Déclaration liminaire du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à la soixante-quatrième session du Comité exécutif
Déclaration liminaire du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à la soixante-quatrième session du Comité exécutif
Palais des Nations, Genève 1er octobre 2013
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Madame la Présidente, Messieurs les Ministres, Excellences, Distingués délégués, Mesdames et Messieurs,
A l'heure où je vous parle, le nombre de personnes contraintes de fuir leur foyer est le plus élevé que l'on ait enregistré depuis le génocide rwandais. Si les réfugiés et les déplacés internes constituaient une nation, elle figurerait parmi les 30 plus grands pays du monde.
Mais ils ne constituent pas une nation. Ils ont perdu leur maison, leurs moyens d'existence, leurs projets d'avenir et un trop grand nombre d'entre eux ont perdu ce qui leur est le plus cher -- leur famille.
Pour cette seule année 2013, plus d'1,5 million de réfugiés ont quitté la République arabe syrienne et des centaines de milliers ont fui leur pays en Afrique -- la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Mali, la Somalie et le Soudan.
J'ai ouvert mon discours à la dernière session du Comité exécutif sur une description semblable des multiples situations d'urgence et de déplacements massifs qu'elles avaient engendrés. Aujourd'hui, nous sommes toujours confrontés à la plupart de ces crises mais, de plus, nous devons faire face à un immense exode de réfugiés causé par la tragédie en République arabe syrienne.
Le HCR et ses partenaires font tout leur possible pour y répondre, mais nous sommes sollicités à la limite de nos capacités par cette conjugaison d'une crise sans égale au cours des dernières années et la persistance d'autres crises dans le monde.
En 2012 et 2013, nous avons déployé plus de 840 personnes en missions d'urgence dans le monde. Pour la seule année écoulée, environ 130 ponts aériens ont permis de livrer 12 000 tonnes d'articles d'urgence -- environ quatre fois plus qu'en 2010. Les appels supplémentaires pour faire face aux nouvelles crises et aux autres besoins imprévus ont atteint presque 700 millions de dollars E.-U. en 2012 et 1,4 milliard de dollars E.-U. en 2013. Il s'agit d'un effort immense mais qui ne permet pas de couvrir tous les besoins des personnes dont nous avons la charge.
Alors que les sollicitations multiples croissent d'année en année, notre capacité d'exécution est mise à trop rude épreuve, malgré les investissements que nous avons consentis. Je me demande parfois comment le HCR et ses partenaires ont pu fournir protection et assistance à tant de personnes dans ce contexte, malgré les pressions énormes qui pèsent sur nous.
Je voudrais souligner six facteurs qui nous ont aidés à relever le défi. Ils resteront cruciaux pour notre capacité de réaction face aux situations de déplacement sans solution et aux nouvelles crises imprévisibles.
Le premier élément, et de fait le facteur le plus important pour dispenser une protection efficace aux réfugiés, est la solidarité et la générosité des pays hôtes et des communautés locales. La plupart des gouvernements touchés par les déplacements récents ont permis aux réfugiés de trouver un havre sûr. Bon nombre se sont vu offrir un abri, un accès à l'éducation et aux soins de santé et, dans certains cas, au marché du travail. Le Gouvernement soudanais a, par exemple, décidé la semaine dernière d'accorder 30 000 permis de travail aux réfugiés de l'Etat de Kassala.
Le fardeau de l'accueil des réfugiés est réparti inéquitablement dans le monde et l'écart se creuse. Plus de 80 pour cent des réfugiés contemporains sont hébergés par des pays en développement, par rapport aux 70 pour cent d'il y a dix ans. Le maintien du régime international de protection des réfugiés nécessitera un appui plus résolu aux pays hôtes et un effort plus déterminé de la communauté internationale pour se partager le fardeau et les responsabilités. Ce que nous avons pu vérifier hier pour la crise syrienne est tout aussi vrai pour le reste du monde.
Le deuxième facteur de réussite dans notre capacité de réponse a été l'appui financier important des bailleurs de fonds. Malgré la persistance de déficits importants, le financement a atteint un niveau sans précédent. En 2012, le HCR a reçu 2,3 milliards de dollars E.-U. sous forme de contributions volontaires -- chiffre record qui sera même dépassé en 2013. L'appui du secteur privé ne cesse de croître -- passant de 21,7 millions de dollars E.-U. en 2006 à près de 170 millions de dollars E.-U. cette année.
J'apprécie tout particulièrement l'esprit d'ouverture et de bonne volonté qui conduit nos donateurs à nous donner une indication précoce du niveau de financement. Une organisation financée à près de 98 pour cent par des fonds volontaires dépend d'une information claire et fiable concernant les ressources qui seront mises à sa disposition afin de planifier et de répondre rapidement et efficacement aux sollicitations.
Il reste extrêmement difficile d'établir un équilibre entre les exigences de la crise syrienne et les besoins humanitaires ailleurs. Je félicite les pays qui ont fait l'effort d'utiliser des sources budgétaires additionnelles pour la crise syrienne afin de minimiser les retombées néfastes sur d'autres opérations. Néanmoins, plusieurs régions -- particulièrement l'Afrique -- sont touchées par une diminution du niveau de financement.
Le troisième facteur crucial concernant l'efficacité de notre réponse est le partenariat. Le HCR a beaucoup investi dans le renforcement de ses anciens partenariats, la création de nouveaux liens et l'amélioration de l'appui à ses partenaires, tant dans les situations d'urgence de réfugiés que dans le cadre de l'approche modulaire.
Nous avons ouvert une nouvelle perspective de collaboration avec le PAM, centrant nos efforts sur l'assistance sous forme d'espèces et de contremarques, et visant à réorienter l'aide alimentaire aux réfugiés vers l'autosuffisance. Avec l'UNICEF, nous oeuvrons au renforcement de notre partenariat dans les secteurs de l'éducation, de la protection de l'enfance, de l'eau/assainissement au niveau des pays. En outre, je suis très heureux des liens de coopération noués avec le PNUD et la Banque mondiale dans les pays voisins de la République arabe syrienne.
Nous assurons également le suivi de notre Dialogue structuré avec les ONG partenaires et les Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Des principes directeurs sont à l'étude pour les opérations de terrain afin d'améliorer la planification conjointe, l'échange d'informations et le plaidoyer ainsi que la collaboration en milieu urbain et la création de capacités au niveau des acteurs locaux.
Le HCR reste fermement engagé à la mise en oeuvre sur le terrain de l'Agenda transformatif, en étroite coopération avec l'OCHA et ses partenaires du Comité permanent interorganisations. Les ajustements apportés à nos propres procédures dans ce contexte ont également fourni l'occasion de réviser et améliorer nos approches de direction et les mécanismes de coordination dans les opérations de réfugiés pour mieux appuyer nos partenaires.
Les besoins immenses engendrés par la crise syrienne sont un test grandeur nature pour bon nombre de ces mesures. Le Plan de réponse régional pour les réfugiés syriens, élaboré sur la base de larges consultations et d'une hiérarchisation conjointe des priorités avec 84 partenaires et les gouvernements hôtes, en est une brillante illustration. Une évaluation en temps réel de la réponse à la crise syrienne menée à bien avec les ONG a été cruciale pour recenser les progrès accomplis à ce jour et émettre des recommandations quant à la marche à suivre.
Le quatrième élément qui nous a permis d'être très efficaces est lié aux résultats de notre propre processus de réforme interne qui s'est étalé sur les sept dernières années. Entre 2006 et 2012, les dépenses du Siège ont chuté de 14 à 8 pour cent des dépenses globales, alors que les dépenses de personnel sont passées de 41 à 26 pour cent au cours de la même période. Depuis 2006, nos opérations ont plus que doublé, moyennant une augmentation de seulement 13 pour cent des effectifs au niveau global, et une réduction de 32 pour cent à Genève.
Grâce à ces coupes claires dans les dépenses structurelles, nous sommes aujourd'hui en mesure de consacrer beaucoup plus de ressources à la protection, à l'assistance et à la recherche de solutions en faveur des personnes qui relèvent de notre compétence. Nous engageons deux fois et demie plus de dépenses par le biais de nos partenaires et avons plus que triplé le volume des activités mises en oeuvre par les organisations nationales. En 2012, la quasi-totalité des fonds non affectés a été utilisée sur le terrain, offrant une marge de manoeuvre cruciale pour garantir l'exécution des programmes sans interruption, tant pour les situations d'urgence que pour les situations oubliées.
Tout cela nous a aidés à améliorer l'exécution là où elle compte le plus, c'est-à-dire le terrain. Grâce à de meilleurs mécanismes de déploiement et à une gestion globale des approvisionnements plus efficace, nous avons accru notre capacité de réponse d'urgence dans un délai de 72 heures de 250 000 à 600 000 bénéficiaires depuis 2006. Sachant que la protection est au coeur de tout ce que nous faisons, les effectifs de protection sont aujourd'hui une fois et demie plus nombreux dans le monde qu'il y a sept ans.
Nous travaillons dur pour moderniser notre gestion des ressources humaines -- un défi particulièrement délicat. Les affectations accélérées dans les opérations d'urgence sont maintenant bien rodées et de nouveaux programmes de recrutement ont été lancés au niveau d'entrée et pour attirer des compétences spécialisées. Le Centre d'apprentissage global, établi à Budapest, a géré plus de 9 000 activités d'apprentissage individuel pour le personnel du HCR, les effectifs associés et les partenaires extérieurs au cours de l'année écoulée -- soit une fois et demie de plus qu'en 2011. Les activités prioritaires actuelles incluent l'attestation de gestion interne, un ciblage plus marqué sur la réponse d'urgence, la prévention et la réponse à la violence sexuelle et de genre, ainsi que les formations en matière de coordination et d'approche modulaire à l'intention du personnel du HCR et de ses partenaires.
Le cinquième aspect de notre stratégie de réponse, et l'un de ceux que nous avons l'intention de privilégier au cours des années à venir, est l'innovation. C'est un moyen crucial de faire plus avec moins, alors que les pratiques traditionnelles montrent leurs limites. Le HCR dispose aujourd'hui d'équipes d'innovation basées à Genève, Bangkok et Nairobi pour tirer parti du potentiel qu'offre le secteur privé et la créativité du personnel et des réfugiés eux-mêmes.
Les projets actuels portent essentiellement sur les abris, l'énergie, la technologie des communications et l'éducation, ainsi que l'autonomie. Ils incluent une unité de logement provisoire novatrice mise au point avec la Fondation IKEA et expérimentée en Ethiopie et en Iraq ; l'étude d'instruments de recherche d'assistance avec UPS ; et le projet d'accès à la technologie communautaire offrant des possibilités d'éducation et de moyens d'existence en ligne pour les réfugiés grâce au télétravail et au paiement mobile. Par ailleurs, nous avons commencé à recueillir davantage de propositions grâce à une plateforme communautaire élargie appelée UNHCR Ideas qui a rencontré la réponse enthousiaste du personnel, des partenaires et des réfugiés.
Enfin, aucune des réalisations récentes n'aurait été possible sans le dévouement et le professionnalisme du personnel du HCR, malgré les conditions difficiles dans lesquelles nous travaillons. Quarante pour cent de nos effectifs, dont un administrateur international sur trois agents, travaillent dans des lieux d'affectation n'acceptant pas les familles, dont bon nombre présentent des risques très importants. C'est un pourcentage très élevé, même pour le système des Nations Unies. Il n'est guère d'année où nous ne déplorons le décès de collègues dans l'exercice de leurs fonctions -- 43 au total depuis la création du HCR. Environ la moitié de ces décès se sont produits depuis le début de ce siècle, à mesure que l'action humanitaire devenait de plus en plus périlleuse.
Il n'a jamais été simple de travailler pour le HCR. C'est pourquoi je suis fier et reconnaissant de l'énergie, de la passion et de l'engagement sans réserve que les fonctionnaires et leurs familles consacrent au HCR, année après année, crise après crise.
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Excellences,
Alors que le déplacement forcé ne cesse de croître, je suis particulièrement inquiet de voir ce que nous appelons les populations réfugiées mondialisées, qui voient la même communauté éparpillée dans des dizaines de pays. Ce phénomène tend à produire les situations d'exil les plus prolongées.
Les plus visibles de ces populations réfugiées mondiales sont les Afghans et les Somaliens. Bon nombre d'entre eux sont déplacés depuis deux décennies et parfois plus longtemps. Dans certaines familles, seuls les grands-parents ont vu la patrie. Néanmoins, pour un grand nombre de ces réfugiés, le retour au foyer reste un rêve qu'un jour ils espèrent réaliser, dès que l'environnement sera sûr.
Même si environ 5,7 millions de réfugiés afghans sont rentrés chez eux depuis 2002, il restait encore dans le monde à la fin de l'année dernière plus de 2,6 millions de personnes dispersées dans 82 pays. La plupart d'entre elles se trouvent dans les Républiques islamiques d'Iran et du Pakistan. La Stratégie de solutions pour les réfugiés afghans lancée en 2012 inclut les Gouvernements de ces deux pays ainsi que l'Afghanistan et le HCR. Elle cible tout particulièrement la réintégration viable en Afghanistan, y compris moyennant le travail conjoint avec le Gouvernement, le PNUD, l'OIT et les partenaires. La Stratégie prévoit également un appui aux communautés hôtes, par exemple par le biais du programme RAHA au Pakistan et des dispositifs alternatifs de séjour dans les pays d'asile. L'appui international sans réserve à tous les aspects de cette stratégie, en particulier à l'intérieur de l'Afghanistan, est crucial, également eu égard aux transitions politiques et sécuritaires importantes qui attendent le pays en 2014.
Entre temps, le Pakistan et l'Iran continuent d'offrir une protection généreuse aux réfugiés afghans résiduels. Je suis reconnaissant au Gouvernement pakistanais d'avoir récemment approuvé une politique d'ouverture pour la gestion des réfugiés afghans, prévoyant l'extension de la preuve des cartes d'enregistrement jusqu'à la fin de 2015. De même, je rends hommage au Gouvernement iranien pour sa politique d'ouverture assurant à tous les enfants réfugiés la fréquentation scolaire et à l'ensemble des réfugiés un accès aux permis de travail et à un plan d'assurance maladie avancé.
La deuxième population réfugiée mondiale, les Somaliens, est encore plus dispersée que la population afghane. Plus d'1,1 million de réfugiés somaliens sont actuellement enregistrés dans 109 pays. C'est le Kenya qui héberge de loin le plus grand nombre d'entre eux -- environ un demi-million -- suivi par l'Ethiopie qui compte 245 000 Somaliens. Le Yémen, Djibouti et l'Ouganda comptent également d'importantes populations réfugiées somaliennes sur leur territoire.
Les progrès encourageants enregistrés récemment en Somalie ont suscité le retour spontané de milliers de déplacés internes, de Somaliens de la diaspora et de réfugiés. Toutefois, de nombreuses régions importantes de retour, particulièrement le sud et le centre de la Somalie, restent fondamentalement peu sûres et inaccessibles et, de fait, beaucoup de réfugiés sont encore contraints de chercher la sécurité ailleurs, y compris presque 50 000 nouveaux déplacés internes et plus de 20 000 nouveaux réfugiés pour la seule année 2013.
Pour saisir les opportunités et relever les défis qui se présentent aujourd'hui en Somalie, il faudra une approche clairement différenciée combinant un accent constructif sur la recherche de solutions et l'assurance de l'accès ininterrompu à l'asile et à la protection pour ceux qui en ont encore besoin. Dans le cadre de ce processus, l'attention doit rester centrée sur la création à l'intérieur de la Somalie d'un climat propice au retour volontaire, sûr et durable. Entre temps, les mécanismes visant à préparer de nouveaux mouvements de rapatriement librement consenti sont actuellement mis en place et le HCR accordera un appui plus systématique aux retours spontanés.
Dans ce contexte, nous travaillerons avec la Somalie et les principaux pays d'accueil pour assurer le succès d'une Initiative globale pour les réfugiés somaliens.
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Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de mettre brièvement en lumière certaines problématiques et tendances fondamentales en matière de protection rencontrées au cours de l'année écoulée.
Tout d'abord, les risques et les dangers rencontrés par les réfugiés, les demandeurs d'asile et d'autres personnes prises dans des flux migratoires mixtes continuent de susciter une grande préoccupation. Ces personnes sont souvent contraintes de faire appel à des passeurs, ce qui les expose au harcèlement et à l'exploitation, aux violences physiques, au risque de la traite, voire à la mort.
L'un des exemples les plus déchirants est l'incidence élevée de l'enlèvement et du trafic des demandeurs d'asile et des migrants, essentiellement érythréens, à l'est du Soudan et le long de l'itinéraire passant par l'Egypte en direction d'Israël et de l'Europe. Un grand nombre d'entre eux, dont malheureusement beaucoup d'enfants non accompagnés, sont kidnappés contre rançon ou vendus à des groupes criminels, contraints à des pratiques dignes de l'esclavage, gravement maltraités ou même tués pour la transplantation d'organes illégale. L'OIM et le HCR ont lancé un projet régional pour aider les autorités soudanaises à lutter contre l'introduction clandestine et le trafic de personnes à l'est du pays. Mais ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan et il reste beaucoup à faire pour renforcer la coopération internationale en la matière dans la région.
Ailleurs dans le monde, nous avons été préoccupés par l'augmentation dramatique des mouvements maritimes irréguliers, particulièrement dans la région Asie-Pacifique. On a déploré des centaines de disparus en mer, y compris de nombreux réfugiés et demandeurs d'asile. D'où le besoin urgent d'une approche novatrice dans notre gestion des flux mixtes grâce à des approches régionales coordonnées. De fait, ce dont nous avons besoin, c'est d'un pacte de solidarité, fondé sur le partage de la charge et les responsabilités communes mais différenciées des Etats touchés.
Deuxièmement, l'institution de l'asile est soumise à des pressions croissantes. Il est particulièrement inquiétant de constater que cela est également vrai pour le monde développé. Les réfugiés et les demandeurs d'asile éprouvent souvent beaucoup de difficultés à trouver un havre sûr, hypothéqué par des politiques de gestion des frontières qui ne prévoient pas les garanties requises pour les personnes ayant besoin d'une protection internationale. Des dispositifs d'accueil en-deçà des normes, le recours disproportionné à la détention, y compris comme dissuasion à l'intention des nouveaux arrivants, et l'absence de dispositifs adéquats en matière de partage de la charge entre les Etats constituent nos principales préoccupations. En outre, tous les Etats ne prennent pas suffisamment de mesures pour lutter contre l'intolérance, le racisme et la violence d'origine raciste, faisant courir des risques graves à la sécurité des réfugiés et des autres étrangers.
La prévention et la réponse à la violence sexuelle et de genre constituent la troisième priorité de notre oeuvre de protection. Depuis l'actualisation de notre stratégie en 2011, vingt opérations ont élaboré et mis en oeuvre des stratégies spécifiques adaptées au contexte local et portant essentiellement sur les risques que courent certains groupes, comme les personnes handicapées, ou le phénomène largement répandu mais non signalé du recours au sexe comme moyen de survie. En 2013, nous avons beaucoup investi dans notre réponse à la violence sexuelle et de genre dans les situations d'urgence, notamment au Mali et en République arabe syrienne.
Un certain nombre de projets spéciaux en la matière, lancés en 2012, ont permis d'étendre les services existants aux victimes de cette violence et ont appuyé des investissements cruciaux comme l'établissement de maisons sûres dans une douzaine d'opérations dans le monde. Les projets ont renforcé les mesures allant du soutien psychosocial et des conseils juridiques à la formation à l'autodéfense et à l'accès aux possibilités de moyens d'existence et d'autonomie. Au plan institutionnel, nous mettons particulièrement l'accent sur l'amélioration de la gestion des savoirs, la surveillance et l'évaluation ainsi que la gestion des données en matière de violence sexuelle et de genre pour rendre notre réponse plus efficace.
A une plus grande échelle, je me félicite tout particulièrement de l'accent international renouvelé mis sur cette question, y compris par l'entremise de l'initiative du Royaume-Uni sur la prévention de la violence sexuelle dans le conflit et un nouveau projet du Département d'Etat américain ciblant la prévention de la violence sexuelle et de genre dans les situations d'urgence.
Le quatrième axe de notre action en matière de protection concerne l'apatridie, question qui a exigé tous nos efforts pour la mettre à l'ordre du jour international depuis la réunion ministérielle de 2011. Des progrès encourageants ont été accomplis depuis lors, y compris
29 adhésions aux deux conventions relatives à l'apatridie. Les douze derniers mois ont également été le théâtre de réformes importantes sur la nationalité menées à bien en Côte d'Ivoire, en Fédération de Russie, au Sénégal et au Zimbabwe.
Le soixantième anniversaire de la Convention de 1954, que nous célébrerons l'année prochaine, sera l'occasion de nous concentrer sur l'impact quotidien de l'apatridie sur les personnes qu'elle touche. Pour comprendre l'importance de résoudre l'apatridie prolongée, il suffit de considérer le triste sort des Rohingyas au Myanmar. Le désespoir engendré par des décennies d'apatridie, allié à la violence récente et au déplacement, pousse un nombre toujours plus grand d'entre eux à quitter le Myanmar. Nous avons enregistré une augmentation inquiétante du nombre de personnes s'embarquant pour des traversées périlleuses vers d'autres pays. Au cours des huit premiers mois de 2013, plus de 400 Rohingyas ont ainsi perdu la vie -- exemple tragique du coût humain de l'apatridie.
Distingués délégués, l'éradication de l'apatridie en une décennie est un objectif ambitieux. Mais c'est un objectif que je crois pouvoir atteindre avec votre concours.
Enfin, permettez-moi de dire quelques mots au sujet de la protection des déplacés internes. Quinze ans après la rédaction des Principes directeurs sur les déplacements internes, la protection et la recherche de solutions durables pour les déplacés internes risquent de ne pas recevoir l'attention internationale qu'elles méritent. D'immenses efforts ont été consentis ces dernières années pour renforcer l'approche modulaire et les instruments qu'elle met à la disposition des acteurs travaillant en faveur des déplacés internes. Néanmoins, des instances humanitaires comme le HCR éprouvent de plus en plus de difficultés à mobiliser des fonds pour ces opérations, à mesure que les feux des projecteurs institutionnels ne ciblent plus le déplacement interne, tant au sein des Nations Unies que de la communauté internationale.
C'est l'une des raisons pour lesquelles notre Dialogue de 2013 sur les défis de protection examinera en décembre prochain les lacunes persistantes et les solutions possibles concernant la protection des déplacés internes. J'espère que bon nombre d'entre vous, réunis ici aujourd'hui, seront en mesure d'apporter leur contribution personnelle à ce débat.
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Mesdames et Messieurs,
Ne nous y trompons pas -- l'asile, et tout particulièrement l'asile prolongé, est très souvent une épreuve pour ceux qui sont dans cette quête, et nous devons continuer de faire tout ce que nous pouvons pour rendre l'exil plus tolérable.
Comptant plus de la moitié de l'ensemble des réfugiés en milieu urbain aujourd'hui, le HCR travaille de plus en plus avec des partenaires, des institutions nationales et des organisations communautaires pour examiner de nouvelles possibilités de gérer le déplacement hors des camps. Comme je l'ai souvent dit, quelqu'un qui pense que les camps de réfugiés sont une bonne idée, n'y a jamais vécu.
Mais cela signifie également que nous avons besoin de nouvelles approches pour entrer en contact et communiquer avec les réfugiés, ce qui exige un soutien plus important aux communautés hôtes et aux services existants. Nous devons veiller à ce que les problèmes ne deviennent pas tout simplement invisibles en milieu urbain et renforcer les ressources locales qui sont souvent loin de couvrir les besoins des populations hôtes.
La réponse consiste en partie à mettre en oeuvre des approches plus intégrées pouvant ancrer l'action en faveur des réfugiés dans le cadre plus large des efforts nationaux et locaux de développement. L'idée n'est pas de distraire les ressources rares du développement vers l'action en faveur des réfugiés ou d'utiliser un financement humanitaire encore plus restreint pour promouvoir les objectifs du développement mais plutôt de rechercher l'alignement, la complémentarité et les synergies entre les deux.
Nous étendons également le recours aux interventions sous forme de distribution d'espèces. Cela donne aux réfugiés la dignité du choix et un plus grand sens de la normalité dans leur vie, afin de répondre eux-mêmes à leurs besoins fondamentaux. L'assistance en espèces stimule l'économie locale et permet au public de voir la population réfugiée autrement que comme un fardeau. Elle transforme profondément la façon dont nous exécutons nos programmes humanitaires et nous travaillerons en étroite collaboration avec nos partenaires pour adapter la façon dont nous évaluons les besoins, concevons les projets et vérifions les résultats.
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Excellences,
La recherche de solutions durables aux réfugiés et aux personnes déplacées reste le but ultime de l'action du HCR et son plus grand défi. L'année dernière, le nombre de nouveaux réfugiés a encore dépassé celui des personnes qui ont enfin pu mettre un terme au déplacement. Cela ne fait que souligner l'urgence du nouveau regard que nous devons porter sur la recherche de solutions, au niveau du pays, de la région et de l'institution.
Il existe des exemples encourageants. Au Népal, plus de 100 000 réfugiés du Bhoutan ont été acheminés aux fins de réinstallation depuis 2007, jalon important dans la solution apportée à l'une des situations les plus anciennes d'Asie. J'ai déjà mentionné les efforts importants déployés pour les réfugiés afghans dans le sud-ouest de l'Asie.
Des progrès importants ont également été recensés en Afrique depuis 2012. Des stratégies globales pour les réfugiés angolais, libériens et rwandais ont permis à plus de 300 000 personnes de rentrer chez elles et ont ouvert la voie à l'intégration sur place de beaucoup d'autres.
Dans les Balkans, les gouvernements, les acteurs du développement et le HCR travaillent avec les donateurs et les institutions régionales pour clore le chapitre des réfugiés des années
90. Dans les Amériques, la célébration du trentième anniversaire de la Déclaration de Carthagène en 2014 mettra sous les feux des projecteurs les stratégies novatrices en matière de solutions globales.
Dans plusieurs régions, l'utilisation des cadres migratoires juridiques pourrait offrir aux réfugiés se trouvant dans des situations prolongées une issue de secours si les solutions durables traditionnelles ne sont pas envisageables.
Les nombreux efforts que le HCR consacre aux partenariats ciblent chaque jour davantage la contribution aux solutions, telles que l'Initiative de solutions intérimaires avec le PNUD et d'autres partenaires. Ces efforts visent souvent à aider les réfugiés à parvenir à l'autosuffisance et à réduire les risques d'une dépendance prolongée à l'égard de l'aide.
L'accent doit être mis sur les solutions dès le début d'une crise de déplacement. Les contraintes au niveau des ressources entravent souvent ces efforts mais nous devons trouver un moyen de saisir cette dynamique et reconnaître les approches orientées vers les solutions pour ce qu'elles sont : non seulement un investissement au niveau des ressources humaines, mais surtout une meilleure utilisation des fonds rares aux dépens de mesures perpétuant la dépendance à long terme à l'égard de l'aide.
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Excellences,
Le principe consistant à accorder un refuge à ceux qui fuient la violence et la persécution constitue une valeur universelle. Au coeur de ce principe, on ne trouvera pas un produit de la civilisation moderne ni l'aboutissement de conférences internationales. Comme le Dialogue de l'année dernière sur les défis de protection l'a confirmé, ce principe est profondément enraciné dans toutes les grandes religions du monde et traverse toutes les cultures. De mémoire d'homme, les peuples ont partout accueilli et hébergé des étrangers qui avaient désespérément besoin de leur aide. Aujourd'hui comme alors, beaucoup l'ont fait au prix d'énormes sacrifices et souvent pendant de longues années.
Unissons-nous pour défendre cette valeur humaine fondamentale, au nom des millions de personnes dans le monde qui en dépendent. Et conjuguons nos efforts pour nous assurer que ceux qui les aident reçoivent l'assistance dont ils ont besoin à cette fin.
Merci beaucoup.