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Note sur la protection internationale (Présentée par le Haut Commissaire)

Réunions du Comité exécutif

Note sur la protection internationale (Présentée par le Haut Commissaire)
A/AC.96/728

1 Août 1989

SOMMAIRE

Une analyse des développements nouveaux intervenus dans le domaine de la protection internationale des réfugiés en 1988 est contenue dans le Rapport du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés soumis à l'Assemblée générale par l'intermédiaire du Conseil économique et social (document E/1989/64).

La présente note traite de la situation actuelle en matière de protection internationale des réfugiés. Elle porte notamment sur des domaines spécifiques tels que l'asile, l'admission et le non-refoulement, l'extradition, la non-discrimination, la sécurité physique, les mineurs non accompagnés, la réinstallation et la protection des réfugiés et le rapatriement librement consenti.

INTRODUCTION

1. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a pour mandat formel de protéger les réfugiés et c'est là l'une des deux principales responsabilités qui incombent à son Office. La protection est une activité opérationnelle, humanitaire et non politique, déployée de manière permanente dans toutes les régions du monde.

2. La fonction de protection comprend deux éléments principaux. Il y a d'abord la responsabilité quotidienne à l'égard, surtout, des réfugiés isolés ou des groupes de réfugiés dont les droits fondamentaux sont menacés ou dont la situation générale appelle une intervention du HCR auprès des autorités étatiques.

3. Plus généralement, le HCR est aussi investi d'une responsabilité en matière de doctrine et il lui faut contribuer au développement progressif du droit international des réfugiés. Pour l'essentiel, cette fonction suppose la promotion, l'interprétation, la sauvegarde et le développement des principes fondamentaux de la protection des réfugiés. L'objectif immédiat est de renforcer les engagements pris sur le plan international en vue d'accueillir des réfugiés et aussi de lutter contre les pratiques discriminatoires et négatives menaçant les réfugiés et de rechercher, pour leurs problèmes, des solutions durables qui accordent une importance primordiale aux considérations humanitaires et au respect des droits fondamentaux. A plus long terme, l'objectif poursuivi est d'élaborer et de promouvoir un régime très large de protection des réfugiés, fondé sur de solides bases juridiques et sur des principes reconnus sur le plan international.

4. En s'acquittant de ces fonctions de protection, le HCR exerce ses activités dans un climat où les attitudes à l'égard des réfugiés deviennent de moins en moins conciliantes. La manière dont les pays perçoivent le problème des réfugiés reflète de plus en plus certaines difficultés économiques et sociales, l'inquiétude face aux mouvements transcontinentaux et la crainte de voir les demandeurs isolés recourir abusivement aux procédures d'asile. Le résultat a été que plusieurs Etats se sont soustraits à certaines de leurs responsabilités et que, parfois, ils ont même été enclins à les ignorer complètement. Comme on peut le voir dans les chapitres suivants de la présente note, il y a des cas, malheureusement toujours plus nombreux, où les Etats refusent même de respecter des obligations aussi fondamentales que celles de ne pas expulser des réfugiés ou de ne pas les renvoyer dans des pays où la situation est telle que leur vie est menacée. La sécurité des réfugiés et leur protection contre des attaques dirigées contre leur personne, ou des attaques militaires ou armées contre les camps ou les zones d'installation où ils se trouvent, constituent une préoccupation majeure. Le fait que de nombreux Etats, de plus en plus souvent, interprètent les responsabilités qui leur incombent en vertu de la Convention de façon de plus en plus étroite, restreignant l'accès aux procédures d'asile et limitant la jouissance de droits de résidence légitimes, est moins spectaculaire mais lourd de conséquences.

5. Il ne fait aucun doute que l'accueil et l'admission de réfugiés, même à titre temporaire, peuvent représenter pour les pays d'accueil une lourde charge sur le plan social et économique et, dans certains cas, sur le plan environnemental. Si l'on veut sauvegarder et développer progressivement le droit moderne des réfugiés en tant qu'ensemble de règles destinées à protéger les intérêts d'un groupe d'individus particulièrement vulnérable il ne faut pas se préoccuper seulement des aspects de ces problèmes liés à l'assistance mais aussi de leurs incidences juridiques.

6. Le système juridique international est dynamique et non statique et peut permettre de répondre tant aux changements intervenant dans le climat international qu'aux changements intervenant dans le caractère propre du phénomène moderne des réfugiés. L'un des principaux défis auxquels le Haut Commissaire se trouve confronté aujourd'hui est de veiller à ce que le droit des réfugiés se développe dans ce sens et qu'il soit formulé de manière à refléter les perceptions et les préoccupations de tous les Etats qui, depuis 1951, ont été petit à petit amenés à s'intéresser au problème des réfugiés ou s'y sont trouvés confrontés. C'est ainsi que le droit international des réfugiés pourra conserver et élargir sa capacité de promouvoir le bien-être des personnes qu'il est destiné à protéger et qu'il pourra servir les objectifs qu'il doit poursuivre sur le plan humanitaire et en matière de droits de l'homme dans le monde entier.

ASILE, ADMISSION ET NON-REFOULEMENT

7. La condition de réfugié et le concept de l'asile sont indissolublement liés. Dans un sens, l'asile peut être considéré comme la condition même de l'existence d'un réfugié jusqu'au moment où une solution durable est trouvée. Il est donc particulièrement inquiétant qu'une institution aussi essentielle continue à être violemment contestée dans le monde et que dans leurs pratiques, un certain nombre d'Etats refusent de plus en plus souvent de reconnaître qu'elle constitue un moyen fondamental d'accorder ne fût-ce qu'une protection initiale aux réfugiés.

8. D'une manière générale, l'asile, considéré au sens territorial par opposition au sens diplomatique (extraterritorial), est un terme global pour désigner l'ensemble des mesures de protection accordées par un Etat dans l'exercice souverain de ses responsabilités aux réfugiés qui se trouvent sur son territoire. Il peut supposer une protection permanente, dans des conditions qui permettent au réfugié de s'intégrer dans une nouvelle communauté. Dans ce cas, il représente une solution durable au problème. Toutefois, ces dernières années, on en est venu de plus en plus à considérer l'asile comme une protection de base temporaire qui, en fait, a pour effet d'interdire de refouler un réfugié vers les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté seraient menacées, en lui laissant en même temps la possibilité de demeurer sur le territoire de l'Etat d'accueil jusqu'au moment où une solution durable, hors de cet Etat, aura pu être trouvée.

9. L'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme reconnaît que devant la persécution toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. Pour les réfugiés, il s'agit là d'un complément indispensable à la possibilité de bénéficier d'autres droits fondamentaux reconnus dans ladite Déclaration et proclamés dans des instruments relatifs aux droits de l'homme ayant force obligatoire, tels que les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme. Au nombre de ces droits figurent : le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de la personne; le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; le droit de ne pas être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé; le droit de circuler librement et le droit de quitter son pays et d'y revenir.

10. Il est clair que le principe de l'asile est reconnu sur le plan international. Toute personne en difficulté a le droit de solliciter l'asile et d'en bénéficier. De plus, bien que l'octroi de l'asile, durable ou non, à un réfugié isolé demeure la prérogative de l'Etat, il semblerait que les Etats aient une responsabilité générale en vertu de laquelle ils devraient admettre les personnes en quête d'asile qui se présentent à leurs frontières et demandent que leur statut soit déterminé. Pour qu'un réfugié puisse bénéficier des droits et des libertés fondamentales, il lui faut tout d'abord être admis quelque part. Il semblerait donc que l'interprétation appropriée des dispositions de la Convention de 1951 relatives au non-refoulement, à la non-expulsion et à la non-pénalisation pour entrée illégale, est que la personne en quête d'asile doit être admise.

11. Un grand nombre de conclusions adoptées par le Comité exécutif invite les Etats à adopter une attitude positive à l'égard de l'admission et de l'asile temporaire. Ainsi, par exemple, le Comité a prié les Etats de :

  • sauver les personnes en quête d'asile en détresse en mer et de leur accorder refuge, au moins temporairement;

  • en cas d'arrivées massives, admettre les personnes en quête d'asile, au moins temporairement,

  • ne pas adopter de mesures, telles que le gel des admissions susceptibles de menacer l'institution de l'asile.

12. Au niveau régional, il est évident que les Etats ont reconnu la nécessité d'adopter une approche libérale à l'égard de l'admission aux fins d'asile. La Convention de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique invite, au paragraphe premier de l'article II, les Etats membres de l'OUA à « s'engager à faire tout ce qui est en leur pouvoir ... pour accueillir les réfugiés » et assurer leur établissement. Des résolutions, des déclarations ou des principes contenant des appels dans le même sens ont été adoptés au niveau régional en Asie (par le Comité juridique consultatif africano-asiatique), en Europe (par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe) et en Amérique latine (dans la Déclaration de Carthagène).

13. L'importance du maintien de la pratique de l'asile temporaire pour trouver des solutions humanitaires aux problèmes de réfugiés qui existent depuis longtemps en Asie du Sud-Est a été expressément réaffirmée très récemment dans le Plan d'action global approuvé par les Etats, à la Conférence internationale sur les réfugiés indochinois qui s'est tenue à Genève les 13 et 14 juin 1989. Ce plan, qui a recueilli un large appui international, suppose un engagement au niveau régional d'accueillir et de traiter humainement toutes les personnes en quête d'asile et déterminer leur statut, et constitue le premier effort régional en vue de mettre en oeuvre une procédure cohérente et uniformisée de détermination de statut de réfugié. L'importance de l'asile temporaire en tant que mécanisme de protection pour les réfugiés d'Amérique centrale a aussi été reconnue expressément dans le plan d'action concerté en faveur des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées d'Amérique centrale, adopté par la Conférence internationale sur les réfugiés centraméricains (CIREFCA) qui s'est tenue à Guatemala City du 29 au 31 mai 1989. Par ce plan, les pays concernés de la région ont confirmé leur engagement de continuer à accorder l'asile et un traitement humanitaire aux réfugiés.

14. Comme il ressort clairement de ce qui précède, l'admission, et des conditions acceptables de séjour et un traitement équitable des réfugiés, demeurent un élément important - même s'il n'est pas le seul - de toute approche élargie du problème des réfugiés. Pour beaucoup de réfugiés, même si l'asile n'est qu'une étape temporaire et que le rapatriement librement consenti dans des conditions acceptables et sûres est la meilleure solution, l'admission dans un pays et l'autorisation d'y séjourner sont la première condition de leur sécurité et de leur intégrité.

15. Les arrivées massives de personnes en quête d'asile, leur admission et leur séjour, même à titre temporaire, peuvent imposer de lourdes charges au pays d'accueil. Conscient de ce fait, le HCR travaille en étroite collaboration avec les Etats pour apporter aux problèmes des réfugiés des solutions appropriées qui tiennent compte tant des besoins des individus sur le plan humanitaire que des préoccupations fondamentales des Etats. Les efforts du HCR en vue de déterminer des procédures équitables et rapides concernant l'éligibilité ne sont qu'un exemple de cette approche constructive et solidaire.

16. Néanmoins, les problèmes auxquels sont confrontées aujourd'hui les personnes en quête d'asile qui cherchent à être admises et à ce que leur statut soit déterminé, et les violations du statut des personnes qui bénéficient de l'asile demeurent considérables. D'autres parties de la présente note (en particulier celles qui ont trait à la sécurité et à la discrimination à l'encontre des réfugiés) traitent de ces problèmes de manière plus détaillée. La détérioration de la situation en ce qui concerne l'expulsion et le refoulement des réfugiés est particulièrement préoccupante dans le contexte actuel.

17. Le HCR a tenu à faire part au Comité exécutif, réuni pour sa trente-neuvième session en 1988, de la vive préoccupation que lui causait l'expulsion de réfugiés. Le Comité a partagé ces préoccupations et a adopté, entre autres, la conclusion générale g) sur la protection internationale dans laquelle il a rappelé ses conclusions Nos 6 (XXVIII) et 7 (XXVIII) sur le non-refoulement et l'expulsion, respectivement, et exprimé sa vive préoccupation devant le fait que les interdictions fondamentales d'expulsion et de refoulement étaient souvent violées par un certain nombre d'Etats, et il a lancé un appel à tous les Etats pour qu'ils respectent leurs obligations internationales à cet égard et qu'ils cessent immédiatement de telles pratiques. »

18. Loin de mettre fin à ces pratiques, certains Etats continuent d'expulser ou de refouler des réfugiés, non seulement lorsqu'il s'agit d'individus isolés mais aussi, dans certains cas, quand il s'agit de groupes importants de personnes. Les représentations faites par le HCR à ces Etats pour qu'ils respectent leurs obligations internationales et s'abstiennent d'appliquer de telles mesures ont généralement été ignorées. Les mesures d'expulsion, y compris le refoulement, continuent à revêtir diverses formes : ordres d'expulsion frappant les réfugiés, refus d'admission à la frontière, non-admission des passagers clandestins en quête d'asile, renvoi des bateaux à l'arrivée ou interdiction signifiée en haute mer, et retour forcé de réfugiés dans leur pays d'origine. Un fait nouveau inquiétant est le durcissement de l'attitude de certains Etats à l'égard de groupes de réfugiés vivant depuis longtemps dans un camp (« long stayers ») pour lesquels aucune solution durable n'est en vue. Plusieurs de ces groupes ont été menacés d'expulsion, voire de refoulement même si grâce à la réaction rapide de certains pays de réinstallation, ces menaces n'ont pas encore été mises à exécution.

19. Compte tenu de ce qui précède, le HCR se voit contraint une fois de plus de saisir le Comité exécutif du problème de l'expulsion et du refoulement des réfugiés en violation des principes fondamentaux de protection.

20. La pratique analogue, consistant à refuser l'admission et/ou l'accès à des procédures appropriées lorsqu'elles existent, de détermination du statut de réfugié, préoccupe aussi gravement le Haut Commissariat. Dans certains pays, des procédures administratives ou des moyens sommaires de filtrage aux frontières ont remplacé, pour certaines arrivées, les procédures régulières de détermination du statut de réfugié assorties de garanties juridiques adéquates. Le HCR connaît des cas où des demandeurs d'asile dont l'admission a été refusée sans qu'ils puissent bénéficier d'une procédure régulière ont été l'objet de sanctions particulièrement sévères à leur retour dans leur pays d'origine. De plus, le fait que certains pays élargissent leur régime des visas de manière à l'étendre à des pays d'où viennent des demandeurs d'asile, tout en renforçant certains mécanismes, comme les sanctions frappant les transporteurs, afin de rendre plus sévère le contrôle de l'immigration, ferme effectivement la porte à de nombreux réfugiés. Ces mesures de contrôle de l'immigration posent un problème dans ce sens que, si elles visent des groupes de personnes qui ne sont pas de véritables réfugiés ou des personnes qui abusent de la procédure d'asile, elles aboutissent aussi à interdire aux réfugiés l'accès aux procédures de détermination de leur statut et à les empêcher de bénéficier des droits et de la protection à laquelle ils pourraient prétendre. Le HCR espère que le Comité exécutif examinera ces problèmes relatifs à l'admission et à l'accès aux procédures eu égard aux diverses responsabilités en matière d'admission mentionnées plus haut.

EXTRADITION DES REFUGIES

21. Le Comité exécutif a examiné les problèmes relatifs à l'extradition des réfugiés lors de sa trente et unième session, en 1980. Dans la conclusion No 17 (XXXI) sur la question, il a notamment réaffirmé le caractère fondamental du principe universellement reconnu du non-refoulement, reconnu que les réfugiés devraient bénéficier d'une protection contre l'extradition vers un pays où ils craignent avec raison d'être persécutés pour les motifs énumérés dans la Convention de 1951 et :

« g) Souligné que la protection en matière d'extradition s'applique aux personnes qui remplissent les critères de la définition du réfugié et qui ne sont pas exclues du bénéfice du statut de réfugié ... ».

22. La règle reconnue par le Comité exécutif selon laquelle les décisions en matière d'extradition de réfugiés doivent respecter les principes fondamentaux de la protection des réfugiés est conforme aux termes de l'article 33 de la Convention de 1951 qui stipule qu'un réfugié ne pourra être expulsé ou refoulé « de quelque manière que ce soit » sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée. Cette interprétation a reçu encore très récemment l'aval légal de certaines juridictions nationales.

23. En revanche, certains Etats continuent de prétendre que l'article 33 porte principalement sur les mesures d'expulsion et de refoulement et non sur l'extradition. Celle-ci est considérée comme un processus reposant sur une base juridique différente.

24. De façon générale, l'extradition entre les Etats est régie par un ou plusieurs des instruments suivants :

  • traités bilatéraux;

  • traités multilatéraux, y compris traités régionaux, qui intéressent expressément l'extradition ou qui prévoient l'obligation d'extrader dans le cas de délits déterminés;

  • accords spéciaux concernant un cas déterminé;

  • législation nationale.

25. Les Etats en question estiment que la protection dont peuvent bénéficier les réfugiés à l'égard de l'extradition doit découler, dans chaque cas, des termes de l'instrument ou de l'accord pertinent. Etant donné cette position, dont on n'a pas à examiner le bien-fondé, les formes de protection contre l'extradition prévues dans les traités d'extradition peuvent revêtir une importance particulière en ce qui concerne les réfugiés.

26. Le principe selon lequel il est des circonstances où un Etat ne devrait pas extrader une personne vers un autre Etat est reconnu depuis longtemps et est reflété dans la plupart des traités d'extradition et des lois relatives à l'extradition adoptés dans le passé. Le délinquant politique a toujours été considéré comme une personne devant bénéficier de cette protection. Ces dernières années, s'inspirant de principes largement reconnus du droit des droits de l'homme et du droit des réfugiés, un certain nombre de pays ont étendu la protection aux personnes menacées, en cas de retour, d'un traitement discriminatoire en raison de leur race, de leur religion, de leur couleur ou de leur origine ethnique. Les interdictions d'extrader sont en règle générale impératives et ne sont assorties que d'une ou deux exceptions de portée restreinte (par exemple en cas d'attentat contre la vie d'un chef d'Etat).

27. Du fait de la position de certains Etats selon laquelle l'article 33 ne peut être interprété automatiquement comme englobant l'extradition - et protégeant en conséquence les réfugiés contre une telle mesure - le fait que les délinquants politiques ne puissent être extradés (même si tout réfugié n'est pas un délinquant politique et vice versa) et la protection contre l'extradition dans les cas où il existe une menace de discrimination fondée sur la race, la religion, la couleur ou l'origine ethnique, sont d'autant plus importants pour la sauvegarde de la sécurité des réfugiés. Omettre de prévoir cette protection ou ces sauvegardes dans les accords d'extradition ou leur donner un caractère restrictif risquerait d'avoir de graves conséquences pour le bien-être et la sécurité de réfugiés isolés menacés de devoir retourner dans leur pays à la suite d'une demande d'extradition.

28. Compte tenu de ce qui précède, le HCR s'inquiète de voir se dessiner dans certains pays une tendance à limiter la notion actuelle de protection d'une manière qui pourrait nuire aux intérêts des réfugiés. En particulier, certains Etats ont prévu dans leurs traités d'extradition :

  • des dispositions en vertu desquelles l'exclusion de l'extradition dans le cas des délinquants politiques ne serait pas automatique, mais discrétionnaire;

  • une longue liste, susceptible d'une application très large, des délits qui ne doivent pas être considérés comme étant de nature politique; et

  • la possibilité (grâce à l'emploi de termes pouvant être interprétés discrétionnairement) de donner une suite favorable à une demande d'extradition formulée à des fins équivalant à une discrimination fondée sur la race, la religion, la couleur ou l'origine ethnique.

29. Le monde d'aujourd'hui est confronté à une criminalité internationale omniprésente et souvent aveugle, et le HCR partage le souci croissant de l'opinion internationale de ne pas laisser à certains types de délinquants la possibilité d'échapper au châtiment qu'ils méritent. Mais, tout en bloquant les possibilités de fuite des grands criminels, la communauté internationale doit veiller à préserver les mécanismes traditionnels et légitimes de protection qui ont été jugés nécessaires pour sauvegarder les intérêts et la sécurité de groupes particulièrement vulnérables, comme les réfugiés. Cette protection doit être réaffirmée de manière énergique et sans équivoque dans tous les nouveaux accords, multilatéraux et bilatéraux, relatifs à l'extradition.

NON-DISCRIMINATION

30. Le principe de la non-discrimination est un élément essentiel du système international de protection des droits de l'homme. La Charte des Nations Unies contient de nombreuses références à la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales par tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. De même la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que toute personne peut bénéficier de tous les droits et libertés énoncés dans cette Déclaration, sans distinction d'aucune sorte, et ajoute à la série des motifs sur lesquels la discrimination ne peut être fondée, ceux de la couleur, de l'opinion politique ou autre, de l'origine nationale ou sociale, de la richesse, de la naissance ou autre situation. La majorité des instruments relatifs aux droits de l'homme proscrivent toute discrimination, dans des articles d'application générale qui étendent expressément à toutes les personnes les droits spécifiques qu'ils énoncent.

31. Le principe de la non-discrimination joue aussi un rôle de premier plan dans le domaine de la protection des réfugiés. En reconnaissance de ce principe, les Hautes Parties contractantes ont considéré, dans le préambule de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, « que la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme ... ont affirmé le principe que les êtres humains, sans distinction, doivent jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». L'article 3 de la Convention (l'un des rares auquel il ne puisse être dérogé), énonce le principe de la non-discrimination dans les termes suivants :

« Les Etats Contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine. »

32. Les problèmes relatifs à la discrimination ont été examinés par le Comité exécutif à diverses reprises. En 1979, le Comité a recommandé notamment que « les décisions des Etats touchant l'octroi de l'asile soient prises sans discrimination fondée sur la race, la religion, l'opinion politique, la nationalité ou le pays d'origine ». Deux ans plus tard, en élaborant ses conclusions sur la protection des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives, le Comité exécutif a reconnu que les personnes en quête d'asile « doivent être admises, sans discrimination fondée sur la race, la religion, l'opinion politique, la nationalité, le pays d'origine ou l'incapacité physique ». Dans la même conclusion, le Comité a reconnu que le principe de la non-discrimination devait aussi s'appliquer au traitement des personnes en quête d'asile qui ont été admises temporairement dans un pays en attendant que des dispositions soient prises pour trouver une solution durable.

33. Bien que, d'une manière générale, les Etats suivent ces recommandations et respectent le principe de la non-discrimination, il existe des exceptions importantes. Il s'agit essentiellement de la discrimination provenant du pays d'origine du réfugié, dont il faut souvent rechercher la cause dans des tensions entre le pays d'origine et le pays d'asile. Cet état de choses existe malheureusement malgré le principe intentionnellement reconnu, et qui ressort aussi du préambule de la Convention de 1951, selon lequel l'octroi de l'asile aux réfugiés est un acte pacifique et humanitaire qu'aucun Etat ne doit considérer comme inamical.

34. La discrimination fondée sur la race ou la religion des réfugiés a également été signalée. On a notamment connu des cas où des réfugiés se sont vu refuser l'accès aux programmes nationaux et aux procédures de détermination du statut de réfugié en raison de leur race. Des considérations analogues ont conduit des Etats à refuser à certains réfugiés l'asile, l'accès à l'emploi et la possibilité de prendre la nationalité du pays.

35. Le Comité exécutif a traité spécialement du problème de la discrimination à l'égard des femmes réfugiées. Dans sa conclusion de 1985 sur les femmes réfugiées et la protection internationale (No 39 (XXXVI)), le Comité a noté que nombre de femmes réfugiées dans le monde, y compris les très jeunes femmes, sont confrontées à des problèmes spécifiques de protection et « a reconnu que ces problèmes découlent de leur situation vulnérable qui les expose fréquemment à la violence physique, aux sévices sexuels et à des discriminations » (c'est nous qui soulignons). Le Comité a recommandé que les Etats répondent aux problèmes spécifiques des femmes réfugiées « en particulier pour assurer leur sécurité physique ainsi que l'intégrité de leur personne et leur garantir une égalité de traitement ».

36. Depuis l'adoption de cette conclusion, primordiale parce qu'elle reconnaît notamment que le sexe est un important motif de discrimination, la pratique effective n'a guère changé. La discrimination fondée sur le sexe est manifeste, par exemple, dans l'inégalité de la participation des femmes à la conception et à la mise en oeuvre des programmes pour les réfugiés. Dans certains programmes à l'intention des réfugiés, les femmes sont entièrement exclues du processus. La question de la discrimination fondée sur le sexe reste donc importante dans la mise en oeuvre globale des programmes pour ce qui concerne les femmes réfugiées.

SECURITE PHYSIQUE

37. Bien que ni le statut du HCR ni la Convention relative au statut des réfugiés ne fassent explicitement état de la sécurité physique des réfugiés, chacun sait que la sécurité et le bien-être des réfugiés comptent parmi les préoccupations premières des Etats et du HCR. Les références à la sûreté et à la sécurité physiques contenues dans 26 conclusions adoptées par le Comité exécutif au cours des 13 dernières années en témoignent amplement. Ces conclusions portent sur tous les aspects de la protection des réfugiés, y compris le départ, le traitement dans les pays d'asile et les solutions durables, notamment le rapatriement librement consenti.

38. La conclusion No 48 (XXXVIII), sur les attaques militaires et armées contre des camps et zones d'installation de réfugiés, est l'une des plus importantes des conclusions du Comité exécutif. Adoptée par le Comité en 1987, elle a été saluée à l'époque comme une étape importante du règlement du problème des attaques armées contre les camps et zones d'installation de réfugiés. Ses effets ne s'étaient pas encore fait sentir au début de 1988 (document A/AC.96/713, paragraphe 26 et seq.), mais, pendant le second semestre de l'année et au début de 1989, on a assisté à une diminution du nombre d'attaques.

39. Néanmoins, dans trois pays d'Asie, plusieurs attaques transfrontières ont eu lieu, faisant intervenir soit les tirs d'artillerie, soit les bombardements aériens. On ignore toutefois le nombre total de victimes, car plusieurs des camps où les attaques se sont produites étaient situés dans des zones inaccessibles et peu sûres, empêchant ou retardant les visites de personnel du HCR. A l'occasion d'un incident, les autorités du pays d'asile ont affirmé que des armes chimiques avaient été utilisées et que, de ce fait, plus de 150 réfugiés avaient perdu la vie. A l'occasion de tous les autres incidents, on a signalé aussi des victimes et des blessés, tant parmi les réfugiés que dans la population locale.

40. Les attaques militaires ou armées contre des camps et zones d'installation de réfugiés se sont poursuivies en Afrique australe et dans la corne de l'Afrique. Dans un pays d'Afrique australe, des groupes armés insurgés ont attaqué un camp de réfugiés en novembre 1988. Il n'y a pas eu de victimes, mais les dégâts matériels ont été estimés à plusieurs milliers de dollars. Dans un autre pays de la même région, des groupes armés, opérant à partir du territoire du pays d'origine, ont attaqué un camp et enlevé plusieurs réfugiés.

41. Dans la corne de l'Afrique, le conflit civil que connaît un pays a continué d'influer sur la sécurité des réfugiés et, là encore, plusieurs ont perdu la vie dans des attaques lancées contre leurs zones d'installation. Vers la fin de 1988, le mouvement de retour volontaire, inspiré à la fois par l'évolution de la situation dans le pays d'origine et par la détérioration des conditions de sécurité dans le pays d'asile due à ces attaques, a pris fin, et la dernière zone d'installation a été fermée.

42. Ailleurs dans cette région, le conflit civil que connaît un autre pays a eu de graves conséquences sur la sûreté et la sécurité physiques des réfugiés. Certains se sont alignés sur l'une des deux parties au conflit et ont participé à la lutte armée. D'autres ont fui en grand nombre vers un pays voisin ou ont essayé de se déplacer vers des régions plus sûres. Le HCR n'a pas pu, pour des motifs de sécurité, suivre la situation et n'a donc pas été en mesure de confirmer l'étendue des combats ou le nombre des victimes qui, selon les renseignements reçus, auraient été très nombreuses. A un stade ultérieur, le Haut Commissariat a contribué à réinstaller certains des réfugiés concernés dans des zones plus sûres. Bien que la situation redevienne normale, un nombre appréciable de réfugiés continuent de perdre la vie ou d'être victimes de graves blessures dues à l'explosion de mines terrestres et à l'usage d'autres explosifs.

43. Comme on peut le déduire des paragraphes qui précèdent, l'un des principaux problèmes que connaît le HCR dans le cas des attaques militaires et armées contre des camps et les zones d'installation de réfugiés est qu'il ne lui est guère possible de se rendre directement et immédiatement sur les lieux des attaques. Cet état de choses est généralement le résultat d'une combinaison de facteurs : le fait que le HCR n'est pas présent en permanence dans tous les camps, l'éloignement et l'inaccessibilité relative des endroits où nombre de camps et de zones d'installations sont situés et la détérioration grave des conditions de sécurité existant dans ces zones. La coopération des autorités qui exercent leur contrôle sur les régions en question est un autre facteur. L'accès du HCR est essentiel si l'on veut qu'il puisse répondre aux différentes situations créées par les attaques militaires et armées, puisque ce n'est que s'il est en pleine possession de tous les éléments pertinents qu'il peut prendre les mesures attendues de lui par le Comité exécutif, telles qu'elles figurent dans la conclusion No 48.

44. Eu égard aux considérations qui précèdent, une instruction que le HCR a diffusée récemment dans les bureaux extérieurs souligne l'importance qui s'attache à ce que le Haut Commissariat ait immédiatement plein accès aux zones concernées et demande aux bureaux extérieurs compétents d'étudier avec les autorités différents moyens qui pourraient être mis en place rapidement à cet effet, en cas d'attaque contre des camps et des zones d'installation de réfugiés. La même instruction prévoit aussi une nouvelle formule et une nouvelle procédure pour rendre compte au siège tant des incidents que des mesures consécutives prises par les autorités et le HCR, afin notamment d'améliorer la qualité des rapports du Haut Commissariat à ce sujet.

45. Le problème des attaques militaires ou armées contre des camps et des zones d'installation de réfugiés est un problème humanitaire qui appelle une approche humanitaire. Outre qu'il compromet la sûreté et la sécurité des réfugiés, il menace aussi la stabilité internationale et la paix et la sécurité entre les nations. Cette approche humanitaire exige toutefois une volonté politique de la part de ceux qui influent directement sur le cours des événements, qu'il s'agisse des Etats ou d'autres entités. Toutes les parties doivent, par exemple, s'abstenir d'exploiter les réfugiés et les groupes de réfugiés à des fins militaires ou à d'autres fins semblables. Comme le HCR l'a souligné dans la Note sur la protection internationale qu'il a présentée à la session du Comité exécutif l'an dernier (A/AC.96/713), ce n'est que lorsque toutes les parties à un conflit donné suivront une politique fondée sur des principes purement humanitaires que les réfugiés, comme leurs camps et zones d'installation, pourront être effectivement protégés contre les attaques militaires et armées.

46. A cet égard, c'est avec de vives préoccupations que le HCR a constaté une augmentation sensible des cas de recrutement de réfugiés dans des forces belligérantes. Ce recrutement s'est produit dans plusieurs pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine et a porté sur des milliers de réfugiés. Dans certains cas, ils ont été recrutés dans les forces armées du pays d'asile; dans d'autres, le recrutement a été opéré par des forces armées irrégulières participant à des combats armés, soit dans le pays d'asile soit contre le pays d'origine des réfugiés. Il a été demandé aux réfugiés, lorsqu'ils ont été enrôlés dans ces forces, de s'acquitter de diverses tâches, notamment de transporter de l'équipement et des vivres, de poser des mines et de participer directement aux combats.

47. La plupart des incidents rapportés au HCR, sinon tous, concernaient des cas de recrutement involontaire. Ou bien les réfugiés avaient été contraints par la menace ou la violence physique de se joindre aux forces belligérantes, ou bien ils avaient tout simplement été kidnappés à cet effet. Dans d'autres cas, le recrutement avait été librement consenti, mais les intéressés l'avaient accepté parce qu'on leur avait promis des vivres ou de l'argent et, dans un cas, parce qu'on leur avait fait la promesse que l'enrôlement leur faciliterait l'acquisition de la nationalité. Quelles qu'aient été les circonstances, le HCR est intervenu à maintes reprises pour demander aux autorités nationales du pays d'asile de veiller à ce que les réfugiés soient convenablement protégés contre le recrutement. Le Haut Commissariat a aussi pris d'autres mesures pour empêcher les forces chargées du recrutement d'entrer dans les camps et les zones d'installation de réfugiés. Trop souvent, pourtant, les autorités nationales n'ont pas pu, ou n'ont pas voulu, assurer la protection requise et les forces belligérantes, de leur côté, ont eu tendance à ne pas tenir compte des interventions du Haut Commissariat en faveur des réfugiés.

48. Le recrutement de réfugiés dans des forces belligérantes est une pratique inacceptable dans la perspective de la protection des réfugiés. Il met en danger la vie et l'intégrité des réfugiés et il est contraire à la notion reconnue selon laquelle les réfugiés sont des civils et leurs camps et zones d'installation ont un caractère strictement humanitaire et civil. De surcroît, le recrutement de réfugiés peut saper l'institution de l'asile et créer des tensions entre les Etats, situation que l'approche humanitaire a pour objet d'éviter. Il est donc important que les Etats et le HCR demeurent vigilants et resserrent leur coopération pour lutter contre ce problème.

49. La sécurité physique des réfugiés peut être mise en péril dans bien d'autres situations. Il n'est pas rare que des femmes réfugiées soient victimes de violences physiques et de sévices sexuels. Ces cas peuvent se produire pendant leur fuite ou dans la période immédiatement postérieure, où l'intimidation peut avoir plus de prise sur elles et où elles n'ont pas la protection de la communauté. Le nombre des cas de violence physique signalés, y compris le viol et autres sévices sexuels, reste élevé, mais il est encourageant de noter que les auteurs de ces délits sont désormais plus souvent appréhendés, poursuivis et condamnés. Des rapports sur ces condamnations ont été reçus d'un grand nombre de pays.

50. Compte tenu de cette évolution, limitée mais positive, le HCR a été particulièrement préoccupé par le renouvellement d'attaques de pirates contre des personnes en quête d'asile au large de l'Asie du Sud-Est. Il s'est inquiété surtout de la barbarie croissante de ces attaques et de l'indifférence de leurs auteurs au sort des victimes. Pendant le premier trimestre de 1989 par exemple, davantage de personnes ont été portées manquantes et le nombre des femmes violées a presque atteint le chiffre correspondant pour toute l'année 1987. Aucune amélioration de cette situation n'a été enregistrée pendant le deuxième trimestre de 1989. Au mois d'avril, par exemple, un réfugié en quête d'asile a raconté le voyage qu'il avait fait avec 130 autres. Deux jours après leur départ, leur bateau a été attaqué par des pirates, qui ont immédiatement tiré sur les pilotes et le mécanicien, qu'ils ont tués. Pendant que les hommes étaient confinés dans la cale du bateau, les pirates ont violé les femmes, puis ont mis le feu au navire. Pendant le moment de panique qui a suivi, tous les occupants du navire se sont jetés à l'eau et les pirates ont tiré sur eux. Le réfugié qui a rendu compte de l'incident au HCR, et qui paraît être le seul survivant du bateau, a réussi à flotter pendant près de 30 heures, en s'accrochant aux cadavres et aux débris du bateau, avant d'être sauvé par un autre navire transportant d'autres personnes en quête d'asile. L'auteur du récit a pu identifier par la suite quatre personnes qui auraient participé à l'attaque de pirates, et qui ont depuis été arrêtées. Les autorités nationales enquêtent maintenant sur l'incident. L'horreur de cette histoire et d'autres semblables se passe de commentaires.

51. Le Programme de lutte contre la piraterie poursuit ses activités en vue de combattre ces attaques, et leurs auteurs sont poursuivis. Rien que dans un pays d'Asie du Sud-Est, 14 suspects ont été poursuivis; ils ont finalement été condamnés, en 1988, à des peines allant de 5 à 50 ans d'emprisonnement. Il faut néanmoins s'efforcer de préserver, dans la région, l'attachement au principe du premier asile et maintenir en même temps le Programme de lutte contre la piraterie si l'on veut faire en sorte que le risque de renouvellement de pareilles attaques soit minimisé autant que possible.

52. Il y a nécessairement un rapport étroit entre la protection physique des réfugiés et la politique nationale pratiquée à leur égard. Dans plusieurs pays du monde, cette politique consiste à placer les personnes en quête d'asile et les réfugiés dans des camps fermés. Entourés de fils de fer barbelés et surveillés par la police et par du personnel armé, les réfugiés sont obligés de rester dans ces camps jusqu'à ce qu'ils soient réinstallés ailleurs ou choisissent de regagner leur pays d'origine. Nombre d'entre eux vivent dans ces camps depuis plus de 10 ans. Certains de leurs enfants y sont nés et ne connaissent pas d'autre réalité. Cet état de choses a abouti à de graves tensions mentales chez les habitants des camps et des manifestations de violence sont survenues. Cette violence trouve souvent une issue dans l'unité familiale et se dirige contre les femmes réfugiées. De telles situations se produisent lorsque les réfugiés et les personnes en quête d'asile sont maintenus en détention pendant des périodes prolongées. Dans un cas de détention, le réfugié concerné a cherché à se suicider par auto-immolation. Un autre incident a provoqué une émeute, que les autorités ont violemment réprimée. Il est évident qu'en pareil cas la meilleure solution est d'apaiser la violence, non de l'aggraver. Ce n'est que par la réorientation des politiques nationales envers les réfugiés selon des principes humanitaires, qui aurait dû avoir lieu depuis longtemps, que l'on parviendra à rétablir efficacement la sécurité et le bien-être physiques des réfugiés.

53. Les préoccupations internationales à l'égard de la sécurité et du bien-être des réfugiés sont à la base des Plans d'action adoptés respectivement à la Conférence internationale sur les réfugiés centraméricains et à la Conférence internationale sur les réfugiés indochinois. Le Plan d'action global pour les réfugiés indochinois répartit soigneusement les responsabilités en matière d'admission, d'accueil, de détermination du statut, de réinstallation et de rapatriement librement consenti, précisément pour sauvegarder la sécurité et le bien-être des personnes concernées. C'est donc avec inquiétude que le Haut-Commissaire a constaté de nouveaux refoulements de bateaux arrivés dans la région, bien qu'il ait maintenant reçu l'assurance que le refuge temporaire serait accordé à tous les arrivants. En ce qui concerne le rapatriement des personnes dont on a déterminé qu'elles n'étaient pas des réfugiés, le HCR a accepté d'offrir ses « bons offices » pour promouvoir leur rapatriement librement consenti au Viet Nam, à titre de contribution à l'application du Plan d'action global adopté par la Conférence internationale, lequel prévoit expressément que tous les efforts seront faits pour encourager d'abord le retour librement consenti. D'autres options reconnues comme acceptables conformément à la pratique internationale devront être examinées si, après un délai raisonnable, il apparaît clairement que le rapatriement librement consenti ne progresse pas suffisamment. Le HCR a donc exprimé l'espoir que les gouvernements agiraient conformément à ces dispositions et accorderaient au Haut Commissariat suffisamment de temps pour qu'il puisse s'acquitter des fonctions qui lui ont été exceptionnellement confiées dans la mise en oeuvre d'une solution humaine au problème des Vietnamiens dont on a déterminé qu'il n'étaient pas des réfugiés. Il convient de ne pas perdre de vue que le Plan d'action, qui a bénéficié d'un large appui international, a été adopté compte tenu de l'interdépendance de la série de mesures qu'il prévoit, et qui doivent être appliquées simultanément et dans un esprit humanitaire.

MINEURS NON ACCOMPAGNES

54. Selon le Manuel des situations d'urgence du HCR (1983), le mineur non accompagné est un enfant « qui a été séparé de ses mère et père sans que l'on trouve quelqu'un que la loi ou la coutume charge principalement du soin de « s'en occuper avant tout ». Il n'est pas de circonstance particulière qui détermine la fuite d'un mineur ainsi défini et les raisons pour lesquelles il cherche refuge. D'après l'expérience du HCR, ces raisons peuvent être très diverses : beaucoup de mineurs non accompagnés viendraient de familles qui ont été victimes de persécutions ou qui craignaient de l'être dans leur pays; d'autres mineurs se sont enfuis pour éviter la conscription militaire ou pour échapper à la situation générale instable régnant dans leur pays d'origine.

55. Si, depuis sa création, le Haut Commissariat s'est occupé des problèmes de protection propres aux mineurs non accompagnés cherchant refuge hors de leur pays, ces problèmes sont devenus depuis peu particulièrement préoccupants compte tenu, d'une part, des départs massifs de réfugiés et de personnes en quête d'asile d'Indochine et, de l'autre, du nombre important de mineurs non accompagnés arrivant dans les pays d'Europe occidentale et dans un pays de la corne de l'Afrique. Il a fallu aussi se pencher sur le cas des mineurs non accompagnés dans le contexte du programme de rapatriement des réfugiés namibiens.

56. Le cadre dans lequel le HCR aborde les problèmes des mineurs non accompagnés est indiqué notamment dans deux documents du HCR intitulés « Principes directeurs concernant les enfants réfugiés » et « Principes directeurs pour les entretiens avec les mineurs non accompagnés et préparation de dossiers sur leurs antécédents sociaux ». En particulier, les principes directeurs dont s'inspirent toutes les décisions sont l'intérêt supérieur de l'enfant et l'unité familiale. La responsabilité juridique de toutes les décisions intéressant les mineurs non accompagnés incombe formellement aux autorités des pays d'asile. Toutefois, le HCR exerce certaines fonctions de protection à l'égard de ces mineurs et apporte de plus son concours aux gouvernements pour l'assistance à leur apporter et la recherche de solutions durables. A cet égard, dans sa conclusion No 47 (XXXVIII) de 1987 relative aux enfants réfugiés, le Comité exécutif a souligné « la situation particulière des enfants non accompagnés et des enfants séparés de leurs parents ... » et demandé au Haut Commissaire « de veiller à la conduite d'évaluations individuelles et à la préparation de dossiers sur les antécédents sociaux de chacun des enfants non accompagnés et séparés de leurs parents, confiés à d'autres familles, afin de faciliter la satisfaction de leurs besoins immédiats, l'analyse de la viabilité, à long terme aussi bien qu'immédiate, des dispositions prises concernant leur placement, ainsi que la planification et la mise en oeuvre de solutions durables appropriées ».

57. La protection pose des problèmes particuliers lorsque les pays d'accueil n'ont pas prévu ou institué de procédures particulières pour la détermination du statut, ou de dispositions spéciales pour prendre soin des mineurs non accompagnés avant et pendant les formalités relatives à l'octroi de l'asile. L'absence de telles procédures ou dispositions a eu diverses conséquences négatives. Dans plusieurs pays, elles ont été dans l'immédiat la détention de mineurs, le fait que ces mineurs sont interrogés par des services de police qui n'ont pas été préparés à cette tâche, l'hébergement de mineurs dans des foyers accueillant des enfants « à problèmes » ou le séjour prolongé dans des camps de réfugiés ne disposant pas d'installations particulières pour les mineurs non accompagnés. A plus long terme, une mauvaise appréciation des besoins de ces mineurs a limité leurs possibilités d'éducation et a fait que les ressources financières destinées à répondre de manière satisfaisante à leurs besoins particuliers ont été insuffisantes.

58. On s'efforce d'apporter une solution au problème de l'Asie du Sud-Est dans le cadre du Plan global d'action déjà mentionné. C'est ainsi que le HCR a, avec le concours des pays concernés, élaboré les principes directeurs que les autorités nationales chargées de déterminer le statut appliqueront. Il est prévu de constituer dans les différents pays d'asile des comités spéciaux, composés de représentants des gouvernements, du HCR et d'autres organismes compétents ayant l'expérience des questions relatives à la protection de l'enfance et une connaissance des questions juridiques qui se posent à cet égard, afin d'évaluer le statut des enfants de moins de 15 ans et de présenter des recommandations aux autorités qui donneront à la décision son caractère officiel. Ces comités détermineront aussi, dans chaque cas, la solution la plus favorable aux intérêts du mineur non accompagné. Si le rapatriement librement consenti est considéré comme la solution la meilleure, on y procédera seulement sous réserve de certaines démarches préalables (consistant notamment à s'assurer que la famille du mineur dans le pays d'origine est prête à accepter son retour).

59. Le HCR a proposé d'aborder les problèmes qui se posent en Europe occidentale de manière analogue. En ce qui concerne le rapatriement librement consenti de mineurs dont il n'a pas été déterminé s'ils sont des réfugiés, le HCR se bornerait à prêter ses « bons offices », la responsabilité ultime incombant nécessairement aux gouvernements des pays concernés. S'agissant du programme de rapatriement librement consenti des rapatriés namibiens, des mécanismes particuliers ont dû être prévus pour que les mineurs non accompagnés rapatriés puissent, dans la mesure du possible, retrouver la trace de leur famille et la rejoindre.

REINSTALLATION ET PROTECTION DES REFUGIES

60. La réinstallation constitue non seulement la solution durable recommandée pour certains réfugiés, mais aussi une mesure de protection urgente pour assurer la survie d'un individu particulier dans la sécurité et la dignité. Le lien entre la réinstallation et la protection des réfugiés a été reconnu en théorie et en pratique tant par les Etats que par le HCR. Il suffit de rappeler à cet égard la réinstallation urgente dans des pays tiers, pour des raisons de protection, de groupes importants de réfugiés latino-américains pendant les années 70 et au début des années 80. De même, le drame des personnes en quête d'asile sauvées en mer en Asie du Sud-Est a exigé des plans de réinstallation spécialement conçus pour que ces personnes pussent être débarquées et que la communauté maritime fût encouragée à continuer à répondre aux appels d'autres personnes en quête d'asile en détresse en mer. Plusieurs conclusions du Comité exécutif témoignent de l'engagement pris par la communauté internationale d'offrir à ces personnes des possibilités de réinstallation, afin d'assurer leur protection.

61. La nécessité d'une réinstallation urgente, dès lors qu'elle est le seul moyen d'assurer la protection des réfugiés, a un caractère global. On relève, par exemple, dans la Déclaration d'Oslo et le Plan d'action adoptés à la Conférence internationale sur la situation tragique des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées en Afrique australe « qu'il arrive souvent que, pour des raisons de sécurité, les réfugiés ne puissent pas bénéficier ou continuer de bénéficier de l'asile dans le pays où ils l'avaient tout d'abord cherché ou obtenu ». Le Plan d'action reconnaît que, conformément au principe du partage de la charge, un certain nombre de pays d'Afrique australe et d'autres régions du continent africain ont offert des possibilités de réinstallation aux réfugiés sud-africains et namibiens qui se sont trouvés en pareille situation. Les participants à la Conférence ont instamment demandé à tous les membres de la communauté internationale de faire tout leur possible pour accroître le taux d'admission de ces réfugiés.

62. Dans d'autres situations, des réfugiés isolés, menacés d'un refoulement immédiat doivent être réinstallés d'urgence. Il en va de même de ceux qui, comme certaines femmes réfugiées, sont particulièrement vulnérables à la violence et aux sévices. Etant donné la situation dans certains camps de réfugiés fermés, où un séjour prolongé dans un lieu confiné mène à toutes sortes de violations des droits de l'homme, il faut aussi réinstaller tel ou tel réfugié afin de sauvegarder sa sécurité et sa dignité. En ce qui concerne les réfugiés d'Amérique centrale, cette nécessité a été expressément reconnue dans le Plan d'action concerté mentionné plus haut où l'on peut lire que, « dans des cas exceptionnels, quand, pour des motifs de sécurité, certains réfugiés ne peuvent demeurer dans leur pays d'asile, on envisage la possibilité de les réinstaller dans un pays tiers ».

63. Si quelques pays ont traditionnellement fait preuve d'une certaine souplesse dans l'application de leurs programmes de réinstallation pour faire face à des besoins urgents, ou même naissants, en matière de réinstallation, d'autres programmes nationaux ne peuvent être facilement adaptés à cette tâche essentielle de protection. Une assistance supplémentaire a néanmoins été fournie par quelques Etats en réponse à l'appel que le Haut Commissaire a lancé en juillet 1988 afin d'obtenir davantage de possibilités de réinstallation pour les cas à protéger d'urgence. Il en faut toutefois beaucoup plus pour permettre au HCR de répondre à ceux qui ont immédiatement besoin de protection. Conformément à la conclusion adoptée par le Comité exécutif en 1988 sur la solidarité internationale et la protection des réfugiés, selon laquelle les Etats doivent s'employer à soutenir les activités du Haut Commissaire en matière de protection, les Etats sont invités à examiner comment des places de réinstallation pourraient être offertes rapidement pour résoudre le cas des réfugiés isolés à protéger d'urgence.

RAPATRIEMENT LIBREMENT CONSENTI

64. Promouvoir et faciliter le rapatriement librement consenti des réfugiés demeure une des tâches fondamentales du HCR en matière de protection. Pendant l'année écoulée, plus d'un quart de million de réfugiés ont saisi l'occasion de rentrer spontanément dans leur pays d'origine et de se réinstaller dans leurs anciennes communautés. Les principaux mouvements de rapatriement librement consenti ont intéressé quelque 80 000 réfugiés ougandais, 69 000 réfugiés mozambicains, 53 000 réfugiés burundais, 13 000 réfugiés d'Amérique centrale, 7 000 réfugiés éthiopiens, plus de 3 000 Zimbabwéens et un millier de Tchadiens. De plus, le HCR a facilité le retour d'environ 43 000 Tamouls sri-lankais et a signalé le retour de quelque 45 000 Kurdes irakiens après l'amnistie décrétée par le Gouvernement irakien. Le HCR a aussi signalé le retour spontané dans leur pays, au début de 1989, d'environ 50 000 réfugiés afghans.

65. Comme les années précédentes, le HCR s'est employé activement à promouvoir le respect de ses principes directeurs en matière de rapatriement librement consenti. Ces principes fondamentaux ont été repris dans les accords sur le rapatriement librement consenti conclus entre le HCR et les autorités nationales pour faciliter le rapatriement librement consenti de réfugiés kampuchéens et vietnamiens. Les accords bilatéraux conclus entre le HCR et les Gouvernements afghan et pakistanais s'en inspirent aussi étroitement et prévoient un contrôle complet du mouvement de retour. En prévision des futurs retours spontanés, le HCR a sensiblement renforcé ses effectifs sur le terrain afin d'être en mesure d'apprécier le caractère spontané des retours, de contrôler le mouvement de retour lui-même et d'en suivre les conséquences.

66. La planification du programme du HCR concernant le rapatriement librement consenti des Namibiens repose sur les principes directeurs du HCR. Avant le lancement de l'opération, le HCR avait renforcé sa présence dans les pays d'accueil de manière à vérifier le caractère spontané des retours et d'aider au retour proprement dit. En Namibie même, le HCR a établi une présence importante afin d'apporter son appui logistique à l'opération et de veiller à la protection des rapatriés. Pour faciliter un rapatriement librement consenti dans la sécurité et la dignité, le HCR a joué un rôle décisif dans la promulgation d'une amnistie générale en faveur des rapatriés ainsi que dans l'abrogation d'un grand nombre de lois de caractère discriminatoire. Lorsque les premiers rapatriés de leur plein gré sont arrivés à Windhoek, le 12 juin 1989, près de 40 000 candidats au rapatriement avaient été enregistrés par le HCR à l'étranger.

67. En ce qui concerne les réfugiés d'Amérique centrale, les programmes en cours dans les pays concernés ont aussi suivi les principes directeurs du HCR relatifs au rapatriement librement consenti. Les grands principes et critères dont s'inspirent les Etats en matière de rapatriement librement consenti ont en outre été renforcés par l'engagement qu'ont pris les pays concernés dans le Plan d'action concerté mentionné plus haut. C'est ainsi qu'ils ont réaffirmé leur volonté de continuer à respecter le droit des réfugiés au retour et leur droit de recevoir, sur la situation existante, des renseignements leur permettant d'en décider librement. Le caractère volontaire et individuel du rapatriement et la nécessité pour le rapatriement de se faire dans des conditions de sécurité et de dignité ont été aussi réaffirmés. L'engagement a été pris de reconnaître le droit des réfugiés à choisir leur destination dans leur pays d'origine. Le principe en vertu duquel il ne sera pas reproché aux rapatriés d'avoir cherché asile à l'étranger a été confirmé, de même que celui du respect constant des valeurs culturelles et ethniques des rapatriés. Les engagements souscrits portaient aussi sur la possibilité d'accéder aux moyens de subsistance et à la terre dans les mêmes conditions que les nationaux des pays concernés, sur le respect du travail du HCR en faveur des rapatriés et sur la nécessité pour le HCR d'avoir accès aux rapatriés.

68. Toutefois, dans l'ensemble, les programmes de rapatriement librement consenti n'ont pas été exempts de problèmes. Dans certains cas, des pressions ont été exercées sur des réfugiés pour qu'ils retournent dans leur pays. Dans un cas particulier, le formulaire que les réfugiés étaient appelés à remplir pour l'enregistrement aux fins d'une opération de rapatriement librement consenti ne comportait aucune indication précise sur les fins auxquelles il était utilisé et ne contenait aucune déclaration relative au caractère volontaire du retour. Dans d'autres cas, le contraire s'est produit et des pressions ont été exercées sur des candidats au rapatriement librement consenti, par exemple par d'autres réfugiés ou des « groupes d'intérêts », pour qu'ils ne rentrent pas. A plusieurs reprises, le HCR a pu intervenir pour continuer à faire respecter le droit de l'individu à rentrer dans son pays dans des conditions de sécurité et de dignité, en séparant les candidats au retour de ceux qui s'opposaient à ce retour. Cependant, les efforts du Haut Commissariat n'ont pas tous été couronnés de succès.

69. Bien qu'il soit encourageant de constater que plus d'un quart de million de réfugiés ont pu être rapatriés de leur plein gré pendant l'année écoulée, il ne faut pas oublier que, dans le même temps, le nombre de personnes à solliciter une protection et une assistance internationales a été sensiblement plus élevé. Pour que le rapatriement librement consenti puisse influer plus fortement sur la situation générale des réfugiés, il est évident qu'il faudra redoubler d'efforts. Seule l'élimination de la situation ayant provoqué le mouvement initial de réfugiés permettra à davantage d'entre eux de choisir de leur plein gré de rentrer dans leur pays d'origine.

CONCLUSION

70. L'année 1989 a été marquée par plusieurs anniversaires importants, notamment le centième anniversaire du Traité de droit pénal international, signé à Montevideo le 23 janvier 1989 et les vingtièmes anniversaires, respectivement, de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, signée à San José le 22 novembre 1969, et de la Convention de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.

71. Chacun de ces trois instruments a apporté, à sa manière, une contribution importante et durable à la structure juridique internationale de la protection des réfugiés. Le Traité de Montevideo contient la première disposition de droit international relative à l'asile, en vertu de laquelle le droit à l'asile des personnes persécutées pour des délits politiques est inviolable. Le Pacte de San José renforce cette protection dans le contexte latino-américain, en proclamant le droit de toute personne victime de persécution de rechercher et de recevoir asile. Il contient également une disposition importante sur le non-refoulement selon laquelle « en aucun cas l'étranger ne peut être refoulé ou renvoyé dans un autre pays, que ce soit son pays d'origine ou non, lorsque son droit à la vie ou à la liberté individuelle risque de faire l'objet de violation en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de sa condition sociale ou en raison de ses opinions politiques ».

72. La Convention de l'OUA a non seulement fortement contribué à améliorer la situation des réfugiés africains mais a, de façon plus générale, fait franchir une étape importante à la pensée internationale sur la question de savoir qui, dans le monde d'aujourd'hui, doit être considéré comme un réfugié. Elle contient aussi les premières dispositions conventionnelles traitant du rapatriement librement consenti des réfugiés.

73. Ces anniversaires sont une occasion heureuse de mener une réflexion sur les nobles principes proclamés dans ces instruments, et d'autres, pour protéger les droits menacés des individus ainsi que sur les orientations que la communauté internationale doit maintenant suivre si l'on veut garantir une protection continue.

74. L'étude de la question montre que, si des succès ont été remportés, il y a eu manifestement beaucoup de déceptions et de désillusions dans les années qui ont suivi l'élaboration des premiers principes fondamentaux en matière de protection, tels l'asile et le non-refoulement. Peut-être ne pouvait-il en aller autrement : dans un monde où les capacités sont limitées et où les intérêts s'opposent, l'oeuvre accomplie sera toujours en deçà des espoirs. Il demeure toutefois une source d'inquiétude. La réaction internationale à certaines des situations mentionnées dans la présente note laisse entrevoir une tendance nouvelle à réduire l'écart entre ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable en visant moins haut, en refusant simplement de voir la réalité de certaines situations ou en restreignant la portée des droits fondamentaux de l'homme et des principes de la protection. On ne peut que vivement regretter cette évolution.

75. A la veille d'un autre anniversaire historique, le quarantième anniversaire de la création du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, les présentes réflexions devraient permettre de prendre un nouvel élan. Le moment est venu pour tous les membres de la communauté internationale de réaffirmer leur attachement aux principes et aux normes qui témoignent de manière éloquente de décennies de coopération internationale, de se consacrer à nouveau au développement progressif du droit et de continuer inlassablement à viser légèrement au-delà de ce qui est à leur portée immédiate.