CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, (Point 6 de l'ordre du jour) : CLAUSE D'APPLICATION AUX ETATS FEDERAUX ET A CERTAINS TERRITOIRES : PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES, Mémorandum préparé par le
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, (Point 6 de l'ordre du jour) : CLAUSE D'APPLICATION AUX ETATS FEDERAUX ET A CERTAINS TERRITOIRES : PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES, Mémorandum préparé par le
A/CONF.2/21
Question de la disjonction de la discussion des deux clauses1
La délégation des Etats-Unis a proposé qu'afin de simplifier les choses la clause d'application aux Etats fédéraux et la clause d'application aux territoires coloniaux fussent examinées séparément. Contrairement à cette opinion, le représentant de la Belgique a déclaré que la clause d'application coloniale comme la clause fédérale ont pour effet de limiter la portée des obligations qui incombent aux Etats parties à un traité. Cette similitude était, à son sens, une raison de les soumettre simultanément à un examen comparatif qui n'aurait pas forcément pour effet de dégager des conclusions applicables aux deux clauses, mais qui, sans aucun doute, contribuerait à mieux éclairer les problèmes en cause. Il a été décidé que les deux clauses seraient étudiées séparément.
La clause d'application aux territoires coloniaux2
Opinions favorables à l'inclusion de la clause dans le pacte
Le représentant du Brésil a déclaré que la délégation de son pays était d'avis qu'il fallait inclure dans le pacte une clause relative à l'application de ce pacte aux territoires non autonomes. Il a déclaré que tous les territoires non autonomes n'ont pas encore atteint le même degré de développement et que, pour cette raison, les principes du pacte ne peuvent pas être mis en application immédiatement. Les puissances administrantes néanmoins doivent mettre tout en oeuvre pour favoriser le développement de ces territoires et c'est aux autorités chargées de l'administration qu'il appartient d'appliquer le pacte en tenant dûment compte du degré de développement de chaque territoire et en s'attachant avec pleine conscience des réalités non seulement aux problèmes qui se posent aux populations des territoires non autonomes mais aussi à l'étude des besoins de la minorité de colons établie parmi ces populations.
Le représentant du Royaume-Uni a souligné le fait que la question dont était saisie la Commission n'était pas de savoir s'il est juste ou non qu'il existe encore au vingtième siècle un système colonial mais seulement de savoir si, ce système existant en fait, il faut incorporer au pacte une clause d'application aux territoires coloniaux. Le Royaume-Uni n'a jamais prétendu que les populations des territoires qu'il administre fussent souveraines et indépendantes. Nul ne saurait nier toutefois que ces populations font des progrès constants vers la capacité à se gouverner elles-mêmes et vers l'indépendance et, c'est précédemment pour tenir compte de ces progrès qu'il faut incorporer au pacte une clause d'application aux territoires coloniaux. En principe, le gouvernement du Royaume-Uni n'assume jamais sans consulter le gouvernement local d'obligations au nom de ses colonies, lorsqu'il signe une convention ou un traité. Si la clause d'application aux territoires coloniaux n'était pas incorporée au pacte, les colonies deviendraient automatiquement parties à une convention internationale, de sorte que ces territoires se trouveraient privés du droit de prendre eux-mêmes la décision. Les adversaires de la clause d'application aux territoires coloniaux semblent donc n'être pas logiques avec eux-mêmes, puisqu'ils revendiquent l'autonomie pour les populations des territoires non autonomes et qu'en même temps ils leur retirent le droit de prendre eux-mêmes une décision. De l'avis du représentant du Royaume-Uni, la seule façon correcte et démocratique de résoudre la question consiste à incorporer au pacte un article autorisant une puissance coloniale à adhérer immédiatement au pacte pour le compte de son territoire métropolitain et d'y adhérer ultérieurement, après avoir pris l'avis des territoires coloniaux, pour le compte de chacune des colonies, lorsque celle-ci auront fait connaître qu'elles sont disposées à admettre que le pacte leur soit applicable. Si la clause coloniale n'était pas incorporée au pacte, le Gouvernement métropolitain serait contraint de consulter tous ses territoires coloniaux avant de ratifier le pacte. Dans le cas du Royaume-Uni, cela n'empêcherait pas le Gouvernement d'appliquer le pacte, mais cela retarderait le moment où le Royaume-Uni y pourrait adhérer.
Le représentant de la France a estimé que le problème dit de la clause coloniale ou territoriale est dans son essence le même que celui de la clause fédérale. Il s'agit de savoir si certaines parties composantes d'un Etat donné peuvent adhérer à un instrument international avant que ne le fassent d'autres parties du même Etat. La France considère que la base fondamentale de sa politique en la matière est constituée par l'article 73 de la Charte et par l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui excluent toutes les mesures discriminatoires, mais il faut bien comprendre que ce problème n'est pas aussi simple que certains le croient. Le représentant de la France a cherché à déterminer la portée de l'obligation de la clause dite coloniale en ce qui concerne l'Union française et il a exposé l'usage que la France a fait des clauses coloniales qui ont été incorporées à des instruments antérieurs.
Le représentant de la France a mis la Commission en garde contre le double inconvénient qu'il y aurait à ne pas incorporer au pacte une clause territoriale. Une telle omission pourrait soumettre des pays habités par des populations différentes à des obligations uniformes et les normes que ces pays adopteraient pour leur législation seraient celles qui pourraient s'appliquer aux populations dont le degré d'évolution est le plus bas ; ou bien, s'il s'agit, par exemple, d'une convention relative aux droits de la famille, elle entraînerait des transformations qui n'exigeraient peut-être que quelques mois en France métropolitaine mais ne pourraient s'accomplir dans les territoires d'outre-mer qu'au terme d'une longue période et, même alors, dans des conditions qui pourraient mettre en danger l'ordre public parce que les populations ne seraient pas préparées à de telles modification. Dans l'un et l'autre cas, des mesures de ce genre risqueraient d'avoir pour effet de retarder le progrès de l'humanité.
La délégation de la Grèce a estimé qu'il fallait incorporer au pacte la clause coloniale pour la raison qu'une politique de contrainte serait en fait inefficace, car il ne suffit pas de voter une loi pour que les moeurs s'adaptent à cette loi, une telle politique serait même dangereuse car il y a déjà de par le monde assez de causes virtuelles de difficultés. La délégation de la Grèce a approuvé de tous points la proposition du Gouvernement de l'Australie (E/1681, Annexe I, page 23) qui demande que les puissances administrantes indiquent les raisons pour lesquelles elles n'auront pas étendu l'application du pacte à tous leurs territoires.
La représentante des Etats-Unis a déclaré que son pays ne se trouvait pas dans l'obligation d'obtenir le consentement des territoires qu'il administre pour pouvoir étendre à ces territoires l'application d'une convention internationale signée et ratifiée par lui en leur nom aussi bien qu'au nom du territoire métropolitain. Néanmoins, la délégation des Etats-Unis, se rendant compte du fait que certains Etats pouvaient à cet égard rencontrer des difficultés d'ordre constitutionnel, a déclaré qu'elle appuierait l'inclusion d'une clause coloniale dans le projet de pacte.
Le représentant de l'Australie, tout en déclarant que la délégation de son pays était favorable à l'inclusion d'une clause coloniale dans le projet de pacte, a néanmoins été d'avis qu'il serait prématuré de prendre une décision définitive à cet égard, car il s'agissait uniquement, dans le débat en cours, de dégager le sentiment des Etats membres de la Commission, particulièrement de ceux d'entre eux qui ne faisaient partie ni de la Commission des droits de l'homme ni du Conseil économique et social, afin que la Commission des droits de l'homme pût tenir compte dudit sentiment lorsqu'elle aurait à examiner à nouveau le projet. Le représentant de l'Australie a fait observer que les chapitres XI et XII de la Charte des Nations Unies, relatifs aux territoires non autonomes et au régime international de tutelle, ont été rédigés avec un soin tout particulier. Ces deux chapitres proclament nettement que les puissances administrantes doivent tenir compte des circonstances particulières propres à chaque territoire et à ses populations ainsi qu'à la diversité des stades d'évolution de ces dernières. L'article 73 a stipule expressément qu'il importe de respecter « la culture des populations en question ». On ne peut certes s'autoriser de la Charte pour prétendre que des pactes comme le pacte relatif aux droits de l'homme doivent s'appliquer automatiquement à ces territoires.
Le représentant de l'Australie a signalé qu'au cours du débat relatif aux articles 3 à 18 il avait été dit qu'il ne suffisait pas d'incorporer au pacte des dispositions qui ne seraient que le plus petit dénominateur commun de droits qui sont déjà reconnus dans le monde entier. En vertu de tels principes, l'instrument à rédiger ne correspondrait pas, provisoirement du moins, à la situation qui règne dans la plupart des pays peu évolués. Dans ces conditions, le représentant de l'Australie a estimé qu'il était juste et nécessaire de prévoir une clause qui permît d'appliquer le pacte immédiatement chaque fois que cela est possible et de l'appliquer progressivement dans les autres cas. La délégation de l'Australie. Tout en respectant la sincérité avec laquelle s'expriment les représentants de pays qui ont récemment accédé à l'indépendance, n'a pas estimé que ce fût défendre l'ère révolue du colonialisme que de défendre la clause coloniale. Le représentant de l'Australie a déclaré qu'il partageait l'avis du représentant du Royaume-Uni, qui a dit que les puissances administrantes ne devraient pas adhérer à des conventions internationales au nom de pays coloniaux ou de territoires sous tutelle avant de s'être dûment informés des voeux des peuples intéressés. Tel est particulièrement le cas dans les territoires où existent des institutions par lesquelles la population autochtone s'administre elle-même. En votant contre la clause coloniale, on risquerait donc, dans une certaine mesure, de paralyser l'évolution des institutions d'administration autonome dans les régions en question.
Le représentant de la Nouvelle-Zélande a estimé que l'insertion de la clause coloniale dans le pacte était souhaitable dans l'intérêt même de l'application prompte et ample de ce pacte. Loin de favoriser la cause de l'indépendance des territoires autonomes, l'attitude des délégations qui repoussaient la clause coloniale, ne pouvait, à son avis, avoir d'autre effet que de retarder l'application dans une grande partie du monde d'instruments tels que le pacte qui devraient pourtant être acceptés et mis en oeuvre par tous les gouvernements le plus tôt possible.
Le représentant du Canada a déclaré qu'il voterait pour l'incorporation de la clause coloniale, car l'expérience du Canada lui-même permettait à son représentant d'attester la pureté des intentions des puissances administrantes. Il a déclaré que c'était le souci de l'intérêt des autorités locales et non celui de l'intérêt des puissances administrantes qui l'incitait à appuyer l'inclusion de cette clause. En vertu des articles 73 de la Charte, les puissances administrantes ont l'obligation morale de favoriser dans toute la mesure du possible la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les territoires dont les populations ne s'administrent pas encore complètement elles-mêmes. Au surplus, favoriser cette protection dans toute la mesure du possible, ne signifie pas - bien loin de là - l'imposer par la contrainte ; le fait d'imposer les droits énoncés dans les 18 premiers articles du projet de Pacte, constituerait on lui-même une violation flagrante du principe sacré du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Le représentant de la Belgique s'est déclaré favorable à l'incorporation de la clause coloniale et a déclaré que le gouvernement de la Belgique espérait qu'on ne l'obligerait pas à appliquer automatiquement au Congo les principes du pacte et qu'on le laisserait libre de choisir le mieux approprié et le plus pratique pour les appliquer. Il a estimé que les attaques dirigées contre les puissances administrantes provenaient d'une sorte de complexe de ressentiment qu'éprouvent des pays qui ont souffert dans le passé d'une domination étrangère.
L'histoire de la Belgique elle-même, de l'avis du représentant de ce pays, peut être comparée à celle du Congo et d'autres territoires non autonomes. A l'origine, les belges n'étaient qu'une réunion de tribus qui furent vaincues par l'Empire romain. Tout en étant très fiers des chefs de ces tribus qui se sont vaillamment battus pour l'indépendance, les Belges d'aujourd'hui se rendent parfaitement compte que leur civilisation actuelle doit beaucoup à Rome et, par l'intermédiaire de Rome, à la Grèce. Mais il a fallu des siècles pour que la Belgique prît place à l'avant-garde de la civilisation, au sens que l'on donne ordinairement à ce terme.
Opinions opposées à l'insertion de la clause fédérale
La délégation de l'Inde a déclaré que, selon sa conviction, la clause coloniale donnerait aux puissances métropolitaines le droit d'imposer leur volonté aux populations des territoires non - autonomes. La délégation de l'Inde est d'autant plus fortement opposée à l'insertion de la clause coloniale que c'est précisément dans les territoires non - autonomes et les colonies que l'on doit le plus veiller à l'application du Pacte car c'est on effet dans ces régions que les cas de violation des droits de l'homme sont malheureusement le plus fréquents.
Le représentant de la Yougoslavie a déclaré qu'à son avis la question devait être étudiée en tenant compte des dispositions de la Charte et notamment de celle de l'Article 73. En acceptant les obligations qui y sont énumérées, les puissances métropolitaines ont pris l'engagement de permettre aux populations de ces territoires de participer à l'exécution de toutes les obligations qu'elles ont contractées dans le domaine internationale et notamment de celles qui découlent des conventions et des accords adoptés par les Nations Unies. Il serait donc contraire à l'esprit, et même à la lettre, de la Charte, de vouloir autoriser les puissances métropolitaines à exclure du bénéfice de l'application du Pacte relatif aux droits de l'homme les territoires placés sous leur administration.
Il a ajouté que ceux qui étaient en faveur de la clause coloniale fondaient leur argumentation sur des motifs d'ordre purement constitutionnel, mais qu'il ne fallait pas oublier qu'en vertu de la Charte des Nations Unies, les Etats Membres se sont engagés à mettre leur constitution en harmonie avec les dispositions de la Charte et même, s'il le fallait à reconnaître que ces dispositions doivent avoir le pas sur les clauses correspondantes de leurs constitutions respectives. Il ne s'agit pas, a-t-il dit, d'imposer des obligations à un territoire sans avoir obtenu le consentement préalable de sa population, mais simplement de lui accorder les droits auxquels il peut prétendre.
De deux choses l'une : ou bien les colonies s'administrent elles-mêmes, auquel cas elles peuvent librement adhérer à des accords internationaux, ou bien cette autonomie administrative n'existe pas et, dans ce cas, seules les puissances métropolitaines sont en mesure d'adhérer à des accords de ce genre.
La délégation de la Syrie s'est déclarée opposée à l'insertion d'une clause coloniale, ajoutant qu'on consacrant un certain nombre de droits essentiels, le Pacte constitue un pas en avant dans l'évolution du progrès social et humanitaire.
Elle s'est déclarée persuadée que l'application du Pacte favorisera le développement des pays arriérés. Il ne s'agit pas, certes, d'imposer une décision ou un Pacte à ces pays, mais simplement de leur fournir le moyen de hâter leur évolution. C'est pourquoi la délégation de la Syrie se prononcerait volontiers en faveur de l'insertion d'une clause coloniale si cette clause devait réellement permettre aux colonies, protectorats et territoires sous tutelle d'avoir voix au chapitre pour l'exécution des divers engagements qui ont été pris en leur nom, mais tel n'est pas le cas.
Le délégation de la Syrie a estimé en outre que la clause coloniale serait contraire à la Charte des Nations Unies qui, elle, repose sur le principe de l'égalité des droits de l'homme. Ce qu'il faut redouter, selon elle, ce n'est pas que ces territoires refusent d'adhérer au Pacte, mais bien que les puissances coloniales refusent d'appliquer le Pacte.
Le représentant de l'Union des Républiques socialistes soviétiques a rappelé que sa délégation avait déjà exposé les raisons pour lesquelles elle s'opposerait à l'insertion d'une clause fédérale dans le Pacte relatif aux droits de l'homme. Ce sont les mêmes raisons qui l'amèneront à s'opposer à l'adoption d'une clause coloniale.
Elle estime que tout Etat qui adhère à un pacte international est tenu d'étendre l'application des dispositions de ce pacte à tous les territoires qui sont placés sous sa juridiction, sans aucune exception. La clause que l'on est convenu d'appeler clause coloniale a pour objet de mettre les puissances coloniales en mesure de maintenir hors du champ d'application de l'instrument en question les populations des territoires qu'elles administrent.
L'orateur a rappelé qu'en signant la Charte, tous les Etats Membres des Nations Unies ont pris l'engagement solennel de favoriser dans toute la mesure du possible le bien-être et la prospérité des peuples placé sous leur dépendance. Il a cité les dispositions de l'Article 73 et de l'Article 76 de la Charte et insisté notamment sur l'alinéa c) de ce dernier article qui, au nombre des fins essentielles du régime de tutelle, mentionne l'obligation d'« encourager le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».
Il a rappelé également les termes de l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Au deuxième alinéa de cet article, il est stipulé que « il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissant, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non-autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté ».
La délégation de l'Ukraine a déclaré que l'insertion d'une telle clause serait contraire aux principes fondamentaux et aux buts des Nations Unies, ainsi qu'aux dispositions des Chapitres XI et XII de la Charte et à la Déclaration universelle des droits de l'homme.
On estime, dans certains milieux, a-t-elle exposé, qu'il existe encore dans le monde des régions qui n'ont pas atteint un stade d'évolution suffisant pour que l'on puisse accorder à leurs populations tous les droits énoncés dans le projet de pacte. Cette attitude est vraiment surprenante si l'on se souvient qu'il s'agit du droit à la vie, du droit à l'intégrité de la personne, de la liberté individuelle, de l'égalité de tout devant la loi, du droit au travail et du droit d'être admis dans des établissements d'enseignement.
Le délégué de l'Ukraine a émis le voeu que le Comité écarte toute autre considération, d'ordre juridique ou constitutionnel, qui ne sont autre chose que des prétextes ; le Comité devrait s'inspirer uniquement, a-t-il dit, du désir d'accorder à tous les peuples du monde, et notamment à ceux qui n'ont pas encore accédé à l'indépendance, la garantie qu'ils pourront jouir pleinement des droits qui s'attachent à leur condition d'êtres humains et de citoyens du monde.
Le représentant de l'Ethiopie a tenu à déclarer que sa délégation était opposée à l'insertion de la clause coloniale. Après avoir passé en revue les dix-huit premiers articles proposés pour le premier projet de Pacte, il a déclaré qu'il ne pouvait y découvrir quoi que ce soit qui ne pût s'appliquer aux colonies et aux territoires non autonomes ou qui fût de nature à faire surgir des difficultés dans les relations entre ces territoires et les puissances métropolitaines.
Le représentant de la Tchécoslovaquie a déclaré que les Nations Unies ne doivent pas chercher de formules évasives mais élaborer un pacte qui puisse aider, d'une part, les peuples opprimés à prendre conscience de leurs droits et, d'autre part, aider les puissances coloniales à appliquer les dispositions du pacte de manière à favoriser le respect des droite de l'homme et des libertés fondamentales et à garantir à tous l'égalité de traitement dans le domaine économique et le domaine social. Le projet de pacte, a-t-il indiqué, énumère en détail les obligations stipulées dans la Charte ; or, la portée de ces obligations ne peut ni ne doit en aucune manière être restreinte au point de favoriser l'un quelconque des Etats signataires. L'orateur a tenu à préciser que sa délégation était catégoriquement opposée à l'insertion d'une clause coloniale.
Le représentant de la Pologne a fait remarquer que la clause coloniale n'est pas nouvelle et qu'elle constitue depuis longtemps l'un des moyens utilisés par les puissances coloniales pour se dérober aux responsabilités et aux devoirs qui leur incombent vis-à-vis des territoires non autonomes qu'elles ont la charge d'administrer. Conformément à certaines obligations particulières imposées aux puissances coloniales aux termes de l'Article 73 de la Charte, ces puissances sont tenues d'étendre l'application des dispositions du projet de pacte aux territoires qui sont placés sous leur dépendance. De l'avis de la délégation polonaise, l'insertion de la clause coloniale dans un traité, quel qu'il soit, est contraire aux dispositions du Chapitre XI de la Charte. La clause coloniale laisserait aux puissances coloniales toute liberté d'action pour l'application des principes et des dispositions du projet de pacte dans les territoires où il est précisément le plus urgent d'assurer la défense des droits de l'homme.
Le représentant de la Chine s'est prononcé contre l'insertion de la clause coloniale et a relevé, au paragraphe 34 du rapport du Secrétaire général sur cette question (E/1721 et Corr.1) que l'Assemblée générale a supprimé la clause coloniale de la convention de 1921 pour la répression de la traite des femmes et des enfants, de la convention de 1923 pour la répression de la circulation et du trafic des publications obscènes. S'il a été possible de supprimer la clause coloniale du texte de ces Conventions, il serait certainement inopportun de la réintroduire dans le projet de pacte. Après tout, le projet de pacte traite des droits de l'homme et les Nations Unies pourraient difficilement expliquer pourquoi ces droits ne devraient pas être appliqués dans les territoires non autonomes.
Le délégué du Pakistan a déclaré que les puissances métropolitaines devraient prendre l'avis de leurs territoires non autonomes avant la rédaction du Pacte et au moment de sa signature. Aux arguments d'ordre constitutionnel invoqués en faveur de l'insertion de la clause coloniale, il a répondu que la population totale des colonies est beaucoup plus importante que celle des pays métropolitains. Pratiquement, des millions de gens ne sont représentés auprès des Nations Unies que par leurs gouvernants qui allèguent qu'ils ne peuvent représenter les peuples de leurs colonies, mais prétendent d'autre part que les peuples coloniaux ne peuvent se représenter eux-mêmes. Or, si les pays métropolitains ne représentent pas et ne prétendent même pas représenter les peuples coloniaux, on peut se demander pourquoi aucune proposition n'a jamais été faite au sein des Nations Unies, tendant à inviter les représentants de ces peuples à assister aux séances, ne serait - ce qu'à titre consultatif.
La représentante de l'Irak a déclaré que sa délégation s'opposait à l'insertion de la clause coloniale dans le projet de Pacte relatif aux droits de l'homme et a ajouté que, quelle que fût la valeur des arguments avancés en faveur de l'insertion de cette clause, celle-ci priverait le Pacte de tout effet pratique ; puisque l'objet même du Pacte était précisément d'assurer l'application des droits de l'homme à des populations qui en sont privées et vivent dans l'ignorance de ce qui leur est dû en tant qu'êtres humains.
Le représentant de l'Arabie saoudite a indiqué les répercussions de la situation coloniale sur le problème : l'étude. Aussi longtemps que les colonies demeureront indispensables à la survie économique des puissances métropolitaines, ces puissances ne pourront se permettre d'accorder aux populations assujetties le bénéfice de dispositions qui comme celles du Pacte, rendraient ces peuples conscients de leurs droits. Il a déclaré que depuis une trentaine d'années il avait vu de ses propres yeux, dans plusieurs territoires, les peuples demander le bénéfice de droits inaliénables tels que ceux qui sont prévus dans le Pacte, et se les voir brutalement refusés au nom de la loi et de l'ordre public. Il a vu les habitants de ces mêmes territoires appelés à se battre et à mourir pour des causes qui leur étaient étrangères, sans avoir été aucunement consultés par les puissances métropolitaines.
Il a demandé si les puissances coloniales craignaient, en assurant la mise en oeuvre immédiate du Pacte dans les territoires non autonomes, de pousser les populations de ces territoires à la rébellion et tenaient à en retarder l'application jusqu'à ce qu'elles aient réglé leurs difficultés économiques.
Le représentant de la République socialiste soviétique de Biélorussie a déclaré que l'insertion d'une clause coloniale équivaudrait à créer des discriminations au détriment de centaines de millions d'êtres humains. Elle aboutirait à blesser les sentiments de dignité humaine et à créer des conditions telles que les puissances coloniales pourraient s'abstenir d'appliquer les dispositions du Pacte sur leurs territoires.
La représentante de l'Indonésie a signalé que si cette clause était insérée, l'Assemblée générale donnerait en fait à une classe privilégiée d'être humains le droit de déterminer arbitrairement la mesure dans laquelle les droits dont elle jouirait sans réserve pourraient être accordés aux classes moins favorisées. Elle a ajouté que sa délégation estimait qu'au stade actuel de leur développement, tous les peuples, quels qu'ils soient, peuvent se prévaloir du droit à la vie, à la liberté et à la sûreté individuelle et réclamer l'abolition de l'esclavage et de la servitude et la suppression de la torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le représentant du Liban a déclaré que sa délégation ne s'opposait pas par principe à l'insertion d'une clause coloniale (puisque dans le cas d'autres conventions, par exemple celle des transports routiers, elle s'était prononcée en faveur de cette insertion) et qu'elle serait toute prête à reconnaître la valeur de cet argument, s'il ne s'agissait justement du Pacte relatif aux droits de l'homme. Il a estimé que dans le cas particulier du Pacte, les droits accordés ne sauraient dépendre de circonstances accidentelles, ni du degré d'évolution des populations, ni du statut politique, juridique ou international du pays dont ces populations sont ressortissantes. L'objet du Pacte n'est pas de protéger les gouvernements, mais de protéger les peuples eux-mêmes.
Le représentant du Mexique s'est prononcé contre l'insertion de la clause coloniale et a déclaré que la Charte des Nations Unies, particulièrement au chapitre XI, impose à tous les Etats Membres l'obligation inéluctable d'assurer la jouissance des droits et libertés fondamentaux à tous les êtres humains sans exception. Devant cet impératif, on ne saurait accepter que le bénéfice des dispositions du Pacte relatif aux droits de l'homme puisse être refusé à une fraction importante de l'humanité et encore moins supposer que les populations intéressées pourraient refuser elles-mêmes ce bénéfice.
Il a souligné l'importance de la clause dite fédérale qui, indépendamment de ses répercussions sur le Pacte relatif aux droits de l'homme, déciderait du sort et de la valeur d'un grand nombre d'instruments multilatéraux qui, dans les années à venir, seront signés par les Membres de l'Organisation des Nations Unies. Il a rappelé que les réserves constituent le point le plus délicat de la structure juridique d'un pacte ou d'un traité, car elles peuvent neutraliser complètement les effets d'un accord. La clause coloniale et la clause fédérale sont des réserves insérées dans le corps même des traités. Il a fait remarquer qu'un recours sans réserve à la législation locale peut perdre un Etat fédéral. Admettre la clause fédérale serait admettre que les Etats intéressés possèdent deux personnalités : l'une sur le plan international, l'autre sur le plan fédéral. D'après le projet de déclaration concernant les droits et les obligations des Etats, on doit conclure que certains Etats, bien que souverains, font partie d'autres Etats. Mais la législation internationale a force obligatoire pour tous les Etats, qu'ils fassent ou non partie d'une fédération. Il a déclaré que la clause fédérale équivalait à une réserve et à une clause échappatoire unilatérale. Elle viole le principe de l'égalité des Etats et va à l'encontre du principe de la réciprocité et sape l'unité dans la lutte menée pour la réalisation des objectifs économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Elle permet d'abroger automatiquement à l'avance les obligations et de rendre impossible leur mise en oeuvre. Elle ne permettrait pas ... de demander à un Etat fédéral de justifier la non exécution de ses obligations. Les arguments fondés sur les restrictions apportées aux pouvoirs du Sénat d'un Etat fédéral sont insoutenables. Le sénat peut approuver ou rejeter un traité, et les membres qui le composent représentent les états de la Confédération.
Eu égard au texte approuvé par la Troisième Commission concernant la suppression de la clause coloniale, les Etats fédéraux chargés de l'administration de territoires non autonomes seront automatiquement privés du bénéfice d'une clause fédérale. Le projet de résolution II est rédigé comme suit : « Les dispositions du présent Pacte s'étendront ou seront applicables aussi bien à un territoire métropolitain d'un Etat signataire qu'à tous les territoires, qu'ils soient non autonomies, sous tutelle ou coloniaux, administrés ou gouvernés par ledit Etat ». Ce texte indique clairement que les Etats fédéraux chargés de l'administration de territoires non autonomies, ou de territoires sous tutelle, ne pourront pas se prévaloir de la clause fédérale.
Le représentant du Chili a désiré souligner qu'il était habituel de se référer indifféremment aux colonies, aux territoires non autonomies et aux territoires sous tutelle. Or, il ne faut pas oublier que les populations des territoires sous tutelle sont des populations souveraines et que la responsabilité de leur administration incombe uniquement à l'Organisation des Nations Unies, qui la délègue à un de ses membres sous la réserve clairement stipulée dans une des clauses de l'Accord de tutelle - qu'il administrera le territoire en question comme il administrerait un de ses propres territoires. Ainsi la discussion en cours ne saurait donc concerner d'aucune manière les Territoires sous tutelle, et ne porte que sur les territoires non autonomes et sur les colonies pour lesquels l'Organisation des Nations Unies n'est pas directement responsable.
La délégation du Chili a déclaré qu'elle était fermement opposée à toute clause coloniale.
Le représentant de l'Afghanistan a déclaré que les Etats qui prétendaient chercher à civiliser les peuples qu'ils colonisent devraient au moins leur donner le droit de se préparer à prendre conscience de leur dignité humaine.
Le représentant de l'Egypte a déclaré que lorsque la délégation avait voté en faveur d'un examen séparé de la clause fédérale et de la clause coloniale, elle l'avait fait parce que, à son avis, ces deux clauses procédaient des considérations assez différentes. La première semblait se rattacher à la procédure de ratification du Pacte, la seconde à l'applicabilité des principes des droits de l'homme. Il semble que l'insertion dans le Pacte d'une clause coloniale entraînerait la non application, ou du moins l'application incomplète des droits de l'homme dans les territoires coloniaux et semis - coloniaux, alors que ces droits seraient appliqués intégralement dans tout le reste du monde. La délégation de l'Egypte s'est donc opposée à l'insertion de la clause coloniale, sauf au cas où cette clause serait rédigée de façon impérative dans le sens de la proposition de la délégation des Philippines, telle qu'elle figure dans le rapport de la Commission des droits de l'homme sur la Sixième session (E/1681 Annexe 1, p. 22).
Le délégué des Philippines a déclaré que l'objet du projet de résolution commune présenté par les Philippines et la Syrie (A/C.3/.71/Rev.1) était de supprimer définitivement la prétendue clause coloniale qui constitue une source perpétuelle d'irritation et d'embarras pour les puissances coloniales. Parce que dans la Charte des Nations Unies, il a été fait mention à divers endroits des droits de l'homme et de la personne humaine, un nouveau concept juridique a pris naissance dans le droit public international - à savoir que l'individu pouvait faire l'objet du droit international. Les avantages du Pacte devraient donc s'étendre à tous les être humains où qu'ils se trouvent. Le projet de résolution commune des Philippines et de la Syrie a souligné deux points : du point de vue juridique, les puissances métropolitaines pourraient être considérées comme des commettants dont les engagements internationaux devraient automatiquement s'étendre aux territoires coloniaux. Du point de vue moral, les habitants des territoires dépendants ont manifestement autant le droit de bénéficier des droits de l'homme que quiconque.
Clause fédérale3
Thèse des partisans de cette clause :
Le délégué des Etats-Unis a proposé à la Troisième Commission de l'Assemblée un projet de texte que la délégation de ce pays avait déjà présenté à la sixième session de la Commission des Droits de l'Homme. Ce texte était rédigé comme suit : « Pour tout article du présent Pacte qui, dans le cadre de la Constitution de l'Etat, sera considéré comme relevant, en tout ou partie, de la compétence fédérale, les obligations du gouvernement fédéral seront les mêmes que celles des Parties contractantes qui ne sont pas des Etats fédéraux ; pour tout autre article qui, dans le cadre de la Constitution de l'Etat, sera considéré comme relevant en tout ou partie de la compétence des Etats, provinces ou cantons qui constituent l'Etat fédéral, le Gouvernement fédéral portera le plus tôt possible ces dispositions à la connaissance des autorités compétentes des Etats, provinces et cantons, en recommandant l'adoption. »
Le délégué américain a soutenu qu'un article s'inspirant des principes définis ci-dessus devait être compris dans le Pacte pour permettre aux Etats à constitution fédérative d'adhérer à ce texte. C'était là le cas des Etats-Unis. Il a indiqué que le gouvernement fédéral des Etats-Unis serait prêt à souscrire aux obligations définies dans le Pacte pour autant qu'elles relèvent de sa compétence, mais qu'en ce qui concerne d'autres obligations résultant du Pacte, il ne pourrait faire plus que de les signaler aussitôt aux autorités compétentes des quarante-huit Etats qui constituent la République fédérale, en leur recommandant de les accepter. Il ajoute que, comme on le sait, le texte de l'article 43 du Pacte, proposé par les Etats-Unis s'inspirait, dans une large mesure, de l'alinéa 7 de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail.
La délégation australienne a donné elle aussi son appui à cette thèse. Elle a fait observer que de nombreuses questions dont s'occupe la Commission des Droits de l'homme, relèvent avant tout de la compétence des Etats constituant le Commonwealth australien. Parmi elles, il faut compter des questions aussi fondamentales que l'application de la peine capitale, le droit de défendre par toutes les voies légales, l'effet rétroactif des lois et des sanctions qu'elles imposent, la liberté de mouvement, la liberté de la parole, la liberté de pensée, les droits d'association et de libre réunion. D'après la délégation australienne, il serait prématuré de repousser la clause dite fédérale, cette question devrait être renvoyée à la Commission des Droits de l'homme pour qu'elle l'étudiât de manière plus approfondie et proposât ensuite un projet de texte.
Le représentant du Canada s'est associé à la thèse de la délégation des Etats-Unis et a ajouté qu'au moment où le Pacte serait signé, des doutes pourraient fort bien subsister quant à la portée des obligations qu'assumerait dans un Etat à constitution fédérative le Gouvernement fédéral lui-même. Il serait cependant toujours possible d'obtenir les précisions nécessaires sur les dispositions prévues dans la Constitution d'un Etat fédéral en matière de séparation des pouvoirs. Et si l'on objecte que les obligations souscrites en vertu du Pacte ne seront pas les mêmes pour tous les Etats, on peut répondre que les autorités fédérales s'efforceront certainement par tous les moyens à leur disposition d'amener les autorités provinciales ou les Etats membres de la Fédération à adopter les mesures qui s'imposent ; à cet égard, l'obligation morale reformera à tel point l'obligation juridique que l'inégalité des obligations entre Etats signataires en deviendra plus apparente que réelle.
Le représentant des Pays-Bas a déclaré que l'adoption d'une clause fédérale entraînerait une inégalité très marquée entre les obligations des Etats à constitution centraliste - Etats dont les obligations seraient inconditionnelles - et les Etats à constitution fédérative dont les obligations n'iraient pas au-delà du point jusqu'auquel leurs textes constitutionnels leur permettent de s'engager. Une telle inégalité de régime présenterait évidemment des inconvénients sérieux.
Mais, a-t-il dit, il faut se rappeler que si une clause fédérale n'était pas insérée dans le texte du Pacte, un certain nombre d'Etats membres refuseraient peut-être de ratifier ce texte. La Commission a estimé que le délégué des Pays-Bas devait choisir le moindre de deux maux. Il a déclaré aussi que sa délégation s'inclinerait à proposer l'insertion dans le texte du Pacte d'une nouvelle clause en vertu de laquelle le gouvernement d'un Etat à constitution fédérative serait tenu chaque année d'informer le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies des mesures prises par chacun des Etats, provinces ou cantons qui le composent pour assurer l'application du Pacte.
Le représentant de la Nouvelle-Zélande, s'associant à la thèse du délégué des Pays-Bas, a estimé lui aussi que les pays à constitution fédérative devraient chaque année faire rapport sur l'application donnée aux dispositions du Pacte par les gouvernements des Etats constituant l'Etat fédéral.
Le représentant du Royaume-Uni, reconnaissant la situation spéciale des Etats à constitution fédérative, a relevé dans son intervention le texte présenté par la délégation des Etats-Unis lors de la 5ème session de la Commission des Droits de l'homme. D'après ce texte, s'il s'agit d'un Etat à constitution fédérative, certaines dispositions deviendront applicables au regard de tel ou tel article du Pacte « que le Gouvernement fédéral considère, en vertu de son régime constitutionnel, comme relevant, en tout ou partie, de la compétence fédérale ». Le délégué britannique a fait aussi allusion à un projet de texte présenté par le délégué de l'Inde, projet rédigé en termes légèrement différents et qui précise que les dispositions en question s'appliqueraient à tous les articles du Pacte dont « la mise en application relève, aux termes de la Constitution de l'Etat fédéral, en tout ou partie, de la compétence fédérale ». Il a déclaré que le Gouvernement britannique donnait sa préférence au texte proposé par le délégué de l'Inde car il ne saurait admettre qu'un Etat partie au Pacte soit libre de déterminer lui-même jusqu'où s'étendent ses obligations. En outre, le gouvernement d'un Etat à constitution fédérative ne dispose généralement pas, aux termes de sa constitution, d'un tel pouvoir. Dans la plupart des Etats fédéraux, tout au moins, des questions de cette nature sont tranchées, non pas par le gouvernement fédéral, mais par le pouvoir judiciaire suprême auquel il incombe d'interpréter la constitution. Le délégué britannique a signalé aussi le projet de texte proposé par le représentant britannique membre de la Commission des Droits de l'homme. En vertu de ce texte, le Pacte comprendrait une clause d'après laquelle, sur la demande de tout Etat partie au Pacte, un Etat fédéral lui aussi partie au Pacte, serait obligé de faire rapport sur l'application donnée aux dispositions du Pacte par les gouvernements des Etats, provinces ou cantons qui constituent cet Etat.
Le délégué de la France a déclaré que si l'on veut éviter des délais de ratification qui pourraient bien atteindre plusieurs années, il faudra faire en sorte que les Etats fédéraux puissent ratifier le Pacte sans délai. A son avis, on obtiendra sans doute des résultats meilleurs en leur faisant confiance et en usant de persuasion qu'en recourant à des dispositions impératives.
Le représentant de la Grèce a déclaré que l'inégalité des obligations dont il avait été question au cours des débats pourrait bien disparaître si la clause fédérale était transformée en une clause d'ordre constitutionnel en vertu de laquelle, s'il s'agit d'Etats fédéraux, la ratification du Pacte serait subordonnée soit au consentement de certains organes constitutionnels soit à un plébiscite ou à la décision d'une assemblée parlementaire. Les inégalités qui résultent de la rédaction actuelle de la clause se trouveraient éliminées, même du point de vue de l'ordre chronologique des ratifications, les défendeurs de cette clause obtiendraient quand même satisfaction.
Le représentant du Liban a déclaré fort bien comprendre toutes les difficultés des Etats fédéraux mais il leur a demandé d'offrir de leur côté le maximum de garanties possibles pour faire disparaître les inégalités qui existeraient autrement entre eux et les Etats à constitution centraliste. Ces Etats pourraient ainsi par exemple présenter une déclaration où ils indiqueraient lesquels des Etats qui constituent l'Etat fédéral avaient accepté les dispositions du Pacte, de même qu'ils spécifieraient les articles que les autres Etats membres de la Fédération auraient refusé de prendre à leur compte. Si l'on appliquait cette méthode, les autres .... Etats signataires sauraient quelle est la situation dans les divers Etats fédéraux. Si d'autre part la séparation des pouvoirs fédéraux et des pouvoirs des Etats membres de la Fédération est impossible à définir, on obtiendra ainsi tout au moins une liste des Etats qui ont accepté les dispositions du Pacte.
Thèse des adversaires de l'insertion de la clause fédérale
Le délégué du Pakistan a déclaré qu'il ne fallait pas oublier que chaque membre du Comité représente un Etat souverain à même de souscrire à même de souscrire à des obligations internationales et non pas le gouvernement de l'Etat fédéral ou d'un Etat centraliste. On peut admettre que les Etats fédéraux sont en ce qui concerne certaines clauses du Pacte, tenus de consulter les différents Etats qui constituent la Fédération. S'il en est ainsi, ils doivent rechercher d'abord l'avis des intéressés pour signer le Pacte ensuite et assumer ainsi toutes les obligations prévues dans ce texte, à condition, bien entendu, qu'ils aient reçu les pouvoirs nécessaires à cette fin. Même si cette façon de procéder exigeait un délai de deux ou trois ans, ce délai serait très court devant l'histoire. Les membres du Comité représentent des Etats souverains dont quelques-uns signeront le Pacte sous certaines réserves tandis que d'autres en accepteront toutes les obligations sans restriction. Une clause fédérale, a estimé le délégué du Pakistan, ne présenterait aucune utilité ; la Commission devrait songer aux conséquences morales peu heureuses qui résulteraient de l'adoption d'une telle clause. Si l'on procédait ainsi, cela encouragerait l'adoption d'une clause coloniale qui, elle, prête encore davantage à objection.
D'après le représentant de la Yougoslavie, le Pacte devrait stipuler que les Etats fédéraux ne pourraient ratifier le Pacte avant d'avoir au préalable donné l'assurance qu'ils appliqueraient le Pacte dans tous les territoires composant ces Etats. La délégation de la Yougoslavie a présenté d'ailleurs, en ce sens un projet d'amendement au texte qui figure dans le rapport de la Commission des droits de l'homme sur sa troisième session.
Le représentant de l'Uruguay a déclaré que l'adoption clause fédérale aurait à l'égard des obligations issues des traités internationaux pour effet de créer des inégalités entre les Etats signataires, aux dépens des Etats à constitution centraliste.
Tout en tenant compte des difficultés devant lesquelles se trouvent les Etats fédéraux, le représentant de l'Uruguay a estimé que les intérêts de ces Etats seraient amplement sauvegardés du moment qu'ils signeraient, comme cela se fait habituellement, ces traités sous certaines réserves. De la sorte, l'adoption d'une clause fédérale deviendrait superflue, et on préviendrait aussi les inégalités qui naîtraient autrement de l'insertion d'une telle clause.
Le délégué du Danemark a estimé que l'insertion dans le Pacte d'une clause fédérale serait très peu souhaitable, car elle semblerait favoriser les Etats fédéraux aux dépens des Etats à constitution centraliste. Il faudrait toutefois, comprendre qu'en raison du régime constitutionnel qui leur est particulier, ces Etats ne pourront ratifier le Pacte avant un certain délai. Pareil délai, bien que regrettable, sera de loin préférable à l'adoption d'une clause fédérale du genre de celle qui a été proposée, et qui, sans doute, aurait pour effet de faire obstacle à la signature du Pacte par un grand nombre d'Etats à constitution centraliste.
Le délégué de Cuba a déclaré que l'adoption d'une clause fédérale reviendrait à admettre une clause suspensive qui, dans ses effets, serait multilatérale.
En admettant même que certaines constitutions n'autorisent pas la ratification immédiate du Pacte, les droits de l'homme, il faut le reconnaître constituent une matière qui ne se prête guère à l'invocation de la clause fédérale.
Le représentant du Mexique s'est associé aux déclarations des représentants du Pakistan, de l'Uruguay, de la Colombie et de Cuba. Il a estimé qu'en insérant une clause fédérale dans le Pacte, on y établirait une inégalité flagrante entre Etats fédéraux et Etats centralistes. En outre, il serait très difficile, à son avis, de définir d'une manière précise la nature de l'Etat fédéral, et de préciser dans quelle sphère son action est subordonnée au consentement des Etats membres de la fédération. Mais un des arguments les plus importants qui militent contre l'adoption d'une clause fédérale, c'est celui que l'on peut tirer de la grande élévation de pensée du texte soumis à la Commission. Ce texte a pour but de défendre un idéal et en même temps de consolider ce qui a déjà été fait dans différents pays pour améliorer le sort des réfugiés . Le délégué du Mexique a rappelé la distinction si fréquemment établie - notamment au cours des précédentes séances de la Commission - entre les obligations morales qui résultent de la Déclaration universelle des droits de l'homme et les obligations juridiques qui résultent du Pacte. Le délégué du Mexique, tout en reconnaissant la nécessité de certaines réserves dès lors qu'il s'agit d'un texte comme celui du Pacte, a estimé que la clause fédérale ne manquerait pas d'y introduire un élément d'incertitude.
Décision finale prise par l'Assemblée générale
Lors de sa 317ème séance plénière, l'Assemblée générale, par sa Résolution 421 (V) C, a demandé « au Conseil économique et social d'inviter la Commission des droits de l'homme à étudier un article relatif aux Etats fédéraux et à formuler, pour permettre à l'Assemblée générale de les examiner à sa Sixième session, des recommandations qui auraient pour objet d'assurer l'application la plus complète du Pacte aux unités territoriales constitutives des Etats fédéraux et de permettre la solution des problèmes constitutionnels qui se posent à propos des Etats fédéraux. »
Quant à la clause coloniale, l'Assemblée, par sa résolution 422 (V), a invité « la Commission des droits de l'homme à insérer l'article ci-dessous dans le texte du Pacte international relatif aux droits de l'homme : Les dispositions du présent Pacte s'étendront ou seront applicables également aux territoires métropolitains d'un Etat signataire et à tous les territoires, qu'ils soient non autonomies, sous tutelle ou coloniaux, qu'administre ou gouverne cet Etat. »
1 Assemblée générale, cinquième session, troisième Commission, 292ème séance.
2 Assemblée générale, cinquième session, troisième Commission, 294ème, 295ème, 296ème séances : Assemblée générale, cinquième session, 317ème séance plénière.
3 Assemblée générale, 5ème session, 3ème Commission, 292ème, 308ème et 309ème séances, et 317ème séance plénière.