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Mise en oeuvre de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés - Quelques considérations de base

Réunions du Comité exécutif

Mise en oeuvre de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés - Quelques considérations de base
EC/1992/SCP/CRP.10

15 Juin 1992

Contexte

1. La question de savoir comment renforcer la mise en oeuvre de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés a récemment été, par deux fois, un point distinct de l'ordre du jour du Sous-Comité plénier sur la protection internationale (le Sous-Comité). Au cours de la quarantième session du Comité exécutif en 1989, le Sous-Comité a discuté de cette question sur la base d'une note d'information (Mise en oeuvre de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés - EC/SCP/54) qui fait état d'un certain nombre de difficultés concernant la mise en oeuvre et demande des informations générales au Comité exécutif sur les succès et les obstacles rencontrés dans la mise en oeuvre au plan national. Le Sous-Comité est revenu ultérieurement sur cette question au cours de la quarante-deuxième session du Comité exécutif en 1991, la discussion s'étant fondée sur un rapport intérimaire (EC/SCP/66) du Haut Commissaire analysant le nombre limité de réponses reçues au questionnaire général sur la mise en oeuvre distribué par le HCR en 1990.

2. Lors de la toute dernière réunion périodique du Sous-Comité, convoquée les 13 et 14 avril 1992, le HCR a été invité à soumettre aux fins de discussion certaines considérations élémentaires relatives à la mise en oeuvre soulevées lors des différents débats et qui méritent une analyse plus approfondie. Cette note fait suite à cette requête et soumet au Sous-Comité les quatre questions suivantes aux fins d'un examen éventuel :

a) Promotion renforcée de la mise en oeuvre;

b) Possibilité de superviser la mise en oeuvre;

c) Difficultés à honorer les obligations de la Convention; et

d) Diverses interprétations et applications sélectives de l'article 1 (« Définition du terme « réfugié » ») de la Convention, et dans quelle mesure elles limitent l'application stricte de la Convention.

Promotion et supervision de la mise en oeuvre (couvrant les points a) et b))

3. L'importance primordiale d'une application effective a été constamment réitérée par le Comité exécutif. La Convention de 1951 et son Protocole comptent parmi les instruments les plus complets adoptés à ce jour ayant une vocation universelle de défense des droits fondamentaux des réfugiés et de régularisation de leur statut dans les pays d'asile. En tant que tels, ils constituent la cheville ouvrière d'un régime international de protection des réfugiés. Ils permettent de veiller à ce que le réfugié soit traité selon des normes humanitaires de base. Ils facilitent également l'exercice de la fonction de protection du HCR.

4. La communauté internationale a confié au HCR la responsabilité particulière d'assurer la mise en oeuvre effective de la Convention et du Protocole dans le cadre global de ses responsabilités de protection. Le HCR est donc invité, conformément au paragraphe 8 a) de son statut à, notamment, superviser l'application des conventions internationales relatives à la protection des réfugiés. L'article 35 1) de la Convention demande aux Etats de faciliter la tâche du HCR consistant à superviser l'application de la Convention.

5. Dans la « Note d'information sur la mise en oeuvre de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés », soumise à la quarante-deuxième session du Comité exécutif (EC/SCP/66), certaines suggestions d'action visant à renforcer les responsabilités de supervision ont été présentées aux Etats aux fins de discussion. Parmi ces suggestions, il convient de citer :

  • un système institutionnalisé de rapports de mise en oeuvre qui pourrait par exemple prévoir des rapports périodiques et des évaluations constantes;

  • des dispositions pour une diffusion plus large des réponses des Etats au questionnaire. A cet égard, dans la conclusion générale de 1991 sur la protection internationale (A/AC.96/783, par. 21 m)), le Comité exécutif reconnaît « la valeur de l'établissement de rapports par les Etats parties sur la façon dont ils se sont acquittés de leurs responsabilités au titre de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 et demande au HCR de diffuser les réponses au questionnaire susmentionné sous réserve de l'accord des Etats concernés »; et

  • élaborer une méthodologie visant à résoudre les divergences d'interprétation sur des concepts controversés, par exemple recourir à un avis consultatif de la Cour internationale de justice.

6. La note reconnaît également, dans un premier temps, la nécessité pour davantage d'Etats de répondre au questionnaire concernant la mise en oeuvre. Le Comité exécutif a invité les parties n'ayant pas encore répondu à le faire dans les plus brefs délais (A/AC.96/783, par. 21 1)) mais, en dépit de cette requête, seul cinq réponses supplémentaires sont parvenues à ce jour.

7. Si l'on fait le bilan des différentes discussions récentes sur la mise en oeuvre de la Convention et du Protocole, il apparaît à l'évidence que les Etats se sont engagés à promouvoir et à assurer la mise en oeuvre intégrale et effective de la Convention et qu'à cet égard ils ont facilité la tâche de supervision du HCR conformément à l'article 35 (voir en particulier la conclusion No. 57 (XL) de 1989). Il est également clair que le débat gagnerait à dépasser le stade de la réaffirmation de cet engagement pour émettre des suggestions pratiques quant au renforcement de la mise en oeuvre. En conséquence, le Sous-Comité est invité à réexaminer les suggestions présentées à la quarante-deuxième session. D'autres idées pourraient en même temps être étudiées, en particulier les réunions périodiques des Etats parties visant à recenser les problèmes et les progrès accomplis en matière de mise en oeuvre. Des mesures adéquates pourraient également être prises au niveau régional pour harmoniser l'interprétation et l'application de la Convention entre les pays membres, y compris en conférant à certaines commissions régionales des droits de l'homme ou tribunaux compétents certaines responsabilités en matière de réfugiés. Les organes régionaux constituent les interlocuteurs obligés dans le cadre d'approches régionales visant à assurer le respect des normes de protection et à harmoniser les différentes approches adoptées.

8. L'amélioration des dispositions en matière de supervision, comme le suggèrent les paragraphes précédents, faciliterait considérablement la mise en oeuvre. Il reste toutefois un certain nombre d'obstacles à la mise en oeuvre intégrale et complète que la fonction de supervision n'éliminera pas forcément. La suppression de ces obstacles serait peut-être plus communément réalisée moyennant des campagnes de promotion clairement ciblées.

9. Les obstacles à la mise en oeuvre sont résumés dans le document EC/SCP/54 et peuvent être de trois types : socio-économiques, légaux et politiques ou pratiques. Comme cette note le fait remarquer, des tensions inévitables se font jour entre les obligations internationales et le reste des responsabilités nationales où les pays amenés à accueillir d'importantes populations réfugiées, même temporairement, sont en butte à leurs propres difficultés économiques, à un taux de chômage élevé, à une baisse du niveau de vie, à une pénurie de logements et de terres et/ou à des catastrophes naturelles ou causées par l'homme. Les obstacles juridiques à une mise en oeuvre adéquate recouvrent le conflit ou les divergences entre les législations nationales existantes et certaines obligations au titre de la Convention; la possibilité d'intégrer la Convention dans les législations nationales moyennant des lois d'application spécifiques; ou une législation d'application qui ne définit pas les droits de l'individu mais les pouvoirs conférés aux administrations chargées des réfugiés. Cela signifie que la protection des droits des réfugiés devient un élément d'un jeu de pouvoirs et reste à la discrétion des administrations, bien plus qu'elle ne consacre le respect des droits spécifiques, définis et garantis par la loi. Lorsque le pouvoir judiciaire a un rôle important à jouer dans la défense des droits des réfugiés, les interprétations restrictives peuvent également constituer un obstacle à la mise en oeuvre intégrale. Enfin, le maintien de la réserve géographique par certains pays constitue un obstacle sérieux à une mise en oeuvre effective.

10. Sur un autre plan, il y a des obstacles bureaucratiques, notamment des structures lourdes, inefficaces ou inadéquates chargées des questions de réfugiés, un personnel peu nombreux ou n'ayant pas toutes les qualifications requises ainsi que l'absence d'une assistance adéquate aux demandeurs d'asile. Enfin, on rencontre certains problèmes de perception au niveau gouvernemental, notamment le fait que l'octroi de l'asile représente une prise de position politique et peut provoquer des tensions interétatiques.

11. Des activités de formation, de promotion et d'information doivent être renforcées pour surmonter tous ces problèmes. Une campagne de promotion pourrait être lancée afin d'aplanir ces difficultés et de parfaire la formation des administrateurs chargés des réfugiés ainsi que d'autres groupes clés (journalistes, juristes, organes judiciaires et organisations non gouvernementales ainsi que tous ceux qui façonnent l'opinion publique). Il faut en outre renforcer les bases d'appui locales pour un traitement juste des réfugiés conformément aux normes de la Convention. Il est possible, à cet égard, de créer des conseils nationaux pour les réfugiés composés de hauts fonctionnaires gouvernementaux, de représentants d'ONG et/ou de groupes religieux ainsi que d'autres personnalités de renom afin de sensibiliser l'opinion publique nationale et de permettre au HCR de recevoir conseils et avis d'un large éventail d'interlocuteurs.

Difficultés rencontrées dans l'application des obligations de la Convention (couvrant le point c))

12. Les réponses reçues au questionnaire révèlent sans ambiguïté que certains Etats éprouvent des difficultés à honorer toutes leurs obligations aux termes de la Convention. Cela est compréhensible dans la mesure où la Convention contient des dispositions globales concernant le droit des réfugiés dans un certain nombre de domaines, y compris l'emploi, la législation du travail, la sécurité sociale, l'assistance publique et l'éducation. Même dans le meilleur des cas, les Etats peuvent parfois prendre conscience que l'opinion publique ne comprend pas ou ne soutient pas les efforts entrepris en faveur des réfugiés. Lorsque des Etats sont en proie à des difficultés économiques, à l'absence de développement ou à un taux de chômage élevé, il leur devient d'autant plus difficile de garantir les droits fondamentaux des réfugiés, surtout lorsque ceux de leurs nationaux ne peuvent pas être strictement respectés.

13. Bien que les Etats doivent surmonter de nombreux obstacles en matière de mise en oeuvre, il est néanmoins certaines dispositions si fondamentales pour la protection des réfugiés que tout manquement en la matière soulève les plus vives préoccupations du HCR. L'une de ces dispositions est l'article 33 qui consacre le principe du non-refoulement. L'importance primordiale de ce principe a été réitérée à maintes reprises par la communauté internationale et, tout récemment, dans la conclusion générale de 1991 sur la protection internationale (A/AC.96/783, par. 21 c)). Dans la conclusion No. 25 (XXXIII) le Comité exécutif a même observé que ce principe « est en train d'acquérir le caractère d'une norme impérative de droit international ».

14. L'article 33 de la Convention, et son interdiction de retour pour les individus vers des situations où leur vie ou leur liberté est menacée, constitue une garantie fondamentale de protection des réfugiés. Il convient de lire cet article parallèlement aux articles 31 (la non-pénalisation pour entrée illégale) et 32 (limites à l'expulsion) : pris dans leur ensemble, ces trois articles sont la condition sine qua non d'un hâvre sûr initial et de possibilités de solutions durables.

15. Il s'ensuit que certaines dispositions de la Convention de 1951 sont, de fait, si fondamentales qu'elles s'appliquent à tous les réfugiés indépendamment du fait qu'ils aient obtenus un asile permanent dans un Etat partie de la Convention et/ou du Protocole. Tel est le cas pour la définition du réfugié (article 1), la non-discrimination (article 3), la liberté de religion (article 4), la non-pénalisation des réfugiés entrés illégalement dans le pays de refuge (article 31), l'expulsion (article 32) et l'interdiction de refoulement (article 33). D'autres dispositions de la Convention, telles que celles qui définissent les droits économiques et sociaux des réfugiés sont plus pertinentes pour les réfugiés qui ont obtenu un asile durable sur le territoire d'une partie contractante, et elles ont pour but de faciliter leur intégration dans le pays d'asile. Certaines situations d'afflux massifs pourront tomber dans le cadre prévu par la Convention de 1951 mais en raison de leur caractère massif et de la possibilité claire de retour dans la sécurité à un moment donné, le rapatriement, et non l'intégration, constitue l'approche adéquate.

Diverses interprétations et applications sélectives de la définition (couvrant le point d))

16. L'expérience acquise par le HCR au fil des ans, renforcée par un certain nombre de réponses au questionnaire sur la mise en oeuvre, lui apprend que les divergences d'interprétation ou d'application sont révélatrices de l'approche adoptée par un certain nombre d'Etats vis à vis de l'article 1 de la Convention de 1951.

17. L'imprécision du libellé facilite, dans une certaine mesure l'interprétation ou l'application sélective. Comme certains Etats parties l'ont observé, la Convention ne contient pas par exemple une définition de la persécution. Il s'ensuit une confusion quant à la nature de la participation de l'Etat à l'acte de persécution et la Convention est suffisamment générale pour autoriser un désaccord sur la question de savoir si les motifs de l'entité exerçant la persécution peuvent directement passer pour les raisons de la persécution. La Convention ne fixe pas de limites temporelles au début de la persécution. Le type de situation postérieure à la fuite qui doit être considéré comme permettant de fonder une crainte de persécution n'est pas tout à fait clair. Lorsque la Convention n'est pas suffisamment précise, les tribunaux ou les organes chargés de la question des réfugiés ont tenté de combler le vide. Au cours de ce processus, dans la mesure où le nombre de demandeurs d'asile ne cesse de s'accroître, les divergences apparaissent à l'évidence entre le profil d'un certain nombre de demandeurs d'asile et le concept classique du réfugié.

18. Cette approche transparaît souvent dans les décisions sur le statut de réfugié qui restreignent la signification des termes « persécution » et « crainte fondée ». Des exemples ont été portés à l'attention du Haut Commissariat, tels que le refus de considérer les discriminations graves ou répétées ainsi que le harcèlement comme une persécution; la réticence à reconnaître des situations de persécution collective; le rejet de l'insoumission ou de la désertion pour des raisons valables de conscience en tant que motifs d'une demande; reconnaissance limitée, voire inexistante, de la situation des femmes en tant que groupe social particulier; restriction de la notion d'agents de persécution aux autorités du pays d'origine; fixation de limites temporaires arbitraires quant à la date de la persécution.

19. Concernant la crainte fondée, des décisions négatives sont prises sur la base d'évaluations subjectives de crédibilité générale, avec une tendance croissante à considérer les témoignages sans preuves comme servant par essence la cause présentée, et sans reconnaître le fait que, comme cela a toujours été le cas, de nombreux réfugiés ne pourront présenter de preuves indépendantes à l'appui de leurs demandes. Parmi d'autres cas troublants, il convient de citer des rejets sur la base d'une entrée illégale, même si cette entrée représente le seul moyen de fuite, ainsi que le refus du statut à des personnes fuyant la guerre, un conflit armé ou la violence, sans examiner la possibilité de persécution que peuvent receler de telles situations.

20. Le HCR s'est particulièrement préoccupé d'un certain nombre de cas récents concernant des demandeurs isolés de statut de réfugié dont les dossiers ont été rejetés essentiellement parce qu'ils ont été considérés comme des victimes de conflits armés plutôt que comme l'objet d'une persécution individuelle. Même s'il a été accepté par les autorités responsables de la décision, qu'une personne a été victime de violations graves des droits de l'homme, qu'elle peut avancer une crainte authentique et qu'elle fera probablement l'objet d'une arrestation ou d'une détention au retour, la position prise sur cette question a été que ces facteurs ne sont pas imputables à une intention de la part des autorités de persécuter l'individu concerné sur la base d'un des motifs reconnus et, qu'en conséquence, la question du statut de réfugié ne se pose pas. La position du HCR en la matière est que les réfugiés sont des réfugiés lorsqu'ils fuient ou restent à l'extérieur d'un pays pour des raisons relevant de la définition du réfugié contenue dans la Convention de 1951, que ces motifs surviennent dans un contexte de guerre civile, de conflit armé international ou autre. Il n'y a rien dans la définition qui exclue en soi son application aux personnes répondant aux critères de la définition et se trouvant dans une situation de guerre civile. L'intérêt d'un gouvernement à maintenir l'ordre public doit être nettement distingué de la question de la violation des droits fondamentaux de l'homme. L'intérêt d'un gouvernement n'explique, ni n'excuse, les recours à la torture ou à la punition arbitraire ou à des différences de traitement entre certains individus ou groupes aux fins de punition. De toute évidence, lorsqu'une personne fait l'objet d'un traitement particulièrement dur et que la raison sous-jacente en est son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques, la position des autorités selon laquelle ces mesures s'imposent pour des raisons de sécurité nationale pourrait ne pas être valable.

21. Cet exemple particulier de réfugiés dans des situations de guerre civile ne sert qu'à illustrer la préoccupation du HCR selon laquelle une approche sélective de l'interprétation peut aller à l'encontre de l'essence de la protection reconnue dans la Convention de 1951. Il convient également de noter que, conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités, les Etats doivent interpréter la Convention de 1951 conformément à son objet et à ses fins. L'objet et les fins de la Convention de 1951 sont clairs si l'on considère le contexte des négociations qui ont précédé son adoption. La Convention constitue la réponse de la communauté internationale aux exigences de protection d'un groupe particulièrement vulnérable de personnes : les réfugiés craignant une persécution, ne pouvaient rentrer dans leur propre pays, ayant besoin d'une protection internationale, d'un asile et d'une solution durable à leurs problèmes. C'est un instrument conçu pour garantir aux réfugiés l'exercice le plus large possible de leurs droits et pour fournir un cadre dans lequel structurer l'exercice par les Etats de leur discrétion en matière d'accueil des réfugiés et de défense des droits.

22. Dans son examen de cette question, le Sous-Comité pourrait juger utile d'encourager tous les Etats parties à envisager l'interprétation de l'article 1 sous l'angle de l'objet et des fins de la Convention. Les méthodes visant à harmoniser l'interprétation des critères, afin de refléter les interprétations universellement reconnues, notamment celles qui sont consignées dans le Guide sur les procédures et critères pour la détermination du statut de réfugié, pourraient également être mises au point.