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Leçons tirées des crises au Burundi et au Rwanda : conclusions d'un processus d'examen interne

Réunions du Comité exécutif

Leçons tirées des crises au Burundi et au Rwanda : conclusions d'un processus d'examen interne
EC/47/SC/CRP.11

2 Janvier 1997

Description : 6ème réunion

LECONS TIREES DES CRISES AU BURUNDI ET AU RWANDA : CONCLUSIONS D'UN PROCESSUS D'EXAMEN INTERNE

I. INTRODUCTION

1. Ce document représente l'étape finale d'un processus interne qui a examiné les leçons tirées des principales situations d'urgence de réfugiés survenant dans la région des Grands Lacs en Afrique en 1993 et 1994. Ce processus a commencé au début de 1995 et des rapports intérimaires ont été présentés à la réunion de juin 1995 du Sous-Comité chargé des questions administratives et financières (EC/1995/SC.2/CRP.21/Rev.1 du 23 juin 1995) et à la réunion de juin 1996 du Comité permanent (EC/46/SC/CRP.28 du 28 mai 1996). En octobre 1996, le Directeur du Service d'inspection et d'évaluation a présenté, à la quarante-septième session du Comité exécutif des plans visant à préparer un rapport interne détaillé sur la crise, abordant notamment les questions de gestion. Ce document résume les principales conclusions et recommandations du rapport interne qui reprend un certain nombre d'initiatives connexes. Ce document a trois objectifs : enregistrer les principales leçons tirées lors des situations d'urgence, tant au Siège que sur le terrain; préciser les mesures prises depuis lors pour améliorer encore la capacité de réaction d'urgence du HCR à la lumière de l'expérience acquise; et présenter des recommandations sur les questions nécessitant des mesures ultérieures. Les questions de coordination plus larges relatives à la coopération entre le HCR et le DAH, ainsi qu'avec d'autres institutions, ont déjà été abordées dans l'évaluation conjointe conduite par l'OCDE/CAD de l'Aide d'urgence au Rwanda.

2. Les crises de réfugiés dans la région des Grands Lacs en 1993 et 1994 ont représenté pour la communauté internationale un défi sans précédent dans l'histoire récente. Une série de crises de plus en plus complexes, se succédant rapidement, ont mis à extrêmement rude épreuve la capacité de réponse d'urgence récemment renforcée. Selon un cadre supérieur ayant participé à la réponse d'urgence, au moment où l'afflux massif à Goma a eu lieu en juillet 1994, le HCR avait déjà presque complètement épuisé ses ressources. La réponse du HCR à ce stade a été considérée comme « impressionnante « (Rapport d'évaluation de l'OCDE/CAD) et montre à l'évidence le succès de la formule de l'équipe de réponse d'urgence du HCR.

3. Le processus visant à passer en revue les leçons tirées, lancé par l'ancien service d'évaluation centrale en janvier 1995 et ayant abouti à ce document, a toutefois identifié un certain nombre de questions émanant des crises dans la région des Grands Lacs et demandant une attention urgente afin de s'assurer que le HCR soit à même de préserver son efficacité et répondre de façon appropriée aux futures crises complexes à grande échelle. Les déficiences importantes en matière de gestion identifiées dans la réponse aux crises dans la région des Grands Lacs doivent être soigneusement passées en revue et abordées dans le cadre du processus actuel de réforme de l'organisation et de la gestion (Projet Delphi). Les points faibles identifiés dans la réponse en matière de protection au cours des tout premiers stades de la crise, qui à leur tour ont des retombées néfastes sur la capacité de l'organisation à élaborer une politique appropriée, doivent être corrigés. Les opérations conduites, bien qu'elles soient généralement jugées positives par d'autres, requièrent toutefois une amélioration dans certains domaines.

II. CONCLUSIONS DU PROCESSUS D'APPRENTISSAGE

A. Questions relatives à la gestion et à la coordination

4. L'absence d'une forte approche régionale centralisée à la gestion des opérations a constitué l'une des principales faiblesses de la réponse à la crise dans la région des Grands Lacs. Elle découle elle-même de déficiences au Siège et sur le terrain. Au Siège, l'opération a été gérée par une structure à vocation nationale qui ne disposait pas d'un poste suffisamment élevé pour assurer la coordination effective des opérations au plan régional. Sur le terrain, l'Envoyé spécial nommé par le Haut Commissaire n'avait ni l'autorité ni le personnel pour mettre en oeuvre une approche régionale coordonnée. Ces points faibles ont été aggravés par un système de communication déficient, une gestion de l'information problématique et une structure hiérarchique beaucoup trop lourde, alliée au manque d'agents centralisateurs clairement désignés pour des secteurs vitaux tels que la logistique et la dotation en personnel.

5. Le lien entre le bureau régional et la division de l'appui aux opérations (DAO), déjà apparu à plusieurs reprises dans des crises précédentes a également posé problème. La capacité de réponse d'urgence du HCR s'est construite sur les initiatives prises par la DAO et les équipes de réponse d'urgence ont été essentiellement dotées et conduites par le personnel de cette division, en particulier la Section de préparation et de réponse aux situations d'urgence (EPRS), la Section d'appui technique et aux programmes (PTSS) et la Section de l'approvisionnement et du transport (STS). L'intégration du personnel d'urgence dans les structures existantes des bureaux et des délégations n'a jamais été claire et a engendré de graves tensions au plus fort de la crise rwandaise. Alors que l'approche sous l'angle de la situation, qui constitue le fer de lance du processus Delphi, risque d'éviter certaines de ces difficultés de gestion, il convient de réfléchir davantage à la question de la gestion d'urgence dans son ensemble, tant au Siège que sur le terrain. Cela est d'autant plus important dans le contexte de l'initiative de gestion du changement (Projet Delphi).

6. Il faut en particulier clarifier le rôle de l'EPRS, PTSS et STS. Ce faisant, la compétence et l'expérience avérées du personnel de ces sections doivent être reconnues et ils doivent sur cette base partager la responsabilité de gérer les aspects opérationnels d'une situation d'urgence, en commençant par la phase de planification pour imprévus. Il faut pour cela créer une structure hiérarchique au Siège qui permette aux sections concernées de travailler en coopération étroite et harmonieuse avec le bureau régional compétent. L'établissement du poste de Haut commissaire assistant, globalement responsable des opérations, a constitué une étape importante vers la résolution de ce problème structurel au niveau hiérarchique supérieur. En outre, il faudra absolument mettre en place sur le terrain des voies hiérarchiques claires assorties de rôles et de responsabilités sans équivoque. Les propositions dans le cadre du Projet Delphi, conférant une autorité globale au Directeur des opérations répondra à ce souci.

7. Compte tenu de la nécessité d'un débat ultérieur sur ces questions, l'étude interne a recommandé qu'un atelier soit organisé pour examiner le fonctionnement de la gestion d'urgence au sein de la nouvelle structure organique mise en place dans le cadre du processus Delphi. Un processus d'examen a déjà commencé et un atelier est prévu au début de 1997.

B. Questions de protection et de politique générale

8. Comme il a été noté dans des documents de séance antérieurs sur ce processus interne d'évaluation des leçons tirées de l'expérience, la capacité de protection d'urgence a été identifiée comme l'un de principaux points faibles de la réponse à la crise rwandaise. L'exode du Rwanda en 1994 a posé un grand nombre de problèmes de protection très graves, alors qu'un petit nombre d'entre eux ont pu être réglés dans les toutes premières phases de la crise. Les responsables des réfugiés étaient impliqués dans le génocide, l'anarchie régnait dans de nombreux camps et l'intimidation ainsi que les violations des droits des femmes et des enfants étaient généralisées. Il convient de rappeler qu'à la mi-1994, l'exode du Rwanda vers l'est du Zaïre a impliqué la quasi transplantation d'une structure politique sociale et de sécurité qui a pu se maintenir intacte grâce à l'appui de la communauté internationale. En fait, le contrôle des anciennes autorités sur la population réfugiée dans son ensemble s'est renforcé au cours des premières phases de la crise du fait de leur participation à la distribution des secours. Les rapports présentés par les équipes de réponse d'urgence attestent la pénurie de cadres supérieurs chargés de la protection dans la région au début de l'opération. En conséquence, les problèmes de protection n'ont pas pu être traités comme il convenait et les questions de protection n'ont pas revêtu la priorité qu'elles méritaient dans l'élaboration d'une politique globale, notamment la question de l'exclusion des personnes soupçonnées de violer les droits de l'homme.

9. L'absence d'une compréhension du milieu social, culturel et politique des réfugiés a constitué une autre faiblesse grave, en dépit d'une longue présence du HCR dans les pays d'origine. Une présence plus forte au plan de la protection sur le terrain, alliée à une meilleure compréhension du passé des réfugiés, aurait eu un certain nombre d'effets bénéfiques, sans sous-estimer pour autant l'extrême complexité des problèmes rencontrés. Les besoins de protection des femmes et des enfants auraient été identifiés et réglés de façon plus rapide, la recherche d'interlocuteurs crédibles parmi les réfugiés aurait été facilitée et le passage crucial d'un système de distribution de vivres reposant sur des cadres fréquemment corrompus à un système basé sur la famille aurait pu être opéré. En particulier, le HCR aurait été à même d'élaborer plus rapidement une politique cohérente pour s'opposer aux forces de déstabilisation actives dans les camps; ces forces comptaient d'anciens miliciens, des contingents de l'armée et des autorités gouvernementales dont beaucoup auraient pu relever de la clause d'exclusion en raison de leur participation au génocide. Enfin, la viabilité du rapatriement librement consenti en tant que solution rapide au problème aurait pu être évaluée de façon plus réaliste.

10. Compte tenu des progrès accomplis dans de nombreux secteurs techniques de la réponse d'urgence et du fait que la protection est au coeur du mandat du HCR, l'absence de progrès comparables dans le domaine de la protection demande une attention urgente, particulièrement du fait qu'il ait déjà fait l'objet de critiques lors de situations d'urgence antérieures. La nécessité de mesures correctrices a été soulignée au tout début du processus interne d'évaluation de l'expérience acquise. Alors que certains efforts ont été faits pour remédier à ce problème, l'étude recommande l'adoption sans retard d'une stratégie comprenant plusieurs mesures visant à s'assurer que l'aspect relatif à la protection de la capacité de réponse d'urgence du HCR soit grandement renforcée.

11. Afin de répondre à cette question de façon plus globale, le HCR étudie actuellement les mesures visant à s'assurer du déploiement rapide de personnel de protection ayant les qualifications requises lors de situations d'urgence futures, particulièrement au niveau supérieur et pour renforcer l'appui aux opérations de protection accordé au personnel de protection sur le terrain. Concernant la question plus générale de l'exclusion, la Division de la protection internationale a récemment publié des Principes directeurs internes concernant l'application des clauses d'exclusion. Afin de donner des orientations pratiques sur la façon d'aborder le problème de personnes pouvant être considérées aux fins d'exclusion dans les camps de réfugiés, la Division prévoit de mettre au point au début de 1997 des mesures concrètes dans certains scénarios ainsi que des propositions de stratégies pour obtenir l'appui international nécessaire.

C. Questions relatives aux opérations

12. Du point de vue de l'aide d'urgence, un certain nombre de leçons peuvent être tirées de l'expérience des Grands Lacs. Tout d'abord, il est clair que la capacité de réponse d'urgence du HCR, dont le fer de lance a été la Section de préparation et de réponse aux situations d'urgence, la Section d'appui technique et aux programmes et la Section de l'approvisionnement et du transport, appuyés par des accords stand-by avec des agences partenaires, représente un atout opérationnel important pour le HCR, qui ne doit pas seulement être préservé mais encore renforcé. L'expérience acquise dans la région des Grands Lacs a démontré la viabilité de la capacité de réponse d'urgence mise sur pied par le HCR après la Guerre du Golfe et consolidée ultérieurement sur la base de l'expérience acquise en ex-Yougoslavie.

13. Toutefois, certaines faiblesses perdurent. Les crises au Burundi et au Rwanda ont révélé de graves faiblesses dans deux secteurs techniques connexes, la logistique et les télécommunications, tous deux indispensables à une réponse efficace. Ces points faibles soulignent la nécessité d'un accent particulier sur ces secteurs, en commençant par la phase de planification pour imprévus qui doit impliquer des études sur la logistique et les télécommunications du théâtre potentiel d'opérations afin que les lacunes puissent être comblées dans le cadre des activités préparatoires.

14. L'opération d'urgence dans la région des Grands Lacs a également révélé que la préparation aux situations d'urgence est un thème dynamique dans un environnement en mutation rapide. Elle implique plusieurs services du HCR et a des conséquences de plus en plus importantes au plan de la coordination interinstitutions. Il est urgent d'établir un cadre de consultations régulières à l'intérieur de l'organisation entre les différents acteurs qui renforceront non seulement la préparation mais amélioreront grandement la coopération entre les sections concernées lorsqu'une situation d'urgence se produit. L'expérience dans la région des Grands Lacs a montré à quel point il était important d'établir une bonne coordination depuis le début d'une situation d'urgence. Le personnel du HCR a les connaissances et l'expérience nécessaires et le concept de l'équipe d'urgence s'est révélé le moyen le plus efficace de disposer du personnel compétent au bon endroit au bon moment.

15. Concernant l'administration, il s'est avéré que les efforts déployés par le HCR ces dernières années pour renforcer l'aspect administratif de sa capacité de réponse d'urgence ont été bénéfiques. Les principes directeurs à l'intention de l'administrateur de situations d'urgence se sont révélés précieux et le détachement précoce d'administrateurs principaux chargés des situations d'urgence et d'assistants administratifs et de finances d'urgence s'est révélé d'une importance cruciale. Toutefois, il s'est révélé que face à d'importantes opérations d'urgence, un nombre suffisant d'administrateurs de rang supérieur doivent être déployés non seulement pour établir de nouveaux bureaux dans les zones d'urgence mais également pour renforcer les bureaux existants de la région et former le personnel local nouvellement recruté.

16. Comme dans les situations d'urgence antérieures, le HCR a rencontré beaucoup de difficultés dans la région des Grands Lacs pour trouver le personnel suffisamment expérimenté afin de pourvoir tous les postes vacants et remplacer les membres des équipes d'urgence à l'issue de leur mission de façon à permettre un chevauchement suffisant aux fins de mise au courant. Trop peu de cadres supérieurs se sont portés volontaires pour pourvoir ces postes dans des lieux d'affectation éloignés et présentant des risques au plan de la sécurité. Le personnel des services généraux pouvant et voulant accepter ces postes n'a pu le faire dans certains cas en raison d'un manque d'ancienneté, et de nombreux fonctionnaires nouvellement recrutés n'ont pas reçu une formation suffisante. Cela souligne le fait que si le concept des équipes d'urgence a été un succès en tant que tel, le recrutement, la formation et le déploiement de personnel pour des contrats à long terme dans des situations d'urgence doivent encore être améliorés. Des efforts supplémentaires pour renforcer la capacité du HCR à faire face aux besoins de dotation en personnel d'urgence tels que les programmes de formation intensive pour le personnel nouvellement recruté, les perspectives de carrière et les récompenses au personnel des Services généraux qui se comportent de façon irréprochable dans les situations d'urgence ainsi que des motivations supplémentaires pour inciter le personnel à travailler dans des situations d'urgence, sont recommandés. La Division de la gestion des ressources humaines étudie actuellement ces recommandations dans le contexte de ses efforts pour relever le défi de la dotation en personnel d'urgence.

D. Conclusion

17. Avec la conclusion du Rapport interne sur la réponse du HCR aux situations d'urgence dans les Grands Lacs, compte tenu du suivi concerté de ces recommandations décidé par le Comité supérieur de gestion le 12 décembre 1996 et de la participation du HCR au suivi de l'évaluation de l'OCDE/CAD à l'échelle du système, le HCR estime qu'il dispose des éléments nécessaires pour améliorer encore sa réponse face aux crises de réfugiés.