRESIDENT souligne que le comité du style n'est pas encore constitué. Si le représentant de l'Allemagne n'en est pas membre, le comité pourra se l'adjoindre par voie de cooptation.
M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) est à la disposition du comité du style pour toute l'aide qu'il sera en mesure de lui donner.
Il est convenu de charger le comité du style d'étudier la question posée par l'amendement de la Belgique (A/CONF.2/78).
Le PRESIDENT met voix la section D dans sa forme actuelle.
Par 19 voix contre zéro, avec 2 abstentions, la section D de l'article premier est adoptée.
La séance est levée à 18 heures.