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Impact socio-économique d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes en développement ainsi que sur d'autres pays : une évaluation quantitative sur la base d'études de cas

Réunions du Comité exécutif

Impact socio-économique d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes en développement ainsi que sur d'autres pays : une évaluation quantitative sur la base d'études de cas
EC/48/SC/CRP.40

3 Août 1998

Description : 13ème réunion

IMPACT SOCIO-ECONOMIQUE D'IMPORTANTES POPULATIONS REFUGIEES SUR LES PAYS HOTES EN DEVELOPPEMENT AINSI QUE SUR D'AUTRES PAYS : UNE EVALUATION QUANTITATIVE SUR LA BASE D'ETUDES DE CAS

I. INTRODUCTION

1. L'impact social et économique d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes en développement a suscité l'attention de la communauté internationale depuis le début des années 1970. Le Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire a récemment exprimé un vif intérêt pour cette question et les thèmes connexes tels que le partage international de la charge. Un document de séance global étudiant de près cet impact et le résultat de l'action internationale a été présenté au Comité permanent en janvier 1997 et doit être lu parallèlement à ce document.1 Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, Kofi Annan, a également considéré l'allègement de l'impact des réfugiés sur la société et l'environnement des pays hôtes comme un impératif humanitaire dans son rapport sur les causes du conflit et la promotion de la paix et du développement viable en Afrique.2 Dans son rapport, le Secrétaire général cite le déboisement, l'épuisement des ressources locales et le trafic d'armes de petit calibre en tant qu'exemples des retombées néfastes de la présence d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes. L'exemple le plus grave enregistré ces dernières années est la Guinée, pays qui compte le plus grand nombre de réfugiés per capita dans le monde et qui continue d'en accueillir, tout récemment en provenance de Guinée-Bissau.

2. Cette question a donc reçu une attention considérable et plusieurs études, révélant souvent l'impact négatif et positif, ont été publiées. Ce document n'a pas pour objet de reprendre l'étude contenue dans le document susmentionné présenté au Comité permanent au début de 1997. Il propose plutôt de se concentrer sur les cas de pays hôtes en développement où des tentatives ont été faites pour évaluer de façon quantitative l'impact social et économique d'importantes populations réfugiées. Le document présente également des recommandations visant à étudier ce problème plus avant.

II. ETUDES DE CAS

3. Bien que de nombreuses études aient tenté de quantifier l'impact, tant économique que social, d'importantes populations réfugiées (par exemple au Pakistan, en République islamique d'Iran, etc.), les études de cas mentionnées ci-dessous ont été choisies pour illustrer différentes approches méthodologiques du problème. Comme prévu, ces études montrent que l'impact négatif d'importantes populations réfugiées l'emporte sur les aspects positifs de leur présence dans les pays hôtes en développement. Ces études de cas illustrent également les difficultés que l'on rencontre lorsque l'on essaie de quantifier l'impact d'un phénomène à multiples facettes qui touche une zone d'accueil de façon extrêmement complexe. Enfin, les évaluations mentionnées ci-dessous révèlent la diversité des approches méthodologiques pour quantifier cet impact. Dans les évaluations plus académiques, l'impact négatif a été quantifié tout comme l'impact positif et des calculs pertinents sur les coûts/avantages ont été faits.

A. Amérique centrale

4. Au début des années 1990, la Conférence internationale sur les réfugiés centraméricains (CIREFCA) a donné à sept pays de la région l'occasion d'évaluer l'impact des populations déracinées et de communiquer leur analyse avec la communauté donatrice internationale afin d'obtenir l'appui nécessaire pour évaluer de façon adéquate leurs besoins. Depuis que les sept pays organisateurs de la CIREFCA (Belize, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique et Nicaragua) ont obtenu l'appui du PNUD et du HCR dans cette entreprise, les préoccupations en matière de développement ont souvent, mais pas toujours, été intégrées dans les études de diagnostics et les stratégies et projets proposés.

5. La tentative la plus sérieuse de quantifier l'impact des migrations forcées sur les économies et les sociétés d'Amérique centrale a eu lieu en 1989. L'étude,3 financée par le PNUD et coordonnée par la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEALC), a été conduite par un groupe de sociologues et d'économistes d'Amérique centrale et présentée au cours de la première réunion internationale du Comité de suivi de la CIREFCA, en juin 1990 à New York. Toutefois, cette étude fournit essentiellement des données quantitatives sur l'impact économique et souffre des mêmes inconvénients au plan méthodologique que les études mentionnées ci-dessus. Bien qu'elle étudie les pays d'asile et les pays d'origine (où la recherche sur l'impact des déplacements intérieurs a également été inclue) la discussion ci-dessous ne se réfère qu'aux pays accueillant des réfugiés.

6. Le document de la CIREFCA étudie, en donnant des chiffres, le taux de chômage parmi les réfugiés, l'augmentation de la production locale due à la présence massive de réfugiés et le volume de ressources fiscales alloué par les gouvernements hôtes à la fourniture de services sociaux et d'assistance. Concernant l'assistance, l'étude montre que le volume de ressources financières alloué par les gouvernements hôtes à l'assistance directe aux réfugiés est minime, alors que les fonds engagés, tant directement qu'indirectement, pour la fourniture des services sociaux (éducation, santé et logement) sont importants. Comme l'affirment les auteurs, il est impossible de donner de façon exacte les montants réellement engagés par les gouvernements pour la fourniture de ces services aux réfugiés, dans la mesure où les budgets ne sont pas ventilés par catégorie de bénéficiaires.

7. L'un des rares pays où cette ventilation existe est le Belize. Dans ce pays, qui fut un temps celui qui accueillait la plus importante population réfugiée par capita, on a déterminé que le gouvernement ne destinait que 1% de son budget de santé et 1,5 % de ses ressources d'éducation aux réfugiés. Si l'on inclut d'autres immigrants, les dépenses au titre des services de santé, par exemple, augmentent de 3 % le budget de santé. Au Belize, les 22 000 réfugiés ont produit chaque année 8 millions de dollars et ont généré une demande de biens de 6 millions de dollars E.-U. Comme prévu, les conclusions indiquent un impact négatif sur les services sociaux subventionnés par le Gouvernement mais une augmentation de la production agricole et industrielle et de la demande de biens. La différence entre l'augmentation de la production des réfugiés et la demande de biens révèle l'existence d'économies et/ou d'envois de fonds.

8. Concernant la demande de biens engendrée par la présence massive de réfugiés et, en conséquence, l'impact sur l'économie, les auteurs n'ont pas trouvé de preuve tangible. Ils ont essayé de quantifier cet impact sur la production et sur la demande de biens par le biais de deux modèles informatisés (l'un pour les pays d'asile, l'autre pour les pays d'origine). Ces modèles tentent, par différents moyens, d'évaluer l'impact d'une importante population réfugiée sur la répartition des revenus, les finances publiques et le commerce extérieur.

9. Les auteurs ont essentiellement utilisé des données officielles et uniquement celles qui se sont révélées les plus fiables et les plus cohérentes. Toutefois, ils disent avoir rencontré les obstacles suivants pour quantifier les conséquences sociales et économiques d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes :

a) les données statistiques en Amérique centrale sont le plus souvent parcellaires, dissemblables et dispersées;

b) certaines des données ont une signification politique ambivalente et les gouvernements ne sont pas toujours prêts à les communiquer;

c) bon nombre de réfugiés n'ont pas été reconnus comme tels ou ne disposaient pas des pièces nécessaires, aussi les données quantifiables étaient-elles souvent difficiles à obtenir et souvent inexactes.

B. Malawi

10. En 1990, près de 10 % de la population du Malawi était constituée de réfugiés, essentiellement du Mozambique. Cette population réfugiée a absorbé d'importantes ressources gouvernementales initialement prévues pour le développement, afin d'aider les couches les plus pauvres de la population du Malawi. En raison du lourd fardeau imposé à ce pays, la question a été soulevée lors de la réunion du Groupe consultatif de la Banque mondiale sur le Malawi qui s'est tenue à Paris en mai 1990. A cette fin, un rapport a été conjointement préparé par le Gouvernement du Malawi, la Banque mondiale, le PNUD et le HCR sur la base d'une estimation des dépenses publiques non compensées effectuées en 1998.4

11. Le rapport relatif à l'impact des réfugiés sur le programme de dépenses publiques du Gouvernement a conclu que les dépenses directes et indirectes importantes avaient un impact sur les dépenses d'investissement récurrentes et fixes du Gouvernement dans les secteurs prioritaires de la société et des infrastructures. En conséquence, des ressources extrabudgétaires sont donc requises de toute urgence pour pallier la dispersion des fonds du Gouvernement vers les zones accueillant les réfugiés. Sur la base de cette évaluation, un programme d'aide d'urgence s'élevant à 25 millions a été mis au point pour alléger l'impact négatif des réfugiés sur l'économie en 1990 et 1991. D'autres participants à la réunion du Groupe consultatif, comme la Communauté européenne, ont appuyé la méthodologie proposée visant à remédier aux conséquences néfastes de la présence des réfugiés sur le développement.

12. Le programme d'assistance proposé avait deux objectifs fondamentaux. D'une part, il avait pour but de rétablir le niveau antérieur des biens et services, c'est-à-dire avant l'arrivée des réfugiés. Par ailleurs, le programme avait pour but de renforcer la capacité des régions accueillant les réfugiés. Le deuxième objectif signifie que le montant estimatif de 25 millions de dollars E.-U. ne s'est pas contenté d'alléger l'impact de la présence des réfugiés mais a favorisé les efforts de création de capacités dans les zones accueillant des réfugiés.

13. Une méthodologie a été mise au point pour estimer les dépenses publiques imputables à la présence massive de réfugiés et non compensées par les programmes d'assistance humanitaire du HCR et d'autres institutions. Cette étude des dépenses se penche sur les dépenses publiques directes engagées par le Gouvernement, sur ses ressources budgétaires pour appuyer les programmes de réfugiés ainsi que sur les coûts indirects découlant de la dégradation des infrastructures du Malawi et de la trop grande sollicitation des biens et services fournis par le Gouvernement. Bien qu'elles aient été considérées comme extrêmement élevées, les pertes au plan de l'assistance sociale n'ont toutefois pas été prises en considération en raison des difficultés rencontrées dans les efforts de quantification et de la résistance des donateurs à compenser ces pertes. Enfin, l'impact des réfugiés sur les secteurs privés et paraétatiques n'est pas pris en compte dans l'estimation.

14. Comme dans le cas de la CIREFCA, les donateurs ont été invités à fournir des subventions additionnelles au Malawi en sus des engagements, actuels et attendus, en matière de projets et d'aides d'ajustement. Dans les deux cas, pour différentes raisons, les subventions supplémentaires requises ne se sont pas concrétisées. En fait, les propositions plus strictement humanitaires ont été acceptées et financées (généralement par le biais du HCR et des organisations non gouvernementales (ONG)), ce qui a laissé les pays hôtes face à des propositions de relèvement et de développement des zones accueillant les réfugiés à court de financement.

C. République-Unie de Tanzanie

15. La complexité de l'impact d'importants afflux de réfugiés sur un pays en développement a récemment été démontrée dans le cas de la République-Unie de Tanzanie où un grand nombre de réfugiés du Burundi et du Rwanda sont arrivés en 1993 et 1994 respectivement. C'est également en République-Unie de Tanzanie que des efforts plus intenses ont été déployés pour quantifier les répercussions du phénomène afin de prendre les mesures nécessaires pour limiter les retombées néfastes. Ces efforts sont allés des évaluations gouvernementales (appuyées par le Système des Nations Unies) aux études financées par les donateurs ainsi qu'aux recherches universitaires. Ces évaluations se sont essentiellement penchées sur l'impact sur l'environnement, les services gouvernementaux et l'infrastructure, l'économie locale et la sécurité alimentaire.

16. Peu après l'arrivée de milliers de réfugiés du Burundi et du Rwanda à la fin de 1993 et au début de 1994 respectivement, le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie a décidé de constituer un groupe de travail pour évaluer l'impact négatif des réfugiés sur les ressources naturelles, la population locale et les infrastructures socio-économiques du pays. En raison de sa tradition de pays d'asile, la République-Unie de Tanzanie était pleinement consciente que la reconnaissance et l'évaluation précoce de cet impact constituait une première étape dans la sensibilisation de la communauté donatrice et la sollicitation de l'appui des donateurs pour les régions accueillant les réfugiés. Une évaluation a été conduite en septembre 1994, en collaboration avec les institutions des Nations Unies.5

17. Le rapport d'évaluation du groupe de travail s'est basé sur cinq études sectorielles réalisées par des agences des Nations Unies, à la demande du Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie. La FAO, le PNUD, le HCR, l'UNICEF, l'OMS et la Banque mondiale ont appuyé le Gouvernement dans ses efforts d'évaluation rapide des conséquences néfastes d'importants afflux de réfugiés. Le rapport fournit une information de base sur les zones touchées avant l'arrivée des réfugiés, ce qui révèle l'éloignement et la pauvreté de ces régions. Malgré tout, aucune évaluation ou discussion de l'impact positif de la présence des réfugiés n'est indiquée dans ce document dont l'objet essentiel est de présenter des recommandations quant aux mesures à prendre pour limiter les dommages ultérieurs.

18. Le rapport sur la République-Unie de Tanzanie présente une certaine quantification de l'impact, particulièrement dans le secteur de l'environnement (par exemple, les estimations du taux de consommation de bois de chauffage). Toutefois, en raison de sa rapidité, l'évaluation a essentiellement porté sur les effets visibles et sur des estimations grossières, de nombreuses questions nécessitant une recherche ultérieure. Pour remédier à l'impact évalué, des propositions s'élevant à 4 338 108 706 (8,3 millions) ont été présentées pour les deux régions (Kagera et Kigoma). Une opération de programmation ultérieure du PNUD/HCR, effectuée en octobre 1995, a établi le chiffre de 12 millions de dollars E.-U. pour un programme multisectoriel.

19. L'évaluation présentée par le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie a permis de préciser ces estimations. Les études ont permis de mieux définir les indicateurs permettant de mesurer l'impact. Les hausses de prix des denrées de base ont été calculées, l'utilisation abusive des services a été quantifiée et l'impact positif d'une importante présence des réfugiés a commencé à être mentionné. Des propositions de projets sur la base de ces missions d'évaluation ont été émises par des institutions des Nations Unies et des ONG telles que la FAO6 (pour le secteur de la production), le PNUE/Habitat.7 (pour les questions relatives à l'environnement) et CARE8 (également pour les questions environnementales). En raison du caractère régional de la crise, des stratégies régionales ont commencé à être proposées, conduisant à des évaluations dans d'autres pays.9 Certaines de ces stratégies ont été présentées à une réunion des donateurs, à Genève en janvier 1996, où l'initiative conjointe du PNUD et du HCR a été présentée et avalisée par la communauté donatrice.

20. Plus récemment, des évaluations des aspects positifs et négatifs de l'impact à un niveau micro-économique ont été conduites par des chercheurs. A l'issue d'une recherche conjointe menée en 1997, une évaluation détaillée des coûts/avantages des afflux de réfugiés en République-Unie de Tanzanie et de la ventilation de ces coûts/avantages parmi la population hôte, est présentée de façon systématique dans l'une de ces études universitaires.10 Ces conclusions révèlent la diversité des impacts selon les régions, les villages, les couches de population et les secteurs, ce qui conduit l'auteur à conclure que l'approche des coûts/avantages est trop simple. Ces conclusions corroborent la combinaison des impacts négatifs et positifs ainsi que les difficultés rencontrées en matière de quantification objective de ces effets.

21. L'expérience en République-Unie de Tanzanie montre l'importance d'une évaluation précoce de l'impact des réfugiés, de l'intervention des institutions spécialisées dans l'estimation technique de cet impact et de l'inclusion dans les propositions de programme des projets de développement préventif à petite échelle, orientés vers la réadaptation et bénéficiant tant à la population locale qu'aux réfugiés. Ce type de projets (comme par exemple dans le cadre de l'initiative du PNUD/HCR pour la région des Grands Lacs) implique que le programme à court terme proposé ne peut être utilisé comme une estimation financière de l'impact, dans la mesure où ce programme n'a pas pour but de ramener les régions touchées à la situation antérieure. Ce programme vise plutôt à renforcer la capacité d'absorption des régions d'accueil et à avoir un impact direct sur la réduction de la pauvreté et la création d'institutions locales, ce qui accroît la contribution financière escomptée de la communauté donatrice internationale.

22. Une évaluation globale de l'impact a également été menée à bien, avec l'appui du PNUD, en République démocratique du Congo en août et septembre 1995. Des études d'évaluation de l'impact ont continué d'être menées à bien, essentiellement en République-Unie de Tanzanie et en République démocratique du Congo. Elles ont été faites notamment par CARE/ODA, FAO, l'Agence allemande de coopération technique (GTZ), le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), le PNUD, le PNUE/CNUEH et le HCR. Ces études se sont penchées sur l'impact sur des régions entières et se sont concentrées sur le niveau macro-économique.

III. OBSTACLES ET APPROCHES FUTURES

23. Les trois cas examinés ci-dessus témoignent de tentatives récentes de quantifier l'impact socio-économique d'un grand nombre de réfugiés sur les pays hôtes en voie de développement. Ils ne constituent en aucun cas un échantillon exhaustif. Des efforts semblables ont été déployés dans d'autres pays qui accueillent depuis de longues années d'importantes populations réfugiées. Les cas de la République islamique d'Iran, du Népal et du Pakistan auraient aisément pu être discutés ici. Ces cas révèlent toutefois les résultats et les obstacles des évaluations récentes.

24. Les cas de l'Amérique centrale, du Malawi et de la République-Unie de Tanzanie montrent les limitations suivantes au niveau de l'évaluation quantitative de l'impact des réfugiés sur les pays en développement :

a) Disponibilité et qualité des données. Pour évaluer de façon exacte l'impact qu'ont les réfugiés sur une société ou une région hôte, il convient d'avoir des données de base fondamentales sur les indicateurs sociaux et économiques avant l'arrivée des réfugiés. Malheureusement, de nombreux pays en développement manquent de données systématiques, fiables et actualisées sur certains indicateurs ou secteurs, particulièrement dans des régions éloignées comme celles vers lesquelles se dirigent les réfugiés. De même, les gouvernements ventilent rarement les données concernant la fourniture de services sociaux entre les différents bénéficiaires à moins que les services fournis à une catégorie particulière de la population (telle que les réfugiés) ne soient subventionnés par les donateurs. En outre, il est difficile de mesurer les bénéfices à long terme des dépenses dans les secteurs de l'éducation et de l'assistance sociale permettant aux réfugiés de contribuer à l'économie du pays hôte. Enfin, l'ambivalence politique de certaines des données porte atteinte à la crédibilité de certaines évaluations;

b) Parti pris de l'évaluation. Selon le principal objectif de la partie intéressée, le résultat de l'évaluation variera. Il est bien évident que les gouvernements s'intéressent à une compensation financière des conséquences néfastes de l'accueil d'un grand nombre de réfugiés. En conséquence, les bénéfices qu'ils retirent de la présence des réfugiés ne sont en général pas comptabilisés dans leurs évaluations, en dépit du fait que, dans la plupart des situations, l'impact négatif dépasse toujours l'impact positif. De même, compte tenu des limites de temps et de ressources, les évaluations financées par les gouvernements ne peuvent établir que l'impact général sur l'ensemble de la population et non les différences d'impact recensées par les recherches universitaires plus détaillées conduites en République-Unie de Tanzanie en 1997;

c) Parti pris sectoriel. En raison de la visibilité et de la disponibilité d'indicateurs mesurables, l'impact dans certains secteurs a reçu davantage d'attention dans les évaluations. Les dommages à l'infrastructure, les préoccupations en matière d'environnement et l'utilisation abusive des services sociaux ont été plus facilement quantifiés. L'impact sur les économies locales (tant positif que négatif) et les conséquences sociales d'importantes populations réfugiées (telles que l'accroissement de la délinquance, de la prostitution, etc.) ont reçu moins d'attention en raison des difficultés à évaluer les problèmes ainsi que les approches à long terme nécessaires pour parvenir à une solution satisfaisante.

25. Les études de cas renvoient également à certains facteurs qu'il convient de prendre en considération lors de futures tentatives d'évaluation de l'impact d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes :

a) Coûts. L'évaluation exacte de l'impact socio-économique des réfugiés dans les pays hôtes est coûteuse. Les organisations internationales ont consacré des fonds importants à l'estimation technique mentionnée ci-dessus, certaines études s'étant révélées, en dernière analyse, loin d'être rentables. Comme les cas susmentionnés le montrent, la réponse de la communauté donatrice aux propositions basées sur les évaluations d'impact n'a pas été très positive;

b) Objectif. L'objectif de l'évaluation de l'impact doit être clair pour toutes les parties concernées. Les évaluations devront être menées selon l'objectif établi, qu'il s'agisse de prévention, de relèvement ou de compensation, ou d'une combinaison de ces objectifs;

c) Instances internationales. Les gouvernements concernés doivent toujours présenter leurs évaluations dans les différentes instances où les besoins de développement sont exposés. Le Malawi est l'une des rares exception où l'évaluation de l'impact des réfugiés a été officiellement présentée lors d'une réunion du groupe consultatif organisée par la Banque mondiale. Dans la plupart des autres cas, l'absence de ces évaluations dans les dossiers présentés lors de tables rondes financées par le PNUD ou de réunions du groupe consultatif dirigées par la Banque mondiale n'est que trop fréquente;

d) Solde. Les aspects positifs et négatifs de l'impact doivent être estimés simultanément pour présenter un résultat consolidé. En même temps, l'appui financier requis pour remédier aux aspects négatifs doit prendre en considération non seulement l'assistance humanitaire déjà accordée aux régions accueillant les réfugiés mais également une partie de l'impact positif;

e) Responsabilités. Comme le cas de la République-Unie de Tanzanie le montre, les pays touchés doivent prendre l'initiative d'évaluer l'impact, avec l'appui des institutions spécialisées ayant la compétence technique de le faire. Il est évident que le HCR, malgré son mandat visant à fournir une protection internationale et une assistance aux réfugiés, n'a pas la capacité de conduire ces estimations. Il peut toutefois jouer un rôle catalytique dans la mise au point de ces études comme il l'a fait par le passé (par exemple au Malawi, dans la région des Grands Lacs en Afrique, etc.);

f) Innovation. Les technologies et les approches modernes peuvent améliorer l'efficacité et la rapidité des évaluations. Les images satellites peuvent désormais fournir aux gouvernements des images « avant et après » montrant les changements écologiques, la production vivrière et les mouvements de population. Les institutions des Nations Unies établissent de meilleurs indicateurs pour évaluer la gestion de l'environnement, y compris dans les situations de réfugiés. D'autres secteurs reçoivent également une attention similaire à cet égard. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) s'est employé à améliorer la capacité du système des Nations Unies en matière d'évaluation et de suivi de l'impact des sanctions.11 La méthodologie et les indicateurs proposés par l'OCHA peuvent être utilisés comme base d'évaluation de l'impact des réfugiés sur les pays hôtes en développement et contribuer par conséquent à renforcer la réaction des communautés humanitaires et de développement.

g) Financement. Le financement (additionnel) des projets liés à l'impact de la présence de réfugiés sur les pays hôtes est l'une des questions fondamentales à régler. Sur la base des leçons tirées de l'expérience passée (y compris le Pakistan et la République islamique d'Iran), de nouvelles ouvertures en matière de financement doivent être examinées pour régler ce problème de façon plus prévisible et équitable.


1 Impact social et économique d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes en développement (EC/47/SC/CRP.7)

2 Kofi Annan. Juillet 1998. Les causes du conflit et la promotion d'une paix durable et d'un développement viable en Afrique. Rapport du Secrétaire général (A/52/871-S/1998/318)

3 Montes, Secundo et al. El Impacto económico y social de las migraciones en Centroamérica (CIREFCA/CS/90/INF.3)

4 Gouvernement du Malawi, Banque mondiale, PNUD et HCR. Avril 1990. Rapport du Groupe consultatif pour le Malawi sur l'impact des réfugiés sur le programme de dépenses publiques du Gouvernement.

5 République-Unie de Tanzanie. Septembre 1994. Rapport d'évaluation sur l'impact des réfugiés sur les communautés locales des régions de Kagera et Kigoma.

6 Organisation pour l'alimentation et l'agriculture. Août 1995. Tanzanie. Projet de développement des zones accueillant des réfugiés. Rapport de mission identification/formulation (final)

7 Groupe de travail sur le continuum des secours au développement du PNUE/Habitat. Mai 1995. Propositions de mesures pour remédier à l'impact des réfugiés sur l'environnement et l'installation et contribuer à un développement durable, Région de Kagera, Tanzanie. Rapport de la mission d'évaluation rapide.

8 CARE International UK. Décembre 1996. Evaluation rapide visant à répondre à l'impact sur l'environnement d'afflux de réfugiés dans la région de Kigoma, Tanzanie.

9 Par exemple, Plan d'action stratégique du PNUE/Habitat pour la région des Grands Lacs en Afrique (Rwanda, Burundi, Tanzanie, Ouganda et Zaïre), rédigé en décembre 1995 et l'Initiative du PNUD/HCR dans la région des Grands Lacs, également rédigée à la fin de 1995.

10 Whitaker, Beth Elise. Août 1997. Refugees, Hosts and the Struggle for Resources. The Impact of Rwandan Refugees on Tanzanians in Karagwe District. Manuscrit non publié.

11 OCHA. Octobre 1997. Towards more Humane and Effective Sanctions Management. Enhancing the Capacity of the United Nations System.